Ethno_Lefebvre_1987_350b pdf - Ministère de la Culture et de
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RITUELS : REPAS D'ENTREPRISE ET FETES SYNDICALES DANS LE MILIEU DU TRANSPORT PAR ROUTE VOLUME II AVRIL 87 VOLUME IV de L'étude des routiers dans La région Lyonnaise. Recherche effectuée pour La Mission du Patrimoine EthnoLogique (Ministère de La CuLture) et financée par La Mission du Patrimoine EthnoLogique et La C.F.D.T./F.G.T.E. Rhône ALpes. Bruno LEFEBVRE Ethnologie urbaine & industrielle 18. quai Jayr 69009 LYON 'S» 78 83 78 04 :.rono LEFEBVRE Ethnologie urbaine & industrielle • '.rit Jayr 69009 LYON -• - 78 83 78 04 TABLE DES MATIERES I - INTRODUCTION 3 1. A La recherche des.rituels 3 2. Rappels sur la méthode et la démarche 8 II - LES RELATIONS DANS L'ENTREPRISE ET LES COMPORTEMENTS ECONOMIQUES 11 1. L'image publique des entreprises de transport 12. 2. Loueurs, affréteurs et gestion des stocks 15 a) Le groupe R. 15 b) Le groupe S. 17 c) Les transports M. 19 d) Les transports N. 21 e) Conclusion 23 3. Droits d'expression des salariés et cercles de qualité et de progrès 25 III - RITUELS ET SOCIABILITES LOCALES 33 1. La Lance ou la désaffection des rituels 33 2. L'entretien des véhicules à Verly 46 a) Les équipes de chauffeurs 46 b) La ritualisation des comportements professionnels 56 c) Le réseau des artisans locaux - 1 - 60 3. Les transporteurs de Morly 63 4. Les transporteurs de Bergère 69 IV - QUELQUES MOUVANCES SYNDICALES 75 1. La position ordinaire d'un syndicaliste 77 2. Le bal de Noël de La F.N.C.R. 84 3. Les arguments d'un syndicat indépendant 87 4. L'affaire Borille 101 5. L'affaire Otra 114 V - CONCLUSION : ET L'ALIENATION ? 133 ANNEXES 143 - 2 - f • 21* ? » -¡ í 1¿ t< ^'<S l'î= -lí'iii r •A- • "*^l * W*,a' $giv ? ^ V CxfMS i "CDUUSQH' ««»I : ^5 r •<£.• ^'#//>*& kii'^-Jítiíi I - INTRODUCTION INTRODUCTION 1. A LA RECHERCHE DES RITUELS Ce quatrième volume de notre étude sur les routiers doit être comme les autres, considéré comme un recueil de notes d'enquêtes. Les rythmes d'acquisition de données étant différents selon les espaces investis, certains paragraphes ou sous-chapitres feront référence à des écrits antérieurs afin d'éviter les redites. Je m'excuse auprès du lecteur des difficultés que cela entraîne. Une réécriture de l'ensemble apparaît nécessaire. L'étude fin 83 et 84/85 portait sur la question des identités. Nous y avions entrevu la complexité et l'hétérogénéité du milieu professionnel, la diversité des travaux effectués par les conducteurs de poids-lourd. Des modes de sociabilité particuliers en situation de route semblent répondre à des déplacements spécifiques inscrits dans l'espace et Le temps, dans des aires de travail et des fréquences, ainsi qu'à des origines et des trajectoirès~soc i à Ces" désorma i s b i erTTdent i f i ées. — hors ont Si l'on résume—les rassemblements et rencontres entre chauffeurs des lieu bâtiments au bord des des producteurs, routes, dans chargeurs, les clients relais et ou transporteurs, les parkings. Ces arrêts sont à la fois imposés juridiquement aux conducteurs, et importants symboliquement, car les chauffeurs travaillent seuls. Ces moments stratégiques ont donc plusieurs fonctions : - une fonction d'information "technique" à propos de la mécanique, de l'état de la route, des attitudes des chargeurs ; - une fonction "structurale" dans le sens où les groupes de même appartenance négocient et hiérarchisent leurs statuts professionnels dans une assemblée ; - une fonction "politique" car quels que soient les groupes et l'argumentation, Les hiérarchies restent identiques, sanctionnées par l'assemblée. L'interdit qui consiste à ne mentionner explicitement ni sa famille ni ses rémunérations permet néanmoins à chacun de jouer l'opacité ou la transparence de ses actes face au contrôle des pairs ; -3- et conjuration enfin, des une risques fonction physiques climatiques, mais aussi "culturelle" et dont financiers dûs l'expression aux aléas est la mécaniques, aux aléas des contrôles des administrations ou des exigences ou refus des chargeurs. Face à la marge de liberté, "l'autonomie" du métier qui consiste surtout dans la manière dont on rattrape perdu suite aux aléas -on peut soit se passer de manger, soit Le temps rouler très vite- s'expriment des fables, des récits de transgressions qui peuvent illusionner. L'étude sur les rituels avait pour but de saisir à la fois comment les valeurs qui sous-tendent Les comportements professionnels se diffu- sent, et d'un point de vue diachronique, par quel syncrétisme elles ont été produites. Nous opposons donc les conduites stéréotypées ev emotionelles, non imposées par la nécessité, des moments stratégiques, conduites ritualisées selon qui une définition biologique aux rituels de définition anthropologique se déroulent dans un lieu précis et de manière régulière, où une nette séparation entre acteurs et spectateurs est établie, où les séquences d'actes sont prévues et connues. Mais trouver de tels rituels dans le monde du transport par route n'est-il pas une simple vue d'esprit? Toute un but technique d'entreprise réunion de ou festif par exemple est chauffeurs suppose par le transporteur, qu'elle ait leur participation. En outre, le repas strictement interdit à toute personne qui n'y travaille pas, ami, frère ou cousin ; seuls les épouses et les enfants sont tolérés. Alors qu'il est possible pour l'ethnologue de participer à des manifestations conviviales organisées par les chauffeurs eux-mêmes à l'extérieur de l'entreprise, être présent au repas d'entreprise est interdit par le patron et les salariés n'en voient guère l'utilité même s'ils comprennent très précisément l'objectif de la demande. Sur le plan du terrain, cette démarche s'est soldée par un échec. Nos hypothèses premières du repas d'entreprise comme outil efficace de gestion du personnel se rattachent d'entreprise", cheval de bataille à une problématique de "culture actuel du patronat : ce concept confère en effet une caution symbolique à des mesures disciplinaires pures et simples. La "culture d'entreprise" n'est pas, selon une définition prosaïque "générée par les hommes, mais le résultat d'un processus d'ajustement par le patronat ou les directions de l'organisation du travail en fonction des salariés et de leurs dispositons ou blocages affectifs. - kr- des compétences Or La stabilité du personnel par rituel peuvent avoir de l'influence n'est laquelle absolument les répétitions d'un plus un impératif pour l'entreprise, exceptées celles qui sont très dépendantes économiquement d'autres transporteurs et de petits producteurs artisans, ou encore celles qui tiennent absolument à maîtriser un fret à forte plus-value, dit "fret à risques" (armes, lingerie, spiritueux, produits pharmaceutiques, HiFi...). Dans ce deuxième cas des formes "plus modernes" que le repas d'entreprise qui établit un consensus entre les acteurs à propos d'une activité, d'un type de travail censés ne pas évoluer, sont mis en place afin de contrôler le personnel. La gestion du personnel, c'est à dire, les critères les manières de transmettre d'embauché, les ordres et de sanctionner, d'établir ou non des moyens de communication entre différentes catégories de personnel, d'organiser les services sociaux, de contrôler les comités d'entreprise existent, semblent bien plus importants pour comprendre comment lorsqu'ils les conduc- teurs acquièrent des normes de comportement au travail. Les fêtes syndicales sont également un sujet d'ambiguïté. Tout d'abord, la fête n'est pas l'objectif d'un syndicat et l'on pourrait s'attendre à ce que cette manifestation consacre ou prétende, comme partis politiques, à une forte implantation seul syndicat de routiers qui se : ce n'est revendique les fêtes des le cas d'aucun. Un "traditionnaliste" (au moins par les écrits de sa direction parisienne) en organise régulièrement en RhôneAlpes. Nous avons cherché, à travers une histoire du syndicalisme routier, quelles étaient ont été les grèves les sources d'inspiration ou des revendications, quelles les révoltes, considérant que le syndicat pouvait être une institution, (une caisse de résonnance), qui amplifie certains événements, en censure d'autres, et construit une mémoire de référence pour les travai H e u r s . Dès les premières lignes du premier volume, nous avions mentionné que la profession n'avait pas de mémoire mais uniquement des souvenirs individuels. Cette absence peut s'expliquer entre les chauffeurs par le très grand décalage qui existe sympathisants, dans une entreprise, à un moment donné et la logique du permanent, la plupart du temps en désaccord avec son bureau central et qui fait exister, par son engagement, la totalité d'un -S- syndicat régional, c'est à dire, quelques militants. La mémoire est détenue par quelques personnes seulement et une pratique (bizarre tradition) (!), finalement répandue, consis te à ce que le nouveau permanent détruise les archives de son prédécesseur. En bref, nous ne savons rien de la C.G.T/Route disparue en RhôneAlpes il y a quelques années, rien de F.O. et de la C.F.D.T. avant 1971, et beaucoup par contre sur la F.N.C.R. à partir de 1936 ainsi que sur un syndicat oublié, le S.N.I.R. (*) créé en 1952 et supprimé en 1974.(1) Ces absences, ces dissolutions, ces bris, sont-ils spécifiques aux syndicats de conducteurs qui ne seraient pas^(?) inscrits dans l'histoire? Si L'on cherche une spécificité, rares sont les salariés qui manifestent, font grève et prennent des risques juridiques sur ordre et payés par leur patron, comme saisir les en février 1984. Nous glissons donc dans valeurs professionnelles qui génèrent la perspective de certaines conceptions du monde du travail, de l'économie, du rôle de l'état, de la notion de fête à celle de manifestation syndicale, point de repère de diverses sensibilités bien éloignées souvent des étiquettes politiques que l'on attribue à chaque syndicat. L'entreprise, les manifestations et expressions patronales ont été étudiées dès le premier volume à la lumière des événements de février 1984. La parole publique du patronat, son sens de l'honneur prétendu (nonspécifique aux seuls patrons du transport routier), sont exprimés lors de rituels tels que les Journées du Transport départementales, les Foires, les Championnats de meilleurs conducteurs, les courses de rallye^font apparaître des valeurs communes entre l'employeur et l'employé, mais communes également avec les spectateurs, tous soit motards, soit automobilistes. Ces rituels, les seuls ou i l y ait acteurs et spectateurs, . des un déroulement prévisible séquences, sont adressés aux "sédentaires". Quels usages en font les routiers, sinon d'affirmer leur différence, d'être "de la partie" ? Ces rituels répondant à une définition classique, ouvrent les pistes d'une anthropologie qui viserait à cerner le processus d'élaboration des valeurs qui donnent (*) : Syndicat National des Indépendants Routiers (1) : Je remercie MM. NIERFLEX, MASCÓLO, PECHIN, DE SAULIEU, syndicalistes. -€- sens à L'usage du moteur à explosion : on se trouve obligatoirement confronté à l'histoire sociale du XXème siècle, avec ses révolutions techniques, ses bouleversement politiques, ses fonctionnements économiques incontrôlés (1). Nous ne reprendrons tions, d'expositions, la puissance de pas rituels dans cet écrit adressés .aux la description sédentaires, qui économique et politique des transporteurs et dont d'anima- démontrent la fonction explicite est de faire pression sur les pouvoirs publics tant au niveau local, où le groupement professionnel routier Rhône-Alpes compte 500 adhérents pour 950 entreprises Loire et recensées, soit l'Ardèche, qu'au 20 000 salariés niveau national, par dans le Rhône, l'Ain, la le biais de la F.N.T.R.. Reportons-nous à la conclusion. Les stratégies locales des transporteurs ne visent pas seulement le domaine économique et politique mais aussi celui d'une main-d'oeuvre qu'il faut attirer et par laquelle il faut se faire reconnaître si l'on veut installer son pouvoir dans la durée. En ce sens, les manières de regrouper les chauffeurs entre eux, de négocier avec eux la valeur de leur travail peuvent se prolonger à l'extérieur de l'entreprise de façon diffuse, par ce qu'il est convenu d'appeler la sociabilité locale. Les rituels d'entreprise généreraient donc dans certaines conditions des systèmes de relations inscrits dans l'espace de résidence. Toutefois, il convient de préciser que les comportements économiques, dont la brève description- a pu paraître fastidieuse dans le volume II (2) déterminent les conditions de ritualisation. Nous débuterons donc cet écrit avec le souci de poser quelques bornes face à la tentation de généraliser une analyse qui tendrait à définir le rituel d'entreprise comme le seul processus d'injonction symbolique de valeurs professionnelles. Dans certains cas, comme celui des loueurs, l'organisation des services de transport est telle que le regroupement de salariés ne se justifie pas. Dans le soin à le cas des holdings, les commissionnaires leurs affrétés leurs hommes. Des activités de régler eux-mêmes considérées annexes (1) : VOL. III des routiers ou 1er des rituels. (2) : VOL II : les entreprises, p 30 à 42. - *? - la discipline pour laissent au travail de le transporteur, mais qui cependant deviennent de plus en plus importante, comme La gestion des stocks, dans Le chiffre d'affaire, rendent Les ritueLs obsolètes, tout comme La construction droit d'une d'expression cuLture des d'entreprise salariés est "à confondus La japonaise" avec Les où cercLes Le de récent quaLité ou de progrès. La deuxième partie rend compte d'une série de monographies LocaLes appréhendées de manière ordinaire en ethnoLogie. QueLles stratégies d'intégration ils Locale ou professionnelle, lorsque Les transporteurs ou quelles qui ont dans ruses La les chauffeurs commune d'autres emploientactivités ou responsabilités que celle d'employeur, affirment une volonté de signifier leurs pouvoirs ? Les conditions de ritualisation sont-elles dépendantes de l'histoire de ces communes à Laquelle les transporteurs participent Enfin, nous chercherons au travers de mouvances Í syndicales, de grèves, de révoltes, de Leurs publicités et interprétations partisanes, des révélateurs de la volonté de construire une identité collective, de se rattacher à une tradition ouvrière, ou bien de mettre en scène un culte des héros et des pionniers. Ces histoires des conceptions du métier sont à relier bien sûr aux "bribes d'une histoire technique et politique" (1) que nous n'évoquerons pas ici par souci d'éviter la répétition. 2. RAPPELS SUR LA METHODE ET LA DEMARCHE Nos méthodes d'investigation n'ont pas fondamentalement changé par rapport à ce que nous avions expliqué dans le volume II. Nous investissons toujours Les quatre espaces que sont Le domicile, l'entreprise, la cabine du camion, Les relais et parkings, de La même manière, soit par réseaux de connaissances en nous faisant recommander, soit de manière impromptue. Mais depuis fin 1983, la manière dont l'ethnologue est identifié a changé. Dans une quinzaine de relais de L'agglomération que nous continuons à fréquenter afin de vérifier la régularité des comportements, nous sommes devenu un quasi-habitué. Le tutoiement et la poignée de nain sont de rigueur avec Le patron, ce dernier sachant que nous habitons la région, vaguement chauffeur, vaguement autre chose : (tel qu'on me salue, je deviens un "gone"). (1) : Vol. III - p. 54 à 83. -8- Connaître de plus en plus de chauffeurs ne présente plus aucune difficulté : certains nous invite chez eux afin de nous présenter à des collègues ou nous emmènent à leurs domiciles ; mais plus rares sont ceux qui nous introduisent dans leur entreprise. Avec d'autres, qui n'habitent pas l'agglomération, nous entretenons des correspondances épistolaires ou téléphoniques, et c'est ainsi que nous avons pu être invité à des bals et championnats où nous avons été présenté en qualité d'ami, et "pris en charge financièrement". Les responsables départementaux de la F.N.T.R.,de des PROMOTRANS, observent d'exposition par à notre l'intermédiaire égard de une neutralité l'éco-musée l'U.N.O.S.T.R.A. polie. Nos Nord-Dauphiné et projets de films ont changé notre image dans un sens négatif. Par bruits retours, indicateurs de rumeurs, nous savons être considéré par des responsables de l'A.F.T. qui ne nous ont jamais rencontré, comme un "grand costaud avec des cheveux longs, en blouson de cuir", c'est à dire un espèce de voyou (seule la première qualification est approximativement exacte). Les responsables départementaux de la F.N.C.R. nous ont interpelé en déclarant que "les éco-musées, c'est tous des communistes". Ils nous tolèrent cependant lors de leurs réunions sachant que nous entretenons des relations civiles avec leurs permanents parisiens, mais à chaque rencontre, ils nous demandent d'expliciter nos contacts avec la C.F.D.T.. Seules d'ex-permanents les relations de syndicats interpersonnelles permettent avec de comprendre des permanents ou la dynamique de leur mouvements et d'avoir accès aux archives. Dans quelques cas, la correspondance entre syndicalistes, lors de conflits, est tellement précise et compromettante pour d'autres syndicalistes ou hommes politiques que l'analyse que l'on peut publier doit rester à un niveau très général. Les rencontres avec les transporteurs sont aisées par l'intermé- diaires de leurs représentants syndicauxYlors des foires mais ils sont très réticents pour nous permettre de rencontrer librement leurs ouvriers. Certains nous identifient comme "un psychologue d'entreprise" lorsqu'eux-mêmes rationnalisent manière nous leur gestion du personnel. Il est possible de prendre contact de satisfaisante connaissons pour l'ethnographe le transporteur depuis avec plusieurs Dans tous les autres cas de monographies qui rencontres ont indépendante de été permises celle du par un parent du transport, également été utile pour aborder les conducteurs. les chauffeurs années figurent que (cas de M. C ) . dans ce volume, les transporteur, de "enfant lorsque profession du pays", ce qui a Les monographies ration où nous avions Locales de communes depuis quelques années périphériques contacts à L'agglomé- et observations ont d'abord été appréhendées avec La construction des shémas de parenté des élus au conseil municipal, parmi Lesquels on trouve (forcément producteurs de marchandises ou de services, donc !) La plupart des les transporteurs ; ainsi que les responsables des associations culturelles et sportives. Cela ne veut pas dire, si quement l'on reprend notre projet initial, d'appréhender La ville par ces rapports d'échange anthropologi- et de trafic, que nous faisons de ces communes des métropoles en miniature, bien que l'on puisse évidemment trouver parmi les grandes parentés lyonnaises hommes politiques, industriels, constructeurs de véhicules (BERLIET/MERIEUX) alliés entre eux, plus des transporteurs, présidents des clubs sportifs prestigieux de la région. Si est cependant dernières l'on n'assimile commune, c'est années (deux pas ces objets d'investigation, une démarche celle du recours à l'histoire de ces cinquante générations seulement ! ) , Locale dans certains cas mais rapidement nationale ou européenne dans d'autres. Nous avons cependant élaboré en quatre ans, par des relations inter-personnelles, un réseau d'informations où salariés, artisans, entrepreneurs, fonctionnaires nous font saisir de diverses administrations, permanents la dynamique de divers processus, comme de syndicats Les conflits, Les fraudes réprimées, Les révoltes, les négociations. La diversité de nos interlocuteurs n'aboutit pas pour autant à la dissolution d'une identité d'ethnologue (en admettant que cette identité nous soit reconnue par quelques "instances"), ni ne glisse vers un militantisme syndical (je ne suis pas chauffeur), ou encore vers des recherches finalisées et rémunérées en vue d'une meilleure "productivité" dans l'entreprise. En est même temps rendue possible par espaces sociaux auxquels que la constitution de la durée. une analyse de participe chaque ce réseau d'information^ l'articulation des divers conducteur. Nous avions expliqué d«. quelles conditions d'observation directe et de recueil de matériaux découlait l'investigation de tel ou tel espace abordé au préalable pour chaque chauf- feur. La maîtrise de chaque première rencontre induit une suite pertinente ou non de l'enquête et la poursuite vers d'autres espaces. Les observations directes, participantes ou non^ des systèmes de relation au bord des voies routières, des entreprises, des lieux de résidence, permettent de comprendre l'articulation (par ségrégation, chevauchement - 10- ou intégration) des prises de rôles de L'acteur dans sa trajectoire sociale (1). Mais l'on saisit aussi la dialectique entre la logique de l'acteur et les systèmes de normes locales. Le recours à la diachronie se justifie également pour comprendre les processus de production des différents rapports sociaux à l'entreprise ou dans l'espace de résidence. Les rapports sociaux au bord des routes font référence à la genèse de notre culture ordinaire. L'étude des diachronie puisqu'on salariés vis mouvements peut à vis non penser syndicaux fait également qu'ils ont généré seulement de leur travail référence à la certaines attitudes des et de leurs employeurs, mais également de leur manière d'habiter. Nos premières observations directes en situation de travail ont pu être taxées de "phénoménologique"/ tant le rapport à l'outil participent de route et les pratiques et de la culture ordinaire du moteur à explo- sion. Les observations dans le cadre d'une entreprise permettent plus facilement un regard distancié. En effet, les rapports hiérarchiques s'y expriment avec plus d'évidence et ils ne correspondent pas au système de catégorisation pratique,-au cliché que seraient des "rapports d'exploitation et de domination // // économique" ou des rapports d'une grande famille. Des processus se dégradent la de et s'adaptent sociabilité ritualisation à l'extérieur industrielle devient une dans l'enceinte de de celle-ci, ou si sociabilité l'entreprise l'en préfère, urbaine. Inversement, les convenances locales des espaces d'habitation, Z.U.P., lotissements pavillonnaires (que nous avions étudiés il y a quelques années), ou quartiers anciens populaires modèlent les manières de signifier son appartenance. La pertinence d'utiliser les observations indirectes que sont interviews et histoires de vie salariales ou patronales ne sont pas de les restranscrire brutalement sont utilisées dans les processus globaux de notre société. Elles pour comprendre la stratégie et les attitudes objectivement "adaptées", conformes à ce qui est possible, d'un individu parmi ces différents espaces. Quant aux mouvements syndicaux, nous aurions aimé en rester aux faits, mais considérant qu'ils "parlent d'eux-mêmes" uniquement aux partisans de telles ou analyse telles opinions, nous extrêmement délicate. On sommes comprendra confrontés à la nécessité d'une donc que nous nous interdisons la mise à jour d'une symbolique homogénéiste, tant les attitudes collectives ont pu être et sontdiverses.d'un folklore nostalgique ou d'une réalité fictive. (1) : "S'engager, se reconvertir ou s'installer dans le métier : constitution des trajectoires sociales, rapport au salariat et recherche d'autonomie B.L. - Ctre de recherches interdisciplinaires de Vaucresson - juin 1986. - 11 - I - LES RELATIONS DANS L'ENTREPRISE ET LES COMPORTEMENTS ECONOMIQUES I - RELATIONSDANS L'ENTREPRISE ET COMPORTEMENTS ECONOMIQUES 1, L'IMAGE PUBLIQUE DES ENTREPRISES DE TRANSPORT Lors du salon des transports, à EUREXPO, dans La périphérie de LYON, début 1986, La plupart des grands groupes de transport européens ainsi que les entreprises cette manifestation dustriels, de importantes est avant commerciaux de la tout région sont présents. L'objectif commercial. Le public est composé de moyennes entreprises de transport qui de d'in- recher- chent des contrats d'affrètements, de petits producteurs... Les stands, aux couleurs des groupes, couleurs que l'on retrouve sur les semi-remorques qu'ils affrètent, sont très soignés. Les cadres qui animent les stands sont jeunes, en chemise blanche, cravate et blouson de cuir noir. Les démonstrations informatiques, aux principes calqués sur l'organisation du 505ème régiment du train de la 5ème région militaire, visent à maîtriser fret en cours la logistique, la quantité et la position du de déplacement. Elles sont effectuées par de jeunes femmes vêtues de mini-jupes de cuir et de bas résilles. Les secrétaires de direction, plus âgées, portent robe ou tailleur classique agrémenté de fins col- liers d'or en sautoir. Le stand S.N.C.F. et T.G.V. est désert. En cette ambiance très silencieuse, où les tractations se font en public mais à voix feutrée autour de tables basses sur lesquelles trônent des bouteilles de whisky que l'on utilise peu... Seul dénote le stand du service de la Navigation, (Office National de La Navigation) où les cadres,vêtus de pull-over et pantalon de velours côtelé sont très bruyants, autour d'un tonneau de Beaujolais, selon la "tradition" lyonnaise. L'objectif de ces expositions matériel, mais dans le fait, parmi recherchent un affrètement ou les serait la vente de service ou de le public, rares sont producteurs qui les artisans qui proposent du fret. Les sommes importantes dépensées pour louer un stand équipé et décoré (une seule société ayant le monopole) servent en fait à rencontrer les clients fidèles et pour les agents commerciaux de différents groupes, à discuter entre eux. Les grands groupes internationaux, commissionnaires de transport offrent d'étudier, d'organiser, de contrôler et de coordonner toute opération terrestre, aérienne ou maritime ; se chargent - 1X- également de la couverture du fret par Les assurances et des formalités des douanes. Ces groupes orchestrent requises par également L'administration Le conditionnement, L'embal- lage/ le stockage, le convoyage, le ramassage, Le groupage des marchandises. Certains de ces groupes, connus comme "français" étaient à l'origine des services de transport pour compte propre de constructeurs de véhicules comme PEUGEOT ou RENAULT. D'autres groupes européens sont spécialisés dans Le transport de marchandises spécifiques sans offrir Les mêmes services de stockage. En Rhône Alpes, selon nos estimations, 50 % des chauffeurs qui conduisent des véhicules à leurs couleurs seraient des travailleurs Le maires rité et recours à ce type de main-d'oeuvre est expliqué par l'imprévisibilité contrats d'achat sociétés messageries la production offrent des des auto- |_es restreints : les cartes de France de Leurs dépliants publicitaires sont co- lorées fonction de services leurs délais de livraison. La régularité bilité de leurs enlèvement gionaux) seraient de de l'irrégula- mobiles. en grandes des intéri- et distribution (effectués par et plus la fia- les livreurs ré- Leurs atouts principaux. Des lignards, employés dans d'au- tres sociétés assurent la jonction entre centres de distribution, mais les colis peuvent également transiter par Le train ou l'avion. Enfin, de puissantes sociétés (issues du compte propre ou du compte d'autrui ont pris Leur essort en 1946. Equipées de 5 véhicules ; elles en acquièrent 100 en 1950 et en possèdent 500 en 1985. Ces entreprises familiales considèrent leur fondateur comme un pionnier. D'une envergure internationale, elles assurent tous les types de transports, y compris nels. Elles font valoir Les transports exception- La stabilité de leur personnel formé à la conduite, La mécanique, La gestion, le commerce par les services de l'entreprise. Les syndicats des loueurs de véhicules (qui peuvent être également constructeurs), représentant près de 7000 entreprises en France, organisent un débat entrecoupé de films à caractère humoristique. Très dynamiques, ils en appellent à "l'agressivité des commerciaux" ;."L'écoute du client" ; la "subjectivité" ; "l'imagination" nécessaires à La compétitivité Ils affirment qui est ne pas l*objet-> concurrencer le transport Les pour compte Loueurs élargissent ^cl'une viol iolente polémique avec Le publicTN - 13 - économique. d'autrui : ce Leurs services à d'autres domaines que celui du seul véhiculage. Leurs clients sont soit de petites sociétés/ jeunes, en mutation et donc, sans grandes garanties financières, soit des entreprises en difficulté. Dans ce cas, les loueurs offrent de racheter le parc la déchargeant ainsi et les transports pour compte propre de d'une infrastructure délicate l'entreprise, à gérer et de sa main- d'oeuvre "transport" dont les contrats de travail sont renégociés. "La flexibilité avouent prendre assurent le parfois risque a fait de évoluer devenir le stockage et la les esprits" disent-ils, et ils "concurrents gestion du client", puisqu'ils administrative des chargeurs. Le chauffeur est donc prétendu plus qualifié que le chauffeur salarié d'une entreprise de transport pour compte d'autrui. Polyvalent, il assurerait la conduite, la manutention, les relations avec la clientèle et les tâches administratives ; ce qui permet une "personnalisation" de la prestation, en contradiction avec la transparence des tarifications. On peut douter de cette différence de qualification entre chauffeurs. Les tâches à effectuer observations, les compte propre raient pLus loueur ou trajectoires vers des frequentes que qu'ils sont de sensiblement chauffeurs les mêmes, et d'après effectuant du transport nos pour loueurs ou encore pour compte d'autrui, sembleL'inverse, Que démissionnent pour leur travailler société chez un les "vende" à un transporteur, ils considèrent le transport pour compte propre comme un apprentissage. - 14 - 2. LOUEURS, AFFRETEURS ET GESTION DES STOCKS a ) LE GROUPE R. Le groupe GALERIES avec des R. qui • déjà' en 1905 ravitaillait camionnettes, loue toutes sans chauffeur. Il prend également en charge les NOUVELLES sortes de véhicules, avec ou l'entretien, la vignette, les taxes, les dépannages des véhicules des clients. Il gère les plans de trésorerie et propose des crédits industriels. Le groupe possède 5000 véhicules en France et se subdivise en différentes sociétés, qui, outre le transport industriel, assurent la gestion des transports urbains de grandes villes françaises, des voyages touristiques internationaux. Son agence, située dans la grande zone industrielle du sud de LYON, semble minuscule. 4 comptables de moins de 30 ans ; 3 agents - 15 - commerciaux se partagent Les bureaux vitrés ; 9 mécaniciens assurent L'entre- tien des 300 véhicuLes dont eLLe a La charge dans La région. Le responsabLe de L'agence, un ancien miLitaire, organise des réunions d'information par catégories professioneLLes deux fois par an. Les retrouvent chauffeurs qui travaiLLent auprès de cLients différents se ensembLe à L'agence seLon cette fréquence. Les pannes mécaniques, Les accidents, Les voLs, ainsi que Les vidanges ou Les révisions de mote ur Leur permettent de rencontrer Les mécaniciens une fois par trimestre environ. Cette agence de f i Li a Les en hoLding forme son personneL par promotion interne à stages des grâce de aux services de L'A.F.T.. Les conduite, de commerce, apprennent d'accident, et une fois par an, suivent chauffeurs à rédiger une formation se rendent des constats spécifique seLon Le type de marchandise q u ' U s transportent. ALors passage de que Les mécaniciens La situation à administratif est de chauffeur peuvent devenir à mécanicien rare. "Les chauffeurs "administratifs", Le ou encore, de chauffeur se reconvertissent difficiLement. ILs sont indépendants". ILs seraient reLativement stabLes professionneLLement, seLon Le responsabLe de L'agence, et sont recLassés Lorsque Le cLient fait faiLLite. Comme Les Se» travaiLLeurs intérimaires, Leurs tâches quotidiennes Les conduisent àVsentir davantage proches au niveau reLationneL du personneL du cLient pLutôt que de ceLui de L'empLoyeur. A teL point "adaptés" aux services proposés, iLs ne se pLaignent qu'exceptionneLLement dent ceLui-ci Lors de Litiges avec L'empLoyeur. - 16 - du cLient,' et défen- b ) L E GROUPE S. Le P.D.G. du holding S. est issu d'une parenté du Nord de La France qui débute dans Le transport en 1804, tout d'abord en acheminant Lettres et journaux ; puis en 1817 en développant Le transit de marchandises entre L'Angleterre et La France. En 1868, La société s'oriente vers des activités internationales par la prise de contrôle de sociétés régionales et L'ouverture de bureaux et de filiales en Europe et dans les pays d'Outre-Mer. En 1962, la société anonyme se développe aux U.S.A. et à Hong- Kong. En 1979, le réseau national est restructuré. En 1985, 15 sociétés de transport par route sont acquises. Elles conservent leur "identité régionale". Ce premier groupe français "entièrement" privé de transport ploie quelques 9000 personnes en France dont 4000 s'occupent internationales. IL couvre em- des relations le territoire national avec 110 points d'implan- tation ; l'Europe avec 200 ; L'Afrique, L'Amérique et L'Asie avec 75 filiales, délégations commerciales ou partenaires associés. Le holding utilise tous les modes de transport, et comme d'autres, organise Les commandes, approvisionnements, L'étiquetage, le stockage, le montage, La la gestion transformation. des Le stocks, les conditionnement des marchandises. Il a des participations dans des sociétés de charbonnage, de pétrole et d'immobilier. Il ne cotise pas à la caisse de retraite des chauffeurs qu'il emploie. L'agence internationale de la zone industrielle sud emploie 30 personnes : 4 cadres administratifs ; 5 chargés de relation avec Les douanes ; 3 chefs d'exploitation ; 12 jeunes secrétaires bilingues ou trilingues, et seulement 6 chauffeurs et manutentionnaires. En effet, 0W) - fier exposition les transports en direction au* FîliaA«.s S.rt.C.f. - 17 - de l'Italie et la Suisse sont assurés par des tractionnaires ; ceux pour Le Portugal passent par une entreprise affrétée ; ceux pour L'Allemagne utilisent des caisses mobilfiS échangées à la frontière. Seule une ligne régulière vers la Grande Bretagne est assurée par deux chauffeurs salariés de L'agence. Le garage et Les 15 attelages annexés à l'agence appartiennent à une société indépendante et servent à faire transiter les semi-remorques entre les différentes sociétés dans la zone industrielle. Lorsque des chauffeurs pénètrent dans ce pool vitré où L'on parle toutes les langues d'Europe, ils semblent très impressionnés. Ils se tien- nent droits, pieds joints et emploient un langage châtié. Les affrétés et tractionnaires réguliers "sont presque de la famille". Ceux-là, au nombre de 5 ou 6 dans la région, ont des semi-remorques aux couleurs du groupe, et l'agence prend en charge Les ennuis mécaniques. Les cadres, Lors de leurs tractations avec les affrétés irrégu- liers refusent absolument de baisser les prix. Le ton est sec, sans réplique. Le bénéfice de L'agence est de 20 % sur chaque voyage. Les cadres sont particulièrement attentifs au respect de la réglementation sur les charges et les temps de conduite. Pour un grand transitaire, "on ne peut pas se permettre de prendre des risques : on est astreint à respecter La chauffeurs Législation". Pour étrangers qui L'Angleterre qui pénètrent contrôle très sévèrement sur son territoire,'les deux les chauffeurs de L'agence roulent "en double" ; ce qui suppose que Les marchandises envoyées soient très onéreuses, à forte plus value. Les "pots" que chauffeurs Les secrétaires et personnel organisent des quais ne participent pas aux entre elles, lors des anniversaires, par exemple... (1) : Transporteurs et chauffeurs considèrent que la sévère répression aux infractions est une mesure protectionniste. Les histoires de garde à vue suite à une surcharge à L'essieu sont nombreuses parmi les chauffeurs : "Ils L'ont mis à poil devant tout le monde et ils l'ont enfermé dans une cage avec les drogués ! IL a fallu qu'il ait 45 ans et qu'il aille en Angleterre pour se retrouver en tôle !". - 18 - LES TRANSPORTS M. Le groupe auquel appartiennent Les transports étiquette et distribue des produits alimentai res pour M. gère, stocke, les grandes surfaces. L'ensemble du territoire national est couvert au moyen de 7 entrepôts régionaux. Les transports M. distribuent la région Rhône Alpes ainsi que le Cantal, la Creuse, le Cher, la Nièvre, la Côte d'or et le Doubs. L'évolution du marché alimentaire est récente. Vers 1972, les grandes surfaces et les supermarchés s'approvisionnent directement sistes chez le : ce qui conduit fournisseur et ainsi à la création de dépôts court-circuitent les gros- régionaux. Les transports routiers sont considérés par ces entrepreneurs comme "peu développés" à l'époque. En gèrent 1974, avec la marge de 20 dépôts régionaux la première leurs coûts sont réduits "crise" économique, de production à 7. Les les industriels avec plus de rigueur et les transports M. se crééent et se développent à ce moment, et l'immense entrepôt sur plusieurs étages est installé dans la zone industrielle d'une petite commune à l'est de l'agglomé- ration lyonnaise. Hormis la maîtrise, parmi gasiniers, 16 les 46 salariés, sont employés 14 ma- préparateurs, 5 manutentionnaires, 2 employés administratifs et 6 gestionnaires du stock. Le ravitaillement des supermarchés CARREFOUR, MAMMOUTH, EUROMARCHE, LECLERC, STOCK, e t c . . de toute assuré par une dizaine d'artisans RECORD, AUCHAN, la région élargie est ; soit, 25 véhicules de gros et moyens tonnages. L'absence de chauffeur salarié - 19 - se comprend aisément. En effet, Les périodes d'inflation sont des moments favorables pour spéculer sur le stock d'alimentation et donc, la régularité de la distribution des marchandises sera différente. En 1986, avec la nouvelle politique du gouvernement, et ce d'une nouvelle inflation, Monsieur M. réorganise entièrement et les délais de livraison des artisans âgés de 30 à 45 ans et sont qu'il l'amor- la fréquence affrète. Les artisans sont choisis selon des critères de régularité dans le travail, de présentation également puisqu'ils contribuent, avec les magasiniers, à l'image de marque de l'entreprise auprès des clients. Lorsque des ciles, lorsque contestations ont lieu à propos de tournées diffi- les chauffeurs, loués en modèle 13, jouent sur la souplesse de leur temps de travail pour effectuer des voyages à leur compte ou ne tiennent plus leurs engagements ; lorsque la spéculation sur les stocks suppose de supprimer des lignes et de créer de nouvelles tournées, Monsieur M. aide les salariés des artisans à se mettre à leur compte; Ils achètent des véhicules et Monsieur M. finance les traiies de leurs assurances. Les marchandises et les palettes sont filmés dans les entrepôts, les fourgons cadenassés : aussi, y a t'il très peu de litiges, de ponctions ou de bris. L'ensemble pour Monsieur des M. se réunit chauffeurs une qui travaillent fois en septembre de manière lors des exclusive réorganisations du travail, et une fois en mai, au cours d'un repas. Les chauffeurs remplaçants pendant les vacances d'été sont choisis parmi ressés. - 20 - les familles des inté- LES TRANSPORTS N. Monsieur N. avait fondé en 1971 un groupement intercommunal de transports. IL était, parmi d'autres, un petit transporteur régional en Isère lorsqu'il se fait racheter par un groupe d'entreposage de produits alimentaires surgelés en 1981. De même type que celui auquel appartient Monsieur M.. Le marché des surgelés est en pleine expansion en France. La consommation de 2 kg par personne et par an en 1981 passe à 7 kg en 1986/ contre 16 kg dans les pays Scandinaves et 23 kg aux U.S.A.. L'entreprise en 1981 ; elle croît rapidement. en emploie aujourd'hui Six chauffeurs 27 ainsi déservent l'Ain que 15 manutentionnaires, 2 mécanicien';, 10 administrateurs. • Le jeune fils de Monsieur N. est chef d'exploitation. Les clients des moyennes surfaces et des grossistes sont répartis dans l'ensemble du sud est du territoire national. Les frigos de .19 tonnes sont parfois utilisés pour transporter des vaccins et autres produits bactériologiques. L'entreprise une nouvelle familiale vient tout récemment de s'établir dans zone