etude des écarts lexico- sémantiques

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etude des écarts lexico- sémantiques
ETUDE DES ÉCARTS LEXICOSÉMANTIQUES
INTRODUCTION À L’ÉTUDE DES ÉCARTS
LEXICO-SÉMANTIQUES
Le domaine du lexique est le deuxième de notre étude des écarts angolais à la norme européenne de
la langue portugaise. Nous allons donc nous arrêter sur les écarts d’ordre lexico-sémantiques291, un
domaine où les Angolais eux-mêmes se jugent très productifs et pensent affirmer leur identité.
Il faut considérer avant tout que la création lexicale est linguistiquement peu révolutionnaire : elle
ne change pas la langue, mais elle l’enrichit, lui permet de s’adapter à de nouvelles réalités et à de
nouvelles visions du monde. Le phénomène lexical lui-même n’a pas l’importance linguistique
incontournable de la syntaxe, car si la méconnaissance d’éléments lexicaux de sa propre langue est
toujours vraie, à divers degrés, la méconnaissance de la syntaxe, elle, est un véritable handicap, et
est notamment le fait de locuteurs encore à un stade d’un apprentissage non abouti. On ne compare
pas l’ignorance d’un terme et celle d’une forme verbale, par exemple.
Si un locuteur angolais, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, ne peut échapper
complètement à des marques phonético-phonologiques reconnaissables dans la production de ses
énoncés, il lui sera possible la plupart du temps de s’exprimer longuement en respectant la norme
portugaise en ce qui concerne le lexique. Il faudra cependant qu’il ait une connaissance de la norme
suffisante et qu’il ne s’exprime pas sur certaines réalités de son pays dont on ne peut parler qu’en
termes locaux, comme la cuisine, ou la nature, par exemple.
La langue portugaise d’Angola a pourtant admis un nombre important d’ « angolismes292 » comme
en témoigne le dictionnaire d’Óscar Ribas qui rassemble quelque 4500 vocables. Geraldo Bessa
Victor293, qui préparait aussi un dictionnaire, lequel n’a jamais abouti, annonçait également avoir
recueilli plusieurs milliers de vocables294. Nous en avons nous-même réuni 2172 dans le lexique en
annexe de ce travail, relevés principalement dans les textes295.
291
Par « lexico-sémantique », nous entendons lexical ou sémantique, encore que notre réflexion d’ordre sémantique ne
portera que sur des unités lexicales.
292
Il n’y a pas à notre connaissance de tradition en français pour la désignation des particularismes lexicaux angolais de
la langue portugaise. On pourrait tout aussi bien employer « angolanisme », puisque le terme « angolan » a été un
temps synonyme de l’actuel « angolais ». Nous nous rapprochons de Geraldo Bessa Victor qui utilisait
« angolismo » (voir deux notes plus loin).
293
Ecrivain angolais de la génération d’Óscar Ribas, mort au Portugal où il était avocat.
294
« No decurso dos séculos a língua portuguesa tem-se enriquecido com a aquisição de angolismos, cujo número, pelos
meus ficheiros, atinge hoje alguns milhares na linguagem falada e escrita. » VICC p. 58.
295
Annexe 2, Lexique de la langue portugaise d’Angola.
130
En effet, notre corpus oral ne laisserait pas deviner une telle abondance dans les textes puisque sur
quelque 69 000 mots qui le constituent, à peine 200 occurences sont des écarts lexico-sémantiques,
soit moins de 0,03 %. Encore avons-nous provoqué nos interlocuteurs sur la question du
vocabulaire, sans quoi ce pourcentage serait plus faible. Mais si on tient compte des occurences
multiples de certains vocables, le nombre de vocables représentés est alors de 130, parmi lesquels
75 sont attestés aussi dans notre corpus écrit. Les 55 autres, soit environ 42 %, n’apparaissent que
chez un seul locuteur, et ne peuvent donc être considérés qu’au niveau de leur idiolecte, jusqu’à
découverte d’autres occurences chez d’autres locuteurs ou auteurs. Il faudra donc nous arrêter dans
ce chapitre sur cette étonnante proportion d’occurences uniques. Ce phénomène a déjà été identifié
et Carlos Maciel a déjà souligné le problème de méthode posé par l’importance des occurences
uniques :
(...) encontrando-se o pesquisador diante de uma forma atestada uma só
vez, que critérios deverá ele adotar para que tal forma seja admitida nas suas
listas de vocabulário da língua portuguesa ? E, ainda, será possível considerar
como sendo um « africanismo » uma forma da qual somente se atestou uma
ocorrência ? A frequência do fenómeno encontrado, verificado e descrito, é
consequentemente fundamental. Com efeito, segundo a extensão do corpus, os V1
podem representar 30 ou 40% (e até mais !) das formas indexadas ; e, em casos
como este, seria hasardeux296 fiar-se unicamente ao seu sentimento linguístico
individual.297
Les énoncés qui constituent notre corpus ne sont pas, nous l’avons dit, tirés de la vie courante ou de
conditions naturelles, puisque le locuteur était toujours conscient de la présence du micro, et,
souvent, la personne qui tenait le micro n’était pas angolaise. Or, les Angolais l’avouent eux-mêmes
lors des interviews, c’est lorsqu’ils sont entre Angolais qu’ils aiment recourir aux particularités
angolaises de la langue portugaise. Cette faculté de choix par rapport à la norme du Portugal
signifie donc que la notion de norme est assez précise et qu’un locuteur angolais sait relativement
bien, en terme de vocabulaire, ce qui est typiquement angolais et ce qui ne l’est pas.
Si donc une partie de notre corpus oral a quelque peu perdu en spontanéité et en angolanité, nous
devons considérer que les écarts lexicaux relevés n’en ont pas moins de signification. Compte tenu
de la contrainte évoquée, nous avons à analyser ce que les locuteurs ne sont pas parvenus à éviter
dans la plupart des cas, et ce qu’ils ont tenu à garder volontairement. Cependant, une bonne partie
de notre corpus est constituée d’énoncés recueillis dans des conditions qui en garantissent la
spontanéité : soit que des Angolais interviewent eux-mêmes d’autres Angolais, soit qu’il s’agisse
d’enregistrements tirés d’émissions de la radio ou de la télévision faites par des Angolais pour des
Angolais.
Toutefois, notre étude du vocabulaire repose aussi sur la lecture d’un corpus écrit abondant et varié,
et c’est dans des textes que nous avons trouvé l’écrasante majorité des écarts lexico-sémantiques sur
lesquels nous fondons nos observations et notre réflexion. Nous les y avons trouvés cependant
répartis de façon très inégale, puisque si certains textes en sont envahis, d’autres en sont exempts.
Bien que certains écrivains n’en fassent qu’un usage plus que parcimonieux, c’est dans la littérature
qu’ils sont le plus nombreux, et c’est aussi dans les échanges épistolaires entre Angolais qu’ils sont
le plus présents et le plus nécessaires. Nous avons eu la chance de participer à un échange entre
Angolais dans un groupe de discussion par courrier électronique où nous avons recueilli d’autres
éléments authentiques et spontanés. La presse, quant à elle, n’en contient que très peu, qu’elle soit
d’ailleurs écrite ou parlée, dans ses rubriques d’information pure, mais dès qu’elle fait place à la
296
Tel quel dans la citation originale.
297
MCI1 p. 79.
131
création, sous formes de chroniques ou sous forme d’extraits de la littérature, la fréquence augmente
considérablement. Le dépouillement que nous avons fait d’un corpus de presse a fait ressortir 575
vocables dont, là encore, une bonne partie sont des occurrences uniques.
Nous allons donc dans ce chapitre traiter les écarts rencontrés en considérant d’abord les signifiants
puis les signifiés. Dans un premier temps nous détaillerons donc l’origine et la formation des mots
relevés, ensuite nous ferons porter notre réflexion sur le sens de ces mots en nous interrogeant sur
leurs champs sémantiques.
Un problème théorique de subdivision de ce travail, portant sur la notion de morphologie, s’est posé
à nous. La formation des signifiants est une question morphologique et aurait pu trouver sa place
naturelle dans le chapitre sur les écarts morpho-syntaxiques. Or, le stock lexical angolais de la
langue portugaise s’est constitué et se constitue par des procédés morphologiques qu’il nous est
nécessaire de citer pour en expliquer l’état actuel. Voilà pourquoi nous n’avons gardé pour le
chapitre sur les écarts morpho-syntaxiques que la mise en évidence de procédés nouveaux et l’étude
de la perturbation de la morphologie flexionnelle.
ORIGINE ET FORMATION DES SIGNIFIANTS
Pour les mots d’origine bantu inconnus au Portugal, il ne fait aucun doute que nous sommes en
présence d’ « angolismes », mais il est nécessaire de déterminer pour les mots d’origine portugaise
dont la forme ou le contenu sont légèrement altérés, jusqu’à quel degré d’altération nous y voyons
un « angolisme ».
Dans un sens très large de l’écart lexico-sémantique, nous avons donc fait un choix : dès que la
forme sonore d’un vocable est nettement affectée ou bien que son emploi révéle un sens non
normatif, il s’agit pour nous d’un écart, si faible soit cette affectation, du moment qu’elle est
significative par sa fréquence, par son emploi par plusieurs locuteurs ou scripteurs, ou même si,
occurrence unique dans notre corpus, elle permet de reconnaître un phénomène.
L’altération de l’orthographe touchant à la frontière du mot sans altération sonore a également été
pris en considération. Elle révèle en effet une conception différente du mot et des formes comme
irivir, comué, mazé (aller et venir, comment c’est, mais c’est), reflètent le caractère agglutinant des
langues bantu.
