Que signifie le krach du 19 octobre

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Que signifie le krach du 19 octobre
Louis GILL
Économiste, retraité de l’UQÀM
(1987)
“Que signifie
le krach du 19 octobre ?”
Aussi disponible en version portuguaise :
“O que significa o CRACK de 19 de outubro ?”
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole,
Professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi
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Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole,
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi à partir de :
Louis Gill, économiste québécois
Professeur retraité de l’UQAM
“Que signifie le krach du 19 octobre ?”
Un article publié dans la revue Tribune ouvrière, no. 189, décembre 1987 - janvier 1988, pp. 16-18. Aussi paru en portugais dans
la revue brésilienne Correspondência, vol. 1, no 2, décembre 1987, p.
9-11.
Louis GILL est économiste et professeur retraité du département de sciences
économiques de l'UQÀM où il a œuvré de 1970 à 2001. Tout au cours de cette
carrière, il a eu une activité syndicale active. Il a publié plusieurs ouvrages, sur la
théorie économique marxiste, l'économie internationale, l’économie du socialisme, le partenariat social et le néolibéralisme, ainsi que de nombreux essais et
articles de revues et de journaux sur des questions économiques, politiques, sociales et syndicales.
[Autorisation formelle accordée par l’auteur le 11 janvier 2005 de diffuser cet
article en accès libre à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]
Courriel : [email protected]
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Édition numérique réalisée le 21 mai 2015 à Chicoutimi, Ville
de Saguenay, Québec.
Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
Un grand merci à l’auteur pour avoir accepté avec enthousiasme de réviser le texte numérique de cet article avant diffusion dans Les Classiques des sciences sociales.
Merci beaucoup.
Jean-Marie.
Jeudi, le 21 mai 2015.
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Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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Louis Gill
[économiste, retraité de l’UQÀM.]
“Que signifie le krach du 19 octobre ?”
Un article publié dans la revue Tribune ouvrière, no. 189, décembre 1987 - janvier 1988, pp. 16-18. Aussi paru en portugais dans
la revue brésilienne Correspondência, vol. 1, no 2, décembre 1987, p.
9-11.
Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
Table des matières
1.
“Que signifie le krach du 19 octobre ?” [version française du
texte]
L'économie américaine : une étonnante vitalité ?
Un écran de fumée
Le choc nécessaire avec la réalité
L'économie réelle, en bonne santé ?
Un aveu d'impuissance
Une énorme destruction de valeurs
Financer le capital à même le travail
Des tensions sociales accrues
2.
“O que significa o CRACK de 19 de outubro ?” [Version portuguaise du texte]
A economia dos EUA : vitalidade ?
Cortina de fumaça
Choque inevitâvel com a realidade
A economia real, saûde boa ?
Prova de impotêneia
Enorme destruiçâo de valores
Financiar o capital corn o trabalho
Tensôes sociais crescentes
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Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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Louis Gill
“Que signifie le krach du 19 octobre ?”
Un article publié dans la revue Tribune ouvrière, no. 189, décembre 1987 - janvier 1988, pp. 16-18. Aussi paru en portugais dans
la revue brésilienne Correspondência, vol. 1, no 2, décembre 1987, p.
9-11.
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Avec une chute de 508 points (23%) de l'indice Dow Jones en une
seule journée, la Bourse de New-York a connu le 19 octobre dernier
sa pire dégringolade de l'histoire, une dégringolade deux fois plus importante que celle du « jeudi noir » du célèbre krach de 1929. Plus de
$500 milliards d'actifs financiers ont volé en fumée en l'espace de
quelque six heures, $1000 milliards au total sur une période de deux
mois à partir du sommet boursier atteint le 25 août. L'effondrement de
la Bourse new-yorkaise, rapidement répercuté sur toutes les Bourses
du monde, a donné une nouvelle impulsion à la chute du dollar américain déjà soumis depuis des mois à de fortes tensions en raison de la
persistance du lourd déficit commercial américain avec le reste du
monde. La chute du dollar a précipité à son tour des retraits de fonds
étrangers investis aux États-Unis, entraînant par le fait même de nouvelles pressions à la baisse sur les marchés boursiers partout dans le
monde et de nouveau sur le billet vert, les deux mouvements s'alimentant réciproquement. Les cours en chute libre du dollar atteignent des
niveaux historiques par rapport au mark allemand et au yen japonais
malgré l'apport de sommes énormes englouties sur les marchés des
devises par les banques centrales pour tenter de contenir le mouvement de baisse. Les accords conclus par le « Groupe des 7 » pour stabiliser le cours des monnaies, notamment les accords du Louvre de
Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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février 87, sont de facto mis en pièce. Les dirigeants politiques reconnaissent leur impuissance à enrayer la dégringolade.