industrielle du sud de Lyon. Les bâtiments sont neufs et des électriciens s'affairent encore dans le grand entrepôt réfrigéré à -30°c. Un local de repos est prévu pour les chauffeurs car les départs et les arrivées ont lieu toute la nuit. Les conducteurs ne se retrouvent presque jamais ensemble sauf à l'occasion d'une partie de campagne, en juillet, où le personnel se retrouve dans la commune d'origine de l'entreprise. Pourtant, seuls Messieurs N. père et fils y habitent. Les vols chez les clients et les constats d'alcoolisme pas rares ; les chauffeurs restent donc peu de temps chez Monsieur N. (le turn-over est de 28 '/.). O " ) - 21 - £*.) : WrtovG*. - ^ c ne sont d«. y*V r? fc ^ ^ + A L> a u nJ^ Des chargés de chauffeur isérois recruter roule en sont embauchés de préférence. Les Les prétendants. Pendant compagnie d'un "ancien" quelques afin de chauffeurs sont semaines, Le nouveau repérer et connaître la direction a du mal clients et tournées. Il n'y à trouver un a pas de délégué du comité d'entreprise personnel volontaire. et Devant ces refus. Monsieur N. fils a créé une association du personnel financée par la vente de sons des distributeurs afin de "resserrer automatiques et les la troupe". L'expansion cartons récupérés "trop rapide" suppose, en effet, organiser entièrement les relations de l'entreprise. - 22 - d'emballage bois- CONCLUSION Les comportements sociaux de production, et dans Les entreprises qui auxiliaire et économiques ceci influent donc de manière probablement ne vendent sur Les plus rapports importante pas des services. Que L'employeur loueur (cas de R.) ou auxiliaire et transporteur que soit (cas de S . ) , Les chauffeurs sont exclus à la fois des Locaux et des possibilités de promotion interne. Stables dans au niveau relationnel leur emploi, les chauffeurs des Loueurs s'associent avec le client et s'interdisent toute stratégie dans l'entreprise. Les commissionnaires nombre sont minimum très de chauffeurs exigeant sur Le de grande affectés respect de envergure à des tâches • n'emploient très La réglementation qu'un spécialisées, et de Leurs affrétés réguliers, ceux de la "famille". En ce qui concerne le transport ordinaire, le contrôle du travail est beaucoup moindre. La plate-forme Lyonnaise de S. sous-traite par exemple presque l'ensemble du fret venu d'Europe du nord en direction du sud-ouest de La France, de L'Espagne et du Portugal à des transporteurs espagnols connus pour le nombre très élevé d'heures de conduite qu'ils effectuent. Lorsque opportunités "flexibilité" de du Les transporteurs spéculation transport leur est gèrent interdisent ainsi poussée des stocks L'embauche à son (cas de maximum. de M . ) , les roulants Les : la artisans "locatiers" (Loués en modèle 13, Location exclusive) doivent trouver d'autres clients en prévision d'une rupture de contrat et se situe ainsi en infrac- tion par rapport à Leur employeur et à la juridiction du commerce. L'affré- teur constitue des parentés d'artisans puisqu'il choisit ses "collaborateurs" au sein des mêmes familles, en les aidant à se mettre à leur compte, et cesparentés font office de réservoir dans lequel il est possible de puiser si d'aventure le trafic s'intensifiait. - 23 - Le repas annuel/ où sont présents ces parentés et non uniquement Les affrétés du moment. Lie Les hommes potentielle en commun. Selon selon cette optique, La perspective d'une activité le cas de N. est même activité que M., l'entreprise était auparavant ge. Le déplacement des bâtiments et hybride. De localisée dans un villa- les nouvelles embauches se soldent par des infractions accrues de la part des chauffeurs et l'inefficacité du sentiment collectif L'entreprise lors des envisage festivités donc champêtres de mettre dans la commune en place des mesures de d'origine. contrôle du fret rigoureuses ainsi que d'affréter de plus en plus d'artisans. Dans quelle mesure l'on préfère un turn-over yeurj ? Le véhiculage de exactement la stabilité des personnels roulant?, ou si réduit, peut-il être une préoccupation des emplolots industriels ou de stocks alimentaires suppose le contraire. D'autre part, les bas salaires compte tenu du tra- vail demandé ne favorisent pas non plus le projet d'intégration dans l'entreprise pour personnel le est chauffeur. associée Dans l'argumentation à une qualité requiert un marché de messagerie convoité et négociable, client, le chauffeur et ainsi de que patronale, la stabilité du de service. Cette qualité de service luxe, de "fret des "contacts à risques", facilement personnalisés" le transporteur. On s'aperçoit entre le que de telles entre- prises ont des fondateurs encore vivants et qu'elles ont su rester indépendantes de groupes plus importants. De telles activités supposent-elles néanmoins des rituels d'entreprise ? - 24 - 3. DROITS D'EXPRESSION DES SALARIES ET CERCLES DE QUALITE ET DE PROGRES LES TRANSPORTS 0. La société est née en 1925 dans Le "triangle des CHOUANS" qu'affectionne le président national de la F.N.T.R. et elle prend son essort en 1950 avec la prise en main des quatre frères. Le groupe messagerie, de de vêtements lots "familial" est divisé industriels, de en 7 sociétés transport de transport international, de de transport sur cintres, de stockage. Il emploie 630 salariés répartis en 38 agences en France. Le personnel est stable, ce qui est souvent la fierté des entre- prises familiales. Le "turn-over", (nombre de contrats conclus + nombre de contrats résiliés divisé par la moitié de l'effectif moyen), est d'environ 9 % alors que le taux moyen de la profession est de 20 %. L'agence de Lyon, dans la zone industrielle Est, emploie 65 sa- lariés dont 22 livreurs. L'originalité de l'entreprise est d'avoir mis en place, en 1982, au même moment salariés, des L'entreprise aussi que les "cercles lois dites "AUROUX" de de se situer socialen progrès". Ils le droit s'inscrivent à l'avant-garde responsabilisant sur sur L'ensemble du d'expression "dans la volonté des de Le plan professionnel, mais personnel". Les animateurs de ces cercles sont des cadres, volontaires, de La société, formés au cours de stages. Ces générer s'appuie une sur cercles "élite". La une de progrès ne participation richesse humaine et sont pas permanents de tous des est outils afin de ne pas demandée. "L'entreprise performants : autonomie, confiance de La direction, large délégation, formation interne, modification des relations hiérarchiques à tous niveaux... avec comme résultat une QUALITE toujours plus pointue du service à La clientèle". - 25 - Lors de La mise en place de :es cercles et de la chartes retenue/ signée par F.N.C.R./ et la direction, les syndicats représentés/ C.G.C./ C.G.T./ le comité central d'entreprise, certains cadres ne se seraient pas adaptés. Cette chartes mentionne : . organisation des meilleures conditions de vie matérielle et morale pour les salariés ; . impératif de rentabilité ; . décentralisation des initiatives et des responsabilités ; . le respect des personnes... Des bulletins trimestriels "TOP NIVEAU" restituent aux salariés les résultats des cercles de progrès et de qualité qui ont eu lieu dans la société. Parfois/ les clients y sont invités. Le bulletin commence toujours par le mot du président et invariablement il y est.écrit que la participation du personnel aux cercles contribue à maintenir, malgré un environnement diff ici le, un excellent moral et un haut niveau de qualité dans le travail des hommes de l'entreprise... Un suivi "sérieux et permanent" permettrait de résultats obtenus. Les retombées pour les salariés en seraient maintenir les : "une ouver- ture d'esprit"/ "des méthodes rationnelles et logiques", "de meilleurs conditions de travail", "l'expression chacun". Ce qui assure de l'imagination le "développement et et de l'intelligence la prospérité de de l'entreprise" J "fini les YAKA !, YZONKA !". Les bulletins sont envoyés à chacun, en même temps que la fiche de paie. En dernière page figurent le nom des participants, celui de l'animateur, la date ainsi que l'objet des réunions. Dans tous les cas, l'objectif cles portant sur "LITIGE H.", semble avoir été atteint. Les cer- "PALETTISATION - 26 - CORRESPONDANT", "ENLEVEMENTS LOUPES", "ORGANISATION DU TRAVAIL ADMINISTRATIF D'EXPLOITATION", "ORGANISATION CONGES", "PORTS DES CONTAINERS", "PALETTES CONVERTIBLES", "PERTE DES DIA- BLES"... , "RECHERCHE D'UNE MUSIQUE 0.", "REDUCTION DES FRAIS DE TELEPHONE", "ENTRETIEN DU MATERIEL D'EXPLOITATION", "INFORMATISATION DU SERVICE AFFRETE- MENT".... sont parfois détaillés à l'intérieur des pages de la revue lorsqu' une solution ces solutions pertinente semble détaillées avoir s'adressent été trouvée. Mais l'on aux chauffeurs manutentionnaires, et remarque que jamais aux commerciaux ou informaticiens... Dans d'affrètement tribuent les locaux de l'agence de LYON, sont abrités les services longue distance d'une autre société du groupe. Les Lignes dis- douze grandes à des artisans villes françaises. Les lots incomplets sont confiés affrétés. La moyenne d'âge est de 32 ans et une clause de mobilité figure dans le contrat de travail. Le directeur de l'agence est un homme qui inspire le respect. Très soigné, il a débuté sa carrière comme agent commercial dans une filiale routière S.N.C.F. puis a passé 10 années "sabbatiques" à gérer un restaurant de luxe dans la banlieue ouest de Lyon. "Alors, moi, je me marre quand on me parle d'horaire". En trois ans, il a réorganisé entièrement l'agence. Les deux équipes des quais, celles de l'agence qui effectue les lignes, les commerciaux régionaux, les employés du bureau d'exploitation auraient appris à décloisonner leurs relations et les services ont été "réinterprétés". "On est tous les clients les uns des autres". Les cercles ont lieu, selon tion, dans un souci de non-directivité. - 27 - l'animateur, cadre dans l'exploita- Lors de La mise en place de ces cercles/ un chauffeur, délégué C.G.T. a démissionné. Il ne reste plus aujourd'hui que deux personnes syndiquées : "c'est fictif !". Les élus au comité d'entreprise sont des "leaders", des "entraîneurs", des "gens à forte personnalité" qui suscitent parfois la réunion d'un cercle. Avant la exploitants avaient sur tel ou tel création des l'habitude cercles de convoquer problème. Maintenant, g "patron-capital" a disparue. "Il n'y de progrès, les commerciaux les délégués pour l'image du syndicaliste a plus de mauvaise et les consulter à propos du représentation du personnel. On dit bonjour à des gens plutôt qu'à des fonctions"... Cette politique de communication a des effets sur les livreurs même si ceux-ci sont étrangers aux cercles de progrès. Les résultats de l'exploitation communiqués, le coût des litiges ^d'envi ron 20 000 F par mois) les conduisent indirectement à accepter une limitation de vitesse à 80 km/H:_ce,cyj'. permet" Latent«, o c fe.ftl»icr une. ecor\orrM «- aux environ de 10 000 F par animes Livreurs signent maintenant un carnet de bord lors du plombage et déplombage des fourgons, manipulent de manière correcte leur propre "image de marque", manutentionnent chronotachygraphe, soignent les colis avec soin et surveillent les ponctions des manutentionnaires des clients. Ils ne sont jamais à l'initiative d'un cercle de progrès. - 28 - leur Le chef d'exploitation qui mène eh qualité d'animateur le cercle de progrès est également présent à chaque réunion d'expression des salariés. "C'est des règlements de compte personnels, ils marquent sur un tableau qui pense quoi de qui... des conneries comme ça !". Les deux adhérents d'un syndicat n'y participent jamais. Bientôt, après salariés, réunions confondues avec orale, ils ont c'est par cinq ou six "branches" réunions de droit professionnelles, d'expression ces dernières les cercles de progrès, début 1986. "C'est été découragés que valorisant, ils sont de venir cités dans alors les des seront de l'expression cercles de progrès, le canard de l'entreprise. C'est les plus réfractaires qui nous ont fait la meilleure pub." De personnel ces ayant initiatives, on peut demandé le contrôle des remarquer que certains délégués du actes des cadres, ne participent plus aux cercles : "Il faut pas tomber dans l'abus. Il faut relire la charte ensemble." Les livreurs ont été responsabilisés par les résultats des cer- cles de progrès des sédentaires. Ils doivent noter de refus fascicules de réception, ils doivent présentant chauffeurs. Son "Cette répression l'entreprise... pouvoir est à la demande Le accru. Des les réserves, les formes remettre aux clients des chef de quai note maintenant contrôles mensuels sont est bien perçue par le personnel". Quelques les organisés. licenciements suite à des détournements de colis ont eu lieu "en accord avec les représentants du personnel". Une fois, un vol d'arme a nécessité un contact avec la gendarmerie, rarement avertie lors des autres détournements de marchandise. Lors des "pertes" de diables sur les quais ; "pertes" évaluées à environ 50 000 F, l'agence ne remplace pas le matériel : "ils n'ont qu'à travailler avec les mains... ou apporter une solution par eux-mêmes !". - 29 - La une nouvelle réorganisation répartition de l'agence, a depuis trois ans, consisté en spatiale du travail sur les quais et la mise en fiche informatique de tous les colis. Un côté du quai est affecté aux transbordements des livreurs et à l'opposé sont garées les semi-remorques des lignards. Une chaîne circulaire tire les chariots chargés de l'une à l'autre. Aucun colis n'est élevé, par souci de sécurité. Les "gens du froid", lignards et livreurs "sont deux de l'agence, de relation et gens les autres d'une société coopérative du groupe, n'ont jamais entre eux. Les heurts à propos du contenu des chargements sont réglés par partagent races différentes" ; par ailleurs, salariés les uns le chef de quai une- commune des qui en détermine opposition bureaux, auxquels informatique, bientôt aux il optique "gens rendent l'ordre. Livreurs du oour (*) chaud", ou chaque et lignards réceptionnistes colis une étiquette ainsi qu'un bordereau d'en- lèvement ou de réception manuel remis par le client. Lors des départs de l' agence, par laquelle transite 1000 tonnes de marchandise par jour, les lignards en bout de chaîne doivent expliquer aux réceptionnistes la raison des manques : colis partiels, absents, détériorés ou absence de place dans la semi. Derrière les bureaux techniciens qui effectuent vitrés des réceptionnistes une double comptabilité se trouvent les : "théorique et réelle". Les bordereaux manuels sont conservés car ils peuvent être envoyés par télé-: copie aux clients en cas de litige. Malgré cette organisation lieu, mais les auteurs sont facilement dans "le fret à risques" : vins rigoureuse, des ponctions ont encore localisés par la société, spécialisée fins, produits pharmaceutiques, lingerie, armes,... et les coups de rasoir sur les cartons deviennent rares. La productivité des roulants est connue de manière très précise par rapport à celle des manutentionnaires. Les agents commerciaux sont chargés de prospecter sur les lignes de distribution seulement afin d'économiser les trajets. Les livreurs sont payés "à la feuille", c'est à dire au nombre (*) où figurent : n° du récépissé, agence expéditrice, date de remise de la marchandise, destinataire, n° de tél. agence expéditrice, ligne de chargement au départ, n° colis dans l'expédition, agence de livraison, nombre de colis dans l'expédition, n° tournée de livraison. - 30 - d'enlèvements et de Livraisons. Au-dessus d'un fixe correspondant à un nombre établi/ils salaire ont s'ils de salaire une prime de n'atteignent "au mérite"/ rentabilité, mais pas ce nombre le fixe doit également (40 par être des retenues jour). Selon supérieur ce au S.M.I.C. sur système pour que les retenues ne donnent pas un salaire inférieur à celui-ci de façon chronique. Les manutentionnaires jour où je ne sont pas encore rémunérés de les paie au mérite, y'en a la moitié qui sont trop habitués à ce que les collègues fassent s'en la sorte : "Le vont, pasqu'ils le travail à leur place" dit le directeur. L'agence ayant gagné le challenge de la meilleure productivité dans le groupe, une prime de 1000 F a été allouée à chacun en fin d'année. Le salaire les livreurs et "au mérite", système de les routiers, travesti rémunération classique pour en fixe plus primes, se généralise avec prudence dans les entreprises de la région car il rencontre l'opposition des cadres (1). Seuls la C.F.T.C. et F.O. ont signé des accords. Mais et le droit la fusion d'expression "à des la japonaise" entre salariés doit le contenu du droit à l'expression retenir les cercles de qualité l'attention. En effet, directe et collective vis<2-dans le trans- port : - accueil des nouveaux embauchés, hygiène et sécurité, prévention des accidents du travail, moyens et outils de travail, répartition de la charge de travail et horaires de travail, méthodes et organisation du travail : . répartition des tâches . définition des responsabilités de chacun . problèmes relatifs à la communication verticale (hiérarchique) et horizontale (inter-services), - moyens et méthodes d'amélioration des conditions de travail. (2) Ce droit recouvre dans les faits les objectifs des cercles de qualité. Les organisations syndicales C.G.T., C.F.D.T. sont à priori favorables à ce droit et parlent de "l'imposer" dans les entreprises sans que les prérogatives qui en découlent soient le fait des responsables hiérarchiques et qu'il (1) : B. LEFEBVRE, Routiers... op. cit. - Vol III :"Les enjeux de la communication", p. 32 (2) : Tract C.F.D.T./F.G.T.E. sur "Le droit d'expression". - 31 - ne distingue pas Les statuts professionnels'et ne marginalise pas les travailleurs intérimaires. A l'agence, les syndicalistes (chauffeurs et manutentionnaires) démissionnaires ont été pour stratégie personnelle remplacés par des employés la participation dans et cadres ayant l'entreprise. Les ouvriers sont donc exclus de ces cercles de qualité et droit d'expression à adhésion volontaire. Alors qu'il promotion y avait, de manière traditionnelle, possibilité de interne par la participation à un syndicat des stages de formation, cette promotion sont à agents l'initiative commerciaux des et est permettant réservée désormais à ceux qui cercles de qualité... Les employés techniciens promoteurs de négocier de réunions administratifs, dans les années 1985/86 ont été depuis lors mutés à des .postes plus importants dans d'autres agences du groupe. - 32 - III - RITUELS ET SOCIABILITES LOCALES Ill - RITUELS ET SOCIABILITES LOCALES 1. LA LANCE ou La désaffection des rituels Rares sont Les coopératives de transporteurs. Des deux pLus importantes dans Le sud est de La France, LA LANCE est née en 1960 sous L'impuLsion d'un petit entrepreneur installé en 1947 dans la vallée du Rhône qui transportait des fruits et légumes en direction de Lyon. La version officielle de la création de la coopérative par ses fondateurs est l'apparition l'évolution des chaînes des de marchés de fruits supermarchés. Face et aux légumes en 1956 avec nouveaux horaires des clients, trois hypothèses de croissance étaient envisageables : Premièrement, faire entrer des capitaux extérieures pour financer la croissance de L'entreprise ; Deuxièmement, développer la sous-traitance et devenir commissionnaire de transport ; Troisièmement, fonder une coopérative entre transporteurs afin de réunir les capacités des services... C'est "de par la troisième hypothèse ses origines". La version la faillite, le fondateur aurait Leur compte, comme qui est retenue par des chauffeurs est différente incité ses dix conducteurs on l'observait fa*v<\tS Le fondateur, : frisant à se mettre à fréquemment dans La région •* *anc»ann«* m o d e " jusqu'à il y a 10 ans. Depuis,\*£~~ entreprises en faiUiteVse contentent de financer les stages de capacité au transport cadres de La' coopérative la-loi" puisque des chauffeurs avant de les Licencier. Les soulignent qu'à le Ministère l'époque des Transports ne l'entreprise reconnaît les était "horscoopératives de transport routier qu'à partir de 1963. La coopérative croît rapidement : en 1961 elle emploie 70 personnes, en 1976, 440 ; en 1980, 530 ; en 1986, 560. - 33 - Dans orientent les années soixante. Les magasins à succursaLes multiples La coopérative vers un axe MARSEILLE/PARIS/ REIMS Longues distan- ces au détriment des marchés Locaux. Vers 1965, Les acheteurs se dépLacent vers L'Aquitaine du fait de La concurrence de La production espagnoLe. Aussi, assiste-t-on à une réduction de La durée d'expLoitation mes de 5 mois à 2 mois dans Lots industrieLs compLets L'année et L'orientation que rend possibLe La des fruits et Léguvers Le transport de mobiLisation du parc des coopératetirs. De nouveLLes Lignes sont créées en direction de Li LLe et Nancy ainsi que Le "système" RoLL On/RoLL Off vers L'Afrique du Nord (cf définition voL. II). En de gérer 1979, La coopérative assure L'entreposage des stocks afin Les impératifs d'arrivage et de distribution de La cLientèLe. Cela L'amène à gérer La stratégie des•industrieLs en regroupant Les grandes surfaces n'ont est motivée par Leurs achats car pas de stock en réserve. Cette absence de stock Les industrieLs par Le refus d'investir dans des entrepôts et La possibiLité d'éviter que des grèves bLoquent La vente. A cette période se crééent des entreprises de transport qui, comme ceLLe de Monsieur N. centralisent Les commandes des différentes chaînes de supermarchés. La Livraison doit être rapide, ce qui Laisse moins d'amplitude au La quasi service route et aux chauffeurs. Les conséquences sont, d'une part, suppression, ou du moins La diminution notabLe des grossistes, et d'autre part, Le développement de La messagerie. La coopérative 480 semi-remorques. Chaque primeurs en fraction 1985, 177 tracteurs, 40 porteurs de parc Longue distance, en provenance de France, regroupé de lots possède puis envoyé industriels est attribuée au transport l'Italie, de l'Espagne et de et de la au Nord et à l'Est du territoire ; au transport ; à La distribution régionale.; à L'import-export avec les pays du Maghreb. Un ensemble de transporteurs sont affrétés échange de fret pour les retours. - 34 - au départ de l'agence-mère en Enfin, La coopérative Loue de manière excLusive des atteLages à un groupe d'industries agro-aLimentaires ainsi qu'à AIR FRANCE. A L'agence mère sont instaLLé.s toutes Les directions, Les ser- vices administratifs, Le service dispatching et L'entrepôt principal. La coopérative est égaLement une centraLe de vente et d'achat pour ses adhérents. L'agence-mère, très dont Le propriétaire n'a étendue, encercLe une expLoitation agricoLe jamais vouLu vendre son terrain. A côté, Le fiLs du fondateur gère une agence de véhicuLes industrieLs qui fournit.L'ensembLe de La coopérative et assure Les entretiens. Les 4/5ème des saLariés, dont 100 empLoyés de bureau/ 180 chauffeurs, résident dans Le département. Les 47 coopératives qui ont 4 ou 5 chauffeurs chacune sont gérées 75 par manutentionnaires des travaiLLent coopérateurs considérés à L'agence-mère comme cadres ou et agents de maîtrise, même si beaucoup font office de chauffeurs. ILs éLisent Le P.D.G. et queLquesuns d'entre eux font partie du comité de surveiLLance du conseiL d'administration. L'accroissement a queLques et années. "Le Les nouveaux pLus considérée nombre choix coopérateurs ancien. L'intégration rare, maLgré du poLitique trop coopérateurs est directe d'un ceLLe-ci raLenti saLariéS d'un transporteur a s'est de faire grossir sont des chauffeurs Les demandes, et comme de déjà Lieu. Lorsa^La importante. Le transporteur Les petits", coopérateur étabLi est sous-traitance amène aLors iL y pLus est sa cLientèLe propre et garde sa spéciaLisation. Le service dispatching essaie de répartir Le fret, donc Les chiffres d'affaire, entre différents coopérateurs. Tous Les chauffeurs sont payés sur une base identique. Le saLaire est indexé sur Le nombre de kiLomètres parcourus : "c'est ce qui se rapproche - 35 - Le plus du temps de travail". Afin de respecter feurs en zone plus une gagnent la législation, les chauf- longue ont un fixe mensuel minimum de 7000 F pour 8800 kms, prime au kilomètre. Parcourant environ 11 500 kms par mois, ils 9600 F, plus une prime de non-accident, une prime d'entretien, une prime de qualité de service (signalée par les clients) de 180 F chacune. Comme dans d'autres entreprises, les assurances organisent un challenge pour récompenser les meilleurs conducteurs. La récompense est un voyage pour deux personnes (d'un montant de 10 000 F ) . Chose rare, les conducteurs ont également un treizième mois. Une centaine d'accrochages par an pour l'ensemble du parc et le vol d'un attelage par an semblent ordinaires pour les cadres. Aucun syndicat n'est présent à la coopérative. Le comité d'entreprise a des activités "classiques". Il gère une épicerie approvisionnée par les litiges sur les marchandises, un bar;.assiste les "cas sociaux", organise pour une participation de 50 F un Arbre de Noël, un banquet par catégorie de personnel, et en été, une Ferrade en Camargue. Toutes ces manifestations sont interdites à ceux qui ne travaillent pas à LA LANCE. L'Arbre de Noël regroupe 500 adultes, conjoints compris. La distribution des jouets est suivie d'un repas dansant. Le repas des chauffeurs est abandonné car il n'a ces dernières années suscité la participation que d'une trentaine de familles. Les Ferrades sont des manifestations propres à quelques grandes sociétés du sud de la France. Les jeunes taureaux des manades de Camargue sont dirigés par des cavaliers vers un enclos afin d'être marqués au fer rouge. Le jeu consiste pour un groupe d'une vingtaine d'hommes à les attraper à pied et à main nue dans une arène afin de les maîtriser. Cette manifestation semble avoir été un phénomène de mode da Suá ck l<* franc*auquel ont adhéré les clubs tauromachiques de la région, le personnel des Chambres de Commerce - 36 - et d'Industrie de La région, Les sociétés comme THOMSON, MERLIN GERIN ainsi que LA LANCE. Les Locations de sites sont maintenant beaucoup moins éLevées qu'en 1980. Les Ferrades, ."jeux d'hommes" rassembLent pLus de chauffeurs que Les repas dansants "trop guindés". TabLeau : Participation aux Ferrades Effectif Agence „. Mere Salariés Non RouLants Chauffeurs Epouses 1983 149 67 82 39 428 1984 171 82 89 16 441 1985 172 74 98 21 456 1986 129 51 78 63 461 NB : Les non-rouLants se partagent entre manutentionnaires et empLoyés. La manifestation est également suivie d'un repas sous un hangar •/ puis d'un concours de pétanque. On peut remarquer qu'après un succès grandissant auprès du personnel, La désaffection des chauffeurs s'accompagne de la présence plus importante des épouses. Parmi les chauffeurs, 1/3 effectue des trajets en zone longue. Même si LA LANCE offre les billets de T.G.V. aux familles qui souhaitent participer à ces rituels, Les participants rattachés à l'agence mère. - 37 - sont presque tous D'autre catégorie part, Les chauffeurs en zone Longue sembLent être La La pLus >nsVaWt*. Les mises en retraite. Les Licenciements, ainsi que Les reconversions professionneLLes ou Le fait que Les chauffeurs en zone Longue pour des "raisons famiLiaLes" deviennent Livreurs régionaux sont fré- quents. On assiste donc à des désaffections ou des départs mais aussi à des déménagements qui visent à rapprocher Le Lieu d'habitation de L'agence mère dans un rayon de 30 km. Les chauffeurs en zone Longue Prévenu par munis tous d'autoroute de L'agence de Lyon grâce au radio-téLéphone dont sont Les tracteurs de LA LANCE, Domi, 35 ans, attend sur un parking (très apprécié à cause des douches) en bordure des Feyzin. Après queLques mots courtois avec L'agent commerciaL raffineries venu nous présenter, nous démarrons. Domi, comme de nombreux chauffeurs de LA LANCE rouLe Légèrement pLus vite que Les autres poids Lourds, à 90 km/H environ. Nous transportons dans La semi, réfrigérée à -17°c, une dizaine de tonnes de peroxyde, un expLosif particuLièrement réactif. Aussi, La charge Légère permet à Domi de doubLer poids Lourds et véhicuLes pLaques accoLées sur La Légers dans Les côtes, et Les cibistes voyant Les remorque nous font queLques "Attention de pas faire un trou dans ta semi couLeur de L'atteLage de LA LANCE et demandent remarques amicaLes !". D'autres reconnaissent : La de transmettre Leurs saLuta- tions à une connaissance^: "PopoL, n° 343" ; "Tu sais, on est 500 chauffeurs, je connais pas tout Le monde !",fnommant Le prénom et Le numéro du tracteur. Domi Laissée branchée en permanence mais réceptionne Les appeLs sur sa cibi n'appeLLe jamais. Le radio-téLéphone dont Les empLoyés de LA LANCE se servent pour transmettre Les consignes de route en cas de fret à charger urgemment, n'est pas ut i Lise par Les chauffeurs pour communiquer entre eux. Toute conversation peut être entendue par Les agents de maîtrise. - 38 - Domi parle beaucoup de mécanique. Un ami de sa compagne est garagiste : il bricole, et fournit sa famille en véhicules. Après avoir couché son attelage sur l'autoroute il y a 6 mois, il tienb un discours sur le risque et les accidents de manière très responsable. Il a eu encore un accident : un conducteurYTvre avait percuté récemment sa remorque à l'arrêt. Les procès-verbaux sont fréquents. Les infractions dues à un dépassement du nombre d'heures de conduite sont payées par son patron et coopérateur. Les feux rouges sont à la charge du salarié. Les excès de vitesse sont à discuter en fonction des consignes de route. Originaire du sud de la France/ suite à un "coup de.tête", il se marie à 18 ans et s'engage pour 5 ans dans l'Armée de l'Air. de pendant 10 ans dans le Nord, Il rési- les Ardennes. Il divorce. Il songe alors à se faire embaucher dans une "boîte comme chez Dassault", ayant acquis des connaissances en mécanique. Finalement, il trouve un emploi, "par connais- sance" à LA LANCE. "La discipline à LA LANCE, c'est un peu comme à l'armée" explique-t-il "et c'est des emplois où l'on monte en grade". Lignard depuis 8 ans maintenant, il pense bientôt se mettre à son compte et devenir coopérateur pendant encore 10 ans. La point coopérative lui de vue économique, y'a semble que une perspective ça". Il s'est intéressante : "du installé dans une ville à 30 km de l'entreprise, a fait venir sa mère et la vie lui est agréable en compagnie de sa nouvelle femme, son beau père et ses amis garagistes. Il n'a pas voulu trouver de logement dans la petite agglomération de 3000 habitants où est installée l'entreprise : "je suis trop connu". Arreté contre le frigo sur les longs quais de LA LANCE, il dételle, branche le générateur, vérifie en place. "Voilà mon singe si les palettes !" : son patron arrive et Domi "déballer'], àz décharger tour sur Marseille. En effet, il n'a dormi régional à sa place, ainsi pendant 780 km dans la journée d'explosif que d'effectuer sont bien lui demande de le lendemain un que 3 heures et roulé : "ça fera pour tous les temps du mois der- nier". - 39 - Trop pressés, nous n'avons pu nous arrêter rendre visite à sa "copine Lisette" : "C'est un super relais, on est 3, 4 à s'arrêter. On peut piocher dans Le frigidaire. Elle fait des repas à crédit". Nous prenonsYáTorscJok»\£ sa vieille voiture de sport car il veut saluer ses connaissances locales. Il y a peu de perspectives d'emploi dans la petite ville : "Soit, tu ramasses les fruits, soit tu les transportes". Hamburger, nous rejoignons Sur l'unique place, dans un Café I un de ses amis, chauffeur régional à LA LANCE. "C'est une grande gueule, mais il est sympa, comme toutes les grandes gueules". Celui-ci me "l'Internationale salue des d'un bras Emmerdeurs" et d'honneur. commande déclare un faire "foetus" à partie de la patronne, (un "baby" est une demi-dose de whisky). Domi offre chaleureusement. Dans un Martini à une jeune femme le café, un groupe de maghrébins qui vient l'embrasser reste à l'écart, si- lencieux. Une tablée de cadres "technico-commerciaux" fait circuler des bouteilles de vin monopolisent rosé parmi l'assistance et lorsque les deux chauffeurs/qui la parole au bar, s'en vont, un artisan-miroitier, un "poète", respecté de la société locale se met à imiter la voix et les textes de fantaisistes à la mode (Coluche, Magdane...) ainsi qu'à déclamer des louanges versifiées à chacun des cadres présents. Domi ne se rend jamais ni aux Ferrades, ni à l'Arbre de Noël. "Je n'aime pas les histoires de famille...". Le dortoir de LA LANCE pour dans la région est les chauffeurs qui ne résident pas l'un des plus propres que nous ayons rencontrés nos voyages. Le ménage est fait au moins deux lors de fois par semaine et 4 lits sur 10 sont en général occupés chaque nuit. On y repose peu : chaque nouvel arrivant s'enquiert de reconnaître les dormeurs et les contacts sont prétextes à facéties diverses. Le "titi parisien" que l'on m'a présenté y a passé la nuit et maugrée contre .les réveils intempestifs, les lits "en portefeuille" ou, d'une manière plus général la sociabilité^enfantine qui règne, similaire - 40 - à celle des colonies de vacances ou des internats. "Titou" a 24 ans et est une "putain" : c'est à dire un chauffeur qui après avoir passé son C.A.P. de conduite est exclusif à LA LANCE. Titou est "polyvalent" des programmations de LA LANCE sur toutes salarié d'un artisan non : il tire les semis en surplus les lignes françaises mais surtout transporte les chargements d'Air France et des P.T.T. sur les lignes européennes. Appelé d'un jour à l'autre, selon des Sufplus cAeu chargements aériens, imprévus, il est "réquisitionné" à n'importe quelle heure de la nuit ou le week-end. Il est payé "au voyage" ; soit, par exemple, en 1986, de 500 F à 700 F pour un trajet Paris/Amsterdam. Pour 11 000 km par mois, Titou préfère rouler dans les pays européens du Nord plutôt qu'en Espagne ou en. Italie où de brèves expériences 1 en qualité de salarié d'un patron artisan "affrété par Marseille. 'lui laissent de mauvais souvenirs. Son travaille également patron actuel qu'il rencontre une fois par mois pour une filière routière S.N.C.F., en ligne régulière. Lorsqu'il passe à l'agence-mère, il ne fréquente pas le même café que Domi mais Le pub situé à proximité, car il estime que la clientèle est plus proche de son âge : "Il y a des jeans, quoi, mais rien de plus, y'a pas de contact". Il s'estime mieux payé que les chauffeurs de LA LANCE : "Les PTT et Air France sont les voyagesyplus rentables". C'est pourquoi il fait partie de la catégorie des "putains". "Passer coopérateur, c'est la logique de LA LANCE, c'est le truc qui les intéresse au bout de 3 ou 4 ans". Pour aller sieurs dans fois les charger des palettes de pâtes, Titou de route. Les carrefours repères indiqués préalables par un employé aux de se trompe plu- changements L'agence de semblent direction évidents à qui connaît le département, ce qui n'est pas son cas. Arrivés sur les lieux, il pleut beaucoup. Titou me fait remarquer que les sabots suédois, à hauts talons qu'il porte comme - 41 - les chauffeurs du Nord sont mieux adaptées pour franchir Les cours boueuses et inondées que Les sandaLes ou Les chaussures de sport des "gens du sud". Après avoir tra versé Les s'activent habiLLée chaînes une d'un de conditionnement vingtaine dans d'ouvrières tailleur, nous de reçoit un 18 fort hangar , autour ans. La poLiment "chef"/ et nous des très griLLes soignée, échangeons Les formuLai res. En repartant, Titou montre L'heure aux ouvrières, iL est déjà •V&. propor ¿A.