Nous n’avons pas considéré cependant toutes les expressions en langue nationale insérées dans le
texte portugais. Parfois, cette pratique linguistique qu’on appelle le code-switching, ou alternance
des codes, est assez difficile à distinguer d’un emprunt lorsque l’expression en langue nationale est
courte ou se réduit à un seul mot. Lorsque, dans un de nos enregistrements, José Eduardo Agualusa
utilise dapandula qui signifie merci en umbundu, il pratique le code-switching plutôt que l’emprunt,
dans l’intention de se rapprocher de ses interlocuteurs (nous remarquons dans l’exemple qu’il
emploie même trois langues en trois mots !) :
Ex. 499. OK, obrigado, dapandula. (Ag45-27/170)
On trouve aussi, selon les auteurs, dans la littérature, cette juxtaposition de deux codes, sans
interférence, maîtrisés par le locuteur-personnage :
Ex. 500. Larga-me ! Ambulenu, ambulenu !298 Varro esta gaja. (VIEH p.190 )
C’est Uanhenga Xitu qui en fait le plus large usage :
Ex. 501. – Ah um homem assim é que a gente quer em casa. Manana, uasolo mba
Manana, ’za kaxi ’u muelu, utale nganhala299 – uma velha de kisoko chamava pela Ana.
(XITD p. 141)
298
« Laissez-moi », en kimbundu.
132
Dans l’exemple 501, s’il ne fait aucun doute que la phrase entière en kimbundu relève du codeswitching, l’emploi de kisoko, lui, n’est pas de l’ordre de l’alternance des codes. Il s’agit d’un terme
sans équivalent en portugais normatif puisqu’il correspond à une notion inconnue en Europe. Il
s’agit donc d’un emprunt nécessaire. Le kisoko à l’origine est un accord traditionnel entre des
familles qui annule les convenances et les conséquences de tout acte répréhensible. Aujourd’hui, il
peut désigner toute relation d’amitié très libre et intime qui découle de cette tradition.
Ce n’est que dans le cas d’énoncés très courts en langue bantu qu’il peut y avoir confusion entre
l’innovation dans la langue portugaise et le code switching. L’occurrence d’un terme par codeswitching ne peut alors être considérée comme un angolisme. Et cette distinction ne peut être faite
que par des considérations d’ordre statistique (la fréquence) et linguistique (le terme appartient tel
quel à une autre langue).300
Ces limites définies, nous allons examiner les différents processus qui aboutissent à des écarts
lexico-sémantiques.
Signifiants qui résultent d’une altération
phonético-phonologique du portugais
Des altérations plus ou moins importantes, plus ou moins complexes dans le sens où plusieurs
processus interviennent ou non, sont de fait consacrées par l’usage. Nous allons exposer d’abord les
vocables produits par un seul processus puis nous étudierons ceux qui sont le résultat d’une
évolution en plusieurs étapes ou faisant intervenir plusieurs processus d’évolution phonéticophonologiques.
Vocables produits par aphérèse
La chute d’un élément ou de plusieurs phonèmes en début de vocable, appelée aphérèse, est
productrice de formes angolaises dont nous relevons celles qu’attestent certains auteurs ou celles
que nous avons trouvées dans divers contextes.
a) Chute d’un seul élément, a- ou eLa faiblesse du a- initial est illustrée par le mot batimento, pour le portugais abatimento, avec le
sens de réduction du prix au cours d’un marchandage, mais aussi par les verbes mantizar (être
amant), du portugais amante, et migar (se mettre en ménage), du portugais amigar-se. Le a- initial
chute également dans marra-marra (nom qu’on donne à des chaussures légères à brides), du
portugais amarrar (attacher).
Ex. 502. ao passo que a irmã dele tinha mantizado com o irmão do meu velho. (José
Meireles - J.A.96/02/11 p.4)
Ex. 503. Mas o senhor infermeiro vai migar mesmo ou só brincar? (XITF p.85)
Ex. 504. com sapato marra-marra (BONA p.45)
Ex. 505. para sandaletes à marra-marra nem já que sabiam. (VIEH p.41)
Nous avons vu au chapitre précédent que la nasalité s’appliquait plutôt à la consonne qui suit qu’à
la voyelle qui précède. Le mot mbora, adverbe, apparemment explétif la plupart du temps, est
fréquent dans les textes où il est même un indicateur d’angolanité. On retrouve la même formation
dans ngaria (recrutement), du portugais angariar (recruter).
Ex. 506. Tamos mbora em período de transição. (Chicoadão - J.A.96/03/06 p.6)
299
Traduction : « Manana, tu as bien choisi. Viens, s’il te plaît, jusqu’à la porte pour avoir une idée du fiancé. »
300
Quoi qu’il en soit, l’alternance des codes est un premier pas vers l’emprunt.
133
Ex. 507. você ouve só e cala mbora a tua boca (Salas Neto - C.S.3-17 p.8 )
Ex. 508. Fugir também não pode, senão porrada é no mais velho do quimbo que você veio,
na ngaria. (ANDC p.87)
b) Chute de plusieurs éléments
Le vocable peut-être amputé de plusieurs phonèmes comme le sont les mots desmaiado (évanoui),
comboio (train), caboverdiano (cap-verdien), et paquistanesa (paquistanaise), qui deviennent
respectivement maiado (idiot), mboio (train)301, verdiano (cap-verdien), et nesa (jeune fille), deux
d’entre eux gardant donc leur sens primitif.
Ex. 509. Nós usávamos maiado mais como parvo. (Lui@03/03/97)
Ex. 510. Aliviava as suas razões na divagação sobre os instintos dos verdianos. (SANE
p.19)
Vocables produits par apocope
La chute d’éléments a pu tout aussi bien se produire à la fin du vocable. C’est ce qu’on appelle
l’apocope. Plusieurs phonèmes chutent dans tous les cas que nous avons relevés.
Le témoin le plus curieux de ce phénomène est le mot panquê ou panqué, qui désigne la nourriture
et sur lequel s’est formé le verbe pancar, avec le sens de manger. Les recherches du côté des
racines bantu ayant pu aboutir à panquê s’étant révélées infructueuses, c’est dans le vocabulaire
portugais que nous avons trouvé une piste. En effet, Paiva Boleo relève panqueca avec le sens de
« merenda por ocasião de divertimentos »302. Du portugais populaire, pour désigner donc un goûter
de fête, panqueca, lui-même de l’anglais pancake (crêpe), sens qu’il a gardé dans le portugais
normatif, y compris au Brésil, a donc été transporté en Angola où son sens s’est élargi, mais en
subissant l’apocope de la dernière syllabe, et en changeant de genre puisque panquê est masculin.
Comme on le voit, cette évolution s’est faite du spécifique au générique. Le vocable est entré dans
la langue courante et est aujourd’hui assez fréquent, ayant même donné le verbe pancar (manger).
Ex. 511. No comboio das seis e meia, panquê nada, foi só na viagem Luanda. (CARA
p.25)
Ex. 512. cabololou no prato do outro / o panqué que já era pouco (BONA p.47)
Ex. 513. Está lá dentro a xingar a Domingas e a preparar o panqué. (MDSA p.129 )
D’autres vocables résultant d’apocopes sont plus récents et même liés au contexte politicohistorique : piô, pour pioneiro (qui signifie enfant), puis régré, pour regressado (qui désigne les
Angolais revenus du Zaïre), sulaf pour sulafricano (sud-africain), et coopera pour cooperante
(coopérant), en sont des exemples.
Ex. 514. piô será o teu nome / gerado em mês de cio (BUEA p.33)
Ex. 515. Abaixo desta idade, é a escola incompleta por falta de professores, de livros e de
muitas outras coisas, ou a vida de piô (miúdo) de rua. (GONA p.30 )
Ex. 516. Os piôs em notícia (s.n. - J.A.91/03/16) [dans un titre]
Ex. 517. as nossas simpatias viram-se facilmente para o modus vivendi sulaf (Jacques
Arlindo dos Santos - J.A.95/06/10 p11)
Ex. 518. Mas o velho onde é que vai arranjar uma coopera para lhe abastecer de perfume ?
(RUIM p.78)
301
Nous n’avons pas d’exemples pour mboio, cité par Rui Ramos (RAM1).
302
BOEA p. 286.
134
Il sera de nouveau question de l’apocope plus loin, combinée à d’autres phénomènes d’évolution.
Vocables produits par syncope
On observe parfois la chute d’un élément interne, ou de plusieurs éléments. Ces syncopes ont
rarement un caractère définitif comme c’est le cas du verbe cartar, qui provient du portugais
carretar (transporter) et du très courant cubico303, de cubículo (chambre), qui désigne l’endroit où
l’on habite, maison ou appartement.
Ex. 519. Maria ainda menina de cartar lata de água (VIEB p.33)
Ex. 520. arranjar outro cubico, no mesmo bairro e outra garina. (Timóteo Ulika - C.S.3-05
p.22)
On observe aussi que des éléments internes disparaissent ainsi que dans sá, qui est ce qui reste de
senhora (madame) après une sévère syncope. On trouve aussi dans la littérature des équivalents de
senhor (monsieur) obtenus par syncope.
Ex. 521. sá Isabel (VNDA p. 25)
Ex. 522. Patrão é sor Costa. (SORE p. 207)
Ex. 523. Na cara dos outros eu dava-lhe sôr engenheiro (VIEJ p. 64)
Ex. 524. “sô” Ramos ficou a lhe xingar (ROCA p. 66)
La syncope n’est pas rare mais se produit généralement en association à d’autres transformations
comme nous le verrons plus loin.
Vocables produits par prothèse
Les deux unités les plus fréquentes produites par prothèse, c’est à dire par l’ajout d’un son en début
de mot, sont caté et vavó.
La préposition até (jusque, même) est substituée dans la langue populaire par caté, ou catê, écrite
parfois katé (qui signifie parfois au revoir, isolément, en raccourcissant la formule até amanhã, ‘ à
demain’).