L'économie américaine :
une étonnante vitalité ?
Comment expliquer ce phénomène que les milieux financiers ont
caractérisé comme un véritable « tremblement de terre » (Business
Week, 2 nov. 87, p.44) ? Après la récession du début des années 80,
l'économie américaine a connu une croissance de son PNB que de
nombreux « experts » ont qualifiée d'étonnante. Cette croissance,
amorcée à la fin de 1982 et qu'il faut toujours évaluer, bien entendu,
par rapport à la profondeur du creux précédemment atteint, a été mise
au compte de la « Reaganomie » et de la soi-disant « vitalité » qu'elle
impulsait à partir d'un soutien accru à l'entreprise privée, la déréglementation, la réforme fiscale, la mise en pièces de programmes sociaux gouvernementaux et, il va sans dire, le stimulant indispensable
qu'a apporté la formidable relance des dépenses militaires. L'un des
volets de cette politique de « l'Amérique forte » était le dollar fort,
maintenu artificiellement à des niveaux élevés par une politique de
taux d'intérêt élevés, facteur de l'accroissement écrasant du poids de la
dette extérieure des pays sous développés.
Pour de nombreux « experts », la Reaganomie avait replacé l'économie sur la voie de la croissance, une croissance dont on s'apprêtait à
marquer le 60e mois consécutif en novembre. Pour d'aucuns, l'un des
indices de cette « vitalité » était la hausse régulière des cours des
cours boursiers qui chaque jour brisaient de nouveaux records. Cinq
années de croissance ininterrompue avaient amené l'indice Dow Jones
à un sommet de 2722 en août dernier, reflet d'un triplement des valeurs boursières qui atteignaient alors les $3300 milliards sur la
Bourse de New-York.
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Un écran de fumée
Mais cette hausse boursière n'était qu'un écran de fumée. Le capitalisme est ainsi fait que la sphère financière semble avoir une existence
propre, autonome, en apparence émancipée de tout rapport avec le
monde réel. Il s'y transige des bouts de papier qui, même s'ils représentent au moins en principe des actifs réels, semblent exister comme
de véritables marchandises ayant leur propre marché, leurs propres
mouvements de prix, etc.. Cette autonomie de la sphère financière,
tout en demeurant relative, est une réalité. C'est précisément cette
autonomie qui peut donner lieu à une envolée formidable des cours
boursiers malgré le fait que l'économie est à peu près stagnante. Il va
sans dire qu'un tel milieu est des plus propices à la spéculation, aux
opérations strictement financières comme en particulier les nombreuses et gigantesques fusions ou prises en main d'entreprises des
dernières années, le plus souvent réalisées à partir de sommes d'argent
qui sont elles-mêmes empruntées des banques, dans un mouvement où
l'argent circule en vase clos, dans la seule sphère financière, sans
qu'aucun nouvel investissement productif ne soit réalisé.
Le choc nécessaire avec la réalité
Mais ce mouvement, qui pendant toute une période semble se
nourrir de lui-même, doit tôt ou tard subir le choc de l'économie réelle. Et comme les opérations financières sont de plus en plus intégrées à l'échelle mondiale avec l'interconnexion des places financières, avec le décloisonnement et donc l'interpénétration des diverses
activités, comme elles sont de plus en plus informatisées de manière à
accélérer les transactions et à les faciliter par des moyens programmés, le choc, lorsqu'il se produit, n'en est que plus violent. Ce qui est
destiné à faciliter les opérations financières contribue en sens contraire à précipiter la débandade et à en accroître les effets lorsque
celle-ci survient. Mais d'aucune manière la débandade ne saurait être
expliquée par de simples facteurs psychologiques ou d'hystérie collective. Quelle que soit l'importance de l'effet de panique qui a fini par
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précipiter le mouvement d'effondrement et l'amplifier, les causes profondes demeurent les conditions réelles de l'économie qui ramènent en
quelque sorte brutalement à l'ordre la sphère financière.
L'économie réelle, en bonne santé ?