ß*ia cVicf" 19 H ; declárela un jeune baLayeur qu'iL emmènerait bien "La petite dame en voyage" mais ne dit mot aux caristes intérimaires pLus âgés qui chargent La semi. ApfeSUne centaine de kiLomètres/ pour décharger, Titou cherche La zone industrieLLe pendant presque 2 H. IL ne fait pas usage du radio-téléphone. qui pourrait Le guider. Arrivé sur Les Lieux .de L'entrepôt, qyant aperçu un membre du conseiL d'administration de LA LANCE dans un entrepôt, iL se met à courir pour manoeuvrer L'atteLage, "rempLir Les papiers" et changer de semi. De grand-père auvergnat, "émigré" à Paris, Titou fréquente peu son père éLectricien ou son frère, "démarcheur en vente de viLLas". IL passe, par contre, chaque vacances d'été en Grèce avec sa soeur institutrice. "Les copain ? ILs font rien. Je Les vois pas onourPt-ufi», RouLant moins vite que Domi, iL critique Le modèLe imposé du tracteur sans option. "Y'a rien !". IL aimerait, comme Le revendique un syndicat professionneL, un raLentisseur éLectrique pour L'atteLage et non un ralentisseur à cLapets qui bloquent Les gaz d'échappement, "esquintent" Le moteur. IL ne manque pas de s'excLamer et de commenter Longuement Les deux accidents de poids A son Lourds que L'on avis, Les attelages croise chaque nuit quittent sur La avec rapport à l'axe de la semi) lui font évoquer des Turcs rencontrés MarseiLLe/LYON. Leur voie à cause d'un mauvais des freins. Les "porte-feuilies" (le tracteur ayant par Ligne sur un parking - 42 - réglage dérapé sur plus de 90° largement à Amsterdam, les les expériences "feux de camp" de planches de palettes entre les camions pour faire griller les brochettes et aussi l'accoutrement des chauffeurs orientaux et leurs réactions devant les "femmes dans les vitrines". "Je l'ai vécu".' - 43 - LA LANCE/ considérée par La population comme Le plus gros employeur de La région a mis en place des "services sociaux" importants. Mais la coopérative d'achat pour les salariés est peu fréquentée, les chauffeurs n'achetant les produits domestiques à la place des épouses et les lieux de pas résidence étant rarement situés dans la commune. Les repas par catégories professionnelles sont l'objet de désaffection, sauf peut-être en ce qui concerne Les employés de bureaux, Les chauffeurs préférant se retrouver par petits groupes d'affinité. Les ferrades qui, à priori, permettent souplesse et recueillent épouses l'adresse familiales, même s'il une hommes contre Les taureaux de moins en moins de participation investissent Le des un jeu viril ou système négociation les manifestations qui sont la force, la célébrés, au fur et à mesure que les deviennent ainsi des y a encore, chaque année, quelques blessés coopératif de prise en permet en charge des fait, •.. entre infractions chauffeurs ou de sorties légers... et patron, répartition des charges et du temps de travail, sans doute plus facile que dans la relation habituelle : artisan/salarié, dans la mesure où le passage (possible) du statut de routier à celui de coopérateur suppose une conciliation entre Les partenai res. "L'esprit maison" de La coopérative reprend à son compte La promotion interne traditionnelle par Laquelle le manutentionnaire pouvait devenir chauffeur ; le chauffeur, artisan... Si un tel consensus est établi entre salariés et coopérateurs, quelle est alors la logique des rituels ? Pourquoi ont-ils de moins en moins d'importance ? Les conducteurs stratégie de devenir comme Domi qui élaborent, après quelques années, La coopérateurs, s'établissent à proximité de l'agence- mère, mais pas dans la commune. Ils ménagent ainsi une distance par rapport à un espace fréquentent très les investi lieux et contrôlé par publics. Domi les cadres de la société qui en peut ainsi jouer dans les bars et sur La place centrale, devenir un personnage public, se permettre des transgressions comme boire, draguer, se battre de temps en temps, sans avoir à subir les sanctions habitant. du voisinage ou sans avoir à respecter Il ne participe donc pas aux - 44 - les convenances rituels que sont d'un les ferrades, Les repas de chauffeurs ou de Noël, afin d'éviter de signifier un certain ne sens de La discipline L'empêche pas de songer et sa participation sérieusement à s'y son adhésion à à La société, ce qui intégrer. Habitant une vi Lie voisine, il développe son propre réseau de sociabilité, reconstruit une famille "élargie" avec sa mère et Le père de sa compagne. Titou, très étranger à cette sionnelle, ressent négativement la Logique d'intégration Locale et profes- sociabilité du village. Dans le bistrot "Hamburger", Les consommateurs du Lieu interpellent chaque nouveau-venu ressenti comme étranger. Il y a obligation de parler, de répondre aux galéjades, pointes, provocations, défis ordinaires par quelques mots, ou si L'on n'en est pas capable, de payer sa tournée. Ceci semble à Titou une sociabilité "typique du Sud" et il ne La supporte pas. Ce bistrot révèle pourtant les positions symboliques de tous les habitués. Domi et son "copain de L'Internationale des Emmerdeurs" parlent techniciens mais provocatrice, l'ensemble ne leur haut répondent Le poète-miroitier des consommateurs et fort, acceptent pas. Après -cette rétablit l'équilibre les bouteilles des démonstration en faisant un peu participer à ses "blagues", expressions de transgressions ludiques. Titou a participé, depuis qu'il est à LA LANCE, aux banquets de Noël, "mais quand je bois, je deviens bête et méchant" et pense se rendre prochainement aux ferrades car "on s'éclate bien". Les rituels sont un moyen pour Titou de signifier son appartenance à la coopérative. Il a un statut marginal par rapport aux autres chauffeurs salariés. Il ne connaît pas le réseau routier ni les entrepôts du département. Novice, iL survalorise Les événements qui peuvent paraître extraordinaires à qui ne connaît pas L'activité. Les descriptions de situations sur Les parkings, des accidents sont l'expression d'une volonté d'adhésion à La communauté supposée alors qu'il est sanctionné par ses pairs... - 45 - 2. L'ENTRETIEN DES VEHICULES A VERLY a) Les équipes de chauffeurs. sur Les Verly est une commune collines qui dominent de 3300 les du Rhône. Les productions, avant habitants industries l'expansion au sud ouest d'hydrocarbure de la métropole de de Lyon, la vallée lyonnaise en 1945 étaient fruitières et maraîchères. Un certain nombre de familles fabriquaient des cagettes destinées au véhiculage des fruits. Mais surtout/ Verly est une commune demeures de plaisance des industriels de la où ont été construites région. La plus célèbre les est celle de La famille des Armes et Cycles de St Etienne, construite après les ventes de la Guerre de l'Opium. Chef d'oeuvre de l'art nouveau et de La modernité de l'époque. Chaque personne, originaire du lieu, se souvient des grandes fêtes qui y étaient organisées. Les successeurs de la propriété ont publié à ce propos un ensemble de cartes postales "erotiques". Ces propriétés bourgeoises ont été rachetées par des médecins et des avocats. Certains ouvriers ou artisans transporteurs consideréis comme des "va-nu-pieds" entre (comme Monsieur C père) par les producteurs locaux deux Guerres, sont devenus des transporteurs importants. Depuis une vingtaine d'années, la commune devient résidentielle. Sur 1360 actifs, 380 travaillent dans la commune. On dénombre 23 cultivateurs dont 8 ouvriers agricoles ; une centaine de chômeurs ; 400 élèves et étu- diants. Les nouveaux pavillonnaires font croître la commune de 150 personnes par an environ et le nombre de locataires logés en H.L.M. lors de leur construction en 1965, régresse. La commune connaît un accroissement modéré, stagne même depuis 10 ans malgré la proximité de La métropole, ceci surtout du fait de la rareté et ^Uprix prohibitif des sols. En 1936, on compte 1350 ha ; en 1945, 1500 ; en 1962, 1800 ; en 1968, 2000 ; en 1975, 3300... - 46 - Le maire de La commune est également directeur départemental de la Mutuelle des Salariés Agricoles. Les adjoints sont employés de cette Mutuelle ou encore notaire, pharmacien, industriel dans l'agro-alimentaire, agriculteur de vieilles familles locales. Monsieur importante vers dans C (voir vol. I/II) dirige une entreprise de transport la région, effectuant des lignes directes bi-journalières l'ouest, de Nantes à Bordeaux, et de la messagerie de produits indus- triels dans la "région^ de Besançon à Montpellier. Les bâtiments de l'entreprise sont construits sur les flancs d'une colline, entourés de pavillons. A l'entrée, dominant les quais et les parkings, les bureaux vitrés des "administratifs" permettent qui Vers ont lieu dans l'entrée sieur C de surveiller les garages l'ensemble activités, sauf de réparation mécanique, situés à également, un peu à l'écart entourée d'arbres des est construite celles l'opposé. la villa de Mon- fruitiers. Au rez-de-chaussée, le bureau du pa- tron, décoré de peluches et d'un grand poème mural mais aucun chauffeur n'est capable de mentionner ce décor : "Quand on est convoqué, on regarde pas trop autour de soi". En des SCANIA D'autres pour contrebas les tonnages fourgons, plus sont garés des importants anciens, sont véhicules de tous tonnages : et. des MERCEDES pour les fourgons. de marque française. Quelques vieux tracteurs comme les BERNARD, ayant roulé jusqu'en 1975, attendent une réfection mécanique. Ils figurent là "par sentimentalisme" dit Monsieur C., témoins de l'histoire mécanique de l'entreprise. Tracteurs l'aire cabines et fourgons rangés forment un demi-cercle autour de de lavage, tous rouge vif et beige, aux couleurs de la famille. Les portent des noms de la mythologie gréco-romaine, Hermès, Vénus, Aphrodite... ; des prénoms de femmes, Christine, Martine... ou de personnages de bandes dessinées, Mini, Daisy, Popeye, Nimbus, Bug Bunny... Chaque chauffeur est tenu, en fin de tournée hebdomadaire, d'effectuer un nettoyage rapide de son véhicule au poste de lavage automatique - 47 - et une fois par mois, Le samedi matin, un Lavage complet, moyennant une prime d'entretien environ de 200 F par mois. De 8H à 12H, chaque samedi, sont dix chauffeurs pour savonner bâches et présents carrosseries, nettoyer au gas oiL, au jet d'eau de forte pression, moteurs et châssis. Les équipes sont en principe toujours Les mêmes et eLLes mêLent Les conducteurs de semi, fourgon-porteur, fourgon et camionnette. CKc2_ pnoni'icuvC , syndicaListe nouveaux embauchés "Ca défi Le" disent conduisent F.N.T.R. et personnaLité camionnette et fourgon Les chauffeurs. Très nombreux de de L'A.F.T., Les 10 et 25 tonnes. sont ceux qui ne restent pas pLus de trois mois et ceux qui ont pLus de trois ans de présence à L'entreprise se considèrent comme des "anciens". IL y a, sur La quarantaine de chauffeurs, toujours une dizaine de "nouveaux". L •ebSerYGt'V* Les conducteurs de semi répétée passent des beaucoup séances de nettoyage montre que moins de temps à L'opération que Les chauffeurs de "trottinettes" ; iLs se contentent de faire passer l'atteLage dans Les rouLeaux et de savonner bâche, roues et carrosserie. ILs restent à L'écart de La piste bétonnée pour nettoyer Leur cabine ou bricoLer Leur cibi. Une équipe est constituée, si L'on excepte Les chauffeurs super-Lourds, entièrement de salariés récents. Pendant La matinée, iLs ne parLent pas entre eux, tout occupés à neH"o^eT. Leur moteur. Est présente, avec eux, une jeune femme de 23 ans, La "miss", conductrice depuis 4 ans dans L'entreprise. ELLe dirige Les tours d'utilisation du jet d'eau. "C'est disent chouette, on a une gonzesse qui fait Le ménage" Les chauffeurs. Les conducteurs de tracteur passent inspecter L'état des moteurs et donnent quelques conseils... A L'égard des routiers et de L'ethnologue, les jeunes embauchés font des remarques sur la circulation d'étrangers à l'entreprise dans ceinte : "C'est Le vrai moulin, cette boîte. Y'a l'en- la B.M.W. du patron qui va se faire désosser". A la fin de la matinée, La "miss" passe elle-même - 48 - le jet d'eau sur La piste afin d'évacuer graviers, boue et cambouis. Ensuite, elle pro- pose : "On va boire un apéro au village ?". Mais elle n'est pas suivie. Les autres équipes 20 tonnes, d'anciennetés sont constituées de conducteurs de moins de diverses. Seuls, les nouveaux font référence aux "beaux camions" de Monsieur C mais se plaignent des longues tournées journalières auprès des clients "difficiles" qui obligent à attendre ou qui n'ont ni quai, ni matériel élévateur pour décharger ("dépoter"). Pour Dijon ou Besançon, certains démarrent à 4H du matin et re- viennent à 22H. Ce jour-là, un routier- amène son attelage, explique qu'il a un déménagement à faire pour un copain et demande à ce qu'on lui lave son véhicule : "On s'arrangera !". Abdala, à élever la voix. chauffeur Il nettoie dans l'entreprise soigneusement depuis l'intérieur un an, est de sa cabine des produits ménagers dont on fait la publicité à la télévision dire que le seul avec : "Faut pas les chauffeurs y s'occupent plus- de leur camion que de leur femme. Moi, j'ai fait le ménage chez moi avant de venir ce matin !". Lorsque d'autres chauffeurs arguant lui demande de leur prix de serveur, pompiste obtenu ses produits, : "Ici, ils ne fournissent Un chauffeur plus ancien vant prêter l'année dernière il que les rabroue vertement, le savon, et encore". le traite de "fayot". Abdala dit avoir été aupara- : "partout où y'a des relations. Faut aimer". Il a le 1er prix du challenge des assurances et a gagné un voyage en Tunisie. Les deux autres prix : une nuit au Moulin Rouge à Paris, ont été attribués à des chauffeurs d'une agence de l'ouest : "Là-bas, ils sont plus du pays, y font des repas et des fêtes le dimanche". Le neveu du patron passe alors et demande à un chauffeur récent d'aller livrer deux palettes puis, le neveu parti, se fait à Vénissieux. Ce dernier tente de protester, longuement expliquer le chemin par un ancien. Sa prime de nettoyage va être supprimée. "Il ne va pas rester trois mois, çui-là !" sont les commentaires alors qu'il part chercher le camion chargé. - 49 - Les commentaires met à nettoyer vont Le sol. Chaque bon train alors qu'un deuxième novice se fois qu'un remplacement impromptu est effec- tué, le chauffeur à qui est attribué le véhicule retrouverait sa bâche trouée, les cordes élastiques entaillées, et perd ainsi des points pour le challenge. Parmi tous les chauffeurs de fourgon, tous ne sont»aussi motives par le challenge des assurances. En quelques années, tous ont eu quelques accrochages et ils ne rejettent pas aussi sévèrement les nouveaux venus. Marc, 32 ans, dont Rhône-Poulenc, avant le père de vendre des travaillait dans la grande société légumes, du poisson, puis des vêtements sur les marchés forains, donne aux novices des conseils judicieux pour nettoyer leur camion ou savoir quelle attitude adopter vis à vis des "chefs". Il a commencé à travailler soeur des vêtements pour son père en confectionnant vendus sur les marchés. Il "faisait mésententes entre sa femme et sa belle-soeur avec sa belle- la mode" mais des l'ont contraint a cesser cette activité qui pourtant lui plaisait. "Le commerce, une fois qu'on y touche...". Chez Monsieur C depuis relativement critique 3 ans, à la différence d'Abdala, sur la répartition du travail dans il porte un oeil l'entreprise et serait favorable à la création d'un syndicat, même si cela lui semble complètement irréaliste. Jean, d'Alès plus : "Si t'enlèves retraités, t'as qu'Abdala, se considère comme migrant. Il vient les rentiers, les étudiants, les fonctionnaires, les plus que des chômeurs. Y'a 5000 chômeurs sur 50 000 habi- tants". Arrivé à Lyon, hébergé par des cousins, il se fait embaucher M. x au bout de cinq jours et trouve un appartement chez en plein centre ville en un mois. En dix huit mois il s'est fait reconnaître dans les équipes en jouant l'amuseur et racontant multiples galéjades, forçant son accent : "T'es ben un mec du Sud, toi !" ; "Oui, le matin, faut pas être pressé, et le soir, faut y aller doucement !". Livreur dans la banlieue sud-est de tion, il revendique en plaisantant tourner sur Montpellier, régionale;1 en référence à Besançon. - 50 - l'aggloméra- "tournée Comme La possibiLité "à AbdaLa, de iL tient L'intéresser à L'écart à entrer en contact La hauteur" de répondre de manière pLus chauffeur un peu Lent Le nouveau et maLadroit> tout avec en ménageant Lui, s'il se sent Ludique, moins agressive. A un considéré comme "fainéant", iL décLare à La cantonnade : "Moi, je L'aime bien, Jojo, y'en a qui L'aiment pas. Mais, moi, je L'aime La pLaisanterie qui L'on bien...". Mais, généraLement et attribue restent des Les nouveaux ne reLèvent pas cois. SeuLs, Les anciens, expérimentés, ceux à porteurs Lourds détournent L'attention en maugréant sur Les dures conditions de travaiL. Fréquemment, en fin de semaine, Le vendredi soir, queLques chauffeurs se retrouvent au café du viLLage. "La Miss" s'y avec des routiers qui effectuent La Ligne vers L'Ouest rend réguLièrement ; Marc et Jean pLus rarement. AbdaLa, jamais. Lorsque ces reLatifs habitués sont absents, La saLLe est investie par d'autres conducteurs comme ALex et Didier, deux1 amis qui résident dans La même commune, dans La banLieuede St Etienne. ILs ont connu des experiences professionneLLes pLus stabLes que Marc, Jean ou AbdaLa. ALex, 36 ans, a été pendant 11 ans ouvrier puis contremaître dans une usine de St Etienne avant d'être Licencié, et est depuis 8 ans chauffeur. Didier, 24 ans, ouvrier depuis L'âge de 13 ans, avait acheté en Location-vente avec sa femme un petit café qu'iLs ont dû revendre iL y a 3 ans : "Ca rapportait que daLLe !". Puis iL est devenu chauffeur pour Casino depuis 2 ans, L'autre 18 mois : "Etre ouvrier, c'est La vie rêvée". L'un chez M. x, iLs regrettent de ne pas pouvoir manger chez eux à midi : "IL y a jamais de tournée chez soi". ALex a deux enfants et pense se marier bientôt. IL entretient à St Etienne des reLations très réguLières avec sa soeur, infirmière et son frère, magasinier. Didier, Les bras et La poitrine entièrement - 51 - tatoués, Les doigts sertis de bagues d'or, est fils de routier. Ses deux frères sont également routiers. Tous deux ne pensent pas rester chez M. £ très Longtemps. Un salaire1 de 4 900 F net plus des primes à hauteur de 1 000 F par mois de service) considérées ne leur semblent comme un forfait pour les heures pas très bien payé. Ils ressentent (d'entretien, supplémentaires une exclusion certaine de la part des chauffeurs et des gens des quais et des bureaux qui ne s'adressent à eux que pour "faire des bringues" lorsqu'ils en ont les possibilités familiales. Ils n'ont pas teurs de passage à qui le temps de nouer des relations avec les conduc- l'on confie dans les premières semaines des tournées longues et lontaines. Leurs critiques vis à vis de l'entreprise ne sont pas virulentes mais plutôt fatalistes. Ils attendent l'opportunité d'un nouvel emploi. Lorsqu'ils les manières tension décrivent les d'expliquer monte*, ils déplacent relations les leurs dans l'entreprise rapports sociaux, explications sur un fait et la divers : "Tu sais, c'est comme cette institutrice qui logeait 25 Africains dans une piaule de 50 m2, 3 500 balles par mois, elle leur faisait payer !". (/0 Le groupe des habitués se rassemble autour de "la Miss", depuis 8 ans, salariée de l'entreprise : "Etre chauffeur, c'est dans la tête. Toute petite, j'ai travaillé, à 15 ans. J'ai fait des fugues. Je voulais être zorro puis St menuisier, Chamond". puis Elle pompier ponctue et presque finalement, toutes j'ai passé ses phrases d'un un C.A.P. "Oh, maman à !". Son apprentissage de conducteur à St Chamond ne lui laisse pas un bon souvenir.* Elle était plus âgée que les élèves garçons du L.E.P.. Jean et Marc, plus discrets, participent pourtant activement aux discussions. Celles-ci portent, entre chaque tournée de bière ou de pastis sur l'entreprise. Le fils de Mme C soeur, comptable, se trouve dans les bureaux ; celui de Monsieur Q frère, chef de quai, travaille au garage. L'un cjs jeunes serait plus "j'm'en foutiste" que l'autre. (1) : fait vérifié - 52 - de. Les repas d'entreprise qui réunissaient L'ensemble du personnel - ont été supprimés il y a quelques années lors de la création du comité d'entreprise composé de représentants des quais, des bureaux et de la route. Les festivités collectives font partie du "bon vieux temps". Dans re ce -s. L'essentiel semaine. L'un chaussures neuves est l'accident café des a du village, conversations trouvé tombées les chauffeurs concerne sur d'un n'évoquent les petits la route fourgon... Mais événements des le grand jamais ces de la boîtes sujet de de ce soir volontaire qu'un routier a provoqué avec une B.M.W.. La voi- ture avait fait une queue de poisson' et le conducteur de poids lourd s'estimait se prioritaire. mit à prendre de Ce dernier ralentir ou devait freiner ralentir pour systématiquement se laisser lorsque la vitesse. Excédé, le chauffeur a embouti doubler. Il l'attelage pouvait la voiture à un feu rouge en dosant bien sa vitesse, et raconte, amusé, comment l'automobiliste prétendait avoir été victime du "coup du lapin". [4) vft^) Les "4 roues", (comprendre les 2 essieux, automobiliste sVprésents en bout et les de table ne disent artisans affrétés rien. Les présents leaders sont au bistrot. L'un les routiers de des lignes routiers, 35 ans, depuis 11 ans dans l'entreprise, promet de payer sa tournée la semaine prochaine car il quitte "téwt le m©v\«lc, pour être salarié d'un artisan ancienne- ment chauffeur chez M. C-- Trois anciens de chez M . C se sont 'établis à leur compte et effectuent du transport volumineux. L'un d'entre eux vient d'une famille ouvrière, sa femme est O.S. et i l a deux enfants. L'un de ses frères, plus âgé, est technicien et réside en Suisse ; l'autre travaille dans le syndicat d'initiative d'une ville touristique. Il critique vertement l'entreprise, mais alors que Marc, Jean et les "4 roues" y mettent du leur, provoquant des altercations, le ton commence à monter. Car, si les primes sont du même montant pour tous, le salaire fixe, négocié directement et secrètement entre chauffeur et patron, ne l'est pas. "Garde tes sous ! Garde tes sous !" crie Jean à Marc, puis il s'en va. (1) Perdre des points volontairement au challenge n'est permis qu'aux anciens. - 53 - L'ancien quitte à son tour Le bistrot et revient bien_tôt accompagné du chef conversation d'exploitationv) Celui-ci s'interrompt Montpellier. Comme et c'est commande seul, Jean demande une à tournée nouveau générale. La des tours la veille de Noël, le chef d'exploitation sur propose aux chauffeurs qui voudraient acheter des huitres que les véhicules transportent en ce moment, de dresser leurs commandes, payables en argent liquide. Parmi l'assistance, un jeune artisan de 30 offre à son tour la possibilité d'acheterfau Beaujolais ans . Routier international vers les pays Scandinaves pendant 7 ans, ilypasse sa capacité de transport. week-end". Illr employeur ci La Il explique cet acte par le "ras-le-bol de rester planté le associe avec deux camarades ayant travaille chez son ancien nouvelle société achète deux porteurs de 13,5 tonnes. Elle effectue des lignes régulières Grenoble/St Etienne et se prépare à l'acquisition d'un tracteur ntuf. Les associés n'ont clients en "direct* et l'un pas d'eux le chômage tout en travaillant le temps de prospecter vient de se faire pour trouver des licencier pour toucher toujours dans la société. Leur bonne réputa- tion, leur "parole" leur ont. permis d'obtenir des contrats d'affrètement non exclusifs chez G depuis 1985. Vis à vis des salariés, 4 et 6 roues (3 essieux comme Marc et Jean), il explique que le stage A.F.T. pour l'obtention du CiA.P. de transporteur, en 3 semaines, "en met plein la tronche". Mais j'avais le niveau B.E.P.C.. Mais, y'en a qui avait Et il faut leur Bac. C et qui l'on raté... investir 20 briques plus 5 briques pour la S.A.R.L.". Puis, tou- jours en présence du thèmes ordinaires chef d'exploitation, la conversation : des citernes qui transportent reprend des produits sans plaque ; des policiers qui préviennent les chauffeurs de d'agents la coordination, des contrôleurs de bus qui de sur les inflammables la présence dressent des P.V. aux chauffeurs de poids lourd ; des camions de primeurs qui décrochent leurs vitesses à nouveau (1) ("aller à la roulette"). Le chef d'exploitation des aléas de la route. "La Miss" est : les confrontations ont été provoquées par l'ethnologue. (de manière - 54 - parti, l'on parle tombée en panne et malgré non directive) probablement Le radio-téléphone, nul n'a pour L'ordre de faire un détour ou d'arrêter sa tournée eu L'aiderr C'est à dire, La ramener avec son fret à Lyon, car iL est interdit d'abandonner son fourgon. Ayant changé de camion pour un véhicule poussiéreux, elle trouve Le Lendemain sur son pare-brise un mot du patron : "Monsieur, \flü ps*. tro« vous devriez avoir onte sexe fait taires rire tout le samedi !". La faute d'orthographeiet Le quiproquo sur Le Le monde. On aimerait bien que Les "virées" supplémen- qui suppriment la prime de nettoyage soient mieux payées que celle-ci. Enfin, les griefs ont trait principalement à l'ordre des clients à fournir indiqué par L'ordre des feuillets de réception dans la pile de chaque chauffeur. Les administratifs ne connaissent visiblement pas Les villes et annoncent aux clients L'heure de Livraison. Un accident, un embouteillage, une manifestation font intervertir arrêts, surtout l'ordre mais en fréquence radio-téléphone des perdre beaucoup de temps Lors des et si tournées l'on ne peut exceptionnelles régulière, à Sochaux ou Vesoul, on prend du retard... Le finalement n'est pas utilisé dans ces cas-là, "autrement, il faudrait téléphoner toutes les 5 minutes". Une organisation rigoureuse de L'ordre des livraisons est Laissée à L'appréciation des chauffeurs, même dans Le cas extrêmement contrôlé d'une "hyper- productivité" de l'agence. Le vendredi suivant, le routier ne fête pas son départ. Alex et Didier se rendent au bistrot. "La Miss", le routier qui a embouti la B.M.W. et un de ses collègues de L'Ouest vont manger à La cafétéria d'un Supermarché voisin. Puis rentré à L'entreprise objets qui Lui appartiennent le routier reprend dans l'attelage Les : cibi, cables, cales, rideaux, coussins, plan- ches qu'il charge dans sa voiture. IL montre son dernier disque à "La Miss". Il a rou lé toute La journée presque à 100 km à l'heure depuis Nantes. Le chef d'exploitation vient dire bonjour. Le jeune chauffeur qui tracteur, s'installe, écoute les conseils techniques et Les mises reprend en le garde à propos des faux contacts du démarreur et du mauvais état du pot d'échappement. Il branche sa cibi et inscrit sur son disque, à la place de son nom, C.H.S. VERLY... Aujourd'hui, "La Miss" a terminé sa tournée à 16H. Elle quitte L'entreprise à 22H. - 55 - O La ritualisation des comportements professionnels Dans de L'entreprise L'A.F.T. où F.N.T.R., qui il occupe représente 11 extrême- libéraliste de Monsieur des une économique par d'entreprise. le comité se présente à nouveau au sein responsabilités fraction d'entrepreneurs une croissance C. qui plus et, en qualité "traditionaliste", opposée plus jeunes et dont importante, point Le de comité à l'aile les entreprises ont de rituel d'entreprise militant festif existe par organisé obligation juridique et les chauffeurs ne savent même pas qui il regroupe. L'entretien des véhicules du samedi matin ou les discussions au café le mercredi soir font apparaître que les systèmes de relationjdes chauffeurs salariés d'un même employeur reproduisent exactement les systèmes de relations de chauffeurs basées sur en situation de route où, répétons-le, les hiérarchies le tonnage des véhicules sont : 4 roues, 6 roues, 3 essieux, mille- pattes) et les aires de travail. La "formation à l'ancienne" ou La distribution des outils selon l'an- cienneté des salariés redouble cette hiérarchie. On remarque que la composition des équipes de nettoyage mixte les statuts et les chauffeurs établissent ainsi entre eux des rapports de rivalité individuels. Des équipes de statut homogène pourraient les conduire à s'opposer entre eux, équipe contre équipe, ce qui provoquerait vraisemblablement et susciterait des revendications une conscience collective embryonnaire vis à vis de la direction. Considérons donc que la mixité des équipes est une stratégie "rationnelle" issue d'essais et d'erreurs de la part de la direction. La confrontation de chauffeurs de statuts différents permettrait également pour A ou les 4 roues "d'apprendre" l'intérieur moins permet, d'une catégorie, longues, nécessitant là encore, d'opposer le métier au contact des mille-pattes. l'attribution plus les ou moins chauffeurs de tournées différentes, plus d'attente entre et de eux, tant manutention, au niveau de la qualité et de la quantité de travail qu'à celui des salaires différents dont le montant est "secret" ; ceci entretenant la suspiscion. Seul, en effet, - 56 - Le montant des primes est homogène et connu de tous. Cette organisation du travail qui induit des systèmes de relations particuliers correspond aux codes de comportement de la route dont les valeurs n'ont pas été produites mais, nous l'avons et reproduites vu, par les uniquement médias, journaux au sein des entreprises professionnels, films et romans..., les rituels tels que courses et rallyes, les foires, (*)... Si cette "culture d'entreprise", et uniquement cette dernière, réglait les rapports dans l'espace public des routes, il serait possible de conclure que les conducteurs de poids-lourd n'ont pas "d'expression autonome", mais ceci n'explique pas la raison pour laquelle les automobilistes se comportent de la même manière. Inversement, les systèmes de rapports hiérarchisés et codifiés de l'espace public routier semblent impuissants à établir une discipline efficace au sein de l'entreprise, même "ouverte sur le monde extérieur". Les chauffeurs sanctions de négatives Monsieur C ou positives renforcent de qui manière règlent les frappante ces rapports des hiérarchies professionnelles et la disipline au travail ; elles établissent un consensus vis à vis de l'employeur. Les nouveaux-venus peuvent voir leur prime de nettoyage supprimée dépassé du le nombre samedi et être obligé de d'heures ne compensent rouler hebdomadaires pas le samedi. Ayant légal (les heures la prime), ils doivent d'autre déjà largement supplémentaires part, nettoyer leur outil avec plus de soin que les autres chauffeurs. Les brimades ou plaisanteries à leur égard sont incessantes. La logique d'intégration à l'entreprise suppose, comme Abdala qui est rejeté par les anciens, de briquer son véhicule, de ne pas avoir d'accrochage, de gagner lignards le challenge... A l'autre se permetttent de automobiles et qu'ils ne et des primes d'entretien faire savoir extrémité de la hiérarchie, les qu'ils font exprès d'emboutir des lavent pas leur attelage. Ils font fi du challenge (qui d'ailleurs leur sont attribuées quand même). Ils critiquent ostensiblement la maîtrise mais font venir le directeur d'agence lorsque Marc et Jean, chauffeurs de 19 t., critiquent à leur tour. (*) : cf. vol. III - Routiers - op. cit. - 57 - Marc et Jean, selon Leur stratégie d'intégration, non seulement mar- quent des distances hiérarchiques vis à vis d'Abdala, mais encore font valoir leur aptitude à l'aventure et à la délocalisation : ils rappellent en effet que l'un se considère comme immigré (de Montpellier), l'autre comme ex-forain. Ils s'affirment sans famille, apatrides, résidant le centre-ville, par oppo- sition à Abdala, "fayot", père de famille, installé dans une parenté localisée d'une commune de banlieue. Alex et Didier et ne fréquentent n'ont pas de stratégie d'intégration à l'entreprise le café du village que lorsque ceux qui balisent ou négo- cient sans cesse leur statut en sont absents. Connaissant depuis leur enfance la sociabilité populaire de St Etienne et les attitudes unanimistes des ouvriers, ils ne participent pas aux rituels disjonctifs du vendredi et du samedi. Didier, en particulier, dont l'achat d'un café lui avait fait espérer "s'en sortir", à la fois de la condition ouvrière et de sa parenté de chauffeurs, est particulièrement cynique mais réservé toutefois car non-ancien dans l'entreprise. Pour eux,_ être chauffeur n'est pas un métier ni un emploi d'ouvrier: La "vie rêvée"/ c'est une activité "de dépannage" qui, lorsqu'elle perdure, est signe d'une sous-prolétarisation. Un personnage, "la Miss", joue un rôle d'intermédiaire et de promoteur entre ces différents statuts et à l'intérieur de ces mêmes statuts, l'intermédiaire entre des logiques et des attitudes sociales diverses. Etre femme lui permet, à elle, ancien conducteur, d'établir des relations et d'inviter les nouveaux 4 roues au café, mais aussi de "copiner" avec lignards et affrétés, c'est statut à dire, de nouer des relations qui ne sont pas professionnel. Elle a des conditions de travail des autres chauffeurs, mais elle identiques à celles reste, le soir, plus tard que à l'entreprise ou au café pour animer serait vraisemblablement limitées à son les autres les discussions. Un célibataire homme déconsidéré de rester aussi tard dans "par excès de zèle" dirait-on, ou au café "par alcoolisme"... - 58 - l'entreprise, Lignards en semi ou en porteur-remorque/ et affrétés sont assimilés par Les autres conducteurs un peu de La même manière, à des catégories supéneures inacessibles. Les affrétés possédant super-lourds, de public leurs tonnage compétences équivalent aux des véhicules qui outils intellectuelles et des ne sont pas salariés, défendent les investissements financiers risqués qu'ils ont pris. Ils proposent aux chauffeurs d'acheter de tation ou tout autre marchandise par des connaissances en l'alimen- interposées, alors que le chef d'exploitation de Monsieur C proposent le même fret qu'ils transportent en provenance des Ils n'évoquent pas clients. l'organisation de leurs tournées, alors que les salariés considèrent les aléas des leurs comme des malchances avec lesquelles on se débrouille, sans identifier vraiment le rôle du service dispatching, ni celui du radio-téléphone. Ils "tentent" donc de remédier à certaines carences. - 59 - Cj Le réseau des artisans locaux. Tous Les artisans affrétés par C ne fréquentent pas Le café. Ceux qui possèdent des attelages de 40 tonnes ne s'y rendent jamais. Pascal est de ceux-là. Il salue passer son SCANIA jamais Longuement. dans IL jovialement les rouleaux utilise Les salariés du de M. C lorsqu'il fait Lavage automatique mais ne descend Le garage et les outils pour entretenir sa machine ; il a pourtant un marché indépendant de C. Ces privilèges s'expliquent par Le fait et Pascal qu'il est d'une se sont connus tout ancienne jeunes. famille de Verly. Monsieur Le. pèrerâ débuté dans C.' le transport pendant la guerre. Vers 1956, ses trois fils sont chauffeurs et ils se reconvertissent en 1974, L'un comme garagiste, l'autre comme directeur de chantiers de lotissements de chalets de sport d'hiver. Pascal, 45 ans, reprend l'entreprise et les six attelages, à la retraite du père en 1975, travaille pour Rhône^Poulenc, Elf-Aquitaine, les grandes industries voisines, effectue des trajets internationaux : "IL y a 5 ans, y m'ont vendu avec l'usine. Y m'ont recyclé en national ." • Les marchandises proposées par et ne nécessitent chimiques sont non plus des conditionnés veaux matériels et licencie les chargeurs citernes mais en sacs. Pascal des changent de nature semis, car ne peut Les produits investir dans de nou- : "On ne peut pas être bon partout". Il roule depuis 6 ans en national, transportant de la messagerie industrielle en di- rect. A l'automne 1986, iL se recycle, achète un fourgon de 19 t., MERCEDES, pour travailler en régional, et embauche un jeune chauffeur pour Les Longues distances. Chaque samedi, dans le garade de C , il lui explique., longement Les subtilités du moteur, du système électrique, des suspensions, les manières de garantir Le gas oil contre Le froids Les deux hommes travaillent parfois la journée entière : "Je l'ai embauché par connaissance. On me l'a recommandé. J'ai pas cherché à L'A.N.P.E.. Y ramènent tous Les. clodos de la région... C'est même pas bon à garder 1/2 heure. Lui, l'international, iL voulait plus' en faire. Alors, on a associé nos misères". (1) : selon La température extérieure et La vitesse à Laquelle on roule, la manière de disposer les cartons contre Le radiateur, Le pourcentage d'alcool ou d'essence à rajouter au carburant... - 60 - Pascal garde des relations courtoises mais distantes avec les chauffeurs de C. : "La Miss, c'est une célébrité. Elle fait son boulot mais une femme, c'est le bordel dans une boutique. Y'en a (des conductrices) qui savent à peu près rester femmes, mais elle, elle boit des canons, elle fume le cigare, elle a pris un cul comme une bonbonne... Une femme, c'est fait pour être désirable... Elle est pas si belle qu'il y a 5 ans. Elle en fait pire que nous. On a déjà du mal à se tenir propre dans ce travail, alors une femme... Tout ce qui est langage ou toilette..." L'épouse Son grand-pçre père de était dirigeait une Pascal est comme assureur, après fabrique de lui, issue avoir été conserves. Ses d'une famille locale. voiturierycharre tier. Son cousins sont agriculteurs. Son frère est garagiste. Les quelques anciennes familles de Verly se fréquentent assez régulièrement. Pascal construite nombreux sur aime beaucoup organiser le terrain transporteurs de de des fêtes dans ses beaux-parents. Il y la région qui ont débuté la grande maison invite également après guerre de : "On se connaît tous. En 1960, y'avait peu de transporteurs. Y'en avait un par village". (...) "Les nouveaux c'est des tous qui ont construit ingénieurs. C'es-t pas comme des villas où ils ont du nous, qu'on est pèze, là pasqu'on a eu un héritage. Au Conseil Municipal, c'est tous des nouveaux. Dans la rue, on connaît plus personne, ça m'énerve !". Par rapport à l'expansion de l'entreprise de Monsieur C , Pascal a des réactions mitigées de plus en plus. C'est : "Il a toujours acheté du matériel un choix à faire... C'est et travaille toujours possible. Il y a quelques années, il y avait qu'à y aller... C'est une forme de vie à choisir. Mais on peut être heureux sans avoir 200 salariés. Il a pas forcément plus d'argent que moi à dépenser à la fin du mois. Il a peut-être plus de biens au soleil... à condition de les garder, encore...". - 61 - Pascal, affrété occasionnellement par C. conserve une indépendance économique mais utilisant les services de nettoyage et de mécanique de l'entreprise, il est, comme les autres salariés, l'objet d'un contrôle non- équivoque. A la différence des affrétés entièrement dépendants dont les alliés appartiennent aux classes hétérogènes moyennes : techniciens, instituteurs..., il réside dans la commune et est issu d'une parenté de propriétaires de manufacture ou de terres agricoles. Dans ces communes, bien localisé.-s dans la région, anciennement des lieux de résidences bourgeoises, les artisans effectuent de longues distances par alliance d'un parc dans des années soixante leur puis de se à. ou de l'international la commune voisine permis restreindre, en plaçant comme M. I, propriétaire (1). L'expansion économique à tous deux de développer leur trafic, leurs chauffeurs chez des collègues de la même génération qu'eux. Les réseaux de transporteurs sont entretenus régulièrement lors de festivités le week-end et les chauffeurs qui sont employés par l'un et par l'autre ont une grande expérience de la route. Les artisans et leurs chauffeurs, comme celui qui quitte l'entreprise C. pour s'intégrer à ce réseau de professionnels, mettent à distance à la fois les conducteurs de chez C. qui ne sont pas de grands routiers, et l'employeur. Ils s'affirment comme des aristocrates. La sociabilité des conducteurs de l'entreprise semble donc indépendante des réseaux d'artisans et de leurs salariés. Elle n'a pour espace que l'entreprise et ses environs. Les salariés célibataires de chez C. résident tous au centre de Lyon, de Vienne ou de St Etienne ; les pères de famille, dans les communes ne tient pas à venir habiter à proximité de l'entreprise. Le pouvoir local le rituels, a la volonté d'attirer par ses sociaux ou ses à La Lance qui pourtant services du transporteur et de banlieue. Comme réseau d'artisans les salariés, on est-il perçu comme si coercitif ? Les rapports de production et la division des activités entre entrepreneurs détermineraient donc grandement la sociabilité locale. Envisageons donc maintenant comment, dans des communes plus rurales que Verly, les transporteurs et chauffeurs répartissent leurs lieux de sociabilité et domaines d'activité. CD : Routiers, identités..., op. cit., vol. II - 62 - ^ . LES TRANSPORTEURS DE MORLY Morny est un gros village de la taille de Verly situé plus à l'ouest sur le plateau, à 25 km de distance. La terre agricole y est plus mauvaise, les manufactures rares. 633 habitants sur 3463, parmi lesquels on compte 1327 actifs, travaillent dans la commune. L'accroissement de la population s'est réalisé vers 1968, année au cours de laquelle l'on enregistre 1800 habitants supplémentaires avec la construction de 70 logements H.L.M., puis en 1975 jusqu'en 1983, la construction de plusieurs centaines de pavillons. Morny est plus rurale que Verly et plus ouvrière. On dénombre 174 ménages agricoles, 750 ouvriers et 650 ouvriers spécialisés ou qualifiés. Point de propriété bourgeoise sur ce plateau aride et venteux. Nous avons décrit la parenté de Monsieur L. C-A") transporteur et maire de la commune, qui regroupe le notaire, un industriel agro-alimentaire, des agriculteurs, des commerçants, un de ses beaux-frères est également au Conseil Municipal. Monsieur L. a embauché ses 30 chauffeurs soit localement, soit en direction de St Etienne où il entretient plus de relation avec les chargeurs. Il y considère la main-d'oeuvre plus fiable que celle de l'agglomération lyonnaise. Ayant établi un contrat pour la distribution des meubles Conforama produits à Lyon, Monsieur L. affrète de nombreux artisans de la localité. Dans la commune, .Ses frères et soeurs, «A le- beau-frère conseiller municipal, ont construit vers 1955 une série de villas groupées. Depuis, les maisons ont été investies par leurs enfants, âgés de 25 à 35 ans. Ces derniers, cadres moyens, continuent à entretenir potagers et clapiers, gardent mutuellement leurs enfants. Ici iwjtux Avant 25 ans, pendant leurs études^V • vivaient à Lyon dans des quartiers comme St Jean ou la Croix Rousse. Un ouvrier, dont le grand- (2.") père était minotier réside juste à côté. Son père a commencé à faire du transport à la même époque que Monsieur L., en 1945, en rachetant un camion à (1) : naTeUt-Íepr.S'34 d e n t 1 t é S - ." ° P " ^ " ^ (2) : oncle par alliance de Monsieur L. - 63 - " : La « ^ t o M a U t é patro- L'Armée pour effectuer La ramasse des fruits et Légumes en direction des marchés gares de Lyon et Paris. Puis, en 1950, iL se "greffe" avec un affréteur de St Etienne. L'entreprise EL Le possède préféraient est indépendante de ceLLe de Monsieur L.. trois atteLages, mais en 1965 "iLs nous ont Laissé tomber. Y travaiLLer avec des transporteurs de La Loire. Et pis, on arri- vait pas à assurer". Le père n'entretient qui ont créé de reLations qu'avec, de petits Leur entreprise à La même période que pas". Robert, son fiLs, est associé Lui.Y"IL très tôt à L'activité de industrieLs ne sortait" L'entreprise famiLiaLe et passe un C.A.P. de mécanicien poids-Lourd dans un Lycée technique à St Etienne. IL travaiLLe ensuite pour un concessionnaire SCANIA, puis, après son service miLitaire,' iL est embauché par son père, en 1971. Chauffeur, iL commence à rouLer en nationaL. Avec à Dijon, on se fi Lait La L'autre chauffeur, "on se croisai-t Licence. Y'en a beaucoup qui faisaient car Comme ça, on faisait rouLer deux camions avec une Licence". Avec La banaLisation de u) La Licence, 'L'entreprise en acquiert une seconde et effectue aussi des voyages internationaux. Deux vieiLLes semis chargent de L'acier et du béton et reviennent à vide. La savoyarde effectue du groupage L'ItaLie. pour B.S.N. et transporte Lampadaires, meubLes, verreries pour Un troisième véhicuLe est affrété par CALEXPRESS. Richard devient routier internationaL : "En ItaLie, y sont stricts par rapport aux autorisations. On s'est entraîné un peu Les autorisations sur L'ALLemagne. Y z'aiment bien que Là-dessus et on eu Les chauffeurs aient un technique sur L'étranger. Avec Les travaiLLeurs, Les douanes, Les tampons, Les machins, y trient un peu". L'apprentissage en ItaLie est agréabLe : "En ItaLie, tu rencontres un chauffeur, C'est tu vas manger dans une pizzeria. C'était pLus décontracté. Le Midi. Y'a Le soLeiL. C'est moins cher aussi. Les gens sont sympas. En ALLemagne, au resto, on te sert. Y font pas attention. Après, je rencontrai toujours Les mêmes chauffeurs. Et on connaissait un peu Le coin". (1) : De nouveLLes distributions de Licences "gratuites" (attributions semblet-iL suivant Les départements où est bien impLantée La F.N.T.R., fédération départementale puissante, miLitants actifs) et pas à n'importe queL transporteur, ont Lieu depuis 1986... - 64 - L'entreprise, d'une par tous Les moyens économie et d'une gestion précaire, cherche les''coups possibles voyages. "En Allemagne/ les douanes c'est Italie où ils te piquent un carton. J'ai La quantité est après, quand limitée t'as à 100 l'habitude, pour rentabiliser plus correct. C'est sont douanes, c'est tout C'est super un peu plus. J'ai organisé. Si trafiqué un peu. les centimètres que t'as dans le réservoir. Mon père a payé cher, et, après, il était pénibles avec taxé un maximum, mais (.