Ex. 525. Lhe hei-de levar caté no liceu todo, também, nem que me mate! (CADD p.62)
Ex. 526. E eu subi, sardão mais. Sempre no tronco caté no fim... (VIEFp.170)
Ex. 527. Katé ! (à la fin d’un article) (s.n. - J.A.96/10/05, p.VI)
Avó (grand-mère) est fréquemment substitué par vavó ou vavô.
Ex. 528. Trinta e tantos carros danificados, alguns deles esmagados que nem pastel da vavó
São! (Tula Alfredo - J.A.95/05/21 p.5)
Ex. 529. Vavô adiantou tossir. (VIED p.109)
Ex. 530. vavó Xixi e seu neto zeca Santos (VIEC p.11)
303
On pourrait voir une apocope dans l’évolution cubículo > cubico. Elle est à rapprocher d’un phénomène que la
langue portugaise a connu au début de son évolution, dans le passage du latin au gallaïco-portugais, où la chute de
consonnes intervocalique (ici le -l-) a provoqué des hiatus se réduisant ensuite à une seule voyelle (legere > ler ;
mala > má ‘mauvaise’ ; diabolus > diabo ‘diable’). Voir TEYA p. 36-37.
135
Vocables produits par épenthèse
Des exemples d’épenthèses cités au chapitre précédent au titre des perturbations phonologiques, peu
de formes produites se sont fixées dans le portugais d’Angola.
Venant de l’expression portugaise a toda a brida, qui est l’équivalent de bride abattue, peu
courante aujourd’hui en portugais, brida s’est angolanisé sous la forme berrida, ayant le sens de
poursuite, course, expulsion, après épenthèse et éventuel déplacement de l’accent. Ce mot est utilisé
aujourd’hui en Angola dans une autre expression dar berrida, qui signifie poursuivre. Nous le
donnons dans des exemples de quatre auteurs différents, ce qui en illustre la généralisation.
Ex. 531. Ela não se importava nada de lhes dar uma berrida ! (SANB p.14)
Ex. 532. Primeiro, um vento raivoso deu berrida nas nuvens todos fazendo-lhes correr do
mar para cima do Kuanza. (VIEC p.13)
Ex. 533. Este ano já começou chover e o capim castanho levou berrida do verde que por
baixo dele furou a terra. (PEPI p.18)
Ex. 534. Nós recorremos às berridas de kandengue e chegámos a tempo. (Timóteo Ulika C.S.3-05 p.22)
Les mots rítimo, purubulema, sont fréquemment entendus ou écrits pour ritmo (rythme) et
problema (problème). Cependant, l’alternance des formes normatives et des formes épenthétiques
semblent imposer peu à peu les formes normatives. Les formes épenthétiques se retrouvent en effet
beaucoup plus rarement à l’écrit comme c’est le cas au Brésil où on écrit absurdo (absurde) même
quand on le prononce comme s’il s’écrivait abissurdo.
Vocables produits par épithèse (ou
paragogé)
L’épithèse, également appelée paragogé, semble une étape révolue de l’adaptation de la langue
portugaise en Angola. Les occurrences de dotolo, losso, pour doutor (docteur) et arroz (riz), sont
d’une autre époque304.
Parmi ces altérations anciennes et qui dénotent encore aujourd’hui une mauvaise maîtrise du
portugais par le locuteur, citons la conjonction maji, du portugais mas (mais).
Ex. 535. Ele diz que é tenente, maji makutu! (Dudu Peres - A.R.L.5 p.30)
Métathèse
La métathèse ne semble pas productive. Les métathèses que nous avons observées au titre de la
phonologie concernent en effet des phonèmes conjoints. La pression normative endigue la fixation
des formes altérées telles que celles que nous avons citées au chapitre précédent305. [desu], pour
Deus (Dieu), signalée par Shuschardt306, ne s’entend plus aujourd’hui.
Monophtongaison
La monophtongaison intervient dans la création lexicale, mais pas isolément. Elle accompagne
d’autres procédés dans la totalité des exemples que nous avons rencontrés. En effet, la
monophtongaison est d’abord un phénomène phonétique propre aux locuteurs les plus influencés
304
Relevé par Schuchardt (SHU1) en 1883 au Nord de Cabinda, ainsi que d’autres occurrences telles que mulhera,
favoro, liquoro, papelo, solo, pour mulher (femme), favor (faveur), papel (papier), sol (soleil).
305
Voir paragraphe 2.4.1.1.
306
SHU1.
136
par les langues africaines. Nous l’avons étudié en tant que tel au paragraphe 2.3.2 avec la question
des diphtongues. Nous signalons cependant deux vocables que nous étudions plus en détail plus
bas, l’un où la monophtongaison accompagne une dénasalisation, bessá, de benção (bénédiction), et
l’autre où elle s’associe à un changement de catégorie grammaticale, rena, de reino (royaume)307.
L’inversion de type verlan et les procédés
artificiels
Nous avons relevé ruca, iofé, et juté qui sont le résultat d’une inversion de syllabe (du type de celle
qu’on pratique en français sous le nom de verlan) à partir des mots carro (voiture), feio (laid) et tejo
(Tage), dont les formes d’origine coexistent avec le même sens, voiture, laid, et idiot. Nous n’avons
cependant pas d’occurrence pour les deux derniers qui sont simplement attestés par des
informateurs.
Ex. 536. Ya, como vês, Pinta, este é o meu novo ruca, vindo directamente da Bélgica...
(PICB p.12)
Ex. 537. E essa, como se nada estivesse a passar, continuava a marar (dum olho) os rucas
que passavam pela avenida. (Jot@14/03/97)
Un autre mot, latom, et son féminin latona, est aussi le produit d’une perturbation volontaire à partir
du mot mulato, dont on rejette la première consonne à la fin en supprimant la voyelle. Ce mot a
ensuite évolué en laton, sur lequel s’est formé le féminin latona308. Le sens de métis / métisse est
conservé. Comme dans le verlan français, une possibilité de jouer sur les suffixes est utilisée
puisqu’une forme latigue existe. Par un procédé voisin (suppresion de la première syllabe et ajout
d’un suffixe libre), le mot casaco, veste, devient zakulu. Nous restons ici, avec ces inversions, dans
un niveau de langue argotique.
Substitutions de sons
Une forme consacrée et largement utilisée par les écrivains pour angolaniser leurs dialogues est le
mot cuesa, encore écrit cuêsa, cueza, cwesa ou skweza, où la diphtongue ascendante [we] se
substitue à la diphtongue descendante [oj] du mot coisa (chose).309 Óscar Ribas fait de la forme
cuesa une entrée de son dictionnaire et donne pour définition « Forma popular de coisa »310.
Ex. 538. cueza que tu não podes saber! (VIEF p.190)
Ex. 539. Porque vamos falar. De várias skweza. Num só mambo. (Chicoadão J.A.96/03/06 p.6)
Ex. 540. pra quê então mais inxigir com cwesas feios ? (MALB p. 60) [curieusement
masculin ici]
Garina (fille, petite amie), dont il existe le masculin garino (garçon, copain), et qui s’emploie aussi
maintenant au Portugal, vient du portugais galinha (poule). Les formes prénasalisées ngarina et
ngarino s’entendent en Angola.
307
Paragraphe 3.2.1.12, b et f, infra.
308
Il pourrait également s’agir d’une influence de l’espagnol par la présence des Cubains en Angola qui a duré de 1975
à 1990. En effet, à partir de mulatón, augmentatif de mulato (métis), on obtient laton par aphérèse, de même que
latona à partir du féminin mulatona.
309
Nous en avons déjà parlé à propos de la diphtongue [oj], au chapitre précédent.
310
RIBK p.70.
137
Ex. 541. Garinas é o que há demais e são baratas! (PICB p.4)
Ex. 542. A garina com a cabeça de fora, inclinada. (RUIM p.13)
Utilisation du phonème bantu [ m b]
L’introduction du phonème bantu [mb] en opposition au phonème [b] a créé une possibilité de
différenciation qui donne forme et sens nouveaux à des vocables portugais311. Le premier est pris de
nouveau dans un niveau de langue familier avec mboa, du portugais boa (bonne), mais dans le sens
de fille, femme.
Ex. 543. aquela m’boa curte com outras garinas (Fernando Martins - C.S.2-40 p.7)
Ex. 544. Agora, se for mboa, mboa é já uma senhora. (Li36-15/114 )
Une évolution semblable mais plus ancienne s’observe sur mbôlo (pain), du portugais bolo (gâteau).
Ex. 545. não lhes deitar uma migalhita de mbôlo? (Chicoadão - J.A.96/03/06 p.6)
Autre mot à l’initiale mb-, impossible en portugais normatif, c’est à partir du portugais embora (ir
embora : s’en aller) que, non seulement par aphérèse, mais aussi par prénasalisation du [b], s’est
formé mbora, qui a perdu le sens premier et ne joue plus apparemment de fonction sémantique.
Ex. 546. Tamos mbora em período de transição. (Chicoadão - J.A.96/03/06 p.6)
Ex. 547. você ouve só e cala mbora a tua boca (Salas Neto - C.S.3-17 p.8)
Mbila312 et son autre forme mbilau (chemise) ne sont également employés qu’avec l’initiale prénasalisée.
Notre lexique contient une vingtaine d’autres vocables dont l’initiale est un [mb], pré-nasalisé.
Malgré cela, nous ne pensons pas qu’il soit judicieux de considérer d’ores et déjà qu’il se fixeront
tels quels. En effet, comme nous l’avons vu au cours de l’étude phonologique de la prénasalisation313, celle-ci est souvent le fait de locuteurs dont l’idiolecte est fortement bantuisé. Des
occurrences de ces vocables à un point du continuum plus lusitanisé nous sont nécessaires pour
conclure à une stabilité de la forme pré-nasalisée.