Reagan, comme les dirigeants politiques des autres pays, a tenté de
rassurer la population après le krach du 19 octobre en expliquant qu'il
s'agissait d'un simple déréglage financier et qu'il n'y avait rien à
craindre parce que l'économie réelle était en santé. Ce n'était là, bien
sûr, que pure démagogie. Plus qu'une simple correction, si sévère soitelle, d'un marché boursier qui s'était indûment envolé, le krach est
l'indice manifeste d'une économie en crise. Si on gratte la surface, on
est bien obligé de le constater. Les soixante mois de « reprise » invoqués comme preuve de ce que les choses iraient bien, voilent les tares
profondes dont souffre l'économie américaine. Les millions d'emplois
créés et la réduction du taux de chômage à 7% [-vs- 11% pour les
pays industrialisés d'Europe] cachent le fait que l'écrasante majorité de
ces emplois ont été créés dans des secteurs non productifs d'une économie qui a vu sa compétitivité se détériorer face aux partenaires européens et japonais, sa balance commerciale et sa balance des comptes
courants devenir de plus en plus déficitaire. Ce déficit a dû être comblé par un apport de capitaux étrangers qui ont également permis de
financer un déficit budgétaire dont la taille a augmenté, notamment
comme conséquence directe de l'énorme relance militaire dont Reagan
s'est fait le champion. De créditeurs nets qu'ils étaient, les États-Unis
sont ainsi devenus le pays dont la dette extérieure, $400 milliards à la
fin de 1987, est la plus élevée du monde [4 fois la dette extérieure du
Brésil]. Au rythme actuel, on prévoit que cette dette atteindra $700
milliards en 1989.
Un aveu d'impuissance
Le portrait est donc bien différent de celui que suggèrent les propos de Reagan. Les données réelles de l'économie américaine sont
celles d'une économie profondément atteinte et cette économie est
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l'économie dominante du monde capitaliste, dont le rôle moteur ne
peut être relayé par aucune autre économie, et cela malgré les appels
répétés adressés par les États-Unis à la RFA et au Japon pour qu'ils
« stimulent » leur économie et « fassent leur part » dans la relance de
l'économie mondiale. Les grands pays industriels avouent leur impuissance à surmonter la crise. Une réunion des gouverneurs des banques
centrales des onze pays les plus industrialisés (É-U, RFA, Japon,
France, G-B, Italie, Canada, Belgique, Pays-Bas, Suède, Suisse) tenue
à Bâle les 7 et 8 novembre n'accouche que d'un communiqué vide de
propositions. Une seule chose réunit l'unanimité : la réduction nécessaire du déficit budgétaire américain désigné comme le bouc émissaire de tous les problèmes. Qu'en est-il ?
Une énorme destruction de valeurs
Les crises de l'économie capitaliste ne sont pas des accidents ni des
faits divers. Elles sont partie intégrante des mécanismes d'accumulation. Elles sont inévitables et jouent un rôle clef dans ce processus.
Elles ont pour fonction de réaliser « l'assainissement » périodique dont
l'économie fondée sur le profit a besoin pour poursuivre son accumulation. Elles réalisent cet assainissement en détruisant des masses de
valeurs, en provoquant un transfert de richesses, en restructurant
l'économie et en fournissant aux capitalistes qui ont réussi à traverser
la crise des conditions de rentabilité renouvelées qui permettent à l'accumulation de se poursuivre.
Dès son éclatement, la crise boursière en cours a commencé à réaliser cette tâche en détruisant des masses d'actifs financiers, plus de
$500 milliards dans la seule journée du 19 octobre. Des milliers
d'individus ont été affectés par ces pertes qui ont touché notamment
fonds mutuels, fonds de retraite. Bien sûr, tous n'ont pas perdu, loin de
là. Les actifs réels qui correspondent à ces actifs financiers, eux, sont
intacts. Et la plupart des grandes sociétés qui les possèdent, celles qui
sont les plus solides et donc les moins menacées, ont pu racheter à la
baisse des masses d'actions dont voulaient se départir les détenteurs
pris de panique devant la débandade des cours, et ont pu bénéficier
largement de la situation ; ces rachats d'actions comptent parmi les
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facteurs qui expliquent les remontées partielles des indices boursiers
dont l'évolution en dents de scie a suivi le choc initial.