-O enregistré. t'es fiché, alors, après, y t'emmerdent Y faut marquer le gas oil. corrects. Après, une fois que t'es connu, si tu fais pas d'impair, tu passes". (...) "Les les pas comme en eu des problèmes avec l.. ALors, ils m'ont ils au maximum marqué. (5000 F d'amende). Ils étaient ces histoires de gas oil. En Allemagne, il est vraiment plus cher et comme bn avait mis de gros réservoirs, ça nous permettait de faire le tour en redescendant. Je passais au Luxembourg, Avec les bons de gas oil, fallait là, il est toujours complètement tricher. C'était détaxé. mon père qui poussait un peu". Pendant le week-end ce temps, Robert chez des copains "trafique à droite et à gauche", dort lyonnais : "comme j'étais toute la semaine sur la route...". Il n'a pas vraiment de domicile fixe : "Je me levais à midi, le samedi. On calculait sur le week-end ce qu'on allait faire comme conneriej'. Il skie chaque hiver, fait beaucoup de vélo et de delta-plane: "Maintenant, j'ai plus la trouille, depuis qu'un copain s'est tué sur une voiture". L'été, il part en vacances en Hongrie, Bulgarie, Irlande, Sardaigne. Son père cesse alors son activité en 1986, souhaitant prendre sa retraite : "Lq boîte, mon père, y me la donnait. Mon père, y se faisait chier. Sur la fin, on avait trois camions (SCANIA) et trois semis, deux li- cences. Ils ont piers. Si libéralisé car beaucoup de transporteurs j'avais repris l'affaire, j'aurais deux roulaient chauffeurs et sans paje serais dans les bureaux (il rit), les papiers, tout ça, les rapports avec les affréteurs...". (1) :^ différents groupe de la communauté européenne taxent les "importés" ou "exportés" dans les réservoirs des véhicules. - 65 - carburants Richard préfère alors se mettre au chômage. Attelages et garage sont vendus à un chauffeur. Celui-ci reprend également le marché des machines à Laver vers l'est de la France et l'Allemagne et se fait affréter par M. L.. Richard/ peut-être à cause de ses expériences cours distant chauffeur qui lorsqu'il a repris décrit la lyonnaises, tient un dis- sociabilité de la petite la boîte de mon père, il voit commune souvent : "Le L.. Je sais pas comment y se débrouillent quand y'a pas de boulot... Il y a des relations tendues..." (...) "L., y trafique au bistrot/ aux boules. C'est quelqu'un qui circule beaucoup. C'est des relations qui sont données. Tous les affrétés par là travaillent pour lui : "Tu achètes ton camion, je te file du boulot !". Ca compte. C'est des relations locales. L., il est toujours au bistrot avec ses chauffeurs, le samedi, à l'apéro, après l'entretien... Le père de famille, avec ses enfants. Ca fait assez familiale, quoi. C'est la campagne •" Il réside maintenant compagne enceinte qui travaillait dans l'ancienne villa de son père avec sa dans un foyer d'hébergement, et quelques amis de passage. Il y a peu de meubles. L'ancien la cour et le garage, est transformé en salon où bureau vitréV" r l'on s'assied à même le / sur • sol sur des coussins. Une table de ping-pong est utilisée pour ranger livres et papiers. Pendant son chômage, Robert effectue quelques voyages pour le successeur de son père^ aide un cousin plombier, part en vacances en France, en voiture avec sa compagne "mais y'a moins d'imprévus". L'été, les cousins-voisins organisent des soirées barbecue. Il rencontre dans un café de la place du village ses copains d'enfance devenus paysans, préparateur en pharmacie, ouvriers chez R.V.I.. Son père joue aux cartes dans Le café-hôtel-restaurant d'en face. Monsieur L. continue à fré- quenter le jeu de boules : "Le bistrot de mon père, c'est Le bistrot "classe". C'est le niveau au-dessus. La gare, le jeu de boule,Ic'est D L U S erad !". . ^"""^vkj où se rend Monsieur L. Ses amis, ages'de la trentaine, connus il y a quelques années, " ' " à la Croix Rousse, résident à Lyon, proviennent tous du même lycée. Certains - 66 - se sont mis à Leur -compte, comme commerçants en vins ou ont monté un cabinet de gestion ou encore sont dessinateurs industriels. Robert ne veut plus faire routier. IL souhaiterait être chauffeur de car : "c'est sympa, c'est pas trop La course", à La Limite, chauffeur en régional : "Chauffeur, je Le ferais plus, faudrait vraiment facilement. Je connais aller Y'a que des j'aie plus de rond. Mais, je pourrais transporteurs. C'est mon père qui trouver m'a poussé à les voir, quoi, faut bien chercher un peu. Mais, ça m'intéresse pas. l'ambiance qui me dit rien, bof... C'est pareil à l'usine. Je suis un peu dégoûté. J'ai fait ça pendant 15 ans. Ca me plaisait au début, pis, après l'ambiance, les bureaux de fret... Je fais un peu un rejet, quoi... L'am- biance, quand tu roules, ça va tout seul..." "Tu te retrouves au restaurant, les discussions sur le racisme. T'sais, quand a un qui toujours tu connais personne... T'es toujours pris à témoin quand y'en vient là-dessus. En plus, moi, je parle pas beaucoup. Y faudrait gueuler. Ca, ça me fout en boule... C'est pas... C'est vrai que je réagissais Les vieux qui parlaient- de ça, pas les jeunes, des gens de 50 ans. Y la ramènent constamment... quand y z'ont fait L'Algérie !". "Les très vieux, y parlent du bon temps. C'était pas comme ça... Y partaient toute la semaine... Y faisaient journée à rien faire. Y connaissaient avaient des réparations un voyage, ils prenaient une plus Les gens du pays... Souvent, ils à faire sur place. Les jeunes, ils parlent de cul, de camions, de mécanique... Les jeunes, ceux qui font ça... Ils sont mordus. Un peu vitesse, un peu moteur, ils aiment le camion... C'est impressionnant, quand même". Nous retrouvons à Morny le même phénomène qu'à Verly. Les artisans qui possèdent de la clientèle en direct construisent des réseaux délocalisés et localement, ils sont concurrents entre eux. A L'inverse, Les rapports sociaux de La plus grosse entreprise de transport sont investis dans la sociabilité villageoise. Monsieur L. se rend au jeu de boules avec ses salariés - 67 - et ses artisans dependants alors que Les artisans indépendants se regroupent au café des commerçants pouvoir économique et et des agriculteurs. En situation de monopole, de politique, les relations sont "données" à Monsieur L.. Robert a connu avec son père le rythme de travail et toutes les tactiques de l'artisan indépendant qui vise à renflouer par tous les moyens un budget toujours précaire, en jouant des exigences administratives selon les pays, en fraudant sur les réglementations les idéologies des conducteurs "captif" ou conditions salarié d'une de travail pour entreprise qu'il connaît fiscales et économiques. Il prétexte refuser à la fois de devenir importante, c'est bien, de s'intégrer artisan à dire, outre des à la sociabilité villageoise, populaire ou au réseau d'artisans. Son expérience de chauffeur lui a permis pendant 15 ans de fréquenter des citadins lyonnais qui depuis sont devenus cadres, commerçants ou exercent des professions libérales. Le travail a été une passerelle vers une culture qu'il ne connaissait pas. Profitant de la villa de son père,, il entretient des relations régulières avec ses voisins, les neveux techniciens de Monsieur L., abrite quelques amis, s'installe dans une succession de travaux occasionnels trouvés par l'inter- médiaire de sa parenté et ses expériences professionnelles. L'impossibilité de se reconvertir et le refus d'intégration des conducteurs ,J.ui donnent yne .. , /a la sociabilité^ vision triste et désabusée. Wocale ¿\, BERGERE : (LES TRANSPORTEURS DE) Bergère sur est une commune rurale de 4800 habitants, dans l'axe Lyon/Besançon. La commune connut une période L'Ain, d'industrialisation relative avec l'implantation de filatures et teintureries au début du siècle par des industriels qui n'étaient alliés localement. employaient A chacune la une pas du département et qui ne se sont pas troisième trentaine génération, les d'habitants, trois manufactures ferment "du jour au qui lende- main", il y a 20 ans. Les habitants de Bergère emmènent volontier l'étranger visiter ces locaux en voie de dégradation, avec le livre de comptes toujours ouvert sur la table, les rangées d'échantillons de produits et la salle des machines que les jeunes utilisent maintenant comme espace de bal. Nous avions déjà décrit Monsieur N., transporteur dans la commune, qui, lors de la reprise de l'entreprise que dirigeait son père, et avec la récession économique du département, s'est heurté aux résistances ouvertes des chauffeurs face aux changements de lignes et de techniques de travail. Les transports N. n'effectuent en 1986 guère plus que des déménagements et les correspondances de la S.N.C.F.. La mère de N. dirige un hô- tel, son père une cimenterie. L'oncle de N. (le frère du père) est quincaillier, le deuxième frère est P.D.G. d'une entreprise de chaudronnerie qui produit des constructions mobiles. Sa fille possède un magasin de bonneterie.. Comme dans du transporteur sont le cas de Monsieur L.>'on regroupe un ensemble s'aperçoit d'industriels et de que la parenté commerçants qui représentés au Conseil Municipal. Monsieur L. est maire de sa commune. Monsieur N. est 3ème adjoint municipal de la sienne. Le Conseil Municipal, si l'on excepte le maire et notaire depuis 45 ans dans la commune, Monsieur N. et transporteur le directeur commercial d'un fabricant de jouet, (1) : Routiers, identités... - op. cit. - vol. II : La succession, la reprise, la cessation d'activité - p 37. - 69 - est composé pour moitié de professions paramédicales infirmière...), et pour moitié d'artisans sonnage important ne fait un pouvoir important pas : c'est (dentiste, vétérinaire, commerçants et agriculteurs. Un per- partie du Conseil Municipal bien qu'il ait le président du club de foot, ancien chaudron- nier qui a créé une importante fabrique de bennes et de carrosserie qui emploie 50 salariés. Il est donc un concurrent^ direct de Monsieur N. oncle. En outre, il assure les transports scolaires et tient une agence de dépan- nage de poids lourds. Monsieur parents T. est cultivateurs dont le concurrent direct de Monsieur N.. Fils de la petite exploitation de 10 HA n'est pas renta- ble, il travaille pendant 9 ans comme chauffeur de bus scolaire pour le président du club de foot. Il se met à son compte en 1965 pour transporter productions locales quées. Comme les voyages : marbre, bois de scierie puis fabrications les contrepla- la plupart des transporteurs du département, Monsieur T. évite en direction de la région lyonnaise car les voyages retours, attendue la concurrence, sont très difficiles à trouver. Les transports s'effectuent plutôt vers le nord„est de la France. Depuis épouse est 10 ans, il secrétaire ; son la suite d'un accident emploie dix chauffeurs fils et un deuxième du travail, s'occupent de dont un frère frère, maçon l'entretien ; son handicapé à mécanique des attelages. Les tracteurs parcourent 100 000 km par an. > Monsieur T., lorsqu'il n'avait pas de salarié, en parcourait 190 000. Comme Monsieur N., Monsieur T. préfère mener au entre différents pièces. réparer kilométrage "On cnc.mise-s le plus élevé les F au pistons à 1300 des - 70 - jouer ristournes F ' au lieu de 750 F. En refaisant mécanicien en une semaine." d'un garage afin de les possible. Faisant fournisseurs, il obtient touche à 300 les camions en s'équipant lieu la concurrence de 40 % sur les. de 2000 F, les le moteur, on paie de Alors que Le garage et La maison de Monsieur N. sont situés à La périphérie du centre ville/ Monsieur T. a investi dans une terre agricole sur laquelle il a construit verte d'un hangar . Par une entourée grande villa la fosse nécessaire aux réparations recou- la suite. Le terrain étant viabilisé/ il construit d'arbres fruitiers où loge la famille/ bétonne un large espace non couvert pour garer les attelages. Trois de ses plus jeunes frères font leur service national/ commis de ferme et ouvrier chez Monsieur T. oncle et attendent l'entreprise pour s'y l'expansion de faire embaucher. Les chauffeurs gagnent environ 9000F par mois, primes et déplacements compris. Monsieur T. vient d'investir dans un minitel puisque la T. contre laquelle s'élevait en 1982 la F.N.T.R. locale n'est R.O./C plus respectée. Monsieur T. est très anti-syndical. Selon lui/ les "véreux" du syndicat patronal départemental ont fait chuter les prix d'affrètement action positive aurait été l'obtention d'une ses départs en direct/ concurrençant ainsi de moitié. La seule détaxe de gas oil. Il assure le vieux Monsieur N. qui a promis de lui "foutre un coup de fusil". Monsieur T. estime que ses chauffeurs sont "des gens vraiment doués". Il y a dix ans, les conducteurs n'étaient pas stables dans l'entreprise ; maintenant/ l'équipe serait soudée. Monsieur T. estime qu'être chauffeur est "un métier d'avenir pour les jeunes" mais il faut au préalable "apprendre la fabrication en usine". Le père de Monsieur U. était porcin/ disparue depuis. Sa femme est feur chez le président du club ouvrier dans une institutrice. Après de foot/ puis ferme d'élevage avoir été chauf- chez Monsieur T., puis chez un transporteur de la ville voisine, un des permanents du syndicat que Monsieur T. exècre : "qui lèvent le cul et se font en 1969. L*) : T fto — *«.n f ¡caVoo routière cJ»\i\cVo"irc. - 71 - racheter"/ il s'installe IL construit une avancée de toit sur La vieiLLe maison de sa mère, en bordure de La route nationaLe afin de ranger pièces de moteur, fûts de vidange garer sq ; fait goudronner un terrain pLat pour ranger Les atteLages et Mercedes. Sur La coLLine voisine, iL érige sa viLLa dont Le sous- soL est consacré à La gestion de L'entreprise.. Monsieur U. a été chauffeur pour Le président du cLub de foot puis pour Monsieur T. En 1969, son fourgon est affrété par une société de messagerie un Le régionaLe. En transport 1973, iL internationaL de embauche moutons et de chauffeur et se Lance porcs, profitant dans d'anciennes reLations de son père. Les cLients sont des sociétés agro-alimentaires instalLées en ALsace qui remplacent Les élevages Locaux disparus. La provenance des bêtes dépend, selon Lui, des politiques de Ministères de L'Agriculture. Avant blique 1981, le trafic Démocratique Allemande s'effectuait ; en 5 mois sur 10 avec la Répu- 1982/83, avec l'Espagne ; en 1984/85, avec La Hongrie. Monsieur U. emploie maintenant 12 chauffeurs. Le dernier embauché comme comptable est un jeune du village. Les murs du bureau sont de photos d'attelages 2 accidentés tapissés : "Quand on achète 3 camions, on en casse !". Sur environ 7 accidents par an, 2 atteLages sont irrécupérables. Les tracteurs (SCANIA, que L'on trouve sur MERCEDES, VOLVO) qu'il achète sont les plus puissants le marché. Garantis deux ans, ils sont revendus au bout de trois. Comme les possibilités de charger sont irrégulières et qu'un grand nombre de bêtes est proposé en une fois, les voyages doivent être rapides. L'ensemble des chauffeurs de Monsieur U. est réquisitionné et une surcharge systématique est imposée par Le client (soit 500 moutons par attelage au total). Chacun effectue dans la semaine trois voyages en R.D.A., soit 2500 kilomètres, et gravité du le centre de chargement étant mouvant, il faut veiller, en conduisant, à ne pas verser ni étouffer les bêtes. - 72 - Monsieur U. roule rarement et se consacre exclusivement recherche de fret, chaque grève dans un abattoir étant une occasion à la lucra- tive, et des contacts aux douanes. Il trouve scandaleux que des vétérinaires privés soient chargés de contrôler les bagues des bestiaux aux douanes et \.'.) gagnent à ce titre, 10 000 F par attelage. Les chauffeurs gagnent, primes de kilomètres, de tours et frais de route compris, entre 10 000 et 12 000 F par mois. Le travail est pénible et dangereux. Il dit c'est en parlant tout un métier. (...) pas !". de ses chauffeurs C'est moi qui : "Charger des cochons, les ait dressé, sinon y restent Monsieur U. recrute ses conducteurs dans un rayon de 30 kilomè- tres, dans la zone rurale, "des fils de cultivateurs de préférence", enfants d'ouvriers agricoles ou d'artisans de famille nombreuse. Chacun sait dans la commune que le frère d'un de ses chauffeurs, fils de boucher/ferrailleur, a cambriolé récemment proche années, . Ses chauffeurs, après quelques licenciés pour cause d'accident une résidence secondaire • lorsqu'ils sont dû aux excès de charge ou suite à un refus au travail, demandent à être embauchés chez Monsieur T.. Lorsqu'ils perdent leur temps à ^ r i s ciés sont lors de "bringues", les chauffeurs de Monsieur T. licen- embauchés par Monsieur N.. La circulation des chauffeurs de U. vers T. puis vers N. est donc inverse du sens de la mise à son compte qui part du président du club de foot vers U.. Recrutés dans des familles dont les enfants n'ont guère de perspectives travail est mal professionnelles, harassant considéré et ils commencent dévalorisé dans puisque la profession le métier de le difficile ainsi que peu conducteur transport rémunéré de par un cochons (corppte tenu des risques d'accident et des heures de conduite). Le transport de préfabriqués et de produits manufacturés chez Monsieur T. leur fait connaître les métropoles et un rythme de travail moins tendu. Les transporteurs parenté de propriétaires sont intégrés localement dans un réseau de industriels et immobiliers. Mis à leur compte, ils embauchent en priorité des membres de leur famille. Les chauffeurs circulent -?3- de transporteur à transporteur dans Le sens d'une intégration Locale. De sous-prolétaires déconsidérés, ils deviennent "habitants" du village. Même sans grandes perspectives professionnelles/ être chauffeur chez AJ • amène à être reconnu et respecté. Monsieur N. a perdu étant Le plus ancien les marchés de ses parents producteurs mais des transporteurs ayant des départs directs et membre du Conseil Municipal, il reste un symbole d'installation locale dans la durée. Il n'y a pas de ville à 35 km à la ronde. La main-d'oeuvre qui ne migre pas ou se déplace peu, reste captive des réseaux d'employeurs locaux, et d'organisations du travail traditionnelles. Après L'entretien des véhicules, le week-end, les repas d'entreprise sont rares et peu de cafés semblent investis de préférence les fêtes municipales par les chauffeurs. Les regroupent de nombreux habitants mais de rituel spécifique aux chauffeurs manifestations sportives, il n'y a pas dans la commune. La double circulation des artisans dont Les entreprises sont de même taille et de chauffeurs semble indépendante de la sociabilité villageoise. Lorsqu'un de puissance que les autres, comme dans entrepreneur a plus Le cas de Morny, on assiste à une double sociabilité à caractère ritualisé pour les chauffeurs et Les artisans non dépendants L'évitetvt. L'entrepreneur embauche et installe ses affrétés par l'intermédiaire de ce rituel. A Verly, où L'entreprise de Monsieur C. est très importante, Les chauffeurs sont recrutés et résident assez loin, et La participation régulière et prolongée aux rituels confirme Leur promotion. Les routiers peuvent être embauchés par des artisans "non-captifs" dont certains sont d'anciens salariés de la même entreprise. Si Les rituels L'on compare à caractère Les cas de ces trois communes, il apparaît que instrumentaux ou purement Ludiques délimitent les statuts professionnels réciproques, qu'ils permettent de connaître Les statuts voisins, qu'ils assurent Leur reconnaissance. Ils assurent aussi tion des conducteurs la circula- d'employeur à employeur, mais seulement lorsqu'un désé- quilibre au niveau des pouvoirs économiques existe entre transporteurs. -*<l- hps-: Uííi=«, IV - QUELQUES MOUVANCES SYNDICALES TS-QUELQUES MOUVANCES SYNDICALES Les syndicats représentant-. Les chauffeurs sont-ils porteurs de valeurs spécifiques comment à cette activité la ? Nous F.N.C.R., entre avions décrit, lors du précédent 1950 et 1960, avait volume/ contribué à construire une mythologie de la route à partir d'une sélection des mémoires des pionniers, publiée dans des reportages, romans ou films ; comment a été diffusée dans les journaux et comment la langue technique la participation aux champion- nats permettait d'avoir comme interlocuteurs des transporteurs, constructeurs de véhicules industriels et hommes politiques. Les symboles en scène attachés à sont-ils, pour l'outil, les conceptions du métier mis partie, partagés par les syndicats confédérés ? Quelle est la logique de l'engagement dans le syndicalisme: Nous changeaient les assez que souvent les et chauffeurs dans les entreprises ils expliquaient ces changements par "des conflits de personnes". Il n'existe chauffeurs pas présente mentionné de syndicat d'affiliation de avions puissant dans à la Bourse conducteurs de bus la région Rhône Alpes. La du Travail des T.CL. et les chauffeurs (Transports en pas de syndicat C.G.T. Route sont Commun affiliés n'est avec Lyonnais). A la F.G.T.E., (Fédération Générale du Transport et de l'Equipement), les fonctionnaires de l'Equipement nots ne comprennent s'opposent pas les aux professions du transport routiers, et parmi ; les chemi- les chauffeurs, sont taxés de pro-cheminots, les salariés des filiales de la S.N.C.F. lorsque les groupes se trouvent en désaccord sur les revendications. Voici désespérant pour le militant. -?*- un tableau un peu On retrouve parmi Les permanents de plus de 45 ans de La C.F.D.T. Route des Les mêmes origines sociaLes que ceLLes décrites dans miLitants Nantais de La C.F.D.T." (1) : fiLs "Autobiographies de petits cultivateurs, d'artisans ou d'ouvriers, catholiques, certains ont milité à La C.F.T.C. A Lyon, Les déLégués du personnel qui se rendent aux réunions de La Bourse du Travail ont moins de 35 ans. Presque tous sont célibataires ou divorcés. Si l'on excepte de rares délégués, issus de familles de cadres moyens qui se sont engagés dans Le mouvement ouvrier vers 1968 et qui, se sentant déclassés, ont une vision amère de la société, on remarque que, très souvent, ces syndicalistes ont eu une enfance tourmentée, des parents séparés, ont changé de lieu de résidence très souvent et n'ont scolaire supérieur au C.A.P.. L'adhésion comme une opposition du chauffeur aux "gens des la direction et qui montent C.G.C., que pas de diplôme L'expression au syndicat est souvent plus expliquée bureaux" soupçonnés être des alliés de Leur propre syndicat, F.O., C.F.T.C. ou encore d'une "conscience de classe". Après une succession de travaux précaires dans plusieurs grandes villes, ils voient dans Le syndicalisme un moyen de s'intégrer à l'entreprise, de se faire connaître de la maîtrise, mais surtout, de développer entre collègues de travaiL des réseaux d'échange et d'entraide qui débordent syndicales strictes. Ils sont rejoints Largement dans cette le cadre des activités sociabilité conviviale par des chauffeurs de même âge mais d'origine artisante ou commerçante qui ont, depuis leur enfance, une grande expérience urbain, qui connaissent parfaitement du mode de vie populaire La ville... (Cas de B7 et B11 par exem- ple, Les Livreurs, vol. II). (1) : Autobiographie des militants Nantais de La C.F.D.T. - Les cahiers du L.E.R.S.C.O. - Univers, de Nantes - 2ème edit. - n° 4 - sept. 1982. -IG. Lorsqu'à La suite d'un stage de formation professionneLLe nego- cié avec Leur employeur grâce à Leur position syndicale, iLs quittent L'entreprise et changent d'emploi, ils cessent alors toute activité militante Le syndicat apprennent a un rôle de formation intellectuelle. Les délégués le droit du travail et l'économie, et, en ces années de désaffec- tion syndicale sens du (1) terrain leur est souvent : "Ils préfèrent reproché au niveau régional aller discutailler leur manque de à Paris plutôt que de s'occuper de leur boîte et des camarades". Le syndicat est surtout implanté dans les entreprises de messagerie en zone courte. Les chauffeurs en zone longue adhèrent à titre individuel mais le syndicat est rarement représenté au comité d'établissement de Leur entreprise. LA POSITION ORDINAIRE D'UN SYNDICALISTE Prenons l'exemple de Félix, delegué du personnel dans l'entreprise P.I.C.. Cette entreprise est fondée au début du siècle par un garagiste devenu livreur qui avait constaté la carence des stocks en pièces mécaniques. P.I.C. effectue de La messagerie rapide de colis de moins de 25 kg. Le service de livraison est bi-journalier dans chaque département. Une filiale S.N.C.F. transporte le fret des ramasses de département à département moyennant quoi P.I.C. transmet à une autre filiale S.N.C.F. le soin de distribuer les colis à l'extérieur de la COURLY (*). L'agence de véhicule de Vaulx en Velin compte une lourd, affrétés et intérimaires trentaine de compris. 40 % des chauffeurs intérimaires (*) - COURLY : Communauté URbaine de LYon. (1) : cf Pierre, vol. I ; B9, vol. II, livreur, de père artisan, devenu technicien en informatique. -3?- travaillant à l'agence en saison fixe, fournis par la succursale de la com- mune voisine, spécialisée dans le gardiennage d'entreprise... Dans ce tra- vail, où il faut rouler vite, bien connaître l'agglomération et ne pas perdre de temps chez les clients (1), 23 chauffeurs sont considérés comme tels par les "gens des bureaux", entendons les contremaîtres et cadres administratifs de 30 à 40 ans. Ces chauffeurs dont la moyenne d'âge est de 32,7 ANS, ont entre 4 et 13 ans d'ancienneté^ les plus anciens ayant au moins 12 ans d'ancienneté, date de soit dans la l'implantation commune-même, soit de dans l'agence.uw<-Jà résident les villages alentours pour moitié à caractères ruraux, (4 cas). Les salariés les plus récents résident dans les communes "ouvrières", dont la moyenne du taux de coefficient familial est le plus bas de l'agglomération et le pourcentage de mtHÏtç d<t lh «¿us i<- p'^s à part 4 exceptions, issues du coeur de la zone des industries pétro-chimiques du Sud. Depuis les à 4 réunions par an ciper" disent lois Auroux, l'expression des salariés s'est réduite et "les chauffeurs se font tirer l'oreille pour y parti- les "administratifs". Les cercles de qualité ont lieu "à la demande". Comme tous les autres, Félix est devenu délégué "par hasard", à la suite du mécontentement des conducteurs : dix nouveaux chauffeurs ayant été embauchés et les tournées de chacun modifiées". "Y'en a un qui a promu le mouvement syndical. Il est allé à la bourse du travail... Et puis, un soir, il a demandé une réunion. Un soir, chez un copain, on est allé voir... Et puis, il nous a dit : "y'a pas de problème, il faut élire un délégué". Tout le monde voulait qu'il y ait un syndicat mais personne voulait se présenter. ALors, moi, je sais pas trop pourquoi, j'ai dit : "bon, ben O.K., je le fais pour lancer le syndicat, (1) : cf "Garder son temps", L.C., vol. II - Les Livreurs. ->î- "mais un minimum de temps". Parce qu'y en a un qui voulait bien L'être/ seulement, ça faisait pas un an qu'il était dans La boîte. Alors, j'ai dit : "Je le fais, trois, quatre mois, et après, tu reprends le flambeau". Au début, je voyais pas bien, je connaissais rien du tout. Puis, finalement, cette personne est partie et comme personne veut le faire... Puis, voilà, je suis resté délégué syndical. Enfin, j'avoue qu'avec ma vie de famille et tout le reste, ça fait pas mal de boulot. Je me passerais de cette tâche." Félix a 35 ans. Son père, tourneur dans une petite ville du Cher, puis routier pendant 25 ans, transporte du fil de fer avant pré-retraite. Son grand-père paternel est de prendre sa inconnu ; son grand-père maternel était gardien dans une usine de porcelaine. Après son divorce, sa mère s'installe à Paris et "fait de la représentation". Félix rate son C.A.P. de plom- bier. "J'avais un patron qui me faisait faire que du cuivre pasque ça lui plaisait. C'était la mode. Et puis, le jour du C.A.P., j'ai eu du plomb... Et je savais pas travailler le plomb." Il va alors résider chez sa mère et poursuit un stage de F.P.A. pour obtenir un C.A.P. à 18 ans. "Quand on a 20 ans, on sait pas trop ce qu'on veut faire. On rêve un peu. On veut pas trop se salir les mains. Je voulais faire de la représentation. J'ai essayé à plusieurs reprises. Je me suis complètement planté. J'ai fait des petits boulots." Il rompt ensuite avec sa mère, travaille comme serveur dans un relais routier du Massif Central. Le père de sa nouvelle compagne lui propose de l'embaucher dans son entreprise de carrosserie. "Je devais faire de la carrosserie avec lui... Finalement, j'ai fait un an de boulot là-bas, pasqu'il construisait une maison, et y m'ont dit : "Y'a pas de boulot pour toi". Donc, j'ai redémarré à zéro. Je suis reparti..." En 1976, il arrive à Lyon, se fait héberger par un copain étudiant rencontré pendant les vendanges et vit "au jour le jour". -*3- "J'ai pas de mauvaises bases... Y'a des jours, je mangeais une demi-baguette". Après une succession d'emplois de manutentionnaire, de gardien, iL est embauché dans une entreprise de déménagement de 10 salariés, pendant la saison d'été, alors qu'il y a du travail. "Maintenant, ils emploient un peu n'importe qui. Y trouvent peu de gens du métier. C'est rare. Il faut savoir emballer les meubles. Y'a une manière pour porter. Et c'est mal payé... C'est un métier quand même. J'étais jeune. J'étais en panne. Je préférais porter... Les jeunes, maintenant, le déménagement, c'est dur pour eux." Pendant meubles neufs. l'hiver, C'est alors la même qu'il entreprise rencontre sa familiale compagne transporte actuelle, des aide- cuisinière dans une cantine, divorcée de l'un de ses collègues avec qui elle a eu deux enfants. Il change alors d'entreprise de déménagement. "C'était une ambiance vraiment spéciale. Y'avait que des aleólos." (...) "Si tu buvais pas un canon, t'étais pas bien vu. C'était l'usine. Le travail était plus dur. On faisait deux déménagements par jour." (...V'Quand j'ai revu les autres, je leur ai dit : "C'est vraiment une colonie de vacances". Y'avait le chef et tout..." Félix essaie alors de se reconvertir dans les assurances. "Pour gagner plus d'argent, trouver quelque chose de bien. Je me suis défoncé, et puis, finalement, pas assez de bagou... (...) "Les assurances, il faut être fait pour ça. Je me forçais. Il faut aimer le bagou, le contact humain, bien présenter. Je faisais du porte à porte. Tu sais, avec les paperasses, je savais plus où j'en étais. Y m'en ont trop fait faire." Il travaille alors six mois dans une nouvelle entreprise de déménagement, puis quelques semaines dans une manufacture de polissage de pou-- trelles d'acier, avant de trouver un emploi chez P.I.C.. "Avoir 34 ans, pour arriver là... Au début, ça m'a reposé. J'ai soufflé un peu. Par rapport aux autres boulots que j'ai fait, c'était pas pénible." Avec deux tournées par jour, son horaire et de 16 H à 19 H. -So- est de 7H30 à 11H30 "On croît qu'on peut faire beaucoup de choses. Puis, finalement/ rien faire : manger, ranger La maison, faire Les courses." (...) "IL faut conduire rapidement. Au bout d'un moment, y'a La tension nerveuse, tout ça. Tu te fatigues un peu. Faut pas s'amuser". on peut "Avant ma femme, je pas. Mais, si t'as des gosses un petit rhume, ben, tu vas au saies de Le garder. Tu serres un manquais une journée ou deux : ça ne gênait à assurer, t'es beaucoup pLus assidu. Tu as bouLot. Maintenant, si t'as un boulot, t'espeu Les poings." Le syndicat déclaré, Félix devient délégué du personnel. "Sur un coup de tête. Y fallait bien qu'ils aient quelqu'un. Mais, c'est quelque chose que je ferais plus." "Au début, on essayait de faire fonctionner le comité d'entreprise. Jusqu'à ce que tous les gens soient convoqués. On se réunissait chez moi. Les trois chauffeurs, on faisait les ordres du jour ensemble. On discutait un bon moment. Alors, à la réunion où ça foirait un peu... c'est que Les gars, ils disaient pas du tout ce qu'on avait prévu de dire... Enfin, y'avait quand même un fonctionnement. Puis, après, ils ont divisé. Les gens sont pas convoqués, Les ordres du jour n'existaient pas. Le secrétaire arrive à la réunion, y'a rien à dire 1 C'est clownesque, quoi ! C'est un peu folklorique. Et dans l'année, y'a deux, trois fois, où y'a pas de réunion." Par rapport aux espérances des nouveaux syndicalistes, la découverte des tactiques de la direction est rude. Le quart des chauffeurs démissionne sont car les remplacés temps. Les tournées par trieurs modifiées le double et les de sont plus conducteurs manutentionnaires longues et difficiles de "secours", employés récemment embauchés et ils à mi- sont des intérimaires. "Les gens des bureaux, ils participent pas du tout. ILs sont trop près de la direction. Ils attendent que ça se passe. Les nouveaux chauffeurs, récemment embauchés, ils osent pas..." Félix prend ses nouvelles responsabilités très au sérieux et revendique avec ses collègues un 13ème mois, à la place des primes de fin d'année, prime de non-accident plus anciens Livreurs ont : 2000 F/an, et de notation : 1000 F/an. Les un salaire de 4900 F/mois. Il reçoit alors une lettre de licenciement. "Quand j'ai failli me faire virer, y me connaissaient plus, à la Limite. Alors, j'étais un peu déçu... Y'a plus de réunion mensuelle." • -SI. (...) "C'était L'arrangement à L'amiable : si toi/ tu me donnes ci, moi, je te donne ça... et patati/ patata... C'est vraiment des positions inconfortables/ mais je suis obligé de faire comme ça pour obtenir quelque chose. Passé un moment/ c'était la guerre. Je les ai emmerdé, je me suis retrouvé tout seul... Le jour où je m'en vais, y'a plus rien, c'est sûr. On fait croire qu'il y a une certaine pression au niveau des salariés/ tout ça, mais les gens ont très peur." (...) "J'y vais carrément au flanc : si vous donnez pas de 13ème mois/ (à la place des primes), vous risquez d'avoir une grève sur les bras. Il a fallu régulariser les salaires. On a fait les marchands de tapis, et encore par du chantage : attention, si j'ai pas ça, je vais à l'Inspection du Travail !" "En plus, ils avaient mis au comité d'entreprise un chef d'agence de Valence. Alors pour avoir les compte-rendus... Enfin, c'est lui qui est sensé les faire. Le trésorier, ils l'ont balancé dans les bureaux... Franchement, j'en ai marre d'être délégué. Mais, j'y reste pasque j'en suis sûr, le jour où je suis plus délégué, je me fais virer avec pertes et fracas... Je fais le minimum... Ils ont une rancune contre moi pasqu'on a essayé de les.mettre aux Prud'hommes pasqu'ils voulaient me virer. J'ai reçu tout un paquet de lettres recommandées... Puis, ça s'est passé... Alors, je lui fous un peu la paix. Je me suis écrasé." (;..) "J'ai le cul entre deux chaises... Je préférerais qu'il y ait vraiment la bagarre, ou bien je fais plus rien..." Le comité d'entreprise est transféré dans un baraquement en préfabriqué, limitent sans chauffage maintenant et à une sans machine réfection des à écrire. Les sanitaires et revendications des se vestiaires. Le comité d'entreprise organise des sorties de ski. "Les sorties de ski organisées par le comité d'entreprise, ça contente les gens des bureaux... Les chauffeurs, non... On a pas envie d'aller avec les bureaux... Y tiennent peutêtre pas à se retrouver ensemble sur les pistes de ski." Certains chauffeurs, pour leur part, fréquentent par l'intermé- diaire du comité d'entreprise, un gymnase d'une grand société de Body-BuiIding implantée dans toutes les grandes métropoles françaises. Dans ce "temple du sport", selon la publicité, Aérobic pour les femmes, musculation et sports de combat pour les hommes,Vrassemblent _ * L - les ouvriers de diverses entreprises. La sociabilité diffuse par réseaux syndicaliste d'affinité comme dans dans différentes le cas de L.C. activités de direction étant plus répressive à l'égard des syndicalistes (1) se loisirs. La et mettant en oeuvre des contraintes importantes à l'égard du comité d'entreprise, il n'y a aucun rituel comme Le repas de Noël par exemple à L . C , permettant aux différentes catégories professionnelles de se rencontrer. La position de Félix est semblable à celle des autres délégués syndicaux C.F.D.T. et du C E . . L'engagement dans des responsabilités syndicales est consécutif à une trajectoire sociale et professionnelle brisée. Etre délégué permet de devenir salarié protégé et ceci est une stratégie individuelle efficace pour acquérir une stabilité de l'emploi, inscrire sa vie dans une localité, construire des "réseaux de copains", apprendre et "s'épanouïr"... La deuxième étape est le conflit avec la direction qui émerge inévitablement du fait de l'activisme du délégué. Le conflit fait apparaître la possibilité d'une conscience collective .des chauffeurs, d'un mode de pensée commun par l'intermédiaire de revendications égalitaires communes. Le conflit, brisé par la mise en relief des différentes catégories internes aux chauffeurs, l'activité du délégué devient essentiellement juridique, en même temps qu'il investit diverses associations où il trouve des relations parallèles mais plus satisfaisantes. Depuis fin 1986, début 1987, de nouvelles jurisprudences liées à une réforme du code du travail, remettent en cause la protection du délégué lorsqu'il participe activement à un conflit violent, comme un piquet de grève, rétablissant ainsi l'objectif "Le comité social doit aider énoncé en 1942 par le gouvernement de Vichy la direction à résoudre toutes les questions relatives au travail et la vie du personnel dans l'établissement." (2) Rappelons que le dépouillement des compte-rendus des dossiers et jugement des Prud'hommes, de 1978 à 1986, semble montrer que les verdicts des jugements précèdent la sensibilité politique nationale. (1) : Routiers, identités... - op. cit. - vol. II : Les livreurs, p. 42. (2) : Les comité sociaux d'entreprise : leur constitution, leur rôle, leur fonctionnement - L. MORÄNE - PUF - 1942 - 64 p. et aussi : Travail et expression ouvrière - P. BOUVIER - éd. Galilée - 1980 193 p. -fi- 2 , Le Bal de NOEL de La F.N.C.R. Alors qu'il n'existe pas de manifestation les adhérents des syndicats confédérés en région conviviale regroupant Rh ône Alpes, l'amicale des routiers qui finance la F.N.C.R. par les cotisations des relais, organise deux ou Pointue trois fois par (1) dont an un bal. Celui de Noël les gérants aident beaucoup 1986 a lieu à l'amicale, selon la Tour le président de cette dernière. L'après-midi, se déroule dans une arrière salle du relais une réunion syndicale de la F.N.C.R. consacrée à exposer les différentes motions du congrès interrégional qui a eu lieu quelques mois plus tôt (2). Elle regroupe une cinquantaine ans. Très surprenant pour qui connait ture de chauffeurs âgés de 40 à 55 le syndicat est la séquence d'ouver- : la minute de silence traditionnelle à la mémoires des morts sur la route est consacrée cette fois au décès d'un jeune étudiant tué par les fonctionnaires de police au cours du mois : "Quel que soit le motif des manifestations, et quels que soient les ordres de la police, je demande à ce qu'on tire un coup de chapeau à nos gosses" déclare le président. Les commentaires fusent ensuite : les étudiants "n'ont rien à perdre" mais ils donnent une "leçon de solidarité" ; "Nous, on perd notre travail de !"