Evolutions complexes
Certaines autres évolutions font entrer en jeu plusieurs processus et rendent la plupart du temps
méconnaissables les mots portugais qui en sont à l’origine.
a) Aphérèse et autres altérations
Par aphérèse et substitution de sons, alheio est devenu leio, et désigne toujours ce qui est à autrui,
comme nom ou adjectif, avec cependant un emploi plus fréquent et plus large314 : alheio > aleio >
leio.
De façon identique, avec une pré-nasalisation en plus, bien que d’un usage beaucoup moins
fréquent, nguia, provient de agulha (aiguille) : agulha > gulha > ngulha > nguia. Par aphérèse et
syncope, anágua (jupon), a également donné naua : anágua > nágua > naua.
311
Ces remarques se recoupent avec les remarques faites au chapitre précédent dans le paragraphe 2.3.3.2.3.
312
Mbila a aussi le sens de « pierre tombale ».
313
Paragraphe 2.3.2.2.
314
Le sens de alheio s’est déjà élargi en Angola selon Óscar Ribas (RIBK p. 3) : il peut aussi exprimer l’affectivité (O
senhor alheio, le pauvre monsieur).
138
Ex. 548. ia vender um bilhete premiado num batujuca daqueles, conhecido e reconhecido
morando na casa leia da mulher do outro? (VIEH p.62)
Ex. 549. sentando na areia pescadores falam conversas deles, enquanto poem nguia nos
remendos (CARB p.82)
Ex. 550. Serenas no seu andar dolente, levavam consigo sob os panos alegres, nas suas
nauas e toalhas bordadas, os seus segredos íntimos gravados em melindre ou jinjiquita.
(SANB p.129)
En argot, combinée à la prénasalisation, l’aphérèse de abanar (éventer), a produit mbanar, qui a le
sens de donner une claque.
Ex. 551. Vou-te mbanar315.
Le mot très fréquent coche (peu), est aussi le résultat d’une aphérèse à partir de poucochinho, qui
désigne en portugais une très petite quantité. Un premier stade obtenu par aphérèse, cochinho
laissait supposer un radical coche, pour une moins petite quantité. A noter que s’est formé un
nouveau diminutif sur coche, koxitu.
Ex. 552. Espera só um koche, ya? (PICB p.17)
Ex. 553. É ao menos um coche de calma. (RUIM p.56 )
Ex. 554. Como então que agora se deixa toda uma cidade com um koxitu de gasolina por
causa de não sei o quê com os carros ? (Si104-25/213)
Jingonça (mouvement désordonné), qui provient de desengonçar (se contorsionner)316, peut être
aussi le résultat d’une aphérèse avec substitution de sons : [dze)g]>[Zi<g]. Le préfixe ji- du
kimbundu a également pu être appliqué à –ngonça, après la chute du préfixe des- de desengonçar.
Ex. 555. estamos sempre tramados e assim mais vale gingonça ... (Ame@30/04/97)
b) Apocope et autres altérations
- putu, puto317
Putu, ou Puto (avec ou sans majuscules dans les textes angolais), provient de Portugal ou português
et a subi une syncope (chute du [R]) et une apocope (chute de -gal ou -guês). Il désigne le Portugal,
mais aussi l’Europe dans un usage plus ancien. Sa fréquence est élevée.318
315
Exemple donné par un de nos informateurs, Lindo.
316
Une autre origine pourrait être donnée pour jingonça, et c’est le vocable geringonça, exprimant également une
certaine confusion, dans le langage, ou dans la réslisation de quelque chose, employé au Portugal comme au Brésil
(de l’espagnol jerigonza). Il se serait alors produit une syncope pour passer de geringonça à jingonça.
317
Malgré l’homonymie parfaite de cette deuxième forme, il semble qu’il n’y ait pas de rapport autre que la coïncidence
entre puto, Portugal, et puto, enfant en portugais du Portugal, puto ayant aussi au Brésil le sens d’homosexuel, de
voyou, ou signifiant furieux (fiquei puto, j’étais furieux), et encore argent (fiquei sem um puto, je me suis retrouvé
sans un sou). (HSSA et SRRA p. 79). Puttus, en latin vulgaire, désignait un petit garçon.
318
Dans diverses langues africaines, português et Portugal, ont connu des adaptations, soit par aphérèse (de type tugal)
ou plus fréquemment par apocope (de type portu). Willy Bal y a consacré deux pages dans « A propos des mots
d’origine portugaise en Afrique Noire » (BALA p.152-153). La forme la plus proche de putu se trouve en kintandu
(dialecte du kikongo parlé en République Démocratique du Congo), où Mpútu désigne l’Europe et kimputu la
langue, les usages, les manières des européens. Willy Bal conteste la thèse de l’origine africaine du vocable putu,
qui avait été défendue par M. D. W. Jeffreys.
139
Ex. 556. Vê lá se querem bazar no Putu antes do tempo (Na55-28/239)
Ex. 557. Talvez é por isso que está sair muita gente no Puto (ROCA p. 66)
Ex. 558. os sargentos que estão a sair do puto para combater os turras. (VANC p. 35)
Le mot était même employé par les militaires portugais eux-mêmes pendant la guerre coloniale.
- Ngala et nguvulu, par leur prénasale initiale peuvent passer pour des emprunts à une langue bantu.
Or, il faut chercher leur origine dans les mots garrafa (bouteille) et governador (gouverneur),
apocopés, prénasalisés, qui ont subi des substitutions de sons par assimilation de voyelles et la
confusion des phonèmes r et l : garrafa > ngalafa > ngala ; governador > nguvelenadolo >
nguvulunadolo > nguvulu. Nguvulu a aujourd’hui le sens de gouvernement, ou de dirigeant
politique.
Ex. 559. Os bolseiros ontem berraram : como é nguvulu, passa o kitadi ou não passa ?
(Na55-19/239 )
Ex. 560. Porque quanto aos outros, os nguvulos, isto já se sabe. (Estêvão Alberto - J.V.B.13 p.7)
- Manuel Rui Monteiro utilise l’apocope avec le redoublement lorsqu’il écrit coló-coló pour
colono319 (colon).
Ex. 561. Joaninha ouvira falar muito no tempo do coló-coló e antes do dito se retornar.
(RUIM p.45)
- L’apocope, enfin, peut même être associée à la paragogé, qui pourtant agit en sens contraire. C’est
ainsi que Kalashnikov devient kalaxi, qui désigne l’arme de guerre de fabrication soviétique
(apocope de –nikov et ajout de –i320).
Ex. 562. Tatatata! É kalaxi do Mukuaxi, camarada. (Eduardo F. Pimenta - L.&O.17-18
p.11)
c) Epenthèse et autres altérations
Si dans ngaieta (nom d’une danse), on entend encore gaita, harmonica, dans sapalalo (maison en
bois à deux étages), il est difficile de reconnaître sobrado, sorte de plancher ou entresol. Ngaieta
s’est formé par épenthèse321 et prénasalisation de la consonne initiale : gaita > ngaita > ngaieta.
Sapalalo est également le produit d’une épenthèse, pour résoudre le groupe consonantique -br-,
associée à diverses substitutions de sons, par assourdissement et confusion entre [r], [l] et [d]322, et
assimilation de voyelle pour expliquer le passage de o à a. On peut alors imaginer l’évolution
suivante : sobrado > sobarado > sopalalo > sapalalo323.
Ex. 563. Bumbos de dizanda e instrumentos de kazukuta e de ngaieta fazia-se ouvir em
volta do campo. (XITE p.43)
319
On peut aussi y voir la chute du –n- intervocalique puis la réduction de la diphtongue ainsi créée.
320
Voir infra (h) la formation de Ngúxi, manguxi et Mbaxi, à partir de Augusto, Agostinho et Sebastião qui se fait sur le
même modèle : apocope puis paragogé. On pourrait penser à une syncope faisant chuter le -n- dans Kalashnikov et
le -t- dans nos trois prénoms, mais l’exemple Augusto > Ngúxi prouve l’apocope possible après le son [S].
321
L’épenthèse résout ici le problème phonologique posé par la succession [jt], inconnu en kimbundu.
322
Caractéristique du système phonologique du kimbundu et de nombreuses langues africaines que nous avons présenté
plus haut au 2.3.3.4.
323
L’assourdissement b > p ne se produit pas systématiquement. Ainsi, en kimbundu, l’emprunt au portugais de
sobrado apparaît dans le dictionnaire de Atónio de Assis Júnior sous la forme sabalálu (ASSC p. 354).
140
Ex. 564. Euridice namorava da janela do sapalalo, os irmãos não deixavam o fuinha entrar
em casa. (PEPI p.170)
Ex. 565. E vi passar, levitando sobre uma corrente de lama e de lodo, o velho sapalalo de
Correia Balduino e muito me admirei porque seguia intacto, com o cristal das janelas
iluminado pela luz dos relâmpagos (AGUA p.14)
d) Dénasalisation et autres altérations
Pour aboutir à beça ou bessá et à capita, les mots portugais benção (bénédiction), et capitão324
(capitaine), ont tous deux subi une dénasalisation et une monophtongaison de leur syllabe finale et
un déplacement de l’accent tonique (qui n’est possible que dans beça325), mais en plus la première
syllabe de benção s’est également dénasalisée, toutes altérations commandées par la phonologie des
langues bantu d’Angola. Beça, ou bessá, signifie bonjour, et capita est le nom donné à un chef de
caravane, à un sous-ordre, à un auxiliaire de cipaye326, au temps colonial.
Ex. 566. Bessá, padrinho! (VIEB p.20)
Ex. 567. Saudou o engenheiro Castro como a escrava perante o soba : - Beça Ngana !
