LA VIE EN VERS - Éditions de La Différence
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teresa rita lopes la vie en vers poèmes choix, traduction du portugais et préface de catherine dumas le fleuve et l’Écho ÉDITIONS DE LA DIFFÉRENCE La Vie en vers.indd 5 17/11/2015 12:22:58 L’OISEAU DE POCHE La Vie en vers.p65 19 04/10/06, 10:04 Autofotobiografia Que difícil que é o ser contar-se e ver-se de fora! E contudo, às vezes, apetece contar o conto de quem somos. Nascer já órfã deve ter feito a Vida apiedar-se de mim: deu-me uns olhos de água para chorar minha mágua mas também para espelhar o céu e a lua e as estrelas e o azul dos montes ao longe. Fez-me nascer anfíbia: sou da terra e da água ah sim! a cor clara dos olhos briga com a da pele morena. Meus antepassados andaluzes legaram-me certamente esta cor tisnada e o nostálgico prazer do flamenco. (Eh! García Lorca, talvez meu remoto primo, como teria gostado de te conhecer!) Dos avós paternos da Serra de Alcoutim e Martinlongo herdei talvez o hábito do parco e do pouco e do silêncio e de tocar e cheirar e contemplar as doces águas dos rios 20 La Vie en vers.p65 20 04/10/06, 10:04 Autophotobiographie Qu’il est difficile de se raconter et de se voir du dehors ! Et pourtant, on a envie parfois de conter le conte de celui que nous sommes. Je crois que la Vie a eu pitié de moi quand je suis née déjà orpheline : elle m’a donné des yeux d’eau pour pleurer ma peine mais aussi pour refléter le ciel et la lune et les étoiles et le bleu des montagnes au loin. Elle m’a fait naître amphibie : je suis de la terre et de l’eau oh oui ! la couleur claire de mes yeux détonne avec celle de ma peau brune. Mes aïeux andalous m’ont certainement légué ce teint foncé et le plaisir nostalgique du flamenco. (Eh ! García Lorca, mon lointain cousin peut-être, comme j’aurais aimé te connaître !) De mes grands-parents paternels des montagnes d’Alcoutim et de Martinlongo j’ai peut-être hérité l’habitude du frugal et du peu et du silence et celle de toucher et de respirer et de contempler les eaux douces des fleuves 21 La Vie en vers.p65 21 04/10/06, 10:04 e de percorrer com as mãos e os olhos o debrum nítido dos montes e das palavras. Amo alternadamente o mar, esse cavalo bravo, e o rio, esse humilde burrinho manso. Da minha avó Maria Rita, parteira, herdei talvez o prazer de trazer novos seres ao mundo meus e alheios livros (bem que o Pessoa tem lucrado com isso!). Do avô sargento Alfredo, zeloso guarda-rio, cumpridor de seus deveres mas também agricultor de uma réstea de chão à beira-rio em que sobretudo plantava flores, herdei talvez minha ríspida exigência do cumprimento das regras do jogo. Da avó Teresa Manuela me vem esta casa e esta horta de Cacela e o gosto por árvores e frutos e flores e com certeza um certo jeito autoritário de ser (de que tanto e tantos se queixam). Com o avô Pedro olhava as estrelas, à noite, no Verão, sentados no bordo do tanque e o lume, na cozinha, no Inverno e partilhava o gosto de ler e ouvir música (para ele a horta era um degredo. Ferroviário aposentado, gostava era de montar combóios, à rédea solta). Da Mãe Alda e da outra Mãe que tive (e ainda tenho), a Tia Teresa, herdei a irrequietação dos dedos sempre ansiosos de engendrar: rendas e bordados e crochet e tricot e sobretudo a Mãe, também cozinhados e bolos. Por mim apenas trabalho com palavras: são sílabas as linhas com que me coso. 22 La Vie en vers.p65 22 04/10/06, 10:04 et de parcourir des mains et des yeux le bord net des monts et des mots. J’aime tour à tour la mer, ce cheval