... La possibilité pressions grâce à des barrages routiers pour faire appliquer la législa- tion par le patronat est évoquée dans l'assistance : "Seuls les trois premiers sur les barrages ont des couilles au cul !" rétorque le président. Le réquisitoire est sévère contre les affréteurs comme Rhône-Poulenc, Danone, Cadigel... en infraction permanente. Les négociations sur les conditions de déchargement dans les grandes surfaces ne sont toujours pas réglées, même si le syndicat a demandé à des hommes politiques d'intervenir. Ce qui lui a été reproché au nom de "l'égalitarisme" : "lorsqu'on va voir l'élu, on va voir l'homme, pas le politique !". Parmi les commentaires de l'assistance, on entend que "le syndicat est considéré par les patrons", "qu'aux U.S.A., l'affiliation au syndicat est obligatoire", qu'en Suède, à la suite d'un conflit, "seuls les gars (1) : Routiers, identités... - op. cit. - vol. I : Les relais péri-urbains, p 61. (2) : Routiers, repas... - op. cit. - vol. III : Un congrès F.N.C.R. - p. 43. -Sk- interrégional syndiqués Lors des touchent séances Les aux augmentations Prud'hommes est !". L'explication amplement des argumentations développée, photocopies de disques aggrandies à l'appui : "Assister quelqu'un au Prud'hommes nous revient plus cher que toutes les cotisations, et après, on se fait engueuler : rt oui, les routiers ne font rien...". On regrette L'absence de l'Inspecteur du travail invité, qui se serait "dégonflé" à cause de "pressions politiques". Une dizaine de retraités sont présents, et est terminée, en fin d'après-midi, tous se retrouvent le temps passé, "les coups" marquants, comme âne au premier étage des Folies Bergères lorsque la réunion au bar. Ils rappellent ce groupe qui avait : "Y nous ont payé porté un le champagne pour qu'on le redescende !". On remarque que presque tous ont été chauffeurs d'engin de fort tonnage et sur de longues distances. Lors de cette séquence de clôture du rituel, les tracteurs des années 50 sont évoqués : les BERNARD de 20 tonnes et 105 CH qui roulaient à 45 km/H. ; Les. attelages de 48 tonnes et les pannes de freins dans La neige ; les routes impraticables ; les nuits passées à dormir sur Les tables des relais ; les carcasses de camions d'un transporteur célèbre qui jalonnent Les routes vers L'Iran ; La complicité des gendarmes qui accompagnent les convois exceptionnels. L'ensemble des serveurs et serveuses, patron et patronne du relais est assez attentif à L'évocation de cette mémoire. Les chauffeurs retraités, présents dans La salle, s'affirment comme des modèles de réussite profession- nelle : leurs enfants sont professeurs, secrétaires dans des régies immobilières, directeurs commercials dans le transport... Le soir-même a lieu Le bal, dans une grande salle de la Tour Pointue qui servait autrefois, d'écurie a^x chevaux Loués pour monter la côte depuis Vaise jusqu'à cet ancien carrefour dont les voies mènent en direction du Beaujolais (de la N. 6 pour Paris) ou des monts du Lyonnais. Plus d'une centaine de personnes sont présentes, dont La moitié des jeunes, de 15 à 22 ans qui se sont regroupés ensemble Le Long des tablées. Nous remarquons qu'il n'y a personne, entre 25 à 35 ans, mis à part nous. Le repas est très animé. Alors que les hommes sont vêtus de couLeurs ternes, en tee-shirt et pantalon de tergal, les femmes sont pimpantes avec de grandes robes à fleurs ou des corsages décolettés nous ça !" crient les jeunes. -ÎS"- : "Mamie, cache- Après La tombola où tout Le monde se doit de participer pour gagner de petits Lots comme des montres ou des pendulettes, Le repas commence et Les femmes engagent La conversation entre elles quelques chose ?" ; donnent : "Vous trouvez que ce syndicat fait leur avis sur Les attitudes du patron de Leur mari : "IL est gentil mais il ne veut pas s'aggrandir, il ne veut pas acheter à crédit". La plupart des chauffeurs font du régional, affrétés par des sociétés de produits alimentaires et résident en zone rurale plutôt à L'ouest de Lyon. Les épouses, employées ont des enfants, constatent dans que les hôpitaux, leurs conditions la nuit, lorsqu'elles de travail s'aggravent. Elles sont syndiquées à la C.F.D.T. ou à La C.G.T.. Les hommes ne répondent rien Lorsqu'elles Les critiquent parce qu'ils ne veulent pas changer d'employeur. Après et les anciens le repas, racontent Le -disk-jockey commence à animer l'assemblée au micro des histoires de Toto, ce que personne n'attendait... Ensuite, Les jeunes gens entament des séances de Rap sur Les succès du moment. Puis, les épouses se lèvent pour danser sur d'Indochine et la Compagnie Créole ; organisent des farandoles Les chants : "Y sont gentils nos petits maris, surtout lorsqu'ils ne sont pas Là !" disent-elles en riant. Rares sont les chauffeurs qui dansent aux attaques des femmes en faisant et quelques-uns répondent les pitres. Mais La majorité des hommes restent assis... et se font inviter par Les femmes. Le décalage culturel que nous avions signalé C D prend ici toute son expression. Les femmes critiquent plats sont le menu du repas, La manière dont les préparés. Les événements politiques récents, les fib's qu'elles ont vus, leurs voisins qui ne "suivent" pas assez leurs enfants au Lycée. Les affiliations syndicales antagonistes entre époux ne semblent toutefois pas susciter de conflits apparents lors des discussions. Nous avions mentionné que de nombreux chauffeurs à La F.N.C.R. étaient syndiqués C.G.T. Lorsqu'ils étaient ouvriers, par besoin "d'être ensemble" (2). Les responsables (1) : Les routiers,... - op. cit. - vol. II : Les épouses, p. 114. (2) : Les routiers,... - op. cit. - vol. III : Les 24H du Mans, p. 19. -SG. des "Routiers" L'ignorent ou font semblant/ reprenant à chaque discours un couplet attaquant les syndicats "politisés". Les arguments d'un syndicat indépendant A la F.N.C.R.. comme dans d'autres syndicats,existe un grand décalage idéologique et de grandes différences de conception du travail et du monde social entre les adhérents vivant quotidiennement les difficultés des relations inter-professionnelles et les permanents parisiens issus de l'histoire du syndicat. La F.N.C.R. qui s'oppose depuis sa création, en 1936/ mais pas seulement/ aux syndicats confédérés/ est économiques et politiques particuliers. -SK le résultat de rapports Alors que port par route et concurrence de la Les pouvoirs publics la réglementent route, en structurent. Outre les fédérations et un syndicat l'activité du trans- de manière à protéger 1936/37, des mouvements de défense d'artisans Rail/Route identifient de associations transporteurs le rail contre la professionnelles déjà se constituées, des (A.N.T.) opposés à la nouvelle coordination indépendant de chauffeurs se crééent, aidés par les constructeurs : LATIL, BERNARD ; les garages : PYRENEE, SADGA ; les vendeurs d'huiles et d'essence : RENAULT, UNYLO. En 1936, ce syndicat se définit dans son qui deviendra organe de presse, Les défense du traf ic routier", en Routiers opposition avec traires à la définition de l'ouvrier", par la suite, la F.N.C.R., : "organe officiel de les syndicats jaunes "con- en opposition avec la C G . T . .: Cet organisme prônant la lutte des classes ne peut faire l'union de tous les professionnels, surtout dans une corporation comme la nôtre où chauffeurs et transporteurs doivent garder la bonne entente pour pouvoir vivre. <1) en opposition avec la C.F.T.C. : A cause de son caractère confessionnel et religieux. Les syndicats chrétiens sont eux aussi dans L'incapacité de procéder au rassemblement général des producteurs français, Leur étiquette religieuse étant un obstacle à l'adhésion d'une grande partie de La classe Laborieuse. (1) Le "l'abolition journal attaque des privilèges des le syndicalisme gens de classe du métier", c'est qui impliquerait à dire, d'un côté la C.G.T., de L'autre Le C.G.P.F. : Mais La Confédération Générale de la Production Française ne représente pas du tout Le patronat français ; elle ne représente qu'un patronat de contrebande, celui des sociétés anonymes et des grands trusts qu'il faut abattre ; Le faux patronat des industries dites "abritées" qui vivent des commandes de L'Etat ou des collectivités. (2) (1) : Les Routiers - nov. 1936 - "Syndicats". (2) : Les Routiers - sept/oct. 1936 - Opinions de nos confrères syndicalismes (L'Ouvrier Français - organe de Presse). -.H- : Les deux 59 "Le vrai patronat français", employeur estimé de 70 % des sala- riés, ne serait pas représenté à la C.G.P.F.. Une solidarité entre ces "vrais patrons" et leurs employés serait nécessaire car ils sont chacun... intéressés conséquence, ils ont prospérité. (1) à la prospérité l'obligation de du métier qui collaborer en les fait vivre ; en vue d'assurer cette La solidarité internationale ouvrière ne saurait exister puisque les ouvriers étrangers (les Japonais sont déjà mentionnés dans le textile) produisent "à vil prix" et conduisent donc les Français au chômage. Au moment des grèves, un long article de juin 1936 enumere toutes les catégories professionnelles, y compris les camionneurs des Halles, : "la vie économique a presque partout été arrêtée". "Ces hommes, dont dépend en grande partie le ravitaillement de notre Capitale, ces hommes dont la vie est particulièrement rude, ces hommes toujours au volant de Leurs lourds véhicules, qu'il vente, qu'il neige ou que le soleil assomme, ces hommes qui, toujours par monts et par vaux ne connaissent pas comme les autres la douceur de rentrer chaque soir à leur foyer après le dur travail de la journée, ces hommes, qu'allaient-ils faire ? (...) C'est que le Chauffeur Routier n'est pas un chauffeur ordinaire. Il y a entre ceux-ci et ceux-là une différence aussi grande qu'entre un marinier et un capitaine au long cours. Leur métier étant tout à fait particulier, ils auront forcément une mentalité tout à fait particulière, une mentalité bien à eux. (2) Ce texte, signé d'un lité des conducteurs pseudonyme, décrit longue distance et des marchandises. Les qui représentants connaissent ensuite la responsabi- la valeur de l'outil des "petits transporteurs" auraient satisfait, selon l'auteur, une revendication des conducteurs dont ils connaissent les "peines", à la différence de la F.N.T.F. (*). Les grèves de chauf- feurs sont néanmoins mentionnées dans le mensuel, surtout lorsqu'elles sont (1) : Les Routiers - sept/oct. 1936 - Opinions de nos confrères syndicalismes (L'Ouvrier Français - organe de Presse). (2) : Les Routiers - juin 1936 - "Les routiers et la Grève". (*) : Fédération Nationale des Transporteurs Français. - 89 - : Les deux menées par Le syndicat qui compte environ 2000 adhérents en 1936. Des associations relais agréés, munis du paralleles au syndicat sigle, maintenant bien fondent un connu, bleu et réseau de rouge, dans lesquels est distribuée la revue et servi un apéritif : "le GAZOIL". Le syndicat propose une assurance-vie, des avocats, une colonie de vacances et lance des souscriptions pour construire une maison de repos et de retraite, réalisée en 1960, et depuis lors toujours en service. De longs articles du mensuel s'attaquent à l'incompétence des Prud'hommes, revendiquent un "contrat collectif" à la profession et la reconnaissance de maladies professionnelles comme les intoxications aux hydrocar- bures, les dermatoses, le "cancer du gazoil" ; la réduction du temps de travail sans baisse des salaires car le rendement des machines est devenu important. Les attaques violentes contre le Rail, la partialité de la maréchaussée sont régulières. Tous ces thèmes sont des invariants que l'on retrouve aujoui— d'hui. On dénonce au transporteur l'agonie du transporteur libre affilié aux Chemins de Fer dont les impôts, alors que la distribution (fév. 36) le déficit de cartes provisoires en opposition est comblé par de circulation bloque les entrepreneurs. Le mensuel est égayé de publicité pour des orchestres ambulants de chansonniers, d'un roman-feuilleton : "LE CHAROGNARD DES ASSAOUIS" par F. de SAULIEU, l'actuel président^ de faits divers, photos et caricatures qui démontrent les méfaits du coût de la vie, les dangers de l'absence de passage à niveau, des ponts aux piles trop faibles qui s'écroulent les attelages, l'absurdité de la répression policière, sous l'incompréhension des juges qui retirent les permis de conduire, les inconséquences d'une limitation de vitesse à 40 km/H... En des Routiers 1937 apparaissent du Maroc et de "Die Routiers", célébrant des informations l'Algérie, ainsi l'amitié qu'une corporatiste et syndicaliste doit être un apôtre" (sept. 37). - 90 - régulières sur l'Amicale rubrique en allemand, le "travail libre" : "un La "LETTRE DE MIMILE" adressée a La grande famille raconte les émotions, la solitude, "l'abnégation", les "privations consenties". A tous ceux qui continuent à porter bien haut le flambeau laissé par nos aînés, je demande de continuer à faire briller bien haut nos traditions et l'étendard des Routiers. (1) Les attaques nuent. L'on évoque la contre le^Führer du transport*, le ministre, conti- réalisation imminente du tunnel sous la Manche, la loi inéluctable du progrès qui contribue à rendre le Fer obsolète. Des numéros entiers sont consacrés au Salon du Camion "né sous le signe de la dévaluation" et de la "belle production française". Les voitures, les "lévriers", adoptent des "lignes pures" et les nez raccourcis des "bouledogues" (les cabines avancées) "rendent le moindre accident mortel". Les nouveaux moteurs, à huile ou à charbon : LATIL ; à essence : DELAHAYE ; à gazogène : CITROEN et BERLIET ; à gas-oil : RENAULT et BERNARD, sont passés au crible.La ventilation et les couchettes dans les cabines font leur apparition. On parle de 1940 comme d'une époque formidable. En 1939, le journal à propos "Nous de la guerre que "le ferons journal notre réapparait devoir en au donne des cours de responsable, c'est combat 1941. Le et président aideront actuel secourisme et la nature" (de à du explique, l'homme). la reconstruction". Le syndicat travaille au Ministère de l'Information de Vichy. La fidélité des amis de la première heure garantit notre passé. Dans nos traditions, dans nos souvenirs, nous trouvons notre récompense. Comme nos camarades au volant de leur camion, nous jetons un coup d'oeil dans le rétroviseur... Une borne, un poteau indicateur... C'est du passé, rien que du passé. Le point est fait, il faut regarder droit devant soi, sur la route de l'An nouveau. Tant de tâches s'offrent à nous. (...) Nous voulons que dans une corporation prospère, où Transporteurs et Chauffeurs ont tant d'intérêts communs, règne la plus parfaite entente. Nous désirons pour les seconds un statut empreint de justice sociale, (1) : Le Routier - juin 1939 - "Lettre de Mimile". La propriété de Leur métier, une adaptation moderne du Code du travail, Le reclassement des vieux routiers usés par Le Labeur. Nous espérons qu'on comprendra, enfin, L'ut i Lité pubLique de nos reLais routiers, non pLus brimés, mais aidés dans Leur effort. Nous sommes sûrs que L'Etat français nous aidera à mener à bien ce vaste programme. (1) "Notre MaréchaL" est ampLement cité dans Les pages : "La puissance des trusts a cherché à s'affirmer de nouveau en utiLisant pour ses fins particulières L'institution des comités d'organisation économique. A La Lumière de L'expérience, je reprendrai contre un capitaLisme égoïste et aveugLe La Lutte que Les souverains de France ont engagée et gagnée contre La féodaLité. J'entends que notre pays soit débarassé de La tuteLLe La pLus méprisabLe : ceLLe de L'argent." (2) Le journal encourage La natalité et La "rénovation de La famille". La France était, hier, le pays des célibataires et des fils uniques. Cela nous a conduit où nous en sommes, cela mènera notre patrie à l'abîme si La volonté des Français ne change pas. La bourgeoisie a montré le chemin, Les classes populaires L'ont suivi. (3) Les du Travail, informations (on ne parle techniques pas des : La réorganisation comités de l'Inspection d'entreprises mis en place à ce moment) ; les modalités de passage du permis professionnel ; la construction de La gare routière aux Halles de Paris ; de grands travaux comme les autoroutes, occupent les pages intérieurs du journal. De 1943 à 1945, le journal ne paraît pas. En 1946, alors que La C G . T . essaie d'implanter son propre réseau de aux La relais routiers nouvelles guerre entre 1981 qui et au sigle jaune, Les politiques. Leurs paraissent 1986, en les ce arguments fondements qui concerne Routiers rompent publient avec leur les écrits d'avant des polémiques "contemporaines", Les nationalisations, moyens (1) : Les.Routiers - dec. 41/jan. 42 - "A l'aube de l'an neuf". (2) : cit. du Maréchal Petain dans Les Routiers déc.41/jan.42. (3) : Les Routiers - mars 1942 - "L'avenir de La France". -92.. opposition de s'opposer au "capitalisme", soit, mais différents de ceux préconisés par les gouvernements du Maréchal Pétain. "C'est la mort du transport routier". Les partisans des nationalisations invoquent en leur faveur la nécessité de briser les puissances financières qui peuvent porter atteinte à la sécurité de l'Etat. Ils estiment, par ailleurs, qu'en nationalisant certains services d'intérêt général, on exploitera ainsi, au seul bénéfice des travailleurs et des usagers, les moyens de production monopolisés jusqu' ici par le capital privé. (1) Les arguments ne sont plus uniquement dispositions, c'est selon une optique "symboliques". Face à ces "libérale" dans son sens politique actuel que... les entreprises routières ne font pas des bénéfices hors de proportion avec la nature des services rendus. Bien au contraire, la plupart des artisans routiers joignent bien juste Les deux bouts en fin d'année. (1) D'autre part, la gestion centralisée de la logistique serait hors de prix. Il est impossible de centraliser un secteur seul, sans faire disparaître totalement l'artisanat de notre corporation. Sans doute, les bénéfices bruts seraient-ils supérieurs dans le cas d'une centralisation, à la somme des bénéfices totaux des entreprises libres, mais l'appareil administratif nécessaire à son fonctionnement absorberait certainement la marge bénéficiaire. (1) Les P.T.T. qui où ils arguments annexes ne fonctionnent sont évoquent les en 1946 pas mieux services que dans publics les pays confiés à des entreprises privées ; ou encore patron, mauvais payeur, salaires des chauffeurs employés tels les européens l'Etat, mauvais par la S.N.C.F. pour preuve. L'Etat a toujours tendance à considérer que les lois qu'il dicte ne sont pas faites pour lui. (1) Pendant trois années, le journal s'attaque à la vie chère : "Le bataille des prix a été gagnée par les prix (hélas) !". Les taxes sur les produits de première.nécessité, essence, tabac,... sont dénoncées : "1944, l'Essence libère la France ; 1947, la France doit libérer l'Essence !". ' (1) : Les Routiers - 1946 - "Nationalisation routier ! -35- ? C'est la mort du transport Le journal considère la nouvelle publication, la "Vie des Transports" (de l'actuelle F.N.T.R.) comme une concurrence déloyale aux transporteurs. Le syndicat "une formation restructure professionnelle". ses associations Fidèle à son "d'amitié", revendique programme, "défendre notre droit au travail et à la vie", le journal s'oppose, avec F.O., aux souhaits de la C.G.T. qui demande notamment "l'importation" de main-d'oeuvre étran- gère (pour la "reconstruction"). Le rachat des "cartes" (licences) de transporteur routier par des filiales routières de la S.N.C.F. déclenche de vives polémiques dans la presse ; sur les 37000 entreprises de transport recensées en France, 18000 posséderaient un camion, 11000, deux camions. Avec les pro- grès techniques dûs à la guerre, grande publicité est faite pour les carburateurs de poids-lourd "S0LEX" et les pneus "DUNL0P". Les "petites voitures", comme la 4CV RENAULT, aux finitions intérieures appréciées, semblent, d'après les lettres "SCOOTER". tracteurs sont publiées, Les grands BERLIET. l'objet encore trop travaux Les d'Afrique "mécaniques de chroniques onéreuses : il française américaines faut se contenter s'intensifient sur régulières. Nul n'ignore les routes avec du les françaises" les subtilités des mo- teurs MACK, G.M.L., BEDFORD. Les grèves à la S.N.C.F. produisent évidemment des critiques acerbes du "plan de redressement" qui consisterait à normaliser une affaire financièrement défaillante par l'appel au concours obligatoire d'une affaire "concurrente" après avoir au préalable Limité l'action de cette dernière en entravant sa liberté. (1) En même temps, l'on dénonce la carence en pièces détachées ou la distribution aléatoire d'essence : les arrestations opérées au pool des carburants ont révélé queles inculpés avaient toute licence de détourner des bons puisque ceux-ci n'étaient pas comptabilisés. (1) Lorsqu'en véhicules non novembre prioritaires 1948, dont le prix font partie de les l'essence double pour poids-lourds, les le , journal considère que l'Etat concurrence le Marché Noir. Cette même année, un réseau d'avocats, de services d'achat pour les artisans, sont mis (1) : Les Routiers -. déc. 1946 - "Il y a de l'essence en France". . ^ - en place. Le premier congrès F.N.C.R. a Lieu. La gare routière des HalLes de Paris entre enfin en service. La Hollande, "pays des camions neufs", est célébrée. La collaboration patron/salariés est effective et s'oppose à la "lutte des classes". Une rubrique "touristique" : "Les beaux voyages de ton papa" publie un ensemble évoqué de cartes postales. Le nudisme dans le courrier des lecteurs sur les plages de Méditerranée, en 1936, refait son apparition. Les "plates anglaises" sont comparées aux "femmes de chez nous". Les reportages sur le "rude métier" des chauffeurs grande distance en Afrique, en Amérique, en Orient paraissent dans les pages du journal. L'argumentation anti-fonctionnaire, telle qu'on la connaît actuellement, est structurée, ainsi que le discours anti-intellectualiste : Bien sûr, nos financiers les plus distingués et nos ingénieurs sortis de Polytechnique n'ont jamais fait preuve d'une intelligence pratique et réaliste très remarquable, mais on ne saurait croire que le problème de l'automobile leur échappe à ce point. (1) Pendant animée par quelques le directeur de années, une l'Institut rubrique "le corps d'anthropotechnie et le métier" et de physiologie du travail (place de la Sorbonne) explique l'ergonomie, la psychologie pavlovienne du conducteur, donne des conseils d'hygiène alimentaire et musculaire. Les quotients intellectuels nécessaires pour être apte au travail sont estimés à 80 pour les manoeuvres, 90 pour les ouvriers spécialisés, 100 à 130 pour les ouvriers qualifiés, 150 pour les professions libérales et les génies. Quelles sont les caractéristiques physiologiques du routier ? (...) Par analogie, nous pouvons considérer chez ce dernier : Son châssis qui est son squelette général (ensemble des os) ; Ses roues qui sont ses membres ; Les organes de transmissions mécaniques qui sont ses muscles et ses articulations ; Les organes de transmission électrique que représentent les nerfs, alors que la direction est le centre automatique ou cervelet et le conducteur le cerveau intelligent. Les caractéristiques de la charge utile sont comparables à son rendement dynamométrique. Le carburant qui apporte les calories nécessaires est son alimentation, et l'on peut comparer chacun des organes du tube digestif à un organe préposé aux pétroles ou dérivés réservoir à essence, la bouche, alors que le carburateur représente plutôt les glandes du tube digestif. Le ventilateur fait penser, aux poumons et le (1) : Les Routiers - mars 1947 - "De l'hypocrisie inavouée... à l'assassinat légalisé". -3r- moteur au coeur. Chaque pièce pourrait ainsi être comparée à une partie du corps humain, La plus merveilleuse machine que l'on connaisse. Le fonctionnement de cette machine, nous l'avons dit, change de "régime" selon le métier. (1) A l'aube des années cinquante, tous les grands thèmes de revendication et de critique de l'Etat sont fixés. Les membres de cette corporation "brimée qu'ils et abandonnée", estiment pensent contribuer être à "la considérés renaissance "comme de la des rebuts" alors France". Le président actuel, après une période de silence, de 1943 à 1947, publie, comme aujourd'hui, un editorial en première page. Le syndicat, comme avant la dernière guerre, construit une union internationale. Le futur P.D.G. d'un trust européen (cf. OTRA) déclare : "C'est l'esprit fraternel qui anime nos camarades français que je voudrais voir régner parmi les "Routiers européens", cet esprit où la politique et les intérêts personnels sont exclus, ce qui permettra de créer une grande famille européenne". Et il termina en souhaitant "aux routiers européens, le succès remporté par les routiers en France, pionniers de l'entraide et de la solidarité routière". (2) Et le journal commente : Ainsi "Les Routiers européens" ont pris un bon départ. Par dessus les tables des conférences où s'enfante péniblement le destin de notre continent, des hommes de bonne volonté se sont tendus la main, ont noué des liens fraternels directs, par une solidarité professionnelle bien comprise. (2) Le moteur nouveautés pour comme du salon Diesel du commence camion font à être diffusé. Les commentaires apparaitre les petits constructeurs, absorbés par BERNARD, LAFFY... Laquelle régie les préférences du des journal la suite par la régie RENAULT, construit à l'époque "les poux de la route"... qui ont été rachetés par CITROEN, puis revendus à RENAULT par MICHELIN, plus récemment : DELAHAYE, PANHARD, DE DION BOUTON... (3). (1) : Les Routiers : "Le corps et et de physiologie du travail. le Métier" - Institut (2) : Les Routiers - n° 99 - "Vers Routiers". l'Union Internationale d'anthropotechnie des Transports (3) : cf Vol. III Routiers : Rituels, repas d'entreprise et fêtes syndicales dans le milieu du transport par route - B. LEFEBVRE - "La modernité" p. 76. _3S- Les se faisant grands projets d'infrastructure pce.\i\JS dès routière 1936 imminents, La puissance des véhicules est de plus en plus appré- ciée. Ainsi, à propos de WILLEME, on peut Lire : La firme qu'on pourrait appeler "Champion une Législation imbécile (une de plus) autorisait autre les de 23 tonnes de charge totale. Son R 15 est une reusement ne peut équiper rt grâce à L'administration !" nes ! (1) des Poids lourds" si chose que les véhicumerveille qui malheuque des camions ben- De 1950 à 1960, la revue annonce régulièrement Les offres d'emploi pour être chauffeur au Sahara, par L'intermédiaire de l'Union Algérienne des Chauffeurs Routiers". R.T.L., nouvelle radio, émet un programme de nuit". Des films et des romans sont techniques sont l'objet de propagande couronnés : "notre (2). Les premiers corporation conducteurs, routiers, mécaniciens. Parents, assurez lant à vos enfants Les écoles techniques de : "Route aura la relève la profession C.A.P. besoin en de conseil- !" en 1957. La même année, à La fin de la guerre d'Algérie, commencent à circuler Les tracteurs, utilisés jusqu'en 1975, les célèbres "MAGICUS" et Le "GALIBIER" (UNIC), "bahut de millionnaire", bicolore à l'achat, pourvu d'antenne radio, d'enjoliveurs, d'étriers pour cabine, de phares l'accès au moteur, de "sabots" pour monter dans la anti-brouillard, chauffage dans une cabine "coffre de à être "de tous fameux La diffusion des véhicules de pare-soleil, porte-roue les accessoires chauffeurs Les constructeurs utilisent et lave-glaces, insonorisée, d'un casse-croûte", presque luxe. Il faut de pour de secours d'un avoir et d'un véhicule un outil Les petites léger pareil". de plus en plus des alliages légers s'accroît. d'un 4 CV légers RENAULT sont adoptées par Les chauffeurs... En 1956, Le nombre d'adhérents semble Noël, organisés à Lyon, rue Paul BERT, regroupent croître. Les Arbres de plus de 400 familles. On distingue, gravitant autour du syndicat, des associations dont les principales sont : "Les amis des chauffeurs" ; "Les amis des relais routiers" ; "Les amis des routiers" ; "Les amis des artisans transporteurs"... (1) : Les Routiers - "Après Le Salon" (2) : cf Vol. III Routiers... op. cit. - "La construction d'une mythologie". -9?- La formation professionnelle est mise en place pour les jeunes et le journal publie une série d'articles visant à "faire naître une fierté de conduire sans accident". Et face aux 22000 morts de la route/ chaque année, les associations délivrent des titres de conducteurs d'élite à ceux qui ont conduit sur une 10 ans sans accident. "Est dangereux non pas celui qui route dégagée au volant d'une voiture en parfait roule à 120 état/ mais celui qui roule à 70 avec un mauvais véhicule/ alors que les circonstances exigent 30 ou 40". "Savoir conduire est savoir bien se conduire"/ connaître les notions les plus élémentaires de la courtoisie et du savoii— vivre. (...) Il n'y a rien là d'héroïque, et tout se passe comme si ces usages étaient déshonorants." (1) Alors que les "histoires de Suez" font craindre à nouveau des rationnements d'essence, le syndicat structure ses services sociaux, revendique la création de la caisse de retraite et "grand tourisme" pour la conduite des bus et internationaux. Prémisses des "Restaurants aujourd'hui la reconnaissance du statut de de "grand routier" pour les du Coeur" (auxquels il participe activement)/ des Tombolas du Bonheur sont "organisées au profit des sinistrés, des mal-loges et de tous ceux qui souffrent" (1). Elles réunissent des sommes importantes. Les acteurs des films de routiers de l'époque servent de relais médiatiques, comme Jean GABIN, Pierre M0NDY (2). (1) : Les Routiers - n° 243 - juil. 56 - "Savoir conduire, savoir se "bien" conduire". (2) : Film "Des gens sans importance" - 1957. -SU Le syndicat indépendant est financé à sa création par des cons- tructeurs de L'automobile avant de trouver son auto-financement par son journal/ ses apéritifs, ses fêtes et tombolas. (Un nouveau journal à grande diffusion : France Routier, à caractère non-syndical, est créé par la suite, dirigé par un des fils du président de la F.N.C.R.). Il s'adresse à la fois aux salariés et aux artisans, réunis par les mêmes outils de travail, dans un premier temps. Dans une perspective de solidarité, il valorise les collusions nécessaires entre salariés et dirigeants des P.M.E., le "vrai patronat français". Les tentatives de construire une Internationale corporatiste en direction de l'Allemagne et de du Nord avant pas de la Guerre, puis des amicales développer "homogénéistes" des lorsque argumentations le projet européennes après, n'empêchent protectionnistes de la l'Afrique Communauté avant Guerre, Economique puis Européenne semble se concrétiser. Les idéologies anti-marxistes et anti-capitalistes, la célébration de la famille et du travail font du syndicat un partenaire pour le gouvernement de Vichy et un fervent défenseur des projets gaullistes de "participation des travailleurs" dans les années soixante. Mais il convient de préciser davantage la position du syndicat par rapport à ces événements qui ont suscités l'adhésion de la majorité des Français. La lecture du journal fait apparaître les traits du romantisme politique du XIXème siècle. On y retrouve le sens du spectacle avec les idées de drame, d'héroïsme, de sacrifice (Chateaubriand), une conception sentimentale de la politique qui. faisant appel à la puissance du verbe, devient un Y* genre littéraire. La question des humbles, l'importance accodée aux problèmes sociaux (Michelet), priment donc pas à priori pour expliquer sur les options politiques. L'attitude libérale, mais traditionnaliste. Le recours à le travail et la nature de l'homme n'est l'histoire est très fréquent, mais surtout ce sont les références au physiologisme qui sont les plus frappantes pour expliquer à la fois l'outil et les mentalités : on fait appel à des spécialistes en ergonomie. L'expérience est plus importante que l'instruction, argument spécifiquement anti-intellectualiste, et les thèmes de la continuité de l'héritage sont innombrables. -33.. L'idéal e s t v travail moral (St Exupéry), l'honneur bien fait/ (Chateaubriand), l'énergie qui s'oppose à l'individualisme la responsabilité (Balzac). L'association s'exprime par la valorisation de la famille et de la paternité/ les options régionalistes et le goût du folklore ainsi que bien sûr, par le corporatisme. L'hégémonie de ce traditionnalisme emprunte à l'aristocratie "Bien conduire et se bien conduire" ; au clergé, par son anti-capitalisme ; aux milieux ruraux, de par les origines des chauffeurs. Avant 1943/ devant libéral les tentations fascistes et un conservatisme archaïque, la mouvance du syndicat se retrouve "néo-traditionnaliste" qu'il faut opposer à l'Action dans le mouvement Française et au projet d'un Ordre Nouveau désavoué. Mystique du service et du dévouement, hiérarchisation des travailleurs, régionnalisme, rapprochement franco-allemand, politique eurafricaine, dépassement des oppositions/gauche/droite, refus du parlementarisme sont rédigés dans le programmer . Jules ROMAIN en 1934. Ce corporatisme est éloigné de celui de MAURRAS, car l'on prend des distances avec "l'Union des Corporations Françaises" et celui de MUSSOLINI qui exalte l'homme nouveau. La nécessité d'une "justice sociale" (André VOISIN), conduit le journal à considérer que le mouvement "néo-corporatiste" et "néo-syndical" doit assurer la relève d'un état défaillant devant une économie qu'il ne maîtrise pas. A la Libération, le journal reste fidèle à son programme corporatiste et les valeurs qui le sous-tendent. Mais des fractions de française en cours de réorganisation s'inspirent industriels et du le devancent journal transporteurs en expansion même, et encore la Droite de son discours. De grands économique aujourd'hui cités dans toute les pages "collaboration" avec les grands trusts routiers européens visant à imposer au gouvernement des réformes techniques nécessaires est amplement commentée. Ce néo- conservatisme glisse donc vers un néo-libéralisme sous l'influence des rapports politiques et économiques vers consensus gaullien, des fractions empruntant le discours du 1950. Inversement, après libéralisme anti-fonctionnaire, 1970 et le français se régénèrent en anti-intellectualiste et anti- règlementariste des années 1947/53. Après la guerre d'Algérie, le journal publie pour sa >art de moins en moins d'articles politiques ou culturels pour se consacrer presque exclusivement, à part l'éditorial du président et des informations techniques et juridiques. -^toc? _ les reportages historiques, à U, L'AFFAIRE BORILLE Dans les années 47, BORILLE s'affirme comme une grande entreprise de transport par citernes dans La vallée du Rhône. Les saLariés de l'AprèsGuerre même considèrent même qu'eLLe était pLus importante que Le trust OTRA ou Le céLèbre "CharLes André" Transport en grand internationaL. Les deux frères BORILLE, fondateurs de L'entreprise, à L'origine mécanicien et cLerc de notaire, expérimentent des prototypes BERLIET Turbo en 1956 qui permettent de diviser par trois Le temps nécessaire à monter Les côtes». "IL se compLétaient bien tous Les deux. CeLui qui était mécanicien était très bon mécanicien, très ingénieux. IL avait découvert Le fameux crochet B.. C'était un crochet pour décrocher Les remorques. Je peux pas vous expLiquer. IL avait pris un brevet. IL vendait ça. Ca Lui faisait déjà de L'argent. IL Les fait fabriquer Les pièces, Là-haut, à St Etienne, puis iL Les monte au garage. Et y'avait du travaiL pour La réparation des véhicules. IL embauchait des mécanos. Et Monsieur B. PauL, iL avait Le commerce dans L'âme. Y savait appâter Les gens. Y savait trouver Les cLients. Y savait Leur faire des gentillesses pour que... Vous savez, La bosse du commerce, tout le monde ne L'a pas et vraiment, ça a marché. C'était sensationnel". (1) Les retraités résident actuellement nes voisines de l'agence-mère, sur en pavillon dans les commu- les zones industrielles entrecoupées de vergers. M. Elie, né en 1930, avait des parents "fermiers dans le coin". IL a épousé une fille d'agriculteur. Son fils e s t / L _ e t s a fille travaille ZcrTèlTTiTOT^ dans un cabinet juridique. ^ • "On avait pas de métier, pas de spécialité. On avait été élevé dans Les fermes. On avait pas tellement le choix pour apprendre quelque chose vite, y'avait guère que le métier de chauffeur. Oh, par La suite, j'aurais pu faire aut' chose. On m'a proposé du dispatching... Mais, j'ai pas voulu arrêter". (2) lors de son premier emploi) Ç — ^ ».„»*..,.,.,. chez üñ artisan qui embauche, en outre, trois chauffeurs et un mécanicien. Le travaiL consiste chaque jour, avec des citernes de 12000 l., à prendre livraison (1) : M A C A B R E (2) : M. ELIE - 101 - du gas oil dans La Crau pour le distribuer aux particuliers en Ardèche. "C'était Le plus dur. On rentrait des fois à midi, et on repartait à 2 H. Aujourd'hui, Les jeunes, y Le referai€^pas. ILs auraient raison d'ailleurs. C'était l'exploitation complète. A L'époque, y'avait pas de dépôt, pas de compteur sur Les camions. On Livrait 1000 l., ça faisait 5 tonneaux. On le sortait, on le rentrait. C'était le genre de travail qu'on faisait pour mesurer, ça marchait par compartiment." (1) Elie est embauché à 23 ans chez BORILLE par L'intermédiaire d'une connaissance de son père, et immédiatement, en 1953, "Ils voulaient nous supprimer Les chambres et Les repas, le soir. C'était parti de là, quoi. Et pis, y'a eu un entêtement des deux côtés et ça a mal tourné... Moi, je considère ça plutôt comme une défaite, maintenant/ Il faut dans Les annonces de déplace ou savoir que et journaux les chauffeurs La Loire, demandent en avril 1956. Une des les chauffeurs nourris, logés, se recrutent jusqu'en résidant 1970... L'agence-mère, en 1954, se officiellement indemnités dans La Drôme, L'Ardèche de déplacement. Les grèves débutent lettre adressée à la F.N.C.R., signée par 31 salariés, déclare : Vu la position écoeurante que vous avez eue au cours de notre grève du 23 juillet 1955, grève où vous nous avez laissé tomber, alors que 35 camions étaient arrêtés, Vu la position lamentable de votre délégué national, Monsieur C , Lors de sa venue à U., le 22 janvier 1955, nous avons l'honneur de vous donner notre démission de La F.N.C.R., démission à laquelle se joignent les mécaniciens et chauffeurs soussignés. Par la même occasion, nous vous annonçons la constitution d'un syndicat C.G.T. des Transports et notre adhésion massive à ce même syndicat qui, Lui, saura défendre nos modestes, mais'combien légitimes revendications. (2) (1) : M. E. (2) : Tract des délégués des Transports BORILLE à la F.N.C.R. NB - A ce propos, je tiens à remercier M. J.C. PECHIN, secrétaire général actuel du syndicat, de nous avoir communiqué l'ensemble des archives syndicales : "J'étais tout jeune à l'époque" dit-il. -AoZ. - ^ 33 jours de grève s'ensuivent, et Les chauffeurs grévistes sont, par La suite, mis à pied : "Us appeLaient ça, une grande ^\e^o'\Cc^/ Les journaux". Les résuLtats en ont été L'appLication de La convention coLLective, mais seuLement 6 chauffeurs grévistes sont réintégrés, ensuite. "La concLusion, c'est que L'action cégétiste pèse Lourdement, non seuLement sur Les chauffeurs non repris chez BORILLE, mais sur tous Les chauffeurs du département ... C'est une défaitepour L'ensembLe des chauffeurs qui comprennent, mais un peu tard, que L'action prudentede La FEDERATION NATIONALE DES CHAUFFEURS ROUTIERS, si eLLe est moins spectacuLaire, est, en fin de compte, Largement payante pour Les camarades. La C G . T . a fourni La preuve de son incompétence, qui se traduit -voLontai rement ou non- par La trahison des intérêts du monde ouvrier.