Muito bom dia, sô engenhero ! (Geraldo Bessa Victor - CESA p.546)
Ex. 568. Não é necessário - logo se apressou a recusar o capita. (FREA p.15 )
Ex. 569. as autoridades que mandavam na Munenga tinham dado as ordem nos kapita pra
o Povo todo fazer só as lavra de algodão. (VANB p.18)
e) Préfixation bantu et autres altérations
Le portugais colónia (colonie), qui est devenu otyikolonya en nyaneka327 au moyen du préfixe
nyaneka dépréciatif otyi pour désigner les colons de Madère dans la région de Lubango est ensuite
revenu au portugais pour désigner les descendants de ces colons, mais en ne retenant du préfixe que
les deux sons [Si]. L’aller et retour a également fait évoluer le [l] en [R] et le groupe [nj] en [¯]. On a
ainsi désigné par chicronha, chicoronha, ou chicronho les Angolais blancs de la région de Lubango.
Ex. 570. Esse mesmo, o chicoronha, reputado médico e deputado (Sebastião Coelho J.A.95/06/01 p.6)
Ex. 571. Que o Turito era assim: pele branca de marfim velho, de chicronho lubanguista
(VIEF p.21)
Des noms propres d’origine portugaise, se présentent également comme authentiquement africains
par l’adjonction du préfixe bantu accompagné d’autres altérations. Le toponyme Makulusu, nom
d’un quartier de Luanda328, provient par exemple du mot cruz, croix, qui, par épenthèse, puis par
épithèse (ajout du [u] final) et par passage de [R] à [l], devient kulusu, prenant ainsi l’allure d’un
substantif de la classe VIII en kimbundu (selon les classes de António de Assis Júnior) dont le
préfixe est ku au singulier et maku au pluriel, makulusu correspondant donc au portugais cruzes, et
le Bairro Makulusu n’est autre que le Bairro das Cruzes, à l’origine.
f) Monophtongaison et changement de catégorie
324
Une autre hypothèse est de trouver l’origine de capita dans capataz, contre-maître, la forme kapata existant dans
certains dialectes du kikongo, selon Willy Bal (BALA p. 47).
325
Une forme ancienne de benção est accentuée sur la première syllabe : bênção (HSSA).
326
Le cipaye est un soldat ou un policier natif, en Inde puis en Afrique.
327
Langue bantu de la région de Lubango, appartenant au même groupe que l’umbundu et parfois considérée comme un
dialecte de l’umbundu.
328
Cf. le titre d’une œuvre de Luandino Vieira, Nós, os do Makulusu.
141
Dans batata rena, qui désigne la pomme de terre, par opposition à la patate douce, rena vient du
portugais reino (royaume), par l’expression batata do Reino. En perdant sa diphtongue, Reino, nom
propre, est ainsi devenu un adjectif329.
Ex. 572. Alguns aguardavam pelo transporte para Porto-Amboim, de onde adquirem batata
doce, rena e fuba de bombô para comercializar (Agostinho Tchitata - J.A.95/04/03 p.13)
g) tuga et turra
Nous avons cité plus haut le mot putu résultant de Portugal par apocope et syncope. Une autre
évolution parallèle à partir du mot Portugal ou português s’est produite dont le résultat est tuga, par
aphérèse, apocope, et déplacement de l’accent tonique. On le rencontre aussi sous la forme portuga.
Dans l’hypothèse de la formation à partir de português, une substitution de son (e>a), rare mais
n’invalidant pas complètement l’hypothèse, se serait produite.
Ex. 573. Os tugas já falam, mas fomos nós que começámos. (Da26-15/65)
Un autre mot célèbre et essentiellement associé à la guerre coloniale est le mot turra, qui signifie
terroriste et résulte de l’évolution du mot portugais terrorista, dont il ne conserve que quatre sons
réorganisés. Turra a pu être une création du jargon des militaires portugais qui en étaient les
utilisateurs principaux et désignaient ainsi les nationalistes africains, ce qui constituait une véritable
accusation. Par conséquent, turra apparaît alors comme une réponse à tuga, dans sa forme, ce qui
permet de comprendre la présence du [u] dans turra, autrement difficilement explicable.
Voici quelques exemples de l’emploi dépréciatif du mot turra dont un en alternance avec le mot
tuga :
Ex. 574. Decidimos pôr fim às brincadeiras e, furiosos, gritaram que éramos turras
(VANA p.24)
Ex. 575. acusados de turras por tudo e nada (MDSA p.19.)
Ex. 576. podem surgir inimigos, turras ou tugas, índios digo eu (VIEG p.31)
h) Origines de certains noms propres
Quelques noms propres, des noms de personnes notamment, peuvent comme Dongala, Ngúxi,
Manguxi, Mbiri, Mbáxi, Nzebele, passer pour authentiquement africains. Ils sont cependant le
résultat d’une africanisation des noms portugais, et on y observe les mêmes évolutions que pour les
formes présentées dans les pages qui précèdent. Il est difficile de reconnaître dans nos exemples
Dom Garcia, Augusto, Agostinho, Beatriz, Sebastião, et Isabel. Lorsque les noms que nous citons
en exemple sont portés aujourd’hui, c’est qu’ils ont été empruntés à la langue africaine qui les avait
adaptés, le kikongo pour le premier et le kimbundu pour les autres. L’adaptation s’est faite selon les
mêmes procédés que pour les vocables vus plus haut.
De Dom Garcia à Dongala, on a d’abord la forme Ndó Ngálásya330, qui va ensuite s’apocoper
(chute de –sya) et où le ndó n’étant plus senti comme un titre, s’agglutinera à Ngala. La nasalisation
pourra porter à nouveau ensuite sur le « o » et non plus sur le « g » dans une prononciation plus
européenne.
329
Ce mot est sans doute un survivant de la langue du commerce de l’Afrique Centrale des siècles passés. Nous nous
appuyons sur cette observation de Willy Bal : "Un autre vocable attesté en swahili dans le sens de 'portugais' ou de
'Portugal' est particulièrement révélateur de l'influence portugaise en Afrique Centrale : c'est le type renu,
remontant au pg. Reino : 'portugais' se dit reno, mreno, mrenu (nom et adj.), kireno, kirenu (nom), -a kirenu (adj.) ;
le Portugal est désigné par Ureno, Urenu (< o Reino)." (BALA p. 154).
330
Telle que Willy Bal la donne, tirée du kintandu, dialecte du kikongo (BALA, p. 45), obtenue par dénasalisation de –
om, prénasalisation de g-, et épenthèse.
142
De Agostinho à Manguxi, il y a eu prothèse (M-), prénasalisation (g > ng), apocope (chute de –
tinho) et paragogé (-i).
De Augusto à Ngúxi, la formation est voisine : nous avons d’abord une aphérèse (au-), puis une
prénasalisation, (g > ng), une apocope (-to) et une paragogé (-i).
De Beatriz ([biαtRiS]) à Mbiri, il se produit une prénasalisation (B > Mb), deux syncopes (-a- et -t-)
et une apocope (-z). Les syncopes s’expliquent par l’inexistence du [α] et l’impossibilité du groupe
consonantique -tr-.en kimbundu, l’apocope par la syllabicité du kimbundu n’admettant pas de
consonne finale.
De Sebastião à Mbaxi, nous observons d’abord une aphérèse (Se-), puis une prénasalisation (b >
mb), une apocope (-tião), et la même paragogé que pour Ngúxi et Manguxi.
De Isabel à Nzebele, il se produit d’abord une aphérèse (i-), puis une prénasalisation ([z] > [<z]),
une assimilation par laquelle le -a- devient -e-, et une paragogé (-e).
Signifiants qui résultent de l’emprunt
Un phénomène ancien et dépassant
l’espace angolais
Certains emprunts ne sont pas ou plus des angolismes, comme nous le fait remarquer Carlos
Maciel :
Nós sabemos assim que, por força deste carácter triangular da nossa
cultura (África / Brasil / Portugal) ; palavras há, de origem africana, que são
comuns a somente dois ou três países africanos de expressão portuguesa, ou
ainda limitadas a uma só região.331
Certains angolismes en effet ne sont plus vraiment des angolismes à partir du moment où on leur
connaît un usage, soit au Brésil332, soit au Portugal, soit encore dans un autre pays africain
lusophone.
En usage ancien au Brésil et indubitablement venus d’Angola : bunda (fesses), cafuné (caresse
typique dans les cheveux), camundongo (rat), canjica (préparation culinaire), marimbondo (guêpe),
moleque (jeune garçon), quitanda (petit commerce), etc.333
En usage récent en Angola et venus récemment du Brésil : lanchonete (commerce où on vend des
sandwiches), boteco (bar, café), bufunfa (argent), fofoca (médisance, ragot), kenga (prostituée),
lorota (sornette), muamba (bénéfice d’une affaire).
Utilisé aujourd’hui au Portugal avec le même sens qu’en Angola, : bué (beaucoup), bazar (s’en
aller), kota (personne âgée), garina (jeune fille).
Le lexique typique angolais n’est plus si typique non plus à partir du moment où il comporte
quelques éléments communs avec le Mozambique : maximbombo (autocar), matabicho (petitdéjeuner), ou la Guinée-Bissau : candonga (transport collectif).
331
MCI1 p. 77.
332
« O « brasileirismo » continua indiscutivelmente a existir mas, termos com xingar, bunda, cubata, e sanzala, de
origem africana e correntemente utilizados no Brasil – mas também na África-, já definitivamente incorporados ao
português, não correspondem à noção de « particularidade das realizações da língua portuguesa na África ». MCI1
p. 78.
333
Voir la liste que nous en donnons au paragraphe 3.2.2.3.4.
143
De quelles langues proviennent les angolismes ?
Sur les 2172 entrées que compte le lexique que nous avons rassemblé par l’écoute et les lectures
d’énoncés angolais, nous avons identifié l’origine de 1615 de ces vocables. Ce travail qui est
annexé à notre étude est évidemment une étape et ce lexique peut-être largement enrichi par
l’exploitation de l’existant, beaucoup plus vaste, mais aussi parce que ce vocabulaire évolue assez
rapidement. Avec 75% d’origines déterminées dans ce premier stade, il est cependant significatif de
faire le point et d’en déduire quelques affirmations numériques sur le phénomène de l’emprunt dans
l’enrichissement de la langue portugaise d’Angola.