sauvage, et le fleuve, cet humble petit âne si doux. De ma grand-mère Maria Rita, sage-femme, j’ai hérité peut-être le plaisir de donner de nouveaux êtres au monde mes livres à moi et ceux des autres (Pessoa en a bien profité !). De mon grand-père le sergent Alfredo, garde fluvial zélé, soucieux du devoir accompli mais aussi agriculteur d’un arpent de terre sur les rives du fleuve où il plantait surtout des fleurs, j’ai peut-être hérité mon exigence acerbe du respect des règles du jeu. De ma grand-mère Teresa Manuela me viennent cette maison de Cacela et son verger et le goût des arbres et des fruits et des fleurs et sûrement une certaine autorité dans ma manière d’être (dont mes victimes se plaignent tant). Avec mon grand-père Pedro nous regardions les étoiles, la nuit, en été, assis sur le bord du bassin et le feu, dans la cuisine, en hiver et je partageais son goût de la lecture et de la musique (pour lui la campagne était un exil. Cheminot à la retraite, ce qu’il aimait le plus, c’était de monter des trains, à bride abattue). De Maman Alda et de l’autre Maman que j’ai eue (et que j’ai encore), Tante Teresa, j’ai hérité la vivacité des doigts toujours avides d’engendrer : des dentelles et des broderies et du crochet et du tricot et Maman surtout, des plats cuisinés et aussi des gâteaux. Quant à moi, je ne travaille qu’avec des mots : je tisse les fils des syllabes. 23 La Vie en vers.p65 23 04/10/06, 10:04 Do Pai, perdido antes de o ter, herdei (dizia a minha Mãe) « a inteligência e o jeito para versos ». A verdade é que nunca sei se sou da terra ou do mar, se quero partir ou ficar. Andar pelo mundo é gosto, karma ou desafio? Não sei mas nunca paro. E contudo gosto tanto de parar – à beira-mar, à beira-terra, à beira-mim! Apetece-me terminar este conto a imaginar que todos estes seres de que longinquamente descendo: judeus (os Lopes, é ver-lhes o perfil!), mouros (na Andaluzia sinto-me em casa), piratas vários (assaltantes ou náufragos destas costas) de que não conheço nomes nem feições me acolherão um dia na estação términus da minha última viagem – um sítio que será todos os sítios em que estive e não estive. E à frente, as caras bem conhecidas e amadas dos avós, tios e tias, e Mãe (como será bom matar saudades tão antigas mas tão vivas!) Ah! e ao lado da Mãe, claro, o Pai – que vou finalmente conhecer. 31.8.03 24 La Vie en vers.p65 24 04/10/06, 10:04 De Papa, perdu avant de l’avoir eu, j’ai hérité (disait Maman) « l’intelligence et le don pour les vers ». À vrai dire, je ne sais jamais si je suis de la terre ou de la mer, si je veux partir ou rester. Parcourir le monde, est-ce un goût, un karma ou un défi ? Je ne sais pas mais je ne m’arrête jamais. Et pourtant j’aime tant m’arrêter – au bord de la mer, au bord de la terre, au bord de moi ! J’ai envie de terminer ce conte en imaginant que tous ces êtres dont je descends de loin, juifs (les Lopes, il faut voir leur profil !), maures (en Andalousie je me sens chez moi), pirates divers (assaillants ou naufragés de ces rivages) dont je ne connais ni le nom ni les traits m’accueilleront un jour à la gare terminus de mon dernier voyage – un lieu qui sera tous les lieux où j’ai été et n’ai pas été. Et devant eux, les visages bien connus et bien aimés de mes grands-parents, de mes oncles et de mes tantes, et Maman (comme il sera bon de combler une absence si ancienne mais si vivante !) Ah ! et à côté de Maman, bien sûr, Papa – que je vais enfin connaître. 31.8.03 25 La Vie en vers.p65 25 04/10/06, 10:04
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