*'(1 ) Les déLégués parisiens de La C.G.T. et de La F.N.C.R. se rendent sur Les Lieux. Cette grève a un retentissement certain dans Les entreprises de La région dont Les saLariés obtiennent satisfaction à Leurs revendications sans confLit. La presse de gauche, L'Humanité et Les ALLobroges rendent hommage au courage des conducteurs, à La vigiLance et à La ténacité des piquets de grève, (cf annexe) "Je pense pas que ça soit teLLement ancré dans La profession, ça, comme Le syndicaLisme de L'usine. C'est mon point de vue, à moi, hein ! Je pense qu'en usine, j'en connais queLques-uns, iLs sont marqués poLitiquement. ALors que chez Les chauffeurs routiers, je crois pas... IL faLLait qu'Us se défendent... Peu importe L'étiquette syndicaLe, F.N.C.R., CG.T.... Quand on était passé du syndicat des routiers (F.N.C.R.) à La C.G.T., on avait senti que Là, iLs y avaient craint beaucoup pLus. Je me rappeLLe, iLs avaient eu des manoeuvres terribLes : suppression d'aLLocation famUiaLe, et tout, et tout... Ca avait bardé, oui ! A cette époque, on a changé, on est passé C G . T . , Les mêmes gars, tout Le monde... Y'a un déLégué de Paris qu'était venu,* Qu'est-ce que vient faire ce chevaL boiteux',' 4¡S<iir un tract à eux !" (2) ELie commente ainsi Le confLit auqueL iL prend part.: (1) : Tract syndicaL de La F.N.C.R. _ igScT (2) : M. ELÎÊ _ Àol "C'est quelque chose qui est un peu toléré ça, maintenant. A l'époque, on montrait un peu du doigt. Mais, en contrepartie, ils prenaient l'argent qu'ils voulaient les commissionnaires. Alors, y'avait une petite rivalité avec les transporteurs qui ont juste quelques camions. "Ah ben, ce BORILLE, y m'a piqué ci, y m'a piqué ça...". On a été blousé d'un côté mais de l'autre ça nous a été favorable." (1) Les chauffeurs n'ont pas de mal pour trouver du travail dans d'autres entreprises. "C'était une maison qui avait de gros, gros tonnages. Et le chauffeur qui sortait de chez BORILLE à l'époque, c'était quelqu'un qui avait pris confiance vis à vis des employeurs et qui permettait d'aller ailleurs facilement. Alors eux, ils ont Sévi et tout le monde est parti. Ils nous faisaient des vacheries pour nous faire comprendre qu'y fallait qu'on parte, quoi. C'est facile dans ce boulot." (1) Un certain nombre de chauffeurs se mettent à leur compte et sont affrétés p a r B « ^ " ^ . Elie, pour sa part est embauché dans une petite entreprise du Vercors et effectue régulièrement les lignes Marseille/Lyon. Ayant acheté une maison proche de son village natal, il mange et dort chaque jour chez lui. La construction du dépôt d'hydrocarbures de FEYZIN étant achevée, en 1965, les lignes sont supprimées. Elie se met alors à son compte en qualité de négociant, rachetant l'affaire d'un cousin. "Il me disait : "Je vais te vendre mon fond de charbon". J'ai dit à ma femme, "c'est pas une vie de rester dehors, je vais prendre l'affaire". Et c'est comme ça que je me suis mis à mon compte. J'avais pris un crédit et ça a été dur, croyez-moi ! C'était pas du tout cui t non plus la raffinerie Feyzin... J'ai acheté un véhicule à la casse, 2500 F. Je l'ai retapé moi-même. J'ai pris celui du cousin avec le fond, un HOTCHISS, et puis j'ai pris des citernes, tout à crédit, avec les coi*pt¿vrs . Tout à crédit. Ca a été dur, au début... Les marges étaient pas grosses." (...) "Je savais que U. fuel, c'était un métier d'avenir. On m'avait dit "quand vous aurez fait 400000 l. de fuel, vous irez jamais plus loin. Et trois ans après, j'étais à 1 500000 l.. Mais, je peux pas me permettre de m'arrêter, il fallait tourner, tourner, tourner..." (1) Elie a perdu de vue la plupart de ses camarades du conflit de 56. Certains ont disparus ; d'autres sont à la tête d'entreprises importantes. En été, il aide les agriculteurs pour les récoltes ; ces derniers, en échange, en hiver, travaillent avec lui pour les livraisons de fuel. Venant de vendre (2) : M. ELΣ -\ok. son affaire, iL conduit de temps en temps des bus de ramassage scolaire, "pour s'entretenir"/ et vient de s'acheter une R 25 "qui parle toute seule".(*) Dans Après la même commune la grève. La C G . T . n'est résident plus des chauffeurs représentée et embauchés en 56. la F.N.C.R. s'implante à nouveau. Elie fréquente peu ces chauffeurs, maintenant en pré-retraite. "... Il était un peu trop sentimental au début et ça finit toujours mal ces machinj-là... Il était un peu trop bien avec eux... Quelques fois, le patron, on va chez eux, on est un numéro... Faut pas rêver... C'est pour ça, quand... Faut en profiter, se faire payer, et puis c'est tout." (...) "Moi, je me suis jamais cru chez moi quand j'étais chez eux, alors queJJwifVt, un très chic type, consciencieux et tout... Vous savez, vous êtes comme un citron, une fois qu'on vous presse, on vous jette... Moi, j'estimai que si je faisais deux, trois heures de plus, on devait me les payer." (...) "Fallait pas rêver qu'on fasse partie un jour de la société ou n'importe quoi. Y fallait rêver qu'on monte une société soi-même. Ce que moi j'ai fait. Voilà !" (1) Monsieur Du««)" a été embauché en 1956, après la grève. Auparavant, il effectuait du transport privé pour un marchand de fromages et de pommes de terre, et de la distribution dans riers, travaillaient à l'époque, cancer en dans une filature de lui permet il fréquente assidûment 1978. Il la vallée du Rhône. Ses parents, ouv- de doubler localité. Etre embauché, son salaire. Veuf, mis en pré-retraite, Mme CABRE, veuve entretient la même d'un son potager et autre son chauffeur décédé pavillon. Elle d'un s'occupe des affaires administratives concernant sa retraite. La maison BORILLE prospère jusque dans les années 76. La reconstitution de l'histoire de l'entreprise est bien différente de celle évoquée par Elie, au demeurant fort réservé, car il ne veut pas critiquer trop vertement ses voisins. Comme le mari de MmeCABRE, MonsieurDuttht fut un temps délégué F.N.C.R. et M.CABRE embauché par l'entreprise. "Les deux frères se sont retirés, mais y supervisaient quand même un peu, et le P.D.G., c'était le fi ls.- L'autre- fils^- y -l'avaient. mis — là uniquement pour faire magasinier. Y s'occupait pas de l'affaire particulièrement. Y tenait le magasin. Y louait les pièces, quoi. Lui, c'était l'administratif ; l'autre, c'était le commercial. Et pis, y'a eu des histoires entre eux. Je ne sais quoi. Il a été, pour ainsi dire, viré. Il a donné sa démission et il est parti. Et à partir de cette période là, en 78, c'est (1) : M. ELIE. • (*) : munie d'un système de contrôle électronique pré-enregistré. - 105 - Là que ça a été La dégringoLade. Pasque M. Pierre, iL est très gentiL mais iL était pas à La hauteur. C'était un garçon qui n'était pas capabLe de diriger une entreprise. IL dirigeait seLon Les cancans des uns et des autres. Y'en a qui venaient et qui disaient : "Cui-là, iL a fait ça !" ; "Celui-ci, iL a fait comme ça !". Et Lui, s'axait Là-dessus. C'est compLètement idiot de La part d'un patron pasqu'y faut pas oubLier que ceux qui venaient faire des cancans, c'était pour Leurs avantages à eux, c'était pas pour L'avantage de L'entreprise. Les déLateurs, on devrait pas Les considérer comme des gens comme iL faut. IL a acheté des camions en Leasing , aLors que Les parents, eux, y payaient... IL a embauché des gars et Le garage avait pLus rien à faire pasque Les véhicuLes en Leasing sont entretenus par ceLui qui Les vend : R.V.I. et Mercedes. Donc, quand y'avait un pé»in, iLs Les menaient chez R.V.I.. IL était obLigé, Lui, de payer. Et en pLus, iL avait un garage, du personneL et ce personneL, iL L'a mis à contrôLer Le gas oiL des chauffeurs : des contrôleurs pour contrôler Les contrôleurs. Voi Là ce qu'il a mis. Y'en avait beaucoup trop pasqu'en plus, y'avait l'ordinateur, et j'estime qu'un ordinateur, il est capable de contrôler sans qu'on soit obligé de contrôler l'ordinateur." (1) i. Comme Elie,ir considère que la chute de la maison s'explique par une répartition inadéquate du travail des administratifs. "Le vrai patron, il avait pas peur de s'y coucher sous les véhicules pour voir dans L'état qu'ils étaient. Fallait pas le prendre pour un imbécile, Lui ! Et si y'avait une panne, fallait pas lui raconter des blagues." (...) "Si ils entretenaient pas le matériel, y restaient pas Longtemps, hein ! J'en ai vu qui travaillaient pas avec des gants, mais presque... Vraiment fringues comme des ministres... Il a vite vu à qui il avait à faire. Y'en a plus d'un qui s'est fait vider... Surtout, le patron, question mécanique..." (1) Les formes de refus au travail, fréquentes devant les ordres des "directeurs" qui ne sont pas des "patrons", sont différentes. Elie, par exemple, "oublie" de constate qu'on faire chauffeur de parc après "oublie" de Lui payer Durant, pour sa part, n'argumente tions, mais par rapport ses heures ses tournées supplémentaires. Monsieur pas en fonction de ses propres à La rentabilité de lorsqu'il l'entreprise et rémunéra- à La qualité du travail effectué. Il a recours au patron pour contrer les administrateurs et directeurs. (1) : Monsieur CABRE -^oC "Ils oublient des voyages et ils Le font passer sur Le dos du chauffeur. Mais, je Lui ai dit que c'était un con devant tout Le monde. Y m'envoit en Hollande chez un client que je connaissais. J'ai dit : "J'ai aucun matériel qui correspond pour Lui". J'ai une semi qui a Les essieux pas écartés. Y va me charger 18 tonnes. A 18 tonnes, ça mange des ronds. Y'a pas à chier. Aller courir en Hollande et en plus, je pouvais pas décharger Le vendredi. Il fallait décharger Le Lundi et c'est un produit qui refroidit à 40 °C, y devient en glace. ALors, y'a fallu laisser le camion en chauffe le week-end. J'ai laissé le camion Là-haut. Je suis redescendu avec un autre et il a fait monter un gars Le dimanche après-midi en train pour récupérer Le camion. Et Le mardi, y m'a donné un camion, je sais pas depuis combien de temps iL avait pas tourné. IL était couvert de poussière... C'est là que je me suis attrapé. Il avait encore de La chance d'être enfermé làdedans Les bureaux (ils sont vitrés) pasque je lui aurais foutu la tête en l'air. Et pis, y m'avait donné la plus vieille saloperie de camion qui existe dans la maison. Alors j'ai dit : "Ton étranger, tu te le foutras au cuL !". C'est fini. ALors, je suis allé voir le patron, je lui ai dit : "Si t'as des problèmes avec ton étranger... Ca fait quand même 20 ans que je travaille dans la maison, hein !" Et pis, ils L'ont viré pas Longtemps après. Il a fait des conneries. Il a fait perdre des clients et des voyages. (...) "Je me suis attrapé une fois avec le patron. J'ai dit : "Ferme ta gueule. Tu comprends pas ce que je veux te dire !" Et ça a été fini. Je lui ai tenu tête et y m'a jamais rien dit." (1) Le mari de Mme CABRE débute dans Le transport en 1940. IL fait embaucher son frère, en 1946. Leur père décédé en 1928 était déjà chauffeur. En 1947, Les deux frères se font embaucher dans Les grandes compagnies pétrolières qui salarient des chauffeurs. "Ils étaient contents pasqu'y avait pas eu de perte. Vous savez, Les chauffeurs étaient tellement d'accord entre eux que... Y peinait, surtout à cette époque qu'on vendait l'essence au marché noir, bon. Et lui avait fait son travail régulièrement, ses comptes, ses papiers. Et y disait, j'en ai marre, les autres sont sur la route..." (...) "Chez Esso, il en savait trop... C'était de La fraude par camion. Ils ont cherché un prétexte pour le faire partir. On a contacté un syndicat, C G . T . ou C.F.D.T. ou quelque chose comme ça. A Esso, on lui avait dit : "Ne te syndiques pas sinon tu seras vendu !". Vous savez, c'était l'époque. Si on était syndiqué, on était mal vu. En 48, vous pensez !" (...) "Y'a eu un différend avec Le directeur et y voulait l'envoyer à Sète. Mon mari, c'était un Valentinois et y voulait jamais s'en aller. Il a toujours habité Valence. C'est comme le fils de Monsieur Durant." (2) (1) : Monsieur DURANT (2) : Mme CABRE _^crt- Mme CABRE, de parents commerçants dans La Loire, négociants et Livreurs de grains et gérant un hôteL restaurant, a un frère chauffeur, un beau-frère pLacier sur Les marchés et un autre cheminot. PLacée chez un agriculteur pendant La guerre, eLle apprend La comptabiLité et en 1945 travaille pour l'armée de l'air. Le couple se marie en 1947. "La condition que j'ai mise, c'était idéal. Pasqu'il était toujours sur la route, il allait très bien, alors j'ai dit : "Je veux bien me marier mais à une condition, c'est que tu sois au moins tous les soirs à la maison". Et c'est de là qu'il est rentré chez Esso. Avant, il faisait les primeurs à Orly pour envoyer en Angleterre." (1) A partir Il met à de 1960, BORILLE la disposition loge des mécaniciens le plus possible 12 appartements ses salariés. gratuitement dans la ville d'implantation et 4 dans l'entreprise. Les chauffeurs paie un petit loyer. "En 1965, 66, y'a eu Le comité d'entreprise obligatoire. Ils étaient une centaine. Le fils BORILLE a oeuvré pour le comité d'entreprise. On faisait des cotisations, on faisait des sorties, des Arbres de Noël pour Les enfants, on achetait des jouets. On faisait une belle fête. C'était vraiment la vie de famille. Après, on a décidé si on faisait une coopérative et on m'a dit : "Vous êtes capable, madame, d'en assurer la responsabilité ?" (1). Mme prise, dont CABRE son mari est salariée et Monsieur par l'entreprise DURANT sont et le comité délégués, lui d'entre- verse de quoi approvisionner la coopérative. "A La coopérative, iL y avait de l'alimentation, des appareils, ménagers, des vêtements, du linge, des chaussures... Il y avait de tout. Sur commande, on avait des calatogues, on faisait venir tout ça. Y'avait un monsieur qui nous fournissait Les bleus, des costumes, si les gens voulaient un costume, j'allais ¿Rtzw^ je prenais leurs mesures. Je faisais faire et venir tout ça. On avait vraiment des prix avantageux. J'arrivais à obtenir 30 % de remise. C'était quand même vraiment valable. Je me débrouillais pas trop mal en faisant jouer la concurrence des uns avec les autres." (1) Les Arbres de Noël réunissent jusqu'à 600 personnes. Des sorties, le week-end, des lotos, des tombolas, des repas sont fréquemment Mme CABRE connaît tous les chauffeurs de l'entreprise. (1) : Mme CABRE - AK organisés. "Les chauffeurs venaient me trouver pour me montrer Leur fiche de paie : "Madame, vous pouvez pas (n'expliquer ça ?". Alors je disais : "Voilà, c'est ça et ça... Si vous voulez savoir si on vous vole, regardez vos disques. Il faut que vos disques soient faits comme il faut." ; "Ah, ben, on y pense pas."...". (1) Il semble qu'il n'y ait pas grande distinction rents non du comité régulières d'entreprise sont annulées et ceux du syndicat. En : un candidat quitte entre les adhé- 1973, les élections l'entreprise, un autre décède. Le leader du syndicat depuis 1966 est désavoué et il exclue Monsieur DURANT. La liste est renouvelée et Monsieur le vote est une seconde fois irrégulier. DURANT et Monsieur CABRE, alors secrétaire du comité d'entreprise, sont élus mais la représentativité du syndicat est affaiblie, d'autant qu'un nouveau syndicat hésite à nommer indépendant ces nouveaux-venus s'implante dans la région plus (*). Mme CABRE : "C.F.D.T., C.F.T.C, 'les Routiers de France,... je ne sais plus". "Puis, i l y a eu une nouvelle élection du comité d'entreprise en 1975. Les autres, j'en avais un peu marre. On me critiquait sans arrêt. Y s'en sont pas trop occupés, ce qui fait que ce sont les autres qui sont passés. Ils ont été nommés et y'a eu des choses vraiment pas normales. Les gens sont toujours jaloux. Ils s'imaginaient que, moi, à la coopérative, je mettais de l'argent dans mes poches en quatité, alors que j'ai jamais eu de déficit. Quand il manquait 300 F, je les mettais de ma poche. C'était moi qui avait mal marqué ou quelque chose comme ça. Qu'est-ce que ça pouvait bien me faire ?" "J'ai travaillé trois ans sans être payée. Et puis, ces genslà... Y.'avait la femme d'un électricien qui habitait au-dessus, qui voulait la place. J'avais rendu les comptes du comité d'entreprise, de la coopérative. Alors, inventaire sur inventaire, contrôle sur contrôle,... Impossible de trouver un motif pour me licencier. Alors, ils sont allés voir l'Inspecteur du Travail : "Il faut renvoyer Mme CABRE, on en veut plus"... et tout ça... Et ils avaient déjà fait une pétition pour me renvoyer. Ils ont dit que c'était du vol pasque on prenait 3 % sur le comité d'entreprise et que c'était BORILLE qui me payait. Et y'a un employé qui a donné ma fiche de paye alors que c'était complètement illégal. Et le gars l'a promenée partout en disant "Regardez ce que gagne Mme CABRE. Elle travaille trois jours par semaine et elle gagne plus que vous. Alors, elle vous mange vos sous". Alors que c'était BORILLE qui payait. Et ils ont fait la pétition. J'avais'à ce moment 60 ans et j'avais droit à la pré-retraite..." (...) "Quand j'ai été licenciée, y se sont partagés. Je sais pas trop ce qu'ils ont fait entre ceux qui étaient au comité d'entreprise. J'avais 10 millions anciens de marchandise. Ils en ont vendu... Ils en ont donné..." (1) (1) : Mme CABRE (*) : cf. l'affaire OTRA — v « i r «*Cr* - _^o9- "Les chauffeurs venaient me trouver pour me montrer Leur fiche de paie : "Madame/ vous pouvez pas m'expliquer ça ?". Alors je disais : "Voilà/ c'est ça et ça... Si vous voulez savoir si on vous vole, regardez vos disques. Il faut que vos disques . soient faits comme il faut." ; "Ah/ ben, on y pense pas."...". (1) Il semble qu'il n'y ait pas grande distinction rents non du comité régulières d'entreprise sont annulées et entre ceux du syndicat. En 1973/ : un candidat quitte les adhé- les élections l'entreprise, un autre décède.. Le leader du syndicat depuis 1966 est désavoué et il exclue Monsieur DURANT.. La;. Liste est renouvelée et le vote est une seconde fois irrégulier. {Monsieur DURANT" et Monsieur CABRE/ alors secrétaire du comité d'entreprise, .sont;\é"lus. mais la représentativité du syndicat est affaiblie/ d'autant .quiun<„nouveau syndicat indépendant /hTésite;à 'nommer ces nouveaux-venus s'implante dans la région : "C.F.D.T./ C.F.T.C./ plus (*). Mme CABRE les Routiers de .France./.»... je ne sais plus". , ' - "'Puis, il y a eu une nouvelle élection du comité d'entreprise /en 1975. Les autres, j'en avais un peu marre. On me critiquait sans arrêt. „'..Y.'; s.'en sont pas trop occupés/ ce qui fait que ce sont les autres qui sont .passés.. Ils ont été nommés et y'a eu des choses vraiment pas normales. Les /gens;'-sont/.toujours, jaloux. Ils s'imaginaient que, moi/ à la coopérative/ ;'je.'mettais, de- l'argent dans- mes poches en quatité/ alors que j'ai jamais •.eu. de déficit. Quand il manquait 300 F, je les mettais de ma poche. C'était níófíqui avait: mal marqué ou quelque chose comme c'a. Qu'est-ce que ça pouvait bien me faire ?" ; . '-•''••'/..'.: ."J'ai travaillé trois ans sans être payée. Et puis/ ces gens, .;l àv.,r;Yi,avait' la .femme d'un électricien qui habitait au-dessus, qui voulait Ça place. J'avais rendu les comptes du comité d'entreprise, de la coopérative. Âlors, inventaire sur inventaire, contrôle sur contrôle,... Impossible de i trouver.un motif pour me licencier. Alors, ils sont allés voir l'Inspecteur • du Travail -':• "Il faut renvoyer Mme CABRE, on en veut plus"... et tout ça... -Et-i'Cs, avaient déjà fait une pétition pour me renvoyer. Ils ont dit que c'é;-tait du yol pasque on prenait 3 % sur le comité d'entreprise et que c'était • BÖRILLE: qui me. payait. Et y'a un employé qui a donné ma fiche de paye alors illégal.. Et le gars l'a promenée partout en disant :què; c'était: complètement •-'Regarder ce que gagne Mme CABRE. Elle travaille trois jours par semaine ''etr/ëlié: gagne plus que vous. Alors, elle vous mange vos sous". Alors que c'était BORILLE. qui payait. Et ils ont fait la pétition. J'avais à ce moment 60 ans et j'avais droit à la pré-retraite..." • /. ,' . (...) "Quand j'ai été licenciée, y se sont partagés. Je sais pas trop ce qu'ils ont fait entre ceux qui étaient au comité d'entreprise. :J'avais- 10 millions anciens de marchandise. Ils en ont vendu... Ils en ont donné',..'.." CT) ;<1) ': Mme CABRE (*)' r cf.. l'affaire OT^A —. v«'»'' «fcfr* - _^o9- Monsieur CABRE tombe malade et est Licencié pour incapacité au travail. Il décédera quelques années après avoir acheté le pavillon où réside maintenant son épouse. "Monsieur P. BORILLE avait contacté la Médecine du Travail en disant : "Je veux pas qu'il retravaille". Et le Médecin du Travail a dit "Je veux l'avis d'un spécialiste" et le spécialiste m'a dit : "Vous savez, le patron de votre mari, il est quand même pas chic". Si j'avais pas été licenciée, j'aurais été obligée de démissionner." (1) En 1985, l'entreprise turée et plusieurs transporteurs qui de emploie la région 500 chauffeurs, est sont réunis restruc- dans un groupe avec homogénéisation des salaires (2). "Le nouveau gars, le patron, il a dit : "Moi, les paies, ça me plaît pas. Vous avez tant par mois, tant pour l'ancienneté, deux primes et c'est tout. Y'aura pas d'histoire d'heures". Y'avait une prime de chargement,' il leur a supprimé ça sans compensation". (...) "Ou vous acceptez 'ça, ou j'ai dans la poche 60 licenciements". Alors, comme ces gens, c'était tous les derniers rentrés, ils ont dit : "C'est nous qu'on va prendre la porte." C'était pas des anciens. Les nouveaux, y peut les embaucher au salaire qu'y veut, tandis que les anciens, il a pas le droit de baisser les salaires..." (1) Les salaires, pour 170 H par mois, prime de chargement, de nonaccident, d'entretien, d'attente comprises, de 8000 F en 1985, passent 6700 F pour 200 H de travail par mois. Cette homogénéisation provoque des conflits entre chauffeurs, ceux qui tentent à des salaires d'interpeler la direction sont désavoués. "Alors, les autres : "Oui, tu lui a monté le coup contre nous. Qu'est-ce qu'on va faire ?" ; "Mais vous faites quoi, ici. Vous êtes là pour défendre les copains ou lécher les bottes au patron ? Si vous êtes pas capables, y faut pas vous présenter !". C'est un peu la pagaille, maintenant. Ce gars, il règne par la terreur, la peur de perdre une place... ALors, y'en a beaucoup qui lui disent "Amen". Y'a des gars qui sont depuis 20 ans chez BORILLE. Quand on leur dit : "Mais tu veux pas rouspéter ?" ; "Oh moi, je préfère gagner 2000 F de moins et conserver mon emploi." Qu'est-ce que tu veux dire ? Il a perdu 3000.F par mois... Mais non, il trouve que c'est suffisant..." (1) (1) : Mme CABRE (2) : A9 raconte ce regroupement, cf. vol. II op. cit. : Les régionaux, p.70 _ AÁo- Dans Les années cinquante/ Les chauffeurs de chez BORILLE sont tous d'origine LocaLe et ruraLe et c'est Le dépLacement de L'agence qui provo-, que Le premier confLit. Les conducteurs abandonnent aLors La C.G.T. par souci d'efficacité, par voLonté de voir La F.N.C.R. pour Leurs revendications aboutir. ILs sont soutenus dans Le confLit par des artisans dépendants économiquement de transportant La société. ILs ont fait Leur apprentissage professionnel en des denrées rares à L'époque et non comptabiLisées strictement/, comme Les primeurs et Les hydrocarbures. Après La grève, Les conducteurs sont mis à Leur compte ou sont embauchés dans des entreprises pLus petites qui profitent ainsi d'une maind'oeuvre quaLifiée. Pour ELIE/ cette grève marque une rupture et un changement dans sa vie. Le syndicat F.N.C.R. est aLors reconstitué. On s'aperçoit qu'ELIE fi Ls de petit cultivateur s'est engagé dans Le métier de chauffeur parce que, sans qualification/ il permettait "d'apprendre quelque chose, vite". Pour métier est M. CABRE réinterprété et sa comme femme, enfant la continuation de commerçants/artisans, des expériences de le rapports d'échange. Pour la F.N.C.R. M. DURANT, dans fils l'entreprise, La politique sociale des frères d'ouvriers Les de filature, les activités de coopératives, Les sorties conviviales, B3RILLE qui consiste à loger la main-d'oeuvre et à salarier Mme CABRE qui oeuvre pour les chauffeurs, tout cela n'est guère éloigné des rapports qui existent dans L'entreprise du type usine-pensionnat ou usine-couvent. Ses parents travaillaient dans une usine de filature de ce type, dont Le patronat est traditionnellement, dans la région, paternaliste et catholique. Les syndicats Libres (qui n'acceptent cependant d'alliance qu'avec d'autres syndicats de confession catholique) ont, au début du XXème siècle, nombre de points communs avec les orientations de la F.N.C.R. : constitution d'une élite "aide" à ouvrière l'Etat d'apprentissage pour ; opposition Légiférer ; assurances avec sur La C.G.T. et les questions maladies ; recours les pouvoirs professionnelles juridiques ; publics ; cours coopératives de consommation (1). (1) : Les syndicats libres féminins de l'Isère : Leur organisation, leur action professionnelle, leur doctrine - Fédération des Syndicats Libres Grenoble - 1921 - 422 p. - 111 - La collusion entre la F.N.C.R. et le patronat est souvent dénoncée par quelques On ne peut intellectuels syndicalistes de sensibilité de gauche. faire autrement que constater que la séparation des rôles entre le syndicat, nombreux et/ou le comité d'entreprise, les frères BORILLE, est points. Lorsqu'il y a conflit floue sur de entre un chauffeur et la direction, le chauffeur va se plaindre par l'intermédiaire du syndicat auprès du patron contre l'attitude des cadres, profitant de la possibilité de rapports interpersonnels. La coopérative d'achat LANCE. En est d'une autre effet, la grande majorité d'implantation de l'agence-mère des chauffeurs logique que celle de LA résident dans la ville à partir de 57. La coopérative est financée par l'entreprise et non par le comité d'entreprise. Mme CABRE, "mère de tous les routiers", argue de manière syndicale en ce qui concerne les heures de travail, probablement par reconstruction après qu'elle ait été licenciée. L'émergence d'un nouveau syndicat dans la région, disparu aujourd' hui, provoque à partir de 1971, outre des conflits assez violents dans les entreprises de transport par route, une contestation du mode d'élection chez BORILLE, ce qui entraîne la suppression des oeuvres sociales de l'entreprise et met à jour les clivages et rivalités au sein des militants de la F.N.C.R.. Depuis 1975, un tiers environ des élus déclarent une étiquette syndicale, F.N.C.R., C.F.D.T. ou F.O.. produisent Ces trois moments des attitudes de participation spécifiques F.N.C.R., C.F.D.T.). Ces périodes vis (avant à et vis d'affiliation de l'employeur syndicales (CG.T., 57, après 71) correspondent à la fois à des activités économiques et des outils mécaniques différents, ainsi qu'à la prégnance des implantations syndicales dans la région et des idéologies ambiantes. Les chauffeurs qui ont commencé à travailler pendant la guerre n'ont pas les mêmes aspirations que ceux qui entrent sur le marché du travail à la Libération ; ceux qui commencent à travailler dans les années 68, 70, non plus. Avoir recours au phénomène de génération est une explication nécessaire mais non suffisante pour comprendre pourquoi les rituels de la F.N.C.R. prennent de. l'importance à une période historique précise. Après l'épisode cégétiste, la restauration de normes de comportements et de valeurs au travail est induite par le choix des embauches - 112 - : les militants reproduisent les rapports sociaux qu'ont connu Leurs parents. Comme Lors des bals de Noël du syndicat, on peut penser que "La vie de famille" chez BORILLE met en scène Les statuts de l'époux mariages. Ces profession, CABRE, qui rituels sens et de l'épouse, regroupe réaffirment bientôt naturalise un certain relativisé comme d'autres lorsque Les enfants et suscite des sens de les l'histoire rituels de et de La cessent. Même Mme L'entreprise, prend des distances par rapport à ces valeurs à la fin de sa vie. - 113 - la famille 5 . L'AFFAIRE OTRA OTRA, comme BORILLE, est spécialisée dans Le transport en citerne, mais à L'échelle européenne. Cet&entreprise, qui a été, souvenons-nous, le premier et employeur a produit 47, OTRA une de J.R., après certaine représentation 1 est probablement son père, a été longtemps L entreprise des prestigieuse chauffeurs. Dans les années la plus importante en France. Elle est devenue depuis un groupe européen... Le siège de la société en 1960 était situé à Marseille. Les chauffeurs les plus anciens sont donc originaires de cette ville, et ils se sont déplacés au fur et à mesure que le nombre d'agencesrs'agrandissant,* elles s'implantait partout en France. Angelo, né Ses en parents, originaires puis s'installent en 1930 du alors sud France, de que son père meurt, est L'Italie, émigrent à Marseille, en de au Brésil 1920. Aujourd'hui ceux-là. en 1910, retraité, Angelo visite ses cousins de la branche maternelle, transporteurs en Calabre, et par la branche paternelle, transporteurs aux U.S.A.. Il est allé voir ces derniers récemment. "Y'en a un dans une station service, y'en a un au dispatching. L'autre, il a un magasin de coiffure abominable. Ils sont arrivés avec une Cadillac à New York. J'ai rencontré plein de cousins que je connaissais pas." (1) L'enfance et l'adolescence d'Angelo sont exceptionnellement dif- ficiles. Sa mère est seule et sans travail... Un de ses frères se fait tuer en 1944, et, à la Libération, un autre frère au S.T.O. en Autriche est libéré par les Russes. Angelo devient livreur de lait pendant 7 ans. Ce qui lui "permet", avec l'aide de son frère, d'apprendre à compter et d Vif«.. "On livrait dans les épiceries. C'était des RENAULT sus où y'avait des bidons, et dessous, y'avait les casiers des voit plus maintenant. Après, j'ai pris un semi-remorque. Là, je formé et j'ai postulé une place chez OTRA. Et j'y suis resté..." Dans Union Soviétique décrire son et quartier, les beaucoup Italiens partent de voisins aux Arméniens U.S.A.. Angelo à étage deschoses qu'on me suis bien (1) émigrent emploie en pour cette époque un "nous" un peu nostalgique. Chez OTRA, Angelo reste quelques mois en apprentissage. (1) : Angelo - 114 - "Par rapport à La renommée d'OTRA, on a été attirés par ces grands bahuts. On était tous tentés si on pouvait travailler là, et pis ça permettait de s'élever un rang supérieur pasqu'OTRA c'était, disons, l'international avant presque tous. Donc, on avait envie d'y aller. J'ai fait une demande. J'ai fait un essai pendant un mois et pendant un mois, fallait rester au garage, démonter les roues, entretenir les véhicules qui roulaient. "C'était la période où les BERLIET arrivaient au compte-gouttes. La flotte commençait à se constituer. Des BERLIET 6 cylindres en 63. C'était déjà l'expansion d'OTRA sur l'Europe. Y'avait déjà Charles André dans la Drôme." (...) "Un beau jour, un camion tout neuf est arrivé. On me l'attribué. On m'a fait charger sur Montauban et Paris, et insensiblement, ça s'est étendu. Ca s'est étendu en international. Y'avait déjà les agences. On allait charger directement au producteur, à PECHINEY de la matière plastique pour faire des disques et des tuyaux et tout ce qui est plastique. OTRA avait le monopole. PECHINEY avait des contrats à l'étranger et nous, on allait livrer." (1) La réputation d'OTRA commence à s'étendre et la représentation des chauffeurs, issus pour la plupart des quartiers populaires de Marseille, se fixe : l'on jusqu'en 1973, retrouve dans l'aspect les descriptions "folklorique" du romanesques ou chauffeur baroudeur, les mémoires qui voyage en Europe et au-delà, accompagné de son chat ou chien ou perroquet favori. "C'était un monde différent. C'était que de la route, de la route, de la route. Là, y'avait plus de frontière. Y'a eu une période où y'avait une masse importante de légionnaires. Ils étaient pas les plus mauvais. On a eu aussi des Italiens, des hommes de métier, desfio"irj... des Maghrébins, mais y'a jamais eu de problème de place, jamais. C'était tout mélangé... Y'avait des noirs aussi. Y'avait pas de clan... On y avait une place, on était chez soi." (...) "Les chauffeurs, y'avait des immigrés espagnols, mais j'ai pas l'impression qu'ils avaient vécu plus mal que moi. Ils travaillaient comme des nègres, comme moi et on travaillait pour Le fric. Y'avait pas de trafic, parce que, nous, le salaire était tiré du goudron. Faut pas mélanger les transports. Pasqu'il y a des transports, on y fait des spiritueux et là c'est pas la paie qui est recherchée, c'est le prélèvement... Alors là, ceux-Là c'est des personnes anti-syndicalistes bien à part. Bon, on va pas rentrer dans les détails, complicité du patron, tout le monde est content, tout Le monde est d'accord." (...) "Le transport de vin, d'essence, de Liqueur, ils se distribuaient eux-mêmes les chauffeurs. Alors, ceux-là, y tournaient jour et nuit, tandis que nous, y'avait rien, hein ! Ben, y'en avait qui avaient de La poudre. Mais, les produits dangereux, c'est invendable pour les particuliers. Pour nous, c'était du travail1' arraché au goudron" c'est comme ça qu'on appelait Le terme." (1). (1) : Angelo - 115 - En 1960, Les chauffeurs gagnent 3000 F par mois (,cài< Fois-yo!US ^U«-IÊ. «  W « . n*ii\Uw»M zJr trois fois plus que chez BORILLE.') "On était payé à La tonne kiLométrique. Y'avait un salaire de base, minimum. Ca veut dire, plus on roulait, plus on chargeait, plus on gagnait... Donc, c'était véritablement... Encore que nous, on le faisait à l'époque pasqu'y avait très peu de contrôle. On faisait ça pour gagner du fric et on en a gagné honnêtement, mais enfin, on a essuyé la peur." (...) "A l'heure que je parle aujourd'hui, j'ai la colonne vertébrale toute démolie. J'ai la hanche qui va basculer et je suis atteint à 8 0 % hein, bon ! On travaillait comme des brutes mais on gagnait notre vie. Pour des gens comme" nous, sans métier, à l'époque, c'était, disons, une promotion et pis c'était l'image qu'on avait et qui, hélas, demeure... Le chauffeur, bon, il est libre. Y veut pas de contrôle, y veut pas de ceci... Avec l'âge, on s'aperçoit qu'on a été truandé longtemps, longtemps, longtemps, et on continue à l'être, bien sûr, pasqu'y a un lobby tellement'puissant... Et on va pas refaire l'histoire des transports, mais il est le même qu'il était il y a 50 ans..." (1) Comme à la plupart la S.N.C.F. ou non, constituent jusque dans des grands groupes (M0RY, CALBERS0N...) des les années 75. Angelo de transport, syndicats filialisés d'entreprise y adhère, est s'y délégué et a pour projet de faire passer le syndicat maison à la dimension d'un syndicat indépendant, regroupant les conducteurs de plusieurs établissements. "OTRA avait un syndicat maison et j'adhérais à ce syndicat maison. En adhérant à ce syndicat maison, mon but était, j'avais déjà un but,... Faut savoir que je suis de parents immigrés, faut savoir que j'ai vécu dans une mouvance de prolétaires, de travailleurs. Le quartier où j'étais, moi, c'était un quartier communiste. C'était comme ça. C'était bizarre, moi qui étais d'une famille de travailleurs de me retrouver dans un syndicat indépendant. En fait, l'indépendance, ça mène à rien du tout. Et pis on a vécu la période extrêmement difficile de 68 où nous fûmmes les seuls à pas faire la grève... Aujourd'hui, nous sommes en 86 et je regrette toujours de pas m'être investi . Ben, mais y'avait un risque pour nous si on faisait la grève en 68. Ca voulait dire qu'on allait devant la catastrophe et que je perdais, moi, l'objectif que je m'étais fixé : créer un syndicat de routier. En ne participant pas à cette grève, je m'effaçai pour faire quelque chose de beaucoup plus important... C'est ce qui est arrivé. Donc, y fallait que je laisse les choses aller. (1) : Angelo - 116 - L'année les chauffeurs qui 1968 provoque s'aperçoivent un certain nombre alors d'une absence de frustrations complète parmi de mouvement ouvrier au sein de leur profession. "De voir que tout le monde combat et que nous, les routiers, soit disant parce que De GAULLE nous avait remercié et tout... C'est marqué ça dans ma vie..." (1) Mais, d'autre part, ils sont très sensibles au fait que le ravitaillement des villes a permis d'éviter, selon l'argument patronal, un aboutissement incontrôlé des conflits. 68, pour beaucoup, a été la grève des autres. En juin 68, le journal n'était pas paru ; au mois de mai,uLes Routiers déclare : Nous venons de vivre des journées bouleversantes pour notre pays, et les syndicalistes libres que nous sommes. Elles auront un profond retentissement pour l'avenir de la France, et pour le destin du syndicalisme. J'écrivais ici en 1961 : "Ceux qui détiennent les plus hauts postes de l'Etat, auraient tort de mépriser la révolte des humbles. Qu'ils n'oublient pas que l'autorité, si elle est le fondement de la société, ne doit pas négliger la liberté, fondement de notre Constitution. C'est dans le sage équilibre de l'autorité et de la liberté, que réside le secret des gouvernements durables." (2) Dans un autre des protocoles d'accords article du même numéro, de Grenelle professionnelle, des droits syndicaux et de le journal l'augmentation de fait la mention formation au^ein des entreprises, des salaires et de la réduction du nombre d'heures de travail. Il est convenu que : Ces six dernières années, nous nous sommes trouvés -en commission paritairedevant un patronat intransigeant, un patronat rétrograde. Préparait-il le Marché Commun ou autre chose ?... Il a fallu mai 1968 pour que ce qui était impossible hier le soit en quelques heures. (3) Pendant publie un an les présomptions la F.N.C.R. négocie avec le nouveau gouvernement, de résultats et se montre fervente partisane, avec la C.F.T.C, F.O. et la C.G.C., des projets de "participation" des travailleurs. (1) : Angelo (2) : Les Routiers - juin 68 - "Mission et raison d'être du syndicalisme." (3) : idem - "Il aura fallu paralyser le Pays..." - 117 - Depuis La crise de mai 1968, il est à tout propos question de La dignité des hommes, de La nécessité de faire participer Les travaiLleurs à sauvegarder en eux cette dignité, et iL se dépense des trésors d'ingéniosité pour imaginer comment on pourrait associer Les ouvriers aux responsabilités : Intéressement, Co-gestion, Autogestion... (1) Il faut de ce syndicat croire que peu de résultats ont été obtenus de La part toujours en opposition violente avec les confédérations et Les premières idées de barrage routier apparaissent en 1969. Faut-il être surpris que L'Etat ait observé La même prudence pour des motifs différents ? Craindrait-iL La force énorme que représente un Syndicat des Transports capable de paralyser le pays sur un mot d'ordre ? Mais aussi de la force d'une organisation capable d'éviter une paralysie générale, comme cela s'est produit en 1953 et en 1968. Mais les conducteurs professionnels ont fait, en 1936, les frais de cette carence,...'" (2) Pendant ces années, Le syndicat d'Angelo s'organise. "J'ai constitué une équipe de syndicalistes et nous avons développé le syndicat, mais à l'extérieur d'OTRA. Le syndicat des routiers indépendants qui était affilié à la Confédération Nationale des Syndicats Indépendants (C.G.S.I.), dont je fut élu secrétaire général en 1972. Une assemblée générale comme on en avait jamais vue. Donc, le but c'était de prendre Le plus possible de routiers dans ce syndicat indépendant pasque ça Leur plaisait le... Le terme "indépendant" aux routiers. Alors, y fallait que je joue làdessus. C'était inconcevable à l'époque que je dise : "Venez .