Voici nos chiffres :
Entrées de notre lexique
dont l’origine a été identifiée
empruntés au kimbundu
provenant du portugais
ayant des noms propres pour origine
empruntés à l’umbundu
empruntés aux langues bantu sans précision
provenant du Brésil
empruntés à l’anglais
à origine mixte : portugais et bantu
empruntés au kikongo
ayant d’autres origines
empruntés au cokwe
empruntés au français
empruntés au tupi
ayant un sigle pour origine
empruntés au nyaneka
Onomatopées
empruntés au créole cap-verdien
empruntés à l’italien
nombre
2172
1615
918
296
134
55
46
35
23
22
16
16
13
12
10
8
8
6
3
2
en %
100,00%
56,84%
18,33%
8,30%
3,41%
2,85%
2,17%
1,42%
1,36%
0,99%
0,99%
0,80%
0,74%
0,62%
0,50%
0,50%
0,37%
0,19%
0,12%
Tableau 15 : Origines des emprunts en nombre et en pourcentage
L’apport kimbundu
La première évidence est que c’est le kimbundu qui sert au portugais d’Angola de plus important
réservoir d’emprunts. Dans notre corpus oral, les locuteurs ont utilisés les mots suivants qui sont
des emprunts au kimbundu : bué, beaucoup, camundongo, métis, canjica, préparation culinaire,
dikulu, ancêtre, jinguba, arachide, kamba, ami, kambuta, de petite taille, kandengue, enfant, kibeba,
préparation culinaire, kíbua, chute, kínguila, change de devises au marché noir, kitadi, argent,
kixiluanda, préparation culinaire, kizaka, préparation culinaire, kizangue, mauvais sort, kizomba,
danse, kota, personne plus âgée, kumbu, argent, luando, natte, maka, discussion, malamba,
souffrances, mambo, sujet de discusion ou affaire, massambala, sorte de graminée, maximbombo,
autobus, moamba, préparation culinaire, muadié, homme, mufete, poisson séché, mulemba, sorte
d’arbre, mundele, blanc, muzongué, plat de poisson, nguvulu334, gouvernant, ngweta, blanc, quinar,
partir, et sabular, cancaner. Voici ces emprunts dans un contexte :
334
Nguvulu est un emprunt au kimbundu, mais un emprunt « de retour », puisqu’il provient d’un premier emprunt au
portugais du mot governo, ainsi que nous l’expliquons plus haut, au paragraphe 3.2.1.12 a).
144
Ex. 577. Se deram bué de kumbu ao Beto Barbosa é porque a maka não é dinheiro.
(Si104-23/213)
Ex. 578. isto é, o kaluanda, o camundongo gosta do seu mufetinho. (Xa42-13/133)
Ex. 579. preferem uma moamba, ou um feijão de óleo de palma com mufete, ou uma
canjica, não sei se sabe o que é canjica. (Ma32-17/99)
Ex. 580. Bem sério é que não tem dikulu. Dikulu mesmo está, mas essa aí de dar de
moralista, já acabou, é verdade. (Na55-4/239)
Ex. 581. Ah depois de assar cozinha mais ? É, cozinh=, com muamba de jinguba fica boa.
(Jo91/ Um90-6/198)
Ex. 582. mas esta de malambarista, meus kambas, já não dá (...), é verdade. (Na55-5/239)
Ex. 583. encontramos um macaco e um [mõsu] kambuta para agarrar o macaco então
Pe88-4/196)
Ex. 584. O kota tem a certeza que aqueles dois kandengues vão dar conta do m[ç]
cubico ? (Di151-29/235)
Ex. 585.
“Sabe o que isso ? - Eu não, nunca comi. – Pois. Isto é kibeba.” (Ma32-12/98)
Ex. 586. Cair, o que é cair em calão ? Uma kíbua, apanhei uma kíbua. (Li36-5/115)
Ex. 587. Comprei na kínguila. (La77-21/184)
Ex. 588. Os bolseiros ontem berraram : como é nguvulu, passa o kitadi ou não passa ?
(Na55-19/239)
Ex. 589. Por exemplo, é o muzongué, não é ? Kixiluanda é o muzongué ou [r]estos de
funge de peixe ou do muzongué. (Ma32-27/98)
Ex. 590. Funje com kizaka, com p[e]ixe seco. (Ge09-11/19)
Ex. 591. Com verdade falamos, avilo sem kizangue. (Na55-30/239)
Ex. 592. Qual é a parte que mais gosta, slow, kizomba, pop ? (Ch00-21/34)
Ex. 593. Então você me empresta um kumbu pá, quanto é que você tá a tirar aqui ?
(Lo108-4/242)
Ex. 594. E aquilo aí de luando o que é que é ? Ng135 : Aquilo luando ? (Ac134-11/245)
Ex. 595. Só mesmo a Muxima vai resolver essa maka que estamos com ela. (Si104-17/214)
Ex. 596. Supermercado, a gente que é para não saír muito fora, desce suas escadas, tem já o
mercado em baixo, é só comprar os mambo=. (Ng135-28/244)
Ex. 597. Os pássaros, uma velha de Calomboloca, os pássaros, o milheral, os campos de
milho, massambala (To46-1/160)
Ex. 598. Maximbombo também utilizamos, é uma linguagem ainda mais antiga, é uma
linguagem ainda mais antiga. (Jo35-9/109)
Ex. 599. Foi um muadié que foi muito rígido então, quando as pessoas soubessem então
falavam «Capalandanda tá chegar, Capalandanda, Capalandanda » (Al23-8/49)
Ex. 600. a mulemba, para nós angolanos, tem muito significado. (Da26-22/68)
Ex. 601. Se queremos falar dum branco assim (...) mundele tá malaiko (He24-11/57)
Ex. 602. também temos o braga. Braga também é branco, ngweta, branco. (He24-3/57)
Ex. 603. nós queremos quinar, queremos fugir, dávamos tótó, (...) cada um dava para a sua
tumba. (He24-6/59)
145
Ex. 604. Verdade é verdade, vamos be[r]ar e vamos sabular. (Na55-18/239)
Très curieusement, la très célèbre interjection typique, aiué, ne figure pas dans notre corpus oral.
Nous l’avons cependant très fréquemment entendue dans la bouche des Angolais, et elle est
abondamment utilisée dans la littérature et dans les chansons. Il s’agit là aussi d’un emprunt pur et
simple au kimbundu335. Aiué, et ses variantes aiuê, ai-ué, aiui, ai ué, traduisent un cri d’étonnement,
de lamentation ou d’extase. En voici quelques exemples en contexte :
Ex. 605. Aiuê! aiuê, meu homem! Aiuê! Lhe mataram, tenho a certeza. Aiuê, aiuê, vou
morrer! Vou morrer mesmo. Lhe mataram, eu sei. (VIEB p.143)
Ex. 606. Aiué Lulu ué, era bom filho mesmo (ROCE p.20)
Ex. 607. Morre quem disser aiué! (RIBF p.12)
Ex. 608. Ai ué ! Hoje foi dia feio para mim (...) (Maria Perpétua Candeias da Silva - CESA
p.719)
Ex. 609. aiui meu irmão cheio de banga ! (MDSA p.112)
Cependant, le plus curieux est que les vocables empruntés au kimbundu soient si peu nombreux
dans notre corpus oral, puisque nous en avons repéré 35, alors que, y compris ceux-ci, notre lexique
en compte 918, que nous n’allons pas tous citer ici, mais dont nous allons donner des exemples
significatifs ci-après.
Emprunts directs
L’emprunt s’est fait souvent de manière directe, c’est à dire en intégrant dans le portugais d’Angola
le mot kimbundu tel quel, avec son sens initial et en ne lui faisant subir qu’une légère adaptation
phonético-phonologique, bunda / mbunda (fesses), ou reflétant des variations existantes en divers
dialectes du kimbundu, kindele / tchindele (blanc). Ces mots, dont la forme empruntée est identique
ou très proche de la forme d’origine, se présentent donc dans la langue sous des formes variées et
dans les textes sous des formes parfois très variées orthographiquement, formes dont nous ne
donnons ici pas plus de trois. Nous en donnons ici deux séries, classées selon que ces formes
conservent ou non un préfixe de classe des langues bantu :
a) formes conservant un préfixe de classe :
cabaço, virginité ; cabiri, kabíri, chien, animal domestique, ou d’élevage ; diamba, liamba, riamba,
cannabis, haschisch ; dicanza, ricanza, dikanza, bâton strié qu’on frotte pour marquer le rythme
dans un orchestre. ; jimboa, gimboa, plante comestible ressemblant à l’épinard ; jindungo,
gindungo, petits piments très forts, sauce préparée avec eux ; jinguba, ginguba, arachide ; kamba,
camba, ami ; kambuta, cambuta, petit ; kandando, accolade (l’abraço portugais) ; kandengue,
candengue, petit enfant ; kiabo, quiabo, gombo (sorte de légume) ; kianda, quianda, sirène ; kíbua,
quíbua, chute ; kilumba, quilumba, jeune fille, femme. ; kimbanda, quimbanda, guérisseur, devin,
sorcier ; kindele, tchindele, blanc ; kissende, quissende, réprimande, reproche, refus, opposition ;
335
Bien que typiquement kimbundu, l’interjection aiué a donné lieu à diverses hypothèses quant à son origine et cette
question ne semble pas être résolue :
- Selon Óscar Ribas, aiué vient du kimbundu et est à rapprocher du verbe kuiuia, brûler, mais ces quatre sons incitent à
d’autres rapprochements :
- Salvato Trigo (TRIC p. 284-285) propose de suspecter une parenté avec l'interjection romaine "ave!" qui abonderait
dans le sens d'une pénétration romaine chez les Bantous ;
- en tupi, les salutations étaient : -Enecoêma, à quoi on répondait –Yaué, NEOA p.50 ;
- a-ywe signifie fou en umbundu, ALMA p.61.