Financer le capital à même le travail
Ce transfert de richesses cependant demeure essentiellement une
redistribution entre épargnants, petits et gros, et le rétablissement des
conditions de rentabilité exige bien davantage. Il exige en fait un
transfert d'un autre type, celui qui consiste à puiser dans les poches de
la population salariée pour renflouer le capital. Les capitalistes de tout
pays ne s'y trompent pas d'ailleurs lorsqu'ils désignent à l'unisson la
réduction du déficit budgétaire comme la médecine à administrer pour
sauver le malade. Qu'est-ce que cela implique ? Deux choses.
D'abord l'augmentation des taxes ; mais pas de toutes les taxes. Seront visées essentiellement celles qui touchent la consommation, les
taxes régressives, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), frappant
davantage les récipiendaires de bas revenus, leur imposant une consommation réduite et réalisant à leurs dépens une épargne forcée, canalisée vers l'investissement profitable via les exemptions d'impôt accrues dont bénéficiera l'entreprise privée.
Ensuite une réduction des dépenses, mais pas de toutes les dépenses. Il est à prévoir que les dépenses militaires seront exemptées de
ces réductions qui toucheront essentiellement les dépenses sociales,
qu'une impulsion plus grande encore sera apportée à la vague de privatisation, de vente aux enchères des entreprises publiques et de tarification accrue des services qui demeureront publics, de manière à les
modeler sur les principes de rentabilité du secteur privé.
Des tensions sociales accrues
Ces mesures destinées à accroître la rentabilité du capital entraîneront nécessairement un recul des conditions de vie de la population
travailleuse dont une portion significative, quelque 30 millions selon
les chiffres officiels, vit déjà sous le seuil de la pauvreté dans ce pays
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le plus opulent du monde. Elles sont un facteur inévitable d'aiguisement des tensions sociales.
L'autre « remède », auquel sont contraints les pays capitalistes industrialisés, est la chute du dollar face au mark et au yen. Cette chute
permettra-t-elle de résoudre le problème du déficit commercial américain ? Peu de changements ont été réalisés à cet égard malgré une
forte diminution du cours du dollar au cours des deux dernières années. Et si le dollar devait chuter encore davantage jusqu'à ce que des
effets réels se fassent finalement sentir au niveau du déficit commercial, un double problème surgirait : le risque de résurgence de l'inflation aux États-Unis et la menace d'une baisse des importations américaines en provenance des pays d'Europe et du Japon dont l'activité
économique ne manquerait pas d'être affectée. Le chômage déjà très
élevé en Europe augmenterait encore davantage. Pour les pays sousdéveloppés enfin, une baisse importante du dollar aurait un effet négatif sur les recettes d'exportation notamment des matières premières
dont les prix mondiaux sont définis en dollars, accroissant encore davantage le poids de la dette extérieure.
Le krach du « lundi noir » du 19 octobre n'a rien d'un épisode. Il
n'est que le début d'une situation économique qui, à terme, ne peut
aller qu'en s'aggravant.
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[9]
“O que significa o CRACK
de 19 de outubro ?”
Article publié en portuguais dans la revue brésilienne Correspondência, vol. 1, no 2, décembre 1987, p. 9-11.
Louis Gill *.
Retour à la table des matières
Com uma queda de 508 pontos (23%) do indice Dow Jones em
uma só jornada, a Boisa de Nova Iorque registrou no dia 19 de outubro passado a sua pior queda da história, um tombo duas vezes mais
importante do que o da "quinta-feira negra" do célèbre crack de 1929.
Mais de 500 bilhões de dôlares viraram fumaça no espaço de cerca de
seis horas ; 1 trilháo de dôlares no total, num periodo de dois meses a
contar do pico das cotaçôes na Boisa em 25 de agosto.
O desabamento da boisa novaiorquina, que repercutiu rapidamente
sobre as boisas de todo o mundo, deu um novo impulso à queda do
dôlar americano, que já estava submetido há meses a fortes tensões
por causa da continuidade do pesado déficit comereial americano com
o resto do mundo. A queda do dólar precipitou por sua vez a retraçāo
dos recursos estrangeiros investidos nos Estados Unidos. Por conta
dessas novas pressées, este fato acarretou a baixa nos mercados de
*
Louis Gill é professor de Economia na Universidade de Québec, em Montréal
(Canada) ; doutor em Ciência Econômica pela Universidade de Satanford (Califôrnia), 1973 ; engenheiro elétrico, formado pela Universidade McGill
(Montréal), em 1961 e ex-presidente do Sindicato dos Professores da Universidade de Québec, em 1972-1973. Autor dos livros :
— Economia mundial e imperialismo, Editions Boréal, Montréal, 1983, 400
pâgs.