à la C G . T . , ou encore, venez à La C.F.D.T.", encore que on en parlait très peu à L'époque, et les autres, on en parlait pas du tout. Donc, y fallait créer cette masse et après, essayer de les éduquer... Seulement, entre ce qu'on dit et ce qu'on fait... Alors, effectivement, on a créé un syndicat assez puissant à l'extérieur où on intervenait efficacement. Et là, s'est posée La question : "Vous faites du syndicalisme à l'extérieur et vous le faites pas à l'intérieur ?" On pouvait pas Le faire à L'intérieur pasqu'y avait déjà un patronat de combat, une répression assez dure. Alors, iL fallait contourner avec assez de diplomatie pasqu'autrement, on se serait tous cassé La gueule." (3) Le Syndicat National 1969/70 dans de nombreuses .nous L'avons des Routiers Indépendants entreprises du sud de dit, iL entre en conflit ouvert avec s'implante la France. Chez BORILLE, la F.N.C.R.. Des grèves éclatent ça et là. (1) : Les Routiers - Juil. 69 - "Salaire différé et dignité ouvrière" (2) : Les Routiers - Juin 69 - "Le succès recréé par L'effort" (3) : Angelo - 118 - en "Y*a eu répression. Y'a eu des copains qui ont été Licenciés. Ca a coûté une fortune pour Les défendre et y'a eu Le Second aspect qui était difficiLe, c'était de décLencher un confLit au niveau nationaL pour faire reconnaître notre syndicat au niveau nationaL. ALors Là, ça a été une journée mémorabLe. La France a été bLoquée." (1) Les barrages sont préparés. "Ca vouLait dire qu'à 5 H du mat 1 / tous Les camions bLoquent toute La France et dès qu'on obtenait notre représentativité, on Levait Les barrages. Ca vouLait dire quoi ? On avait fait une assembLée généraLeoù y' avait eu un monde fou. On avait des mots de code... Y faLLait bLoquer L'autoroute sud de L'Europe et compter sur Les radios pour annoncer Le confLit. InutiLe de te dire que... ça c'est produit. Dès que La radio en a parLé, ça a donné Le signaL et tout était bLoqué. Mais tout était centraLisé sur Paris, moyennant quoi nous fûmmes reçus non par C humun. Ministre des Transport à L'époque, mais par son chef de cabinet qui était (_ ,yO à L'époque, qui après est devenu Le P.D.G. d'Air France. Bon, y nous a convoqué. Bon, La représentativité... y'a eu une espèce d'engueuLade à n'en pLus finir." (...) "Pasque ça commençait à devenir dangereux. Je sentai que... On avait tout préparé, hein, Les repas, on avait tout organisé. Y'avait pas de bavure... "Bon, vous avez bLoqué, soit, mais maintenant vous êtes pLus capabLes de débLoquer. Si vous êtes pLus capabLe de débLoquer, aLors, on peut voir votre représentativité." Et je crois que Là, on a été naïf. J'ai pas honte de Le dire, je crois que Là, on a été naïf. Quand j'ai dit à mon adjoint : "Fais passer Le mot de passe, fais Lever Les barrages !". A 5H1/4, y'avait pLus un camion qui bLoquait, pLus rien..." (...) "On avait tous notre banderoLe, Les dix premiers barrages. On approvisionnait Les barr^tavec Les camions de Lait, fromages, et pain. D'aiLLeurs, on a montré Le mauvais exempLe pasqu'après Les Chi Liens...Pasque nous, ça aurait pu être un sacré Chi Li. Pasque Les gars, y commençaient à s'exciter. Nous, on a fait La démonstration que La responsabiLité, eLLe était Là. Je vois pas si tu comprends..." (1) Les barrages surprennent, et comme en 1984, nombre de chauffeurs non adhérents à un queLconque syndicat s'y adjoignent, Le mouvement prend de L'ampLeur. Ces barrages Laissent passer Les représentants du corps médicaL ainsi que Les véhicuLes Légers qui ont à Leur bord de jeunes enfants ou des personnes âgés. Comme en 1984, des pique-niques et griLLades Le bitume se dérouLent certains improvisés sur dans La bonne humeur. Le nombre de chauffeurs, dont sont artisans, participant à La manifestation nationaLe est évaLué à 5000. L'objectif des barrages était pour La S.N.I.R. affi Liée à La C.G.S.I. d'obtenir La reconnaissance 1959, cette reconnaissance de sa ayant représentativité été supprimée (1) : AngeLo - 119 - en commey L'avait acquisden 1962. RappeLons que La représentativité d'un syndicat est déterminée selon Les critères suivants - Les effectifs/ élément souvent prépondérant ; - L'indépendance à l'égard de l'employeur ; - les cotisations qui sont un signe de l'attachement durable des syndiqués à Leur organisation et La garantie d'une gestion indépendante ; - enfin l'expérience et l'ancienneté. (1) Le S.N.I.R. déclare, pour sa part/ "Le gouvernement reconnaît la représentativité de syndicats politisés qui ne représentent rien ou pas grand chose. Il refuse, par contre/ de discuter avec nous et nous allons démontrer ce que nous représentons jusqu'au moment où nous serons reçu par les pouvoirs publics". (2) Une foule d'autres feurs, dont revendications faisant l'unanimité des chauf- certaines datent de 1936, sont ajoutées, ainsi que celles d'au- tres syndicats :• la carte professionnelle (F.N.C.R.) ; le péage des auto- toutes (F.N.T.R.). La chauffeurs du Rhône lents F.N.C.R., I'U.N.O.S.T.R.A., routiers désavouent la Confédération générale des le mouvement. La C G . T . et l'Automobile Club Le soutiennent. Le Figaro du 25 mars 1971 fait état de heurts vio- entre les chauffeurs et les policiers venus avec des grues dégager les barrages : "Le taux de syndicalisation est extrêmement faible et il suf-. fit qu'une organisation, même minoritaire, reprenne à son compte un éventail de revendications Le plus large possible pour mobiliser une masse importante, de routiers". (Le FIGARO du 25.3.71). Angelo est reçu, avec des camarades/ au Ministère des Transports en même temps -ce qui n'était pas prévu- que la Confédération des Syndicats Libres qui s'estime être L'objet des "mêmes discriminations" que Le S.N.I.R. "Naïvement/ j'ai voulu calquer Le syndicat sur Les syndicats américains. C'était pas possible. Y'avait des intérêts trop puissants qui me dépassaient. D'ailleurs, j'ai eu des histoires presque tragiques. J'ai .été... Y'a eu des pépins qui ont failli m'arriver. J'ai été menacé quand j'ai, prétendu exiger la représentativité du syndicat indépendant. J'aurais pu verser dans un syndicat autonome, c'est à dire L'équipe à C... et C . . . qui étaient, disons de L'extrême-droite.... C'était La confédération syndicale libre qu'y z'appellent maintenant. C'était avant le C.A.T.. C'était au niveau (1) : Le Monde - 26.3.71 - "Les critères de la représentativité syndicale" (2) : " " - "Des chauffeurs routiers ont grands axes de circulation" - citation du S.N.I.R. - 120 - bloqué plusieurs gouvernemental. C'était impossible que j'aille dans un truc comme ça... j'ai refusé. Mes convictions personnelles... non ! J'y avais jamais d'ailleurs. Y'avait des pressions terribles, donc, j'ai refusé et ça pas fait attendre. Marcellin... a tout décapité. C'est pas gratuit, ça..." (1) Donc, pensé c'est tout Devant le refus d'Angelo de s'affilier à ce syndicat, la répression ne se fait pas attendre : les leaders repérés sur les barrages sont arrêtés et 155 permis de conduire sont supprimés. "En fait de représentativité, c'était Marcellin qui était Ministre de l'Intérieur à l'époque. Y z'ont commencé à nous cisailler tous Les permis. Donc, ça a commencé à nous enterrer une partie de notre fric pasqu'il a fallu, nous, qu'on paie... Là, alors les finances..." (1) Les chauffeurs arrêtés risquent, en effet, entre 3 mois et 2 ans de prison et une amende de 1000 à 2000 F (*). Le numéro de mars 71 desl'Routiersl titre à côté de son editorial : "le syndicalisme en danger", "une sinistre galéjade, ou la sardine qui voulait boucher les routes". Le mois suivant, la carte professionnelle promise par le président en 1968 est accordée, carte sans valeur pour POMPIDOU les autres syndicats. Par la suite, Les Routiers1 continue d'attaquer le syndicat d'Angelo : Le jour est proche où il y aura un racisme anti-routier, comme on a prétendu qu'il y avait un racisme anti-jeune, et un racisme tout court. Racisme qui n'est le plus souvent qu'une réaction de la majorité sage, contre une minorité de casseurs ou d'intoxiqués. Un syndicat turbulent, qui nous vient du midi, où l'on a toujours été anti-syndicaliste, vient de publier un communiqué où il expose ses "revendications". Elles sont symptomatiques' d'un état d'esprit qui se veut jeune et qui est représentatif d'un conservatisme attardé..." (2) Dans les groupes de transport du sud-est de la France, les grèves continuent : Et c'est ce qu'on a fait et c'est là, qu'en 1972, on a déclenché un conflit à OTRA qui a duré quand même presque trois semaines, pour faire abolir la tonne kilométrique. Et c'est à partir de là qu'on a plus payé la tonne kilométrique. On a revu les paies, seulement, ça s'est traduit en finalité par le démantèlement total de l'organisation. Cependant, c'était pas dangereux pasque y'avait une organisation structurée sur toute la France. Donc, y'avait une force. Y'avait du fric qui' rentrait. Et après avoir eu (1) : Angelo (2) : Les Routiers - sept. 71 - "Ne brisez pas l'image de marque". (*r) : Peine de l'époque : article 7 du code de la Route. - 121 - La supression de La tonne kilométrique, bon, y*a eu répression." (1) Des grèves sont engagées un peu partout. Les confLits sont trop nombreux contre Les empLoyeurs et Les autres syndicats réagissent face à La désaffection feurs" par Leurs déLégués qui Laissent : Le S.N.I.R. diLapide ses finances. Les F.O. de (U.N.C.P.) dans Le Nord de La pLace à de "jeunes" chaufadhérents La France et par sont récupérés La C.F.D.T. dans Le Sud. "Donc, nous, on nous a décapitéjet F.O. a profité de s'implanter à notre pLace. D'ailleurs, je dois être un des rares survivants de ce fameux mouvement. F.O. s'est impLanté et pour moi c'était mieux. J'étais dans L'opposition et c'était faciLe de faire des tracts contre La direction. MaLgré tout, y'avait cette répression qui existait toujours et ceLà jusqu'en 74. (1) AngeLo s'oppose donc à l'U.N.C.P. et s'affiLie à La C.F.D.T.. "Pas par conviction, par nécessité. J'ai teLLement pris de coups de pied dans Le cuL... J'avais dis : "Je vais brandir L'étendard de La révolte, de la colère parce que je peux plus continuer à être exploité comme je l'ai été !". (...) v Alors, c'est la, avec des camarades de la C.F.D.T. de La Chimie que je connaissais qu'on est entré en contact avec Edmond MAIRE qui, après avoir vérifié tous Les comptes du syndicat... C'était un syndicat indépendant, c'était normal... On a justifié qu'y avait pas d'argent qui était parti n'importe où. On a intégré directement à La C.F.D.T.. Donc, ça leur a permis à eux d'avoir une fédération. Mais, pour y aller tous, y fallait convaincre les autres collègues. Et là, y'a eu une précipitation qui s'est faite. Donc, y'en a beaucoup qui sont restés sur Le carreau. Y'en a beaucoup qui n'ont pas suivi pasqu'on s'est aperçu qu'y en avait qui étaient passés de L'autre côté." (1) Des la C.F.D.T. difficultés (encore apparaissent maintenant, Angelo bientôt conserve avec les syndicalistes l'image d'un de "autonome") ce qui est perçu négativement à La fois par ceux qui sont issus de La C.F.T.C. que par une frange de marxistes "orthodoxes"-. "On Leur avait dit : "Attention ! vous n'avez pas affaire à des syndicalistes. Attention ! vous n'avez pas affaire à des hommes de travail'.' Et y'a une manière de les amener... Alors, je crois qu'y se sont précipités et tout le reste est parti dans La nature, qu'on a jamais pu récupérer... Bien que j'aie gardé un tas d'amitié un peu dans toute La France. Donc, on s'est intégré à quelqu'un, et disons qu'on a <x£/a«n *-(-<-. ". (...) "Ca a failli barder... ( Ca a failli tout sombrer avec eux (la C.F.D.T.). Y'a fallu avoir une. pat«'/... Y z'étaient venu ici apporter leur bonne parole moyennant quoi y z'ont failli décapiter toute la C.F.D.T... Alors, c'est facile de venir avec une valise et dire : "Y faut faire ça !".(1) (1) : Angelo - 122 - Angelo adopte alors les méthodes classiques du syndicaliste, comme celui de P.I.C.. "On arrivait pas à faire des élections correctes. Tout était combiné. Y'avait jamais d'élu pasque les gars voulaient jamais être candidat pasque... Les conséquences, c'était de leur enlever leur travail, et c'était facile... Carrément de leur enlever le camion et les laisser dans le garage. Donc, y'avaient plus de salarié. Les mettre dans la cour à bricoler... En 1974, les mecs de la société se sont trouvés en difficulté et ont passé la main à des Hollandais. En 75, il est arrivé Monsieur R..., un Belge. Y m'a reçu. Je lui ai expliqué la situation. "Qu'est-ce que vous entendez par des élections correctes ?". Ben, des élections, y'a pas 50 manières de les faire, je dis. Y'a la boîte postale et tout le processus. Alors, d'un côté, j'avais le code pénal et le code du travail. Hein, je négociai comme ça, pasque derrière y'a presque personne, donc, quand on peut pas sur le terrain, y faut déplacer le problème au niveau juridique pasqu'au niveau juridique, on peut aussi faire avancer les affaires. Moyennant satisfaction, et ayant défini les élections telles qu'elles existent encore aujourd'hui, ce qui nous a donné la majorité absolue dans tout OTRA... Donc, y'a eu la participation qui s'est mis en marche. Y'a eu le 1 % à la construction, au logement, alors qu'avant ça existait pas. C'est eux qui gardaient tout le fric et ils le donnaient à qui y voulaient." (1) Mais bientôt, cette forme d'activité ne le satisfait plus. Le mouvement lancé par le S.N.I.R. s'essouffle. "On a essayé de mettre des chauffeurs. Ca a jamais fonctionné. Y z'étaient absents, alors, soit c'était l'institution qui s'écroulait... Après, on a opté pour le personnel administratif. On a pensé, çui-là, il est beaucoup plus près de la réalité, bon, alors... D'abord, c'était du personnel féminin, non pas qu'il est plus fragile que nous, non, mais elles avaient l'air de penser qu'elles allaient sacrifier leur propre boulot, c'est à dire leur propre boulot de dispatch, par exemple. Elles disaient : "j'ai du travail, je peux pas faire ça.". Alors, on en prenait un coup pasqu'au comité où y'a plus d'un millier de salariés, y faut savoir qu'il faut y être pasque sinon... Et pis, on avait pas de formation. Chacun faisait comme y pouvait. C'est pas comme les régies. Apparemment, c'était pas la joie, quoi. On votait en poste restante, donc chacun savait que son vote était pas controle... Y'avait des petites réunionettes qu'on dit... Après, y'a eu des réunions où y'avait 40 personnes. 40 personnes où chacun pense avoir sa propre vérité. C'était pas facile... Alors, y faut savoir que ceux qui sont en face, les patrons, y sont quand même rompus à ce genre d'unanimisme... (1) : Angelo - 123 - "Y'avait L'art et La manière de noyer Le poisson. Y z'isoLaient certains cas, pis Le reste, on écoutait même pas. Et pis, pendant ce temps, L'heure tournait et Le soir, à 6H, 7H, où ça c'était passé, toute La journée en discussions, rien de concret ne sortait. Donc, tout Le monde pouvait se réjouïr dont Les uns en disant : "Enfin, on a eu une réunion ", et Les autres : "on Les a eus !". Et La situation se dégrade comme ça." (1) F.O. (U.N.C.P.), de son côté, dans son journaL : "Les ProfessionneLs Routiers", nomme AngeLo : "Le grand méchant Loup" ; concurrence fortement La F.N.C.R. dans Le Nord et reprend dans ses revendications ceLLes de L'ex- S.N.I.R.. (voir - A N N & X E ) En 1974, La nouveLLe direction hoLLandaise d'OTRA déveLoppe, à La différence de L'ancienne une "poLitique sociaLe", et reconnaît aux syndicats et aux Comités d'EtabLissements. Le droit d'agir dans Les agences. "On a vu L'entreprise se déveLopper, se déveLopper, se déveLopper sous L'égide de son P.D.G., jeune dynamique et je dois Le dire, conquérant, pasque ça passait comme... Lui, iL a amené du sang neuf. IL a investi beaucoup de fric. Et au niveau sociaL, y'a queLque chose qui se faisait, et Les travaiLLeurs, beaucoup ont apprécié... mais y'a toujours une contrepartie dans tout ce qu'on fait... Y'a eu,vOTRA porte ouverte'^ Des choses qu'on avait jamais fait. Des épouses de conducteurs tués sont parties au Mexique, aux Etats-Unis aux frais de L'entreprise, pour visiter, choses qu'on avait jamais vues. C'était phénoménaL. On étaient mieux pLacés en rapport de toutes Les entreprises de transport en France, au niveau sociaL." (1) La Luxueuse revue de La société, éditée par Le comité d'entre- prise, à partir de 1967, fait à peine mention de ce changement de vie sociaLe. Après Le mot du président et Les compte-rendus des comités d'étabLissements par agence, suit un articLe d'infornvitions sur La formation professionneLLe, La médecine du travaiL ou La retraite. Puis, un "carnet de voyage", à caractère cuLtureL, d'un chauffeur en U.R.S.S., Afrique ou Asie ; des reportages sur Les équipes grandes de industries pétro-chimiques, foot-baLL, Les cLubs de Les coLonies de vacances, Les sports de combat, Les repas ou de fin d'année, Les remises de médaiLLes champêtres ; une revue de mode féminine, 1968, Le mot du président ne fait pas mention des annonces de mariages, baptêmes et décès, e t c . . En septembre (1) : AngeLo - 124 - événements politiques dans son article : "La reprise , après les vacances... (annexe n° 3, p 8) La veille des événements de mars 71, après une grande série d'accidents de la route/ le président disserte sur la concertation : "Il est aisé mais plus subtil et moins criard de parler de l'échec d'une table rende que d'analyser les résultats d'un dialogue de sourds". (1) En avril 71, le mot du président appelle à "la paix sur la terre aux hommes de bonne volonté" et l'éditorial du gérant du journal dans "La terre promise" fait état de la "carotte" qui n'a ni la taille, ni la qualité pour flatter nos estomacs débiles et tourmentés'. Après les vacances, l'on convient "que certains ont été mis à l'ombre pour un certain temps". En 76, 77, 78, le journal fait amplement état "d'OTRA portes ouvertes", des rallyes, courses et buffets campagnards. Le nouveau président déclare : "Merci à tous. Grâce à la collaboration de tout le personnel en général, et des syndicats en particulier, nous avons parcouru en dix-huit mois un très long chemin. Je ne vous cache pas que je suis fier d'avoir le privilège d'assumer la présidence chez OTRA. Grâce à cette collaboration, nous constatons tous les jours qu'il est encore possible aujourd'hui de gagner de l'argent, même si le personnel a reçu des avantages (treizième mois, indexation, augmentations, etc.)... (2) Mais un an après, en juin 78, le journal reprend sa forme antérieure. La mort d'Aldo MORO vient de survenir et est prétexte à écrire à propos d'une "minorité". "Nous voudrions nous adresser cette fois-ci à cette minorité d'employés souvent malades, de chauffeurs à l'origine de pratiquement la totalité des litiges, de la plus grandçpartie des accidents et des pannes, de la presque totalité des abus de carburants, etc. Cette minorité qui réclame régulièrement ses droits, qui a toujours un motif pour critiquer un ordre et qui a la conviction de ne pas avoir d'obligations vis à vis de notre Société. (...) Il est vrai que nous sommes arrivés à une situation où il est pratiquement impossible de licencier "une tête dure" qui n'a que comme seul objectif, (1) : La Vie de l'OTRA - n° 10 - Le mot du Président : "Table rase des tables rondes". (2) : OTRA NEWS - 15 juin 77 - Le mot du Président. - 125 - vouloir se rendre intéressant ou vouloir détruire la société dans laquelle il travaille, alors que c'est précisément cette même société qui est son gagne-pain." (1) En 1974, Angelo se désengage du comité d'entreprise d'OTRA dont les représentants sont tous F.O.-U.N.C.P.. Les négociations qui avaient abouti sont remises en cause par la manière de travailler des chauffeurs. "Y'avait toujours quelque chose qui.restait pour inciter le chauffeur à aller au-delà. Finalement, on avait fait intégrer les primes dans le fixe et je me suis aperçu que, malgré tout, certains dépassaient cette barre quand-même. Et bien sûr, y gagnaient plus en allant au-delà. On avait baptisé ça les primes géographiques. Simplement, ça déséquilibrait les accords. Même on en fait pas des chevaux de course, mais y sont comme ça..." (...) "Et après, que ce soit dégradé, c'est évident. Ca c'est dégradé par la volonté même des conducteurs, la situation. Pasque si par exemple, on prend l'expérience des repos compensateurs, pasque dans certaines entreprises, on pouvait le négocier, l'adapter,... Nous, on avait fait un forfait de repos compensateurs, on avait globalisé . Qu'on se soit fait avoir, ça c'est autre chose... On l'avait fixé à 11 jours. Far rapport au nombre d'heures qu'on faisait, il aurait fallu le fixer à 22 jours... Et on s'est aperçu que non seulement les gars ne le prenaient pas le repos compensateur, mais ils le percevaient pas. Encore faut-il que le repos compensateur soit pris pour être payé." (2) Angelo investit alors d'autres activités syndicales, aux Prud'hommes, à la C.A.R.C.E.P.T., à l'A.F.T., aux U.R.S.S.A.F., et se présente aux élections municipales du village où il a fait construire sa résidence. Comme pour expliquer son engagement syndicaliste, il évoque les conflits de géné- rations. "En 63, on était plus communiste qu'autre chose. A la municipalité, c'était des cocos... C'était les anciens qui avaient fait la Résistance qui avaient tout pris. On était pas admis. Y'avait des Pieds Noirs avec nous. On était des étrangers. Alors, je me suis dit : "Je vais créer un parti socialiste"." (2) Se présentant sans étiquette, il obtient quelques centaines de voix et le maire communiste et médecin lui attribue la commission "cimetière" "J'en ai vu des vertes et des pas mûres. (1) : ONATRA NEWS - juin 78 - Le mot du président. (2) : Angelo - 126 -• C'est très différent du Syndicalisme. J'étais tenu à L'écart." IL adhère au Parti Socialiste qui obtient deux élus en 1979. En 1984, les accords entre partis de gauche étaient de reconduire les maires sortants ; il déclare : "ou je suis le premier/ «tir i+dv ¿r ou je me retire", et le Parti Socialiste le désavoue. IL'démissionne alors. Le bilan qu'il dresse de ses activités syndicales et de La profession est pessimiste sur tous Les points. A La caisse de retraite, "quand je faisais partie de la commission du logement, y z'avaient des dossiers. Mais je disais : "C'est pas possible, on peut pas accorder des prêts à ces travailleurs.". La C.G.T. qui me bi L Lai t dedans. Je disais "Mais c'est pas possible, demain, on va se casser la gueule. Comment y vont faire pour payer ? Vous me dites qu'ils gagnent un million par mois, mais bien sûr, ils gagnent un million par mois. Vous parlez comme les promoteurs, vous !". Mais quand on a tout retiré... ."Ouais, M..., tu faiSAdu. social !" (1) Lorsque des sections syndicales lui demandent conseil, iL argue de manière économique, connaissant par Les U.R.S.S.A.F. l'actif et le passif des entreprises. "Je dis : "doucement, Les gars pasque eux, y z'attendent que ça pour tirer le rideau, se tirer de tout et vous laisser dehors comme des chiens. Alors, si on est responsable queûyand tout va bien, c'est facile. Mais, il faut être responsable quand tout va mal. Et y faut dire aux travailLeurs, La trappe, elle est ouverte, on essaie de vous faire tomber dedans. Y z'attendent que ça..."." (1) Conseiller aux Prud'hommes, autres syndicalistes. IL considère les juristes professionnels aux il fait Le même constat La Loi BOULIN de 1979 qui syndicats comme "un cadeau que Les substitue empoisonné" "Y réclament des milliers d'heures supplémentaires au moment du départ... Alors que c'est pas à nous, les juges, de se substituer...à... Tu peux rien faire. Y'a des avalanches de licenciements. Y'a pas cet esprit de respect, qu'ils risqueraient moins de faire appel pendant qu'ils travailLent qu'après... Neuf fois sur dix, on est obligé de débouter un salarié pasqu'il a jamais compris ses droits réels. Soit, il a jamais entamé une procédure pendant qu'il travaillait... Alors, ils viennent que quand ils sont licenciés... (1) A L'A.F.T., les enquêtes sur les jeunes chauffeurs qu'il a demandées ne sont toujours pas commencées. "On fait b o n marché de port. Peut-être, y z'ont pas la même au départ, hein, soumis ! Nous, on beaucoup de grands patrons, quand tu ces jeunes, des travailleurs du transmentalité, pasque nous on étaient soumis a suivi un processus. D'ailleurs, y'a rentres dans leur bureau, y z'ont encore (1) : Angelo - 127 - les Lanternes comme quand y'avait Les chevaux. Bon, ça sert de Lustres maintenant. J'en ai vu un qui avait même encore son truc de frein, on appelait ça Le "boguet"... Ces jeunes-Là, y se plient pas à cette manie, alors y désertent la profession. Y tâtent un peu, y se révoltent et pis y s'en vont."(1) Dans Le domaine politique, même déception. "Si y fallait faire un bilan de tout ce qu'on a fait, on se demande si on a eu raison pasqu'on s'aperçoit que la force est toujours du même côté. C'est dommage que je dise ça pasqu'on espérait tant sur un gouvernement de gauche, pasqu'y faut en parler. Alors, le gouvernement de gauche a fait mais y'a pas eu L'application sur le terrain. Alors, iL est toujours Loisible, si on veut parler français, de faire des décrets, des règlements, mais qui restent pour Les travailleurs inapplicables et pour les patrons également, qui eux-mêmes violent tous les accords. Donc, c'est une masse de travailleurs qui sontmaniables à merci. Ils le sont toujours." (1) Et finalement, en qualité d'opposant, Angelo tire de tristes. conclusions sur le syndicalisme confédéré. "Il y a eu en France un monopole syndical qui ne permet pas aux autres de se faire entendre. Bon, cet appareil bloque toute avancée qui est contraire à... Je sais pas... Est-ce qu'ils ont raison, est-ce qu'ils ont tort ?... Je ne sais pas... Je peux pas être juge... Le monopole de la représentativité... Y'a quand même des gens qui... Mais c'est vrai qu'un syndicat autonome qui n'a pas de base, y se manipule facile, aussi. Alors, après 15 ans, quand je vois Le militantisme... de La C.F.D.T.. Bon, y z'ont une assise, mais qui date depuis des temps et des temps, quoi... Et Les syndicats de boîte, y'a pas d'avenir. Y ne peuvent pas s'imposer. Y z'auront toujours l'impression d'être des syndicalismes mais...rt(1) Le corps déformé, il considère sa vie de travailleur terminée... "Alors ça me vient à la fesse, La douleur, et ça me descend jusqu'en bas, dans les jambes. C'est venu tout doucement... Chaleur, vibrations, 16 000 kms par mois... Enfin, j'ai perdu 20 kg en rien de temps... ALors, j'ai passé une visite. Y m'a dit : "Fatche ! Le foie !... et La hanche ! C'est votre colonne, elle décale tout d'un côté... Y fallait que je place du fric. ALors, ma femme a acheté toute cette collection de gros bouquins où y'a toutes-les maladies. Ouf ! J'aurais mieux fait de pas les lire, ces trucs-Là ! Le foie, Les conséquences !... J'ai une gaine dans Le bras. J'ai eu le poignet cassé... en dormant. La barrière du passage à niveau fermé... Boum, dedans ! Pour éviter La barrière, je suis rentré dans la maison du garde... Enterrés, le tracteur, la semi, et moi avec. Et maintenant, y font pas mieux pasque maintenant, y font des cabines plus courtes et plus légères... La cabine n'adhère plus au sol. Sur un coup de frein, le tracteur, y se soulève... Mais, j'ai plus de souffle pour Le dire..." (1) (1) : Angelo - 128 - Dans ses propos sur Les accidents, iL rejoint nécessairement La vaste campagne organisée par La direction d'OTRA en 1981, et reprise par La F.N.C.R. ensuite. Les cabines sont une Longueur maximaLe pour raccourcies car La LégisLation L'atteLage entier et non uniquement impose La remorque. La couchette est donc étroite ou supprimée et Le poste de conduite "avancé" sur Le moteur rend Le chauffeur vuLnérabLe à n'importe queL choc frontaL. Les arguments en faveur du "nez Long" sont La sécurité accrue du conducteur, Les économies de carburant, une meiLLeure tenue de route, (La mise en portefeuiLLe est quasiment impossibLe), L'accès faciLe du moteur Lors des réparations, un châssis peu déformabLe, une cabine pLus siLencieuse... Les arguments en faveur des cabines avancées sont un accroissement du voLume et du poids chargeabLes, une meiLLeure visibiLité et une maniabiLité accrue. (1) Au terme d'une vie professionneLLe ainsi rempLie, ne reste pLus que La joie d'avoir "des enfants honnêtement, bien éduqués et tout...", devenus secrétaire pas changé, de mairie, poLicier simpLement, La et conscience artisan paysagiste. Le coLLective des travaiL travaiLLeurs n'a aurait disparu. "On s'est ruinés, hein, Les gars de mon âge. On s'est tous ruinés. Avec Les accidents qu'on a eus. Moi, j'ai eu Le bras, j'ai eu La tête, j'ai eu un tas de trucs... S'endormir avec Les yeux ouverts, moi, je crois qu'iL est bon de Le signaLer... S'endormir avec Les yeux ouverts... TeL fut mon cas une beLLe matinée du mois de juin, dans L'aube, à 6 H du matin. SpLendide soLeiL, une barrière de passage à niveau fermée, ben, bon, Le cerveau fonctionne pLus. Moi, je L'ai vécu, ça... Et tout de suite Le coeur, iL sembLe que Le camion s'en va. On a tous été soumis à ce genre de trucs. Y'a toujours cette concurrence qui existe. Qu'est-ce quy a de changé, maintenant. Y'a rien de changé, y'a rien qui s'arrange. Les chauffeurs continuent de travaiLLer avec Leur saLaire bLoqué. Donc, on va pas vers une améLioration quoiqu'en pensent Les gars-Là. Y'aura encore des expLosions de camions pasque rien n'est fait sérieusement, tant au niveau de La formation que de L'information. Ca passe pas... Le chauffeur, y va tout écouter mais dès qu'iL est mis sur son véhicuLe, iL a tout oubLié... C'est Le système qui Le veut. Le métier qui Le veut, bien sûr." (...) "J'ai pLus de souffLe. J'ai tous Les vaisseaux qui ont écLaté. J'ai Le dos tout vioLet. C'est pas faciLe pour un garçon comme moi qui a essayé de travaiLLer avec des médecins... Ben, on peut pas... Ben, y'a rien qui est sorti... Tantôt, on évoque La Caisse d'Assurance MaLadie qui a pas assez de fric. Après, on dit, iL est impossibLe de faire passer des visites (1) : "La vie n'a pas de prix" - A. COURBEZ, W. HEYMINCK - ed Frevag WommeLgem HoLLande - 1980 - 100 p. - 129 - "pasqu'ils z'y sont jamais. Et bien sûr qu'ils z'y sont jamais, on les fait toujours partir. On arrive jamais à faire une étude sérieusement. "Alors, bien sûr, Monsieur, à votre époque les vibrations jouaient beaucoup mais elles existent plus aujourd'hui ! . Pasqu'à l'époque, y'avait pas d'autoroute. Vous rouliez sur des nationales^ et c'est vrai que la Côte d'Or et tout le Nord, on roulait sur des pavés. Quand on disait, l'enfer du Nord, on y roulait sur l'enfer du Nord..." (...) "Alors qu'on discute là, y'a une douleur qui me vient en plein dans la jambe. Ca va me passer dans quelques minutes mais ça va me reprendre ailleurs... Mais ça, c'est fait, c'est fait..." (1). Angelo a grandi et a connu ses premières expériences quartier populaire et d'émigrés dont la sociabilité est régie par en raison de conditions de vie extrêmement précaires. Comme dans un l'entraide Elie, devenir chauffeur lui permet d'acquérir un savoir-faire reconnu et un minimum d'instruction scolaire. Le charisme d'Angelo provient sûrement de son passé qui s'inscrit dans un mouvement historique de migrations, d'engagements, de positions permit explicites comme vis à vis d'une guerre mondiale. Son militantisme d'autres, d'apprendre, de se former, pour participer lui a à partir de 75 à de nombreuses institutions du transport. Le "processus" dont un mouvement unanimiste de toutes ethnies, après de il parle a été de structurer une pensée et la part de chauffeurs d'origine la Libération de 45 jusqu'à sous-prolétaire la fin de l'expansion économique. Ces ouvriers s'opposent aux chauffeurs "payés en nature" par ponction sur le chargement qui ne revendiquent pas les conditions de travail mais négocient des marchandises avec leurs employeurs ouvriers paient "le fric arraché au goudron" de et les clients. Ces la mort ou d'un corps usé ou cassé. Leur "métier" s'oppose à l'emploi des jeunes des générations d'après 68 qui deviennent conducteurs de manière momentanée pour répondre à une situation de crise économique. Leur mémoire s'oppose à celle des chauffeurs retraités de la F.N.C.R. qui participent régulièrement aux rituels et qui estiment avoir réussi socialement. (1) : Angelo - 130 - IL n'ait mémoire est paradoxal et de ces barrages significatif routiers qu'aucun syndicaliste de 1971. Sans doute actuel les événements de 1968, cette "grève des autres", alliés à une baisse importante du salaire relativement au les adhérents S.M.I.G., a fait du S.N.I.R. qui naître un sentiment de frustration chez se sont perçus mal organisés, impuissants à être reconnus, sensibles aux idées nouvelles qui s'exprimaient, en même temps qu'on rendait hommage à leur responsabilité, en les opposant aux travailleurs des entreprises nationalisées ou d'Etat ("les Régies"). La publicité des négociations, même si elles n'ont pas abouti, des autres syndicats de routiers et la menace d'un coup de force de la part des transporteurs ont fait naître l'idée d'une révolte. Les barrages routiers de 71 et ceux de 84, encore dans les mémoires, ont le même scénario : soudaineté de l'action déclenchée, participation spontanée de très nombreux salariés et artisans, ambiance festive, dramatisation les des médias, revendications grutiers du Génie hétérogènes, heurts Militaire, et même avec argumentation .les policiers et des gouvernements qui déclarent dans les deux cas que les initiateurs des barrages ne contrôlent pas la situation et qu'ils ne sont pas représentatifs de la profession. Comme pour les sources de revendication et d'inspiration idéologique^de la F.N.C.R. qui en 1936 emprunte à des penseurs humanistes, entretient des liens avec l'extrême droite et est séduite par l'auto-gestion de la C.N.T. (un rapprochement a été tenté en 1950), les soutiens du S.N.I.R. sont éclectiques : C G . T . et Automobile autres syndicats Club de désavouent la France appuient manifestation, se son'action. Tous voyant concurrencés les par un mouvement "de base". A la différence des barrages de 84, étendus sur tout le territoire suite à une initiative patronale, la répression de ce mouvement de salariés est extrêmement sévère. Après avoir tenté d'affilier le S.N.I.R. à un syndicat ouvertement vernement d'extrême-droite, (et non-apolitique comme la F.N.C.R.), le gousupprime les permis de travailler. Le S.N.I.R. qui représentait déjà 10 % des chauffeurs syndiqués en France aurait-il pu devenir un puissant partenaire ? Les confédérations se partagent ses débris, en reprenant les revendications "autonomistes" (F.O. et la carte professionnelle, voir annexe), - 131 - ou en les adaptant (C.F.D.T.). Ces tentatives d'une récupération d'une conscience collective réprimée correspondent à partir de 75 à la baisse générale de l'audience du syndicalisme dont les stratégies ne sont plus de provoquer des revendications unanimistes, mais de défendre juridiquement les travail- leurs au cas par cas. Ne soyons pas surpris si les chauffeurs de la génération d'Angelo sont extrêmement cyniques vis à vis des monopoles syndicaux, des attitudes du patronat/ du rôle de l'Etat. - 132 - V - CONCLUSION : ET L'ALIENATION ? ^.CONCLUSION : ET L'ALIENATION ? Le Lecteur aura compris que Les ritueLs, si L'on ne s'en tient ni à une définition ethoLogique, ni à ceLLe de La micro-socioLogie américaine, sont rares dans Le mi Lieu du transport par route. Un ensembLe de quoLifichet, d'auto-coLLants, de sLogans sont sympas" : R.T.L.), ("Je rouLe pour vous" : R.V.I. ; "Les routiers contribue certainement par La puissance des moyens économiques mis en oeuvre, à donner médiatiquement L'image d'un métier. Lors à comprendre des premières queLLes étaient années Les de cette étude, nous avions expressions identitaires des cherché chauffeurs, sachant que ces ouvriers qui travaiLLent en pubLic sont L'objet d'un processus de désignation négative et qu'iLs n'ont pas Les moyens matérieLs de générer eux-mêmes un sentiment d'appartenance coLLective. Les situations de route et Les expériences concrètes des échanges seraient suffisantes pour permettre aux conducteurs d'acquérir des stratégies de présentation de soi-même. Les moments stratégiques que nous avions observés, avec Leurs fonctions cuLtureLLe, de poLitique, reLation structuraLe, et internes à d'information La profession, même technique si cette règLent Les sociabiLité normes urbaine, dans certains cafés seuLement, se diLue dans un imaginaire qui prétend que Paris est peupLé de restaurateurs chinois qui font manger du serpent à Leurs cLients ou qui représente MarseiLLe comme une médina dans LaqueLLe on ne peut pénétrer sans se faire voLer, si L'on n'y connaît personne. IsoLés de Leur famiLLe et de Leurs coLLègues d'entreprise qu'iLs ne peuvent rencontrer souvent que Le week-end, nous avons vu que deux attitudes étaient adoptées : Les pLus jeunes et Les pLus scoLarisés recherchent L'assimiLation de Leurs stigmates dans Les reLations de travaiL ou Les reLations urbaines. Les stratégies de dissimuLation de cette identité professionneLLe font comprendre que L'identité pour soi, La seuLe "Légitime", soit extrêmement éLoignée et en aboLissant Le stigmate, on efface ainsi tout fondement de revendications coLLectives. La deuxième attitude est ceLLe de L'acceptation de La représentation du métier, ce qui s'exprime fréquemment par des attitudes de provocation vis à vis du sédentaire. Cette acceptation du stigmate permet égaLement de construire aiLLeurs sa propre identité, de se ménager une marge d'autonomie (exempLe : BLack is beautifuL !, Les femmes sont fai- bLes, eLLes doivent donc être protégées, e t c . ) . Mais cette attitude a pour - 133 - corollaire l'institutionnalisation de l'identité et elle renforce les effets sociaux qui en découlent. Ces deux attitudes ne sont pas motivées par des représentations uniquement mentales : les conditions de travail> lors des attentes interminables au douanes, ou auprès des chargeurs et les suscitent même, car et clients, les étayent le conducteur est largement mis à l'écart ou isolé lors- qu'il peut rencontrer d'autres travailleurs. Il est facile de jouer l'incompétent lorsqu'une manutention non rémunérée est exigée ou l'homosexuel devant les secrétaires dans Leurs^cages vitrées1, mais le refus de "rendre service" au client est sanctionné par le transporteur. Lorsqu'il n'a pas à se taire, le chauffeur ne rencontre personne. En effet, on peut chargement et déchargement distinguer parmi ces multiples opérations de celles qui ont recours à d'autres techniques que la manutention. Lors de l'empotage, la "mise sur pattes" (selon l'étymologie) des conteneurs, le chauffeur communique par signe avec le grutier ; le remplissage et l'évidement des citernes comme la pose des caisses mobiles peuvent s'effectuer seul. La spécialisation des services des entreprises de transport et le véhiculage de marchandises à hautes plus-values conduisent le chauffeur à ne plus avoir de contacts autres qu'administratifs avec les sédentaires. Les situations de route et l'expérience des conditions de travail seraient-elles les uniques productrices des stratégies et des normes de relation ? L'étude sur les rituels a tenté de saisir le processus de production et de renforcement de la dimension politique et culturelle mise en scène lors des moments stratégiques. Dans les entreprises, l'organisation feur des autres catégories d'affrètements, ou progrès. Les degré de professionnelles, dans lorsque sont mis en place participations co-présence dans syndicales rituel préside donc renvoie à l'efficacité au principe le cas de "locations", les cercles de qualité et de peuvent l'entreprise longue, Les réunions ne peuvent avoir de du travail exclue le chauf- : dans se comprendre le cas des à travers chauffeurs le zone lieu que le dimanche matin. L'absence d'exclusion des dispositifs de symboliques en situation de travail. - 134 - l'entreprise, des moments ce qui stratégiques Lorsque du matériel, ont des rituels festifs ou lieu, ils apparaissent instrumentaux, repas, entretien à la fois condescendance de la part de l'employeur comme une stratégie et une manipulation de symbolique de la part des salariés. Ces symboliquement profit rituels la permettent, frontière pour le transporteur, employeur/employé. leur conformité à la définition de Les de transgresser conducteurs leur statut mettent à conquis en situation de route. Le rituel consacre donc la fonction politique des moments stratégiques en reprenant les mêmes tabous sur la famille et les rémunérations : les hiérarchies professionnelles sont renforcées. Retranscris dans les chauffeurs manipulent dont leur contexte local et la parenté patronale, la position symbolique que leur confère les conditions de production le rituel suffisantes mais non nécessaires déséquilibre économiques entre les transporteurs locaux. Lorsque sont un l'entreprise est très puissante, (comme LA LANCE), Les conducteurs en promotion, en passe de devenir artisans, fuient le rituel et résident à distance de l'entreprise afin de jouïr de l'entreprise sont la sociabilité est puissante plus élevées artisans locaux, et locale sans en subir (Monsieur C , les conditions les conducteurs le contrôle. Lorsque VERLY), mais que les rémunérations de travail moins éprouvantes, chez les transfèrent leur position consacrée dans l'entreprise vers la sociabilité locale afin de changer d'employeur. Le transporteur lui-même peut participer assidûment aux manifestations locales (comme à MORNY), provoquant salariés une ou le mouvement d'affrétés puissance vers économique son inverse, c'est à dire entreprise. Lorsque équivalente et que le recrutement les transporteurs la main-d'oeuvre est de ont captive localement, les rituels ne se justifient pas. La sociabilité locale est utilisée par les conducteurs afin de s'implanter localement en se faisant embaucher chez des le transporteur chauffeurs aux qui leur permettra rituels sont d'être à moduler reconnu. Les en fonction, bien participations sûr, de leur trajectoire sociale et celle de leur épouse, de leur manière d'habiter(fig.1). - 135 - FIGURE 1 : LOGIQUES PROFESSIONNELLES trajectoire sociale de L'homme ÇLogique d'acteur rôle et trajectoire sociale de la femme manière d'.habiter \ Reconnaissance sociale et locale Entreprise : participation éventuelle aux rituels c w 0) B O C/> <1> <D - i T3 -C MC D U •!