146
mabanga, espèce de coquillage bivalve ; mabeco, espèce de chien sauvage (Lycaon) ; maboque,
espèce de fruit comestible à coque dure ; maka, dispute, discussion, problème ; mangonha,
paresse. ; mona, enfant ; monandengue, enfant ; muimbu, muimbo, chanson ; mukanda, mucanda,
lettre, message ; mundele, homme blanc ; muxima, coeur ; tuji, túji, merde, saleté. ; uanga, wanga,
maléfice, pratiques maléfiques, superstition, sorcellerie ; umbanda, science du sorcier, sagesse,
grand savoir, sorcellerie, magie, art de soigner336.
b) formes ne conservant pas de préfixe de classe :
bombó, bombô, manioc fermenté séché et grillé ; burututu, bulututo, plante médicinale indiquée
pour les maladies hépatiques ; dongo, ndongo, barque monoxyle. ; fuba, farine ; mbunda, bunda,
fesses ; pacaça, pacassa, buffle ; soba, chef traditionnel
Adaptation aux structures morphosyntaxiques
Une adaptation aux structures morphosyntaxiques du portugais est parfois nécessaire, étant donné
les différences entre les systèmes bantu et portugais.
a) Les verbes
C’est le cas pour les verbes qui, en kimbundu sont tous, à l’infinitif, préfixés par la syllabe ku-.
Nous constatons que, sans exception, ils entrent dans le groupe des verbes portugais en –ar. Seule
variante de ce deuxième degré de l’emprunt direct, ils ne perdent pas systématiquement le préfixe
ku-. Voici, pour les plus courants, des exemples de ces verbes, à l’infinitif, classés selon qu’ils
perdent ou non le préfixe ku- :
- bazar, partir, fuir, s’en aller, de kubaza, rompre ; bilar, lutter, de kubila ; bilukar, être changée,
transformée, de kubiluka ; chibar, boire, de kuxiba, sucer, absorber ; dondar, couler, de kundonda ;
fitucar, se révolter, s’énerver, de kufituka ; jangutar-se, manger, de kujanguta ; jijilar, forcer,
obliger, insister, de kujijila ; sabular, cancaner, de kusabula ; saquelar, deviner, de kusakela ;
sungar, tirer le maximum, de kusúnga ; sunguilar, se divertir à la veillée, de kusungila ; xaxatar,
caresser, palper, peloter, de kuxaxata ; ximbicar, ramer, godiller, de kuximbika ; xingar, insulter,
maudire, de kúxinga ; xinguilar, entrer en transe, invoquer les esprits, de kuxingila ; xixilar, vivre
difficilement, de kuxixila, durcir ; zuelar, parler, de kuzuéla.
- kuatar, attraper, courir après, de kukuata ; kudibotar, parler, raconter (péjoratif), de kúribota ;
kuxukulular, ou xuculular, lancer un regard dédaigneux., de kuxukulula.
Ces verbes adoptent donc toutes les règles morphosyntaxiques du portugais comme on peut
l’observer dans les exemples qui suivent, et nous n’avons aucun exemple où ils garderaient leur
morphologie bantu :
Ex. 610. Kudibotou tudo da minha vida toda, mentiras e verdades. (VANB p.40)
Ex. 611. para não seres kuatado. (BONA p.66)
Ex. 612. Dondaram, Dondaram, Dondaram/ (Bulu-Bulu-Bulu... Mdom-Mdom-Mdom...)
(XITFp.48)
Ex. 613. Combate aquecido, paus, aduelas, pedradas voando, mukuaxis fitucam. (CARA
p.66)
Ex. 614. Se deu com elas zuelando em kimbundo (CARA p.91)
Ex. 615. xuculula-lhe, mas não é raiva nem desprezo, tem uma escondida satisfação no
fundo desse revirar dos olhos bonitos (VIEC p.26)
336
Ce dernier mot emprunté au kimbundu, umbanda, a le même sens au Brésil. Une étymologie qui donnerait ce mot
comme le résultat d’une évolution de l’expression « união das bandas » (union des bandes), comme nous l’avons
lue sous la plume d’un ethnologue, est donc un simple jeu de mots.
147
Ex. 616. Refilam, kuxukululam bem de frente as quitandeiras (SANE p.86)
Ex. 617. as estórias que a mãe punha à noite, sunguilando (VIED p.77)
Ex. 618. só xinguilava, só dizia o que ele mandava. (VIEC p.129)
Ex. 619. Sange que continuava xaxatando os cabelos da amiga. (XITB p.108)
Ex. 620. Angola biluka, Angola mudou, assim teria falado a minha avô se neste momento
fosse viva. (Ana Faria - C.S.3-17 p.11)
Ex. 621. Miúdo vê o mais-velho sempre a vir, sunga mais um bocado e lhe faz a mesma
finta. (LEMA p.15)
Ex. 622. Ximbicarei na baia, onde se reflectem todas as luzes dos arranha-céus (SANB
p.165)
b) Les substantifs
L’adaptation des substantifs ne se fait pas aussi systématiquement et on constate plusieurs degrés et
plusieurs usages dans l’abandon de la marque du nombre en kimbundu, qui se fait par un préfixe
dans cette langue, vers la marque du nombre en portugais.
Ainsi le mot kota / kotas, qui a le sens d’ancien, ou de conseiller du soba, existe aussi sous la forme
dikota / makota, surtout lorsqu’il est empoyé dans un contexte de tradition.
Ex. 623. A indignação era visível no soba quando um dikota propôs que face à negação do
acusado este fosse levado à adivinhação. (FONA p.11)
Ex. 624. apresentei-me primeiramente aos macotas, a quem expus os motivos da minha
visita forçada. (Diário de Silva Porto - SORA p.46)
Ex. 625. São os makota deslocados que no-lo dizem. (Chicoadão - J.A.93/04/18 p.3)
Nous trouvons d’autres mots dont la forme grammaticale kimbundu d’origine susbsiste dans le texte
portugais. En voici quelques exemples :
− quifumbe, bandit de grands chemins, avec deux pluriels, quifumbes, emprunté au
singulier kimbundu revêtu de la marque du pluriel portugais et ifumbe, pluriel kimbundu
tel quel :
Ex. 626. Dondo é hoje apenas um sufocante morredouro de velhos, um lugar sem paradeiro
no mundo, onde apenas arribam multivagos, quifumbes, homens sem nomes, sem rosto nem
destinos. (AGUA p.17)
Ex. 627. Todas as fazendas que transportava foram roubadas por estes malditos ifumbe.
(ASSA p.115)
− ponda, giponda, ceinture en tissu du vêtement traditionnel féminin, où on observe le
même phénomène que précédemment :
Ex. 628. Mamã grande ajeitou a ponda e tornou a olhar para o miúdo. (BENA p.57)
Ex. 629. Tirou também as giponda, vestiu-se e apresentou-se na tesouraria (TROA p.62)
− disanga, sanga, pierre poreuse servant de filtre, grand pot de terre, cruche, alternance
entre un singulier kimbundu et un pluriel lusitanisé formé sur le radical kimbundu sanga,
dépourvu de son préfixe de classe :
Ex. 630. Velha Kaualende, numa madrugada levou a sua disanga às costas e dirigiu à fonte
de Kasadi. (XITE p. 93)
Ex. 631. Só os mais idosos se mantinham ainda de pé, bebericando das sangas repletas,
enquanto conversavam sobre isto e sobre aquilo. (FREA p.28)
148
− dilamba, malamba, malambas, souffrance, malheur, inquiétude, nostalgie, vocable pour
lequel, même si la forme malamba / malambas est la plus courante, subsistent le
singulier kimbundu dilamba et le pluriel sans la marque du pluriel portugais :
Ex. 632. Dilamba não era grande se Totonho se devolvesse. (SANE p.19)
Ex. 633. chorando com os que choram, dividindo de igual para igual as malamba, quer nas
fomes e nas doenças quer nas mortes (XITD p.99)
Ex. 634. quem com razão nas malambas / preferiu zagaiar (BONA p.39)
Ex. 635. Quando essa minha malamba me passou da cabeça, dei conta que afinal o som
que estava a tocar no « ampara » era um outro som do Rey Webba (Man@25/01/97 )
Globalement, l’emprunt des substantifs peut aussi bien se faire sur un pluriel que sur un singulier
kimbundu, en conservant ou non le préfixe bantu. Quand la marque du pluriel portugais avec –s
n’est pas utilisée, nous savons que ce phénomène n’a pas forcément de rapport avec le processus de
l’emprunt : il peut également être dû à des raisons phonético-phonologiques ou syntaxiques337.
Non-conservation du sens
La quasi-totalité des emprunts se fait avec conservation du sens du vocable emprunté. Les
néologismes issus du substrat dans leur forme et qui adoptent un sens nouveau dans le superstrat
sont rares. Nous pouvons citer kazucuta, et kínguila :
− Kazucuta est en kimbundu le nom d’une danse traditionnelle. Dans le portugais
d’Angola, ce mot a pris le sens de paresse, manque de sérieux, pour désigner un
véritable travers de la société angolaise des premières années de l’indépendance. Des
dérivés se sont formés sur ce vocable, kazucutice, et kazucuteiro.
− Kíngila, qui est le nom donné au marché noir des devises, puis au commerce non
contrôlé en général, vient du verbe kimbundu kukingila, qui signifie attendre.