— A economia capitalista : uma anâlise marxista, Presses Socialistas Internationales, Montréal — tomo 1, 1976, 256 pâgs. Tomo 11, 1979, 400 pâgs.
— Colaborador do jornal Tribune.
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boisa em toda a parte do mundo, e novamente a desvalorizaçào da
moeda verde. Esses dois movimentos alimentavamse reciprocamente.
O curso de queda livre do dôlar atinge recordes histôricos em relaçào ao marco alemâo e ao yen japonês, apesar das énormes quantias
enterradas pelos bancos centrais nos mercados de moeda para tentar
conter o movimento de baixa. Os acordos feitos pelo "Grupo dos 7"
para estabilizar a cotaçâo das moedas, particularmente os acordos do
Louvre, de fevereiro de 87, tornaram-se letra morta de fato. Os dirigentes politicos reconhecem sua incapacidade de conter a derrocada.
A economia dos EUA : vitalidade ?
Como explicar esse fenômeno que os meios financeiros caracterizaram como um verdadeiro "tremor de terra" (Business Week, 2 nov.
87, p. 44) ? Apôs a recessào do inicio dos anos 80, a economia americana registrou um crescimento de seu Produto Interno Bruto (PIB) que
foi qualificado de surpreendente por inûmeros "experts". Este crescimento, iniciado no fim de 1982 — e que evidentemente deve ser relacionado com a profundidade do buraco que se atingiu anteriormente
— foi creditado à "reaganomics" (a politica econômica de Reagan —
Nota da Redaçào) e à suposta "vitalidade" que ela estimulava a partir
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de um apoio crescente à empresa privada, à desorganizaçâo das leis
trabalhistas, à reforma fiscal, à quebra dos programas sociais de governo, para nào falar do indispensâve ! estimulo que levou à formidâvel retomada das despesas militares. Uma das pontas-de-lança
dessa politica da "America forte" era o dôlar forte, mantido artificialmente em niveis elevados por uma politica de altas taxas de juros, fator do crescimento esmagador do peso da divida externa dos paises
subdesenvolvidos.
Para inûmeros "especialistas", a reaganomics havia recolocado a
economia na rota do crescimento — um crescimento para o quai jâ se
preparavam os festejos do 60 ? mes consécutive em novembro. Para
alguns, um dos indicadores desta "vitalidade" [10] era a alta regular
das cotaçôes em boisa, que a cada dia batiam novos recordes. Cinco
anos de crescimento ininterrupto elevaram o indice Dow Jones ao pico
de 2722 pontos em agosto passado, refletindo uma triplicaçào dos valores negociados, que atingiam entâo 3,3 trilhôes de dôlares na Boisa
de Nova lorque.
Cortina de fumaça
Mas esta alta das cotaçôes nào passava de uma cortina de fumaça.
É da prôpria natureza do capitalismo o fato de que a esfera financeira
pareça ter uma existência prôpria, autônoma, aparentemente desligada
de toda relaçào corn o mundo real. Ele se vale de pedaços de papèis
que, mesmo se eles représentant pelo menos em principio, ativos (valores — NdR) reais, parecem existir como verdadeiras mercadorias
que têm seu prôprio mercado, seus prôprios movimentos de preços
etc.. Esta autonomia da esfera financeira, embora sempre relativa, é
uma realidade. É precisamente esta autonomia que pode dar lugar a
uma decolagem formidâvel das cotaçôes em boisa, apesar de que a
economia encontrese em estado de quase estagnaçâo. É claro, portanto, que um meio como este seja dos mais propicios à especulaçào, as
operaçôes estritamente financeiras, como foram em particular as intimeras e gigantescas fusôes ou compra de empresas dos ûltimos anos.
No mais dos casos essas operaçôes foram realizadas a partir de dinheiro emprestado junto aos bancos, num movimento em que o dinheiro
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gira em circuito fechado, isto è, fica restrito apenas à esfera financeira,
sem que nenhum novo investimento produtivo seja realizado.