-> '01 a EX u u £_ — < L. o a; m a» 3 •!- —^ Route : expérience pratique ^de l'échange Stratégie et -^ normes de relations professionnelles rapports d'influence dominants. - 136 - La fonction à d'autres culturelle des moments stratégiques fait référence rituels, foires, championnats, bals, produits par les syndicats et associations patronales en direction de L'outil mécanique de l'Etat y sont ainsi que des non-roulants. La les revendications évidentes. Par l'intermédiaire glorification et exigences vis à vis de leurs publications médiatisations depuis 1936 ont été produites des mythologies et (1). Mais ces rituels délocalisés visent également les pouvoirs locaux dans les métropoles non seulement économiques et politiques mais aussi administratifs. Rappelons que la connaissance des conducteurs par l'administration est partielle. Les sources dont dispose l'administration afin d'identifier ces agents économiques sont de plusieurs ordres : le service des Mines donne une estimation du parc de véhicules toujours plus importante que le nombre de chauffeurs les trafics recensé ; les organismes de sécurité routière d'entrées et sorties des départements. Lors comptabilisent des recensements I.N.S.E.E. des entreprises, les transporteurs ne déclarant que les chauffeurs employés depuis plus de 18 mois, ce qui conduit à réduire considérablement la taille de l'entreprise, le service de la D.D.E. et de la D.D.T. utilisent ce fichier où ne figurent que le nombre et le type de licences dont est propriétaire l'établissement, et donc, la perception du transporteur comme artisan est assurée. Le recensement des litiges traités par l'inspection du travail ou auprès des Prud'hommes par les syndicalistes n'est pas communiqué entre diverses administrations. Enfin, l'ensemble des travailleurs du transport ainsi que les fonctionnaires de l'équipement sont paradoxalement regroupés dans des syndicats confédérés en fédérations générales. Les chauffeurs, tout à fait minoritaires, ont peu de chance de se faire entendre et les journées de débats organisées à l'initiative de ces syndicats glissent vers les nuisances qu'ils occasionnent pour l'infrastructure routière et l'environne- ment, préoccupations d'administrateurs. Méconnaissant la main-d'oeuvre, les cadres de l'administration ont, à priori, une vision négative des chauffeurs. (1) - Vol. III - "La construction d'une mythologie" - p. 64 à 70. - 137 - Les transporteurs, comme les autres patrons de P.M.E., investissent de manière intense les relations avec les élus. Ils sont parfois aussi présidents de grands clubs de football ; éleveurs de chevaux de courses ; propriétaires d'immeubles ou de boîtes de nuit. En région Rhône Alpes, ils s'intéressent particulièrement aux actions des politiques locales et sont ainsi des leviers relationnels importants pour les fonctionnaires. îiéfiants envers les "grands" patrons qui gèrent des "affaires déjà faites", ils prennent des risques financiers, exposent brutalement la vérité des relations économiques selon laquelle "il est plus facile de conquérir que de garder". D'une éthique complèteinent opposée, les cadres de l'adiriinitration les assimilent à la rugosité supposée des conducteurs. "Aller nanger dans un relais, c'est une véritable aventure"... Rappelons que dans les administrations comne la D.D.E. ou la D.D.T., les relations horizontales, entre pairs, entre fonctionnaires issus du Rêne "corps" permettent davantage Is circulation d'informations et de services que les relations verticales définies par une hiérarchie ressentie comme pesante. Afin de tourner des règlements internes inapplicables, un certain nombre d'inventions sont nécessaires et les divers services mettent en place des systèmes d'arrangements et d'exceptions pressions venues de l'extérieur de l'administration les de relations construire avec le public, "l'autonomie" du les sous l'influence ; ou, si l'en préfère, administrés, "l'extérieur", fonctionnaire. Or, de les cadres permettent rencontrent les transporteurs lors des grands rituels qu'organisent les syndicats patronaux à l'occasion d'un championnat, d'un salon, d'une journée "Porte ouverte" ; directeurs de l'inspection du travail et des services de l'équipement voisinent aux tables d'honneur en compagnie des présidents des organisations de transporteurs, des représentants des associations de formation, des chambres de l'industrie et du commerce ainsi qu'avec les élus locaux, départementaux et régionaux, dont certaines parentés sent en région Rhône Alpes, alliées avec celles de constructeurs de véhicules industriels... Outre l'affirmation de leur puissance économique, les rappels historiques et les oppositions à de nombreuses réglementations, les réquisitoires des représentants professionnels contre l'administration et la S.N.C.F. sont extrêmement violents et appréciés du public. Pour les cadres de l'administration invités, "avoir de bonnes relations" avec les professionnels signifie être placés en situation de faiblesse. - 127 bis - Un processus cadres dont de d'interprétation L'administration de faisant L'équipement appel au sens commun étayé de traitements Les sources ne sont pas discutées, rétablit Le modèle des techniques inventé en 1950 du routier comme artisan. L'administration reproduit Les mythologies. Ce modèle de l'artisan opposé à L'Etat, ne correspond bien évidemment groupes dans le transport mais permet à toutes réglementations, pas à la réalité de d'établir donc La taille des un consensus entre gros et petits transporteurs unis dans une même optique "libérale". Ce modèle fonde La prise de valeur la risques financiers ("dans une économie de requins") comme une culturelle du petit patronat. Il participe ainsi fonction culturelle Pour des moments stratégiques des et s'intrique artisans dans chauffeurs. le chauffeur salarié d'un artisan ou d'un transporteur plus important, encore fréquemment logé jusqu'en 1975, approvisionné par des coopératives d'achat, rétribué parfois en nature, cette représentation d'un monde social et économique représentation hostile trouve certains points d'articulation du même monde dans mémoire factice des publications lequel est il se déplace, surtout réactivée par avec la lorsque La les "anciens", retraités ou chauffeurs de 50 ans. Les syndicats de salariés se sont-ils opposés à la production de telles mémoires ou de telles représentations du métier ? Nous avons amplement décrit comment, à partir de sources d'inspiration "humaniste", la politique F.N.C.R. avait précisément construit cette mémoire et cette représentation. L'impact symbolique d'un syndicat n'est pas fonction du nombre de ses adhérents. Selon syndicalistes la "tradition", l'implantation confédérés, est importante. Des locale, à la différence des rituels nombreux réactivent à la fois la mémoire mais permettent aussi à ces chauffeurs, fils de ruraux et salariés d'artisans, de se reconvertir. Ainsi, Albert (1) grand organisa- teur de bals et de fêtes, chauffeur prestigieux puisqu'il pensait concourir au rallye Paris/Dakar, fin 1986, vient de s'établir comme grossiste en fruits et légumes. Les syndicats confédérés, centralisés, anti-corporatistes, ne sont pas porteurs de mémoire dans le transport routier. Ces dernières années, ils ne produisent pas de rituel mais introduisent le conducteur à la vie urbaine par le biais associatif. (1) : Vol. III - B.L. - "Les 24 H du Mans" - p. 19 à 27 - et "Un bal F.N.C.R." p. 34 à 37. - 138 - Les mouvements des années 50/ avec avec Le S.N.I.R. étaient Lutte contre L'Etat n'a certes Les La C.G.T., ou des anees 70, vecteurs d'une Les trusts à partir d'un déracinement jamais favorisé L'émergence de tradition ouvrière de LocaL ou ethnique. Mais syndicats ouvriers. Tentatives de soudoiement/ d'affiLiation à L'extrême-droite puis répression par Le gouvernement/ est récupération et tri des revendications par F.O. et La C.DF.D.T. Le résuLtat du dernier mouvement de chauffeurs qui tentait de s'appuyer sur une conscience coLLective. Ainsi, Le cynisme que génère L'expérience concrète des rapports d'échange se redoubLe pour Le chauffeur d'un scepticisme à L'égard des actions des syndicats monopoListes ou indépendants, d'une impuissance face aux empLoyeurs et d'une détQncevis à vis de L'Etat. Restent toires/ ultime Lors des recours Reste L'uLtime vaLeur du Les risques du métier sans cesse rappeLés par rencontres à une entre chauffeurs/ comme tentative d'identification corps. Les his- s'ils constituaient propre. Mais un Le sentiment du risque ou Le sentiment de prendre des risques fait appel à une expérience intime qui est Largement partagée, même par Les citoyens objectivement en sécurité. Dans une société qui se pense -et se pense seulement- mobile/ Les petites transgressions, ordinaires sont constitutives du genre de vie "nor- mal". Nul sentiment de continuité au travers des identités professionnelles inconsistantes construites roulants. Il se pourrait hors du métier et partagées par Les non- alors que la seule identité du conducteur soit Le sentiment qu'il ait de celle-ci : une identité en soi qui organise le senti- ment de continuité à partir d'expériences de la totalité de sa vie. Les systèmes d'expressions peuvent se reproduire par le contrôle normatif que Les chauffeurs exercent entre eux mais Les identités professionnelles du conducteur seraient En effet/ directement structurées à partir de La conjointe, ses origines le moment et la trajectoire sociales et sociale de sa profession la manière de se reconvertir L'épouse. expliquent professionnellement, de quitter un métier qui est maintenant pensé provisoi rz par l'homme qui s'y engage. - 139 - Considérons maintenant que toutes ces impossibilités et interdictions d'élaborer de manière professionnelles renforcent autonome des systèmes collectifs de une manière de penser et d'agir références d'une culture de l'aliénation. Jusque spécialistes ainsi les de dans par tentations qui valorisent les leurs années cinquante/ extraordinaires corporatistes ou les outils chauffeurs et l'on étaient peut comprendre anarco-syndicalistes, protègent la culture de metier des syndicats ont la volonte de maîtriser les savoir-faire techniques et la transmission des savoir-faire/ l'apprentissage étant une affaire d'expérience et de temps par laquelle on acquiert la reconnaissance des compagnons. Avec mécaniques/ assiste comme la banalisation des moteurs à explosion et des savoir-faire les alors chauffeurs perdent à de violents leur suprématie revendications d'autonomie celles des salariés de BORILLE qui passent la C G . T . , ou professionnelle. celles du S.N.I.R./ chauffeurs et d'indépendance, en bloc de spécialistes L'on la F.N.C.R. à en international à l'époque où les routes de l'Orient étaient encore ouvertes. En période de prospérité économique/ les entrepreneurs reprennent les traditions paternalistes : coopératives/ promotions internes/ de manoeuvre à chauffeur/ puis de contremaître à administratif. Leur politique est véritablement culturaliste d'intégration culturels et exige de des puisqu'ils acteurs qui font se production. L'esprit fidélité et appel au définissent maison déterminisme eux-mêmes consacre loyauté en échange de des comme fonctions des la communauté modèles de métier la reconnaissance des "valeurs humaines"/ ce qui est une manière de nier les identités personnelles. En période de récession économique/ les entrepreneurs font appel à la participation et la spécialisation de la maîtrise/ à partir d'une organisation scientifique de la productivité et d'un système de promotion méritocratique. Les cadres puisent leurs compétences en communication à l'extérieur de l'entreprise et celle-ci devient le simple relais d'une promotion sociale. Cette promotion suppose la dépendance vis à vis des règles formelles et l'inexistence de groupe de pairs ou de catégorie professionnelle structurée. L'important dans le transport n'est plus le véhiculage mais l'information. Les chauffeurs en sont réduits à trouver urgemment pations valorisantes ailleurs que dans l'entreprise, comme des préoccu- les O.S. femmes ou immigrés, car ils ne peuvent pas créer de syndicat/ avoir des stratégies de négociation comme les professionnels très qualifiés- ou affinités avec des techniciens scolarisés en ascension. - 140 - entretenir des Les grands routiers, plus que Les Livreurs/ n'ont guère Le temps d'investir aiLLeurs. La monotonie des tâches, Les caricatures que Les empLoyés des cLients en ont, La conduite, activité reLevant de L'automatisme et prédisposant à L'hypnose, favorisent petits riens deviennent des Les projections événements affectives imaginaires. Des extraordinaires, aussitôt oubLiés, puisque La répétition, comme La "défonce" physique et nerveuse, est une négation de La durée. L'absence d'échanges inter-personneLs, Les efforts intenses, La dureté du travaiL, induisent une aridité des reLations professionneLLes. Les saLaires et primes tenus secrets deviennent une revanche contre Les collègues et Les empLoyeurs. Le mythe d'une unité et d'une soLidarité ouvrières est considéré avec un amusement amer. Faire sembLant de croire aux histoires du passé qui apportent des éLéments écLairant Le présent est Le cas non pas des saLariés qui passent Le Bosphore, mais des artisans, tentant de rétabLir une aristocratie dont Les sources du pouvoir sont camoufLées. ExcLus des entreprises, on peut penser que ce désengagement forcé, outre qu'iL contribue à induire des différenciations forcenées entre conduc- teurs, prédispose, comme Le citadin se sent désengagé des faits sociaux, à une rationnaLisation du monde du travaiL. Mais en même temps, cette excLusion et Les échecs répétés d'une reconnaissance sociaLe coLLective, tout en valorisant Le sens de L'expérience, conduit à s'iLLusionner. L'ambiance et La possibilité de co-exister priment sur La voLonté de négocier. Le métier est devenu emploi et Les chauffeurs ont acquis et valorisent Le sens de L'urbain, palliatif à l'aliénation. La désagrégation des relations sociales et Le désintérêt pour l'autre ne veulent pas dire qu'une autorité est crainte et demandée. L'autorité de L'employeur fondée sur une rationnalité Légale ou La règle fondée sur un processus scientifique ne concerne pas ou plus les chauffeurs. Le charisme de l'employeur fondé sur une tradition de reconnaissance et de dépendance personnelles devient obsolète car il atrophie Les stratégies et les capacités relationnelles que réquisitionne la vie urbaine. (On se souvient que Les nostalgiques des années 60 jouent le patron contre le directeur, chez BORILLE par exemple). - 141 - Le refus des Leaders professionnels est révélateur d'identités inconsistantes ou éclatées, donc de refus d'engagement. Dans ces conditions, les systèmes de catégorisation peuvent être grandement influencés par les médias. Mais une expérience commune à tous, le risque, permet de fonder une représentation du monde social : se protéger contre l'échec, c'est éviter la prise de risque. Le calcul du risque dépend des compétences relationnelles et des ressources culturelles et scolaires afin de clarifier et rationnaliser les choix. Ainsi, selon cette logique, valorisaient ment à la hiérarchie reconnaissance sans l'affectif et l'attache- les professions protégées ou héréditaires qui ont une lutte, sans effort, sans prise de risque, grâce à la conservation de la règle. Les échecs répétés de reconnaissances sociales et la négation de l'autorité conduisent les chauffeurs, qui n'ont rien à perdre, à des prises de risque individuelles ou collectives importantes, des révoltes erratiques intenses et discontinues, signes d'appartenance. - 142 - ANNEXES 1• ^.Tfí"fi¿rr-^C".G--T. : f .„.. - : -ft^ius-ff...*. f . Le. ,-P«OG-R£S Di ri^M¿a£- I ... -•¿•'Í'-~;L'.S~-- '"- .I*3 s chauffeurs e t ouvriers "de óhez B A i È ^ '" .¿~±i[de- donner 'à lours .-^.f-.'.;"-.' /¿•-¿"',,;.^-:£,:.~V-/pat'rons l a justo r i p o s t e ' à un à ote ^inqualifiable .*^';.«''--~-:<v'.^î;,,aocord avec la personrjjl, l e s frères 3lpR> vien:a:at de le reiiier,''...*-l;v-.V'-"V^''.>'•/::,.••'.' i i ' - ' ^ • ^ ^ ' V Í ' ^ ^ ' - ^ i ' " " l a b a t a i l l e engagée chez S4BR. e s t cells de tous los'-chauffours ^/:';'^zl:f-'\ r • f •''i-'-v""-'^'--',--'''""':' '.'Après a v o i r ' é t é "lâchés" e n pleine bataille? par l ' o r g a n i s â t ion qui ,y.. *;•;*';'-• í í l N l f ROBOTS ! W ^MENDIÄNTST v- Ö Ä G Ä R S DE ¡ ^ ROUTE ", L ; j *r;s '*—-A ;deIhéz':BH^ :Çharrièré]èt J e ]la1S. CT. D. •rejoignent en masse lesjangsTtlejaJC.G.T. ••."-. ...VALENCE. — En a-t-on parlé des «routiers » en long et én larga dans la presse bourgeois« t ' Mals vraiment les gars da la rauta ont-Us cherché dans ces articles l'écho da tturs bas salaires «t .; de leurs revendications ? •• • --•••*-<•.•.«,•—• -..•«.•« .¡. ,.• _ > »-..A»-.;»..--..... .-,. , •••••• Car c'est un fait, les travailleurs des transports en on* assez d'être exploités et c'est pourquoi . apràs ceux de chez B«~et, les ouvriers de chez C k « M M i et de la S.G.T.D. ont adhéré presque en ^totalité au syndicat C.G.T. -v , - • • : - . • «• —. .-.•»•. — , •---•- Ils ont senti la duperie dont lis étalent victimes de la part d'une organisation i V Les Routiers » qui se d i t un syndicat et qui n'est en fait qu'un« a amicale patronale 9 sous la roulette paternalista et complice de M . I« comta da Seaulleu. ; •. • 1 ¿. • •— '» — •••- •. »-J,r..ii..-i"iv.- ....-.- collectives, est de. US francs, .Les conditions c'est-à-dire de 10 francs supérieur au salaire des chauffeurs-rece'-}yz- " do "travail • •• '• ?'-•• ^ WU,MÄvT£^-M^r;iA^^^fT N E R -•c; | Quatrième lemaine de grève - =y-V chez B « # à Valence .:;; . ?JrA r V « e « (Dromii mieanldins , ; "; ¿t ' cHaafUan d» ' tmtnprha da ';•;." -¿ronipori* BWÊL'onf abordi / • « * ':• jtma'm* d* gré»»..,.'; - 1-... ''-£•—'.:'-'VRopp«/on» qua ce mouramtnt ait • <môtWi por t* fait ata la patron. .-'raniant sa ïianaiw: !•»«»• tfopp'1' . '<ju»r"Toeeor<f qu» oëeore*oif à tu ' '.talariit ana oagmaniotion da .{•««^ f talairn. •-j.'^'.i,'-"•",;".• t'',*'-'-^ i - ' V A plusiaun r»p«»«. eefui-ei o •«'"-^'fayí d> . taira tortir •!•• -camion* '.* i-'po«/ k n W /« V * » « . Moi » *"?" Vnu« fo/i la rigitanca dn piquais da •:iari*t'ô fait i t n o u « iti tantativs. *': h " V Union dipartamantala ' d*t tynÍ o W t CGT da ta Drom* a tante •~ ;»n. appât a / « taüdañti *tt-JV*tt( , \~ di gré»W«f.,vJ*íí¿f^«¥il»r-¿»a«»»'" 4 ' • "- >-D»p¿íi / • </«¿»f </• 'ó í'-*»« «•*-J * ^fM.'tt ourrian da /looiir»«« 1 ««fres en/repn«» o*« '«"«P*"* " I * obtana totittaction eprkt ¡»depot , d t i . rarandteationi per ¡a Ç 5 / - " l'aai> </•! «(rfrtpríst* ' * * • { í { * 2 W , ' K ~ ,.(G™-oo/.J. *. (Mo«f í/imarj.. etc^^-Cgi^U *äer-*'-~'- » r' r . I"»Í. r Jo ' r •U, .-_:Í---», •AS.'^U'- Ä^ ._ ... Vn accident toutes les 36 mi-veurs. nutes I Tel est le bilan en Fran- Dans les transports marchance des accidents qui arrivent aux dises, les chauffeurs ont un saouvriers transporteurs. Encore laire fixe de 31.323 francs par iaut-il préciser qu'il s'açlt seule- mois pou; traîner au fil des roument des accidents déclarés à- lu tes, des charges de 25 à 30;ton•- -.• •-• Sécurité sociale. ' - • " . • • • nes. '• " : • -Ce salaire correspond solt-diCe grand nombre d'accidents sant & 48 heures de travail par dénote des conditions de travail semaine : mais examinons quel extrêmement pénibles. ' - ques chiffres. •••" •-"• *• : Considérons en eflet. la fatigue n est admis et prouvé que nerveuse qui.atteint le chaufleur au bout de plusieurs heures de .4.500 km-, mensuels corresponconmute :_. il lui faut toujours dent à 203 heures de travail en être sur le qui-vlve. doubler, croi- tenant compte du temps néces. ser des véhicules, ladre attention ,*aire aux chargements et déchar à toutes les embûches de la rou- gements, et du temps de légères réparations et d'entretien. te, etc, - -"-. *• ; r. :•>• 1 les chauffeurs de chez BV Le mois- dernier, la neige, le ^VOr, se tapent » régulièrement de verglas ont aggravé cette situa- 6 a< 12X00 km. par mois. tion dans des conditions catastrophiques. -•' -••':'< • .•/,•!•... ' .• Ces kilomètres supplémentaires ne sont point payes, ce qui De plus, notamment 'dans les fait que les paies sont dérisoires transports da • voyageurs, l e s par au travail et au chauffeurs sont équipes de voitu- tempsrapport de travail. '" :-""-'* • res toujours plus rapides. Sans Le chauffeur routier n'est Ja doute, le- client se déclare satisfait d'être acheminé rapidement. mais, ou presque Jamais, che2 Mais la responsabilité du conduc- lui. Il doit vivre au restaurant teur s'en trouva accrue.- sa fati- et a l'hôtel, et Cest encore là gue également. "•- ^ j f 4 -.[= "lun moyen d'exploitation dans la "*main du patron. Lorsqu'il*- m an gg >, le - chauffeur perçoit Dés salaires de 'famine «unedehors indemnité de. panier de 163 • poux payer.ce travaux pour ré- francs. Chacun connaît le prix munérer cette responsabilité,. les d'un repas au restaurant. L'on patrons routier» n e - t e ruinent salt"aussl qu'un homme qui .vient pas, qu'on en Juge. - '- . de faire de nombreux kilomètres . Le mods de rémunération étant sur la route, a besoin d'un repas différent ;daru l e a transports conieux. Alors la différence entr« voyageurs et dans les transports 300 ou 400 francs -(prix du remarchandises,, parlons .d'abord pas) et l'indemnité et 165 francs, des premiers. - ^-vi.'/.v.'Vu t?"»« est pris« sur la. paie. Et cela se Le salaire horaire d'un chauf- reproduit tous les Jour« et 'deux feur-receveur, c'est-à-dire du gars fois par jour,-sanft"-parler des qui doit en même temps condui- frais occasionnés pax ta « roure et s'occuper d« la caisse, est. te ».. •• î. .•>"> ' r^fAtpp i-*¿"i..-1"*~¿.\':- *-"• ' à la Maison cahaetm«* d'environ ..-H- est. util« aussi "-"ce." signaler 133 francs, c'est-à-dire 13- francs comment. les patrons d'entreprienviron de plus qu'un > manoeu- ses, de. transports de .voyageurs, vre, mais un. manœuvre- payé au ont résolu le problème- des trais minimum.'garanti ..fixa ¿pax ,1« de repas de. leurs chauffeurs en gouvernements i>?>-^à"-*>-'«ii£.!>•? grand' tourisme.' A "l'occasion de :*.lrals 'du Car 11 ne faut D U oublier'que grands ,voyages.••'»les eharje-des le ' 'minimum '• réclamé- •,,'par-*Ia 'chauffeur-Tont"à"Ta-\ voyageurs; Les -prix •• .voyages C.a.T. et accepté par U commis- étant déjà.- élevés.. les des -„-voyageurs sion supérieure : des .conventions - 144 - A r t . Le Progrès . <r«rs -^*1 "Après Les barrages de poids Lourds sur L'A.7 et La R.N.6" (...) "Extrait du rapport du commissaire principaL chef de La 5e circonscription de poLice chargé d'assurer Le maintien de L'ordre sur L'autoroute A 6. : "Au reçu du deuxième téLégramme préfectoral, et compte tenu des instructions imperatives qu'iL contenait, je vous ai demandé L'envoi d'une compagnie de C.R.S. que je considérais comme nécessaire à L'exécution de ma mission." "A 15H30 est arrivé sur Les Lieux, Le commandant principaL représentant Le commandant de groupement de C.R.S. numéro 8. IL était accompagné de La C.R.S. 65 qui a pris pLace sur L'autoroute A 7 au niveau des usines Rhône-Poulenc, prête à intervenir. J'ai fait une première sommation aux participants aux barrages d'avoir à obéir à La Loi et de se disperser avec Leurs véhicuLes. IL était 15H35. Les manifestants ont commencé à se concerter entre eux. Les pLus durs parLaient de tenter L'abandon de Leurs véhicuLes et de se soustraire aux forces de L'ordre en essayant de fuir. Le pLus grand nombre, considérait qu'iL était temps d'obtempérer. Conformément aux instructions verbaLes que vous m'aviez transmises et compte-tenu de La situation dont je vous ai tenu au courant périodiquement, je n'ai procédé à La deuxième sommation qu'à 16H15. A ce moment-Là, La décision des participants d'abandonner Les Lieux était virtueLLement acquise." "Après ma deuxième sommation, fait comme La première au hautparLeur, j'ai donné L'ordre au commandant principaL des C.R.S. de faire intervenir immédiatement ses hommes. Compte tenu du cLimat que je viens d'exposer, j'ai donné cet ordre tout haut, afin qu'iL soit nettement entendu par Les manifestants. IL a été répercuté immédiatement par Le commandant de C.R.S., ce que voyant, Les chauffeurs ont immédiatement regagné Leurs véhicuLes pour quitter Les Lieux. Les forces en pLace ont procédé au tronçonnement des véhicuLes qui étaient rangés sur trois fi Les. La circulation dans Le sens de Lyon-Vienne a été rétabLie presque immédiatement. La plupart des véhicuLes sur cet axe ayant pu être évacués et renvoyés vers Lyon ou Saint-Fons, en cours de journée. La circulation sur L'axe Vienne-Lyon a été entièrement rétabLie à partir de 16H30. L'opération s'est déroulée avec seulement deux incidents mineurs qui ont été solutionnés sur place." "Il est à noter que se trouvait sur les lieux M. Gérard Salomon, membre du Conseil national du C.G.S.I. qui avait placé deux banderolles au signe de son syndicat sur les véhicuLes de tête. Je vous ai signalé dans le courant de la matinée la tentative de prise en main du mouvement par ce militant syndicaliste. Il ne semble y avoir réussi à aucun moment"." -^S"- Art. Le Progrès du (," • 3« 71) "Les grands axes de La région coupés par Les routiers en coLère" ". Les revendications Un tract ainsi rédigé émanant du Syndicat des routiers était distribué par Les manifestants. nationaL indépendant CE QUE NOUS VOULONS : . La convocation du Syndicat à La Commission paritaire nationaLe et La réunion de ceLLe-ci pour examiner une fois de pLus L'évoLution des prix comparativement à ceLLe des saLaires et en tirer Les concLusions Logiques. . La présence de nos déLégués aux Commissions de retrait de permis de condui re. . La retraite à 55 ans. . La prise en considération au titre de L'invaLidité des affections propres aux chauffeurs routiers de poids Lourds. . Le syndicat dit non à La restriction des 450 kiLomètres. . S'oppose à toute atteinte à L'indépendance à bord des véhicuLes. CE QUE NOUS NE VOULONS PLUS : . La Limitation de vitesse à 60 km/H. . Le carnet individueL. . Les restrictions imposées sur Les nationaLes. . Les retraits abusifs du permis de conduire aux professionneLs de La route. . Les autoroutes à péage. . L'instauration du régime de deux chauffeurs par véhicuLe grand routier. . Les attentes imposées aux frontières pour Les internationaux. . Les restrictions abusives de circuLation en période de vacances. . La mise en pLace des barrières de dégeL aLors qu'une simpLe Limitation vitesse empêcherait dans Les cas d'espèce La dégradation de La chaussée. CE QUE NOUS SOUHAITONS : . L'étabLissement et La déLivrance par Le ministère des transports d'une carte professionneLLe. . Le déveLoppement des écoLes professionneLLes existantes et Leur muLtipLication." CS.rt.i.O -^£- PROFESSIONNEL ROUTIER gouvernement : - Juin 74 - Revendications présentées au nouveau - La protection de notre permis de conduire ; - La délivrance d'une carte professionnelle donnant des garanties aux intéressés ; immédiates - L'octroi, dès 50 ans, d'une retraite anticipée ou d'une pension d'invalidité en cas d'annulation du permis par les commissions médicales ; - La remise en cause de la structure de ces commissions ; - L'ouverture du droit à la retraite à 55 ans pour tous les chauffeurs professionnels des transports pour compte propre et pour compte d'autrui ; - Le respect des durées de travail... et l'institution d'une organisation des périodes de repos en famille pour tous les travailleurs de la route, y compris ceux faisant l'International ; - La reconnaissance des maladies professionnelles....etc.. ~-m>- ANNEXE LES DIX COMMANDEMENTS DE L'OTRA (par Monsieur. B., inspecteur du travail) in : "La vie de L'OTRA n° 3 - 15 sept. 1968. Ton employeur est OTRA Il te paiera correctement. Aux ordres tu obéiras Pour les transports évidemment. Code de la route respecteras Afin de vivre longuement. De vitesse point ne feras La mort est là traitreusement Tous les alcools éviteras Parce qu'ils tuent très fréquemment. Aux bons relais t'arrêteras Pour les repas uniquement. Livret de contrôle n'oublieras ; Et rempliras correctement. Feuillet du jour établiras Avant départ, exactement. Rapport hebdo compléteras Comme le dit le Règlement. Médaille d'Honneur tu auras Par ton travail assidûment. -AU%~ AINSI SOIT- ANNEXE Tableau récapitulatif des temps de conduite et de repos des conducteurs routiers (REGLEMENT CEE N» 3820/85 DU 20 DECEMBRE 1985) Conduite continue maximale » h 30 Interruption minimale de conduite continue (pause) 45 mn fractionnables en périodes d'au moins 15 mn Conduite journalière maximale 9h avec possibilité 10 h 2 fois/semaine Nombre maximal de périodes ou de jours de conduite consécutifs 6 Cas particulier : 12, pour les seuls transports occasionnels internationaux de voyageurs Conduite maximale sur deux semaines consécutives 90 h Repos journalier minimal a) simple équipage « par période de 24 heures - 11 h consécutives avec possibilité de réduction à 9 h 3 fois/semaine avec compensation correspondante avant la fin de la semaine suivante ou - 12 h avec fractionnement en 2 ou 3 périodes dont l'une de 8 h au moins par période de 30 heures 8 h consécutives b) double équipage Repos hebdomadaire minimal - 45 h consécutives avec possibilité de réduction à : . 36 h au domicile . 24 h hors domicile avec compensation correspondante prise en bloc avant la fin de la 3ème semaine suivant la ' semaine en cause Cas particulier : pour les transports occasionnels internationaux de voyageurs, report possible par jonction avec le repos hebdomadaire de la semaine suivante - ^a_ «CONCOURS $ Í Í RESTAURANTS''* ROUTIERS .^'-.-:u:;r-".''^K-organise par --—-—- --^- •Kleber r Colombes .Chers Amis Routiers. •**?*«•• J^tiV?»-«^^^ m .••'Le 4* « VConcours Référendum des Meilleurs Restaurants Routiers" se présente cette année sous une formel« i * nous l'espérons • plaira i tous, les question j-du Concours-ayant étérendue*. plus attrayante» Peut-etr» p*rrt«i , «eut été préférable qu'elles soient aussi rendues* moin* dlffldlesIMais gagner un«->bauphlne7Wr1t«. ble ' m ). .qiiti • /.Illustrée- par un auteur, sans doute distrait.-Lisez-la attentivement, yout'remarquerer dinsle/téxte-tiefcerrei^nî' í t Jtlons manifestes, impossibilités pratiques ou .Inexactitudes.-Exemple :rfi.:^'^^K^'^¡^'ft<.* ^' V^^.^ií^í^.] •'"Avec son véhicule, et en respectanc le.Code«'Jean-Louis quittant Lyon i 51ieur«,dti matin,, ne peuvprétendri ' ; Paris i midl...'V Soulignez ces erreurs et dites nous combien vous en avel trouvé/" " ''»>« i^^S*??-- "r-r'A^^Si ; " Pour la troisième question un photographe habile nous.a;fourni-des clichés imprévus-représentant différents sujets ' angle inédit - A vous de définir de quoi II-s'agit. A'-V'îV» f ' f ' í ' í r - • ^.^.¿-V;f »;•. ¿.^\i$*4:W^írï!*•''1'v^:^trl-4, I -Enfin-la question subsidiaire, nous vous le rappelonsv servira i départager les ex-aequo;• "WcS^ri»'*;£ Bonneithinctl't I..:••'..' •>,.-. - i - ! ' - . . . . ' • ' • . . . : •...!• '., »•.1fl.•rî.'.•V^^,•- •**!•*>>",?'{•'•*!>; -. ,..-.• .- -í «*•.-,». KLÉBER-COLOMBESïAv^ 7 «* i l y o n dort encore ce malin de Décembre, car aujourd'hui est un |our férié. Mais Jean-louis, le routier, doit remonter sur Paris d'urgence. C'est un fameux " b a h u t " que le sien I • Semi-remorque toute neuve, tirée par un puissant tracteur Diesel . . . 17 métrés de long . . . 3 5 tonnas en charge..-, i il y en a bien là pour S m i l l i o n s t . . - • * . " . . '•'•- -•••' i j : '; Í ,'• ...Jean-Louis est tout fier de conduire un pareil . m a t é r i e l . Il est vrai qu'il est sérieux et bien connu pour son respect d u Code de la Route. En route I il s'installe sur son siège et jette un • coup d'oeil à sa montre i 5- heures I Le l o u r d ; 1 véhicule d é m o r r e b r u y a m m e n t . . ' . ' - . , / . '?."• CE BROUILLARD Q U I MON TE'DE LAV ,DRÔME ESTGLACIAL íj¿¡.?«'."•'•* • • • • ' - T í " .'Ti* - ^' í*-i . . D a n s an* froide a u b e d'hiver, à Ira1 -« banlieue industrielle, légèrement «mbnji . roule vers Pans, croisant de nombrtus s - , qui se hâtent,vers |e travail quetidisn. "¿Peu a peu II s'éfeàjee de>l'oggl»mir« I a roi4e^n«,JV"edrrtp'agrtéT¡¿v * \U< „ . . „ . . . J h . 1 5 . L«/lcKauffeur décide d e prendre W-'ur/' peu Ja ^aeTo-ovec son petit poste portatif ' * V ( * q Ú « u r j a banquette, la N a t i o n a l e 6 n'est ' m*-~-ivi-H- plu*«encembrée et I« camion prend de la R ' í í " ' - ' vitesse i 1 0 . . 7 0 . . Très bien comme cela.-. fefeci~ D'ailleurs il fait maintenant g r a n d jour e! ' »rjKP»^" Roonne n'est pas l o i n . . . •LES ROUTIERS" - Mai 1957 - 150 -• . V, i<; ••: . . . 5 h . 4 5 . Après les informations, Paris-Inter passe justement " l e Routier", d'Aznavour, chantée p a r Yves M o n t a n d . Jean-louis o cette occasion recense a u célèbre film " l e Salaire de la P e u r " , avec justement Yves Montand et Jean C a b i n i unm rameuse équipe I . i« V •>«•! ...vi • HELLO! ábP ^juai^/^i ..'.Cala l'amène à évoquer »e» exploits sportif» j pauét i il a «I* champion de Franc«.militaire. Et en 1938. il o même disputé un match contre . • reel Thil, olor» que celui-ci était champion J monde... Oh I bien lûr... ce n'était pa».. •"" • 4..Un/coup 'd'avertisseur imp4ratlf-tAk¿l routier »erre à droite pour laisser paner" I élégant cabriolet iport qui le double en iroft' Au volant i Une ravissante blonde, qui lui loneta ou passage an gracieux sourire. Jean-Lauiié**^ ravi et repond par un signe de la maie* '--^ — B Œ H B teV.'jJ?£' Í d f , l U , , M I ° » " " ' Cluny,. Tournyt. I : Il décide de »'arrêter dans, ua Relais pour boire • U u n , c a l é , le cadre eit agréable. Devant la I .maison, de» glycine» en fleuri ombragent uneI ' tonnelle et, dam la »aile, tout est net et propre. • Deux chauffeur«, arrêté».là aussi, bavardent' •.'eu comptoir... . • , -. j 4 r "¿Us MONTRACH£T lOKm hP T^ONTRACHET | '( GRANO VIN ROUCï . \ J U 0 N PRÉFÉRÉ V.fit' ^*& •• • I ,.-. lun deux, qui conduit un C.M.C, »a plaint d'Hoir perdu un« roue de secours. Avec »a conauite à droite, dit-il. il ne t'en e»t pa» aperçu. Chacun le plaint dei petit! défaut» de »on matériel. . et Jean-Louis, un peu dislraitefjj)nt, i * plaint de »on carburateur... — '-.•-"•' • ,t .ii - " . ' . Î I •.'•;.•'.'• :• '.•; >. ; v . : s w / « f V . *. irfiA^f; ...Car en effet, malgré le plaisir qu'il a de »e . , . " n . ' ; - ; '"!• "•¿•J-V.Ï- • . .Apre» Chalón, longeant la Saine M peMU détendre un peu, notre ami eit distrait. U ""~~"ia route vers Paris. Del noms, évetateuttl repente à la voiture »port de tour à l'heure et surtout à »a conductrice. D'ailleurs la matinée' , "ÏV fameuses bouteilles, apparaissent, tef ' plaquet indicatrice! i Pommard...„ le». t'avance et il faut payer et reprendre la roule. Margaux... C'est tout le vignoble be<irf*l| Il pose tel 10 franc» »ur le comptoir, salue et. .-v. qui défile devant lui I ... repart... . . idfc-"±ft;Ç Jy.VV . • v,r 'i'->E> c'ait.alors que se produit ce que'Jeon•yXi-Wooi' bien/connu de tous les:-'.%*' louis n'osait espérer. Arrêté« sur le bas cotéi _\uH*ur*¿4tEa:1a¡t penser qu'il « t e» retard «Wcla voilure »port. Et devant. Mule et folr bien. o!u" Je» paiement - de t-»a ¿cotisation '- au»5™S'-eneuye i la |euee femme, brune. Heureui de R »oùilerVÎ Âulogfd*hufimême, après eUjeu-£*f r occasion. Je routier stoppe aussitôt et'»« met fieftij.enverrai un. mandat, du premier bureat>£¿¿ en devoir d'examiner le ressort cassé, motif J f p o i i « qu'il,'trouvera »ur »on chemin I .'.. • "r"de celle panne providentielle... Mai», comme • - . < _ i . " . i . i ••• • • ' .'__._ • _1"J_T™"-"*•'•'""" la Voiture est" 1res basse,' il doit ramper'.'.« | . -*—-ramper...„^.„.„^^ ,^^.._.„, "LES ROUTIERS I l , rL Mai 1957 - 151 - A 'la porte du relais, les chromes de leur « Galibicr » jettent leurs feux malgré la pluie — « On y va quand même dit Maurice ?» — « Faut bien,mon vieux 1 répond • j?ctit-Louis. Mais il fera meilleur dans le >5 tonnes... • « C'est un salon, cette cabine de Galibier ! » Sièges garnis d'un simili-cuir grand luxe, tapis-brosse, reposepieds caoutchouc sur les passages de roues, panneaux et portières recouverts de luxueuses garnitures lavables, coloris du tableau de bord et des sièges (écossais) assortis à la carrosserie. i1 Cette cabine, c'est un mirador : on y voit de partout I Visibilité exceptionnelle vers l'avant et les côtés. Vastes custodes- à l'arrière. Et de chaque côté, un ' large rétroviseur panoramique. ' Il fait bon vivre à bord du Galibier ! Cabine climatisée : insonorisation et' : isolement thermique obtenus par capitonnage en laine de verre des panneaux . ' du pavillon et du tablier. « Cigarette, P'tit Louis ? • L'allume-cigare est au tableau de bord. Deux cendriers chromés à portée cortee de main du conducteur et *t du passager. Propreté et netteté de la cabine créent une ambiance • grand confort •'. Les 180 chevaux ronronnent, la route est calme. « Musique 1 » demande Maurice, Car le Galibier est équipé d'un 7lampes Philips : les kilomètres deviennent plus courts avec lui... La montre à cadran lumineux règle la moyenne. •LES ROUTIERS" - 25 Mars 1957 - 152 - Chauffage-dégivrage prévus, évidemment L'aération se fait (sans remous) par déflecteurs à commandes indépendantes. Raffinement : deux lave-glaces (comme sur les voi tures de luxe !) ajoutent au plaisir de conduire une plus grande sécurité. Plaisir de vivre dans une cabine nette où chaque chose est à sa place : t porte-carte, :j u " Jdeux porte-manteaux. *"' 3" " vide-poches, Finition « grand luxe » de toutes les pièces métalliques. 3 heures du matin : casse-croûte. Maurice . Changement de conducteur. P'tit Louis, ouvre le coffre isotherme monté sur les avant de prendre la couchette (matelas cabines-couchette et en tire les gamelles et oreiller en latex) se cale contre chaudes (cet été la boisson y sera au frais), l'appuie-téte et l'accoudoir du pasager... Tout est prévu, sur le Galibier, pour le et s'y endort. ,.' bien-être de l'équipage. . .. Un coup de peigne maintenant : les deu. pare-soleil du Galibier comportent chacu. un miroir... Toujours comme sur les VÛI tures de luxe. (Entre les deux pare-solcii le haut-parleur radio). « Pense à Marinette, P'tit Louis... On va arriver... » Le Galibier est équipé d'un rasoir électrique à deux têtes Philips qui se branche sur le tableau. P'tit Louis se fait un visage net comme s'il était chez lui. . „'Marinette'est'au rendez-vous au bout du . Elle est fière, Marinette, que son P'tit Louis voyage : « C'est plus comme avant, tu sais. • conduise un aussi beau véhicule. Le Galibier, -Maintenant, avec ton Galibier, m arrives / grand routier de grand luxe, est le géant U bien moins fatigué, mon P'tit Ltfuu... et plus coaforttbfc.3 conchare et le plus agrès* tout pjroJpVe ! tfaüt frais !./. » blä 1 Vivre • "LES ROUTIERS" - 25 Mars 1957 - 153 - •Les routiers et La B.D." in "LES ROUTIERS" n° 597. - 154 - Jfe Vi j 'Les routiers et La B.D." in "LES ROUTIERS" n° 597. - 155 - CORPUS : TRANSPORTEURS ET ENTREPRISES (L'ordre alphabétique l'enquête). indique Nbre de salariés de l'agence ou entreprise. la succession Patrons roulants des Véhicules légers entreprises au 25 150 N C D E F G 120 N 50 100 N et R 10 10 L et R H 15 N I J 0 3 I K L 8 30 3 6 N 0 P 0 N et R N I N et L R et N R et L R et N R R VL VL R et L L Q :0 ° R 300 R S 30 500 I V M2 N2 02 et L et R N VL de internat. I régional R national N locale, livraison L Types d'activité A B M cours R N et I et R 41 55 R 65 R et N R et N C2 C3 L2 3 2 3 T 13 N U 13 I P R et N R R N et I SPECIFICITE DES ENTREPRISES ET TYPE D'ACTIVITE A Clients directs, meubles luxe, faillite 86 B Messagerie et lots industriels C idem D Marché rural, retour affrètement E Fai llite prochaine F Modèle 13, Casino G Faillite 85 H Faillite 85 I Clients directs , J Clients direct, marché rural K Produits radio-actifs L Meubles Conforama *M Affrété "captif" N Rural, départ direct, retour, bureau de fret 0 Affrété "captif" P idem Q Modèle 13, mobile R Holding, 5000 salariés, modèle 13 S Holding, 9000 salariés, commissionnaire . V Stockage, alimentation, coopérative, lots industriels et primeurs M2 Stockage alimentaire N2 Stockage surgelés 02 Messagerie de luxe C2 Clients directs C3 "captif" de C . L2 "captif" de L T Départ clients directs, retour bureau de fret U H-'ients directs, pays de l'Est 650 salariés en France