Choque inevitâvel com a realidade
Mas este movimento, que
durante todo um periodo parece nutrirse de si mesmo, deve
mais cedo ou mais tarde entrar
em choque com a economia
real. E como as operaçôes financeiras estào cada vez mais
integradas em escala mundial,
com a interligaçào das praças
financeiras, com o desbloqueio
e a interpenetraçào das diversas atividades, como estào cada vez mais informaii/adas de
modo a acelerar as Iransaçôcs,
simplificandoas através de
meios programàveis, o choque,
quando ele acontece, sô pode
ser bastante vioienlo. Aquilo
que esta programado para facililar as operaçôes financeiras
conlribui, em sentido contrario,
para precipitar a debandada e
propagar os efeitos do choque.
Mas de maneira alguma a debandada poderia ser explicada
por simples fatores psicologicos ou histeria coletiva. Qualquer que seja a importâneia do
efeito pânico, que terminou por precipitar o movimento de queda e
ampliâlo, as causas profundas continuant sendo as condiçôes reais da
economia, que de certa forma chantant brutalmente à razào a esfera
financeira.
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A economia real, saûde boa ?
Reagan, assim como os dirigeâtes politicos dos outros paises, tentou tranquilizar a populaçào apôs o crack de 19 de outubro explicando
que se tratava de um simples desarranjo financeiro e que nào havia
motivo para temores porque a economia real gozava de boa saûde. O
que nào passava evidentemente de pura demagogia. Mais do que uma
simples correçào, por mais severa que ela seja, de um mercado de
boisa que havia decolado indevidamente, o crack é o claro indicador
de uma economia em crise. Os 60 meses de "retomada econômica",
citados como prova de que as coisas iriam bem, encobrem as profundas distorçôes que afetam a economia americana. Os miIhôes de empregos criados e a reduçào da taxa de desemprego para l"h — contra 1
l°'o nos paises industrializados da Europa — escondem o fato de que a
esmagadora maioria desses empregos foi criada em setores nào produtivos de uma economia que viu sua competitividade deteriorarse em
face das de seus parceiros europeus e japoneses, sua balança comercial e sua balança de contas correntes tornaremse cada vez mais deficitârias. Esse déficit teve de ser coberto por um aporte de capitais estrangeiros, que possibilitaram igualmente financiar um déficit
orçamentârio cujo tamanho foi num crescendo, principalmente como
consequêneia direta do énorme impulso militarista, do quai Reagan se
fez o campeào. De credores, os Estados Unidos passaram a ser o pais
que possui a mais elevada divida externa do mundo ; no final de 1987
ela sera de USS 400 bilhôes — quatro vezes mais do que a divida externa do Brasil. No ritmo atual, prevêse que essa divida atingirâ USS
700 bilhôes em 1989.
Prova de impotêneia
O retrato, portanto, é bem diferente daquele que sugerem os propôsitos de Reagan. Os dados reais da economia americana sào os de
uma economia profundamente doente, e esta é a economia dominante
do mundo capitalista. Isso, apesar dos repetidos apelos feitos pelos
Estados Unidos à Alemanha Ocidental e ao Japâo para que eles "esti-
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mulem" suas economias e "façam sua parte" na retomada da economia
mundial. Os grandes paises industriais confessant sua impotêneia para
superar a crise. Uma reuniào dos présidentes dos bancos centrais dos
onze paises mais industrializados (EUA, RFA, Japâo, França, Inglaterra, Itâlia, Canada, Bélgica, Holanda, Suécia e Suiça) realizada em
Bâle nos dias 7 e 8 de novembro nào conseguiu ir além de um comunicado sem [11] propostas.
Apenas uma coisa reuniu a
unammidade : a necessâria reduçào do déficit orçamentârio
arnericano, eleito como bode
expiatôrio de todos os problemas. Mas o que resta disso ?
Enorme destruiçâo de valores
As crises da economia capitalista nào sào acidentes nom
fatos isolados. Elas sào parte
intégrante dos mecanismos de
acumulaçào. Sào inevitâveis e
jogam um papel chave nesse
proeesso. Elas têm a funçâo de
promover "limpeza.s" periôdicas, das quais a economia baseada no lucro tem necessidade
orgânica para prosseguir sua
acumulaçào. Elas fazem essa
limpeza destruindo valores cm
massa, prouvando Iransfcrcncia
de nque/as, rcesti uturando ; i economia e loinecendo aos capitalislas
que consegunam atiavcssar a crise condiçôes de rentabilidade renovadas, possibilitando um novo ciclo de acumulaçâo. Desde o seu estouro, a crise das boisas ora em desenvolvimento começou a realizar
aquela tarefa destruindo énormes quantidades de ativos financeiros —
mais de 500 bilhôes apenas na jornada de 19 de outubro. Milhares de
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pessoas foram a Cet ad as por essas perdas, que atingiram principalmente os t'undos mùtuos e os fundos de pensào (t'undos que captam
economia de trabalhadores, aposentados e de pequenos e médios investidores em gérai para aplicaçào em boisa — NdR). A maior parte
dos grandes grupos que sào proprietâlios dessus t'undos, aqueles que
sào os mais sôlidos e portanto estâo menos ameaçados, puderam adquirir na baixa énormes quantidades de acôcs cujos portadoies pioctuavam sair fora da boisa, toinados pclo pânico, e puderam beneficiarse, assim, amplamente da situaçào. Essas reaquisiçôes de açôes contam entre os fatores que explicam as altas parciais dos indices da
boisa, cuja evoluçào a contagotas seguiuse ao choque inicial.
Financiar o capital corn o trabalho
Essa transferéncia de riquezas, no entanto, continua sendo essencialmente uma redistribuiçâo entre poupadores, pequenos ou grandes.
Porém, o restabelecimento das condiçôes de rentabilidade exige maiores vantagens. Ele exige, na verdade, uma transferéncia de outro tipo ;
a saber : a expropriaçào de renda da populaçâo assalariada para
desencalhar o capital. Os capitalistas de todos os paises nào se enganam, por isso, quando recomendam num sô coro a reduçào do déficit
orçamentârio como o remédio para salvar o doentt »0 que isso implica ? Duas coisas.
Primeiro o aumento dos impostos, mas nào de todos os impostos.
Estarâo colocados na mira essencialmente aqueles que dizem respeito
ao consumo, os impostos regressivos, como o TVA (imposto sobre
circulaçâo de mercadorias — NdR), atingindo ainda mais os trabalhadores de baixa renda, aos quais é imposta uma reduçào no consumo,
promovendo uma poupança forçada, a despeito de sua vontade, que é
canalizada para o investimento lucrativo através do aumento de
isençôes de impostos para as empresas privadas.
Depois vem uma reduçào de gastos, mas nào de todos os gastos. E
previsivel que os gastos militares estarâo isentos dessas reduçôes que
atingirâo essencialmente as despesas sociais. Também é previsivel
que sera dado um impulso ainda maior à onda de privatizaçôes, de
venda em leilào das empresas pûblicas, além do aumento das tarifas
Louis Gill, “Que signifie le krach du 19 octobre ?” (1987)
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dos serviços que continuam pùblicos, de modo a modelàlos de acordo
com os principios de rentabilidade do setor privado.
Tensôes sociais crescentes
Essas medidas destinadas a aumentar a rentabilidade do capital
[…/…]
mente um recuo das condiçôes de vida da populaçâo trabalhadora.
Uma parcela significativa delà — 30 milhôes de pessoas segundo as
cifras oficiais — jâ vive abaixo da linha de pobreza no pais mais rico
do mundo. Elas constituem um fator inevitâvel de agudizaçâo das tensôes sociais.
O outro "remédio", com o quai estào confrontados os paises capitalistas industrializados, é a queda do dôlar em relaçào ao marco e ao
yen. Essa queda permitirâ resolver o problema do déficit comercial
arnericano ? Poucas mudanças foram realizadas a este respeito apesar
de uma forte diminuiçào das cotaçôes do dôlar ao longo dos dois ùltimos anos. E se o dôlar devesse cair ainda mais, até produzir resultados
reais para reduçào do déficit comercial, apareceria um duplo problema : o risco do reaparecimento da inflaçào nos Estados Unidos e a
ameaça de uma queda das importaçôes americanas proveniente dos
paises da Europa e do Japâo, cujas economias nào escapariam de ser
atingidas. O desemprego jâ bastante alto na Europa aumentaria ainda
mais. Para os paises subdesenvolvidos, por fim, uma queda importante
do dôlar refletiria negativamente sobre suas receitas de exportaçào,
principalmente no caso de matérias-primas cujos preços mundiais sào
estabelecidos em dôlares, tornando ainda mais pesado o peso da divida externa.
O crack da "segunda-feira negra" de 19 de outubro nada tem de um
episôdio isolado. Ele é apenas o inicio de uma situaçào econômica
que, a termo, sô poderia se agravar.
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