Emprunts du kimbundu par le Brésil
Des emprunts de la langue portugaise au kimbundu existent dans le portugais du Brésil. Selon
Gladstone Chaves de Melo, les africanismes se chiffreraient à une centaine d’usage courant338 qui
sont les survivants d’une période d’emprunt sans doute assez intense. A partir des mots cités par
Gladstone Chaves de Melo, nous remarquons une majorité de termes issus du kimbundu, parmi
lesquels : milonga (sorte de musique), miçanga (perle de verre), mobica (esclave libéré), mucama
(nourrice), quilombo (village caché d’exclaves en fuite), quimbômbo (boisson de céréales
fermentées), quitanda (lieu de commerce), molambo (chiffon), cochilar (somnoler), moleque (jeune
garçon noir ou métis), maxixe (sorte de musique et de danse), samba (sorte de musique et de danse),
banzar (surprendre, être pensif), cafuné (caresse dans les cheveux), cacunda (bossu), dendê
(palmier à huile), caçamba (récipient), fubá (sorte de farine), maribondo (guêpe), marimba
(xylophone), birimbau (arc musical), mocambo (refuge d’esclaves dans la forêt), muxiba (viande
337
Nous renvoyons aux points correspondants à la chute du –s en fin de mot dans les chapitres concernés : paragraphe
2.4.2.3.2 et paragraphe 0.
338
« (...) se podem abater os muitos regionalismos, os termos esotéricos (vocabulário especial, de uso restrito), os
arcaísmos, e os termos históricos, como quilombo, por exemplo, o que fará com que não além de uma centena o
número de africanismos brasileiros, de uso geral. » MLOA p.151
149
maigre), quingombô (gombo, sorte de légume), quitute (nourriture raffinée), senzala (habitations
des esclaves), sungar (tirer), xingar (insulter).339
Or, le portugais d’Angola a aussi emprunté au portugais du Brésil et le fait encore, comme on le
verra plus loin340. Le portugais du Brésil se serait alors comporté comme un vecteur d’emprunt au
kimbundu permettant le retour en Angola de termes d’origine kimbundu lusitanisés au Brésil,
notamment pendant la période d’échanges intenses du 18ème siècle. C’est pourquoi il est difficile de
savoir aujourd’hui si les emprunts au kimbundu constatés aujourd’hui en Angola se sont tous
produits en territoire angolais.
Sur cette question, au sujet des néologismes de Luandino Vieira, voici ce que dit Michel Laban341 :
Il s’agit souvent d’influence du quimbundo : capanga, cochilar, cassula
(caçula au Brésil), moleque, quitanda, xingar, batuque, batucar, batucador,
batuqueiro, sungar ; mais pas toujours : alvinegro, aviado, azarado, azarar,
baticum, calcanho, cutucar, farrista, garimpar, gramado, papai, pau, pau-apique, requifife, roceiro, sobrado, turma, estória (de Guimarães Rosa).
Et il ajoute en remarque :
(...) en dehors de quelques exceptions signalées par l’auteur (capanga,
moleque, gramado, papai, turma, estória), il est bien difficile de définir
l’appartenance réelle de ces mots. En fait, il semble bien qu’ils soient devenus
communs à l’un et à l’autre pays. Après avoir été empruntés au quimbundo,
certains d’entre eux sont revenus en Angola chargés de nouvelles connotations
(ex. : capanga, moleque) ; d’autres n’ont apparemment jamais cessé d’exister en
Angola (cassula, xingar...) 342
Les autres langues bantu d’Angola
D’autres langues d’Angola que le kimbundu constituent le substrat de la langue portugaise
d’Angola. C’est cependant dans une proportion beaucoup moins grande que nous avons rencontré
des emprunts à ces autres langues dans l’ensemble de nos corpus. L’umbundu, le kikongo et le
cokwe, pour ce qui est des origines que nous avons pu identifier, correspondent respectivement à
55, 16 et 13 entrées dans notre lexique en annexe.
Nous allons en présenter successivement des exemples. Ensuite, nous présenterons d’autres
vocables ayant d’autres origines indistinctes par le fait que ces mots existent dans plusieurs langues
bantu ou que, la racine étant indiscutablement bantu, nous n’avons pas trouvé la langue avec
339
MLOA p.84, p.150-151. C’est nous qui avons traduit.
340
Voir le paragraphe 3.2.2.5.
341
LABA p. 127.
342
Voici la traduction des mots de Luandino Vieira dans les citations de Michel Laban : capanga (en Angola, aisselle,
au Brésil sorte de bourse qu’on porte en bandoulière ou à la ceinture), cassula (enfant le plus jeune dans une
famille, cadet), batuque, batucar, batucador, batuqueiro (tambour, jouer du tambour, joueur de tambour, idem),
alvinegro (qui est noir et blanc), aviado (employé d’un commerçant), azarado (malchanceux), azarar (porter
malheur), baticum (son de tambour), calcanho (pied), cutucar (toucher quelqu’un pour attirer son attention),
farrista (qui aime faire la fête), garimpar (travailler dans la recherche d’or ou de diamant), gramado (pelouse, sol
couvert d’herbe), papai (papa), pau (toute sorte d’objet en bois), pau-a-pique (technique de construction avec de la
terre et une trame de bois), requifife (décoration compliquée), roceiro (paysan), sobrado (maison à étage), turma
(groupe d’amis), estória (court récit populaire).
150
précision. Pour d’autres langues encore, un seul mot de notre lexique en provenant de façon sûre,
nous les avons regroupés avec cette dernière catégorie. Ils correspondent à 46 entrées dans notre
lexique.
Emprunts à l’umbundu
La plupart des emprunts à l’umbundu que nous avons relevés sont des emprunts anciens, assez
fréquents d’emploi et utilisés aussi en dehors de la zone umbundu. Leur nombre est toutefois
beaucoup moins important que le nombre d’emprunts au kimbundu. Les interactions ont toujours
été et sont encore beaucoup plus importantes entre le kimbundu et le portugais, en partie en raison
du rôle que joue Luanda et sa région dans ce phénomène. Voici donc un choix de vocables de la
langue portugaise d’Angola, avec leur signification, le mot umbundu qui en est à l’origine et un
exemple tirés de nos corpus :
- anhara, plaine, grande étendue sans arbres, de l’umbundu enhala
Ex. 636. ecoou através das anharas o berro feroz / dos servos do imperialismo (MANA
p.27)
- bândua, Instrument de divination, de l’umbundu ombândua
Ex. 637. Vou ainda ver na bândua. (RIBE p.59)
- bikuata meubles, objets de la maison, de l’umbundu ovikwata
Ex. 638. mandei-lhe arrumar as bikuatas e regressar à casa da mãe Vieira (Manuel Kumbi C.S.3-17 p.22)
- bissapa, arbuste, de l’umbundu ovisapa
Ex. 639. os muceques cobrem-se de capim sadio e de viçosas bissapas (VIDA p.117)
- bitacaia, puce pénétrante qui se loge sous la peau des pieds, de l’umbundu ovitakaya
Ex. 640. Ainda mais com esses pés tortos cheios de bitacaias... (ANDC p.99)
- cafeco, jeune fille vierge, de l’umbundu ufeko ou son diminutif ukofeko
Ex. 641. Tinha também o alferes que gostava mulher criança, cafeco sem nada no peito.
(ANDC p.54)
- cambriquite, couverture de coton, de l’umbundu kambilikiti
Ex. 642. Compravam chapéus, casacos, sobretudos e cambriquites por causa do frio do
Planalto, missangas e pulseiras. (PEPI p.83)
- camundongo, habitant de Luanda, personne née dans l’ancienne région du Ndongo, habitant du
Nord de l’Angola., de oka, préfixe dépréciatif, mu, dans, et Ndongo, région qui va de Malanje à
Luanda
Ex. 643. constatamos ser designado por camundongo todo o nortenho que se exprima em
puro ambaca (Raul David - L.&O.34-39 p.4)
- capitia, interprète, de l’umbundu okapitia
Ex. 644. Catanha fez-se anunciar ao capitia e, depois de recebido, expôs o seu problema.
(DAVB p.86)
- chipipa, arbuste aux graines munie d’une étoupe blanche qui les rend transportables par le vent,
étoupe blanche provenant de cet arbuste
Ex. 645. joguei os primeiros desafios de futebol com bola de meia recheada de chipipa.
(s.n. - J.A.95/05/21 p.II)
- chissângua, boisson fermentée à base de maïs, de l’umbundu oxisângua
151
Ex. 646. O barbeiro olhava as arvores do quintal, sorvendo a agua de coco misturada com
chissângua de milho, invenção de Ermelinda. (PEPI p.60, 12)
- chitaca, ferme, plantation, de l’umbundu oxitaka
Ex. 647. Os vimbali perderam a voz grossa, não arreganham, viraram capataz de chitaca e
pescaria. (PEPI p.99)
- damba, terrain relativement bas, combe, dune, lit d’un cours d’eau à sec, de l’umbundu ondamba
Ex. 648. Invejo um pouco a aventura que presumo tenha sido a surpresa lenta da sucessão
destes morros, destas planícies e dambas. (DUAB p.24)
- embala, résidence d’un chef africain, dans le Sud de l’Angola, de l’umbundu ombala
Ex. 649. Tem de chegar hoje na embala do Huambo. (PEPI p.54)
- fuka, dette, de l’umbundu ofuka
Ex. 650. E mais, os sacanas morreram e comeram adiantados e quem vai pagar-me os fucas
(dívidas), que prejuízo?! (XITFp.63)
- jango, django, ndjango, construction en pisé, circulaire, avec un mur à mi-hauteur, pour prendre
des repas et se réunir, de l’umbundu njango
Ex. 651. O jango, velho monstro ferido, balouçava perigosamente nos suportes carcomidos
pelo salalé. (FREA p.131)
- javite, hache, de l’umbundu onjaviti
Ex. 652. No orla distante passam agora, cabisbaixos, silenciosos, em fila comprida, os
homens de javite. (Norberto Gonzaga - CESA p.757)
- kimbo, quimbo, Village, de l’umbundu ko, dans et imba, village,
Ex. 653. Nós aqui no kimbo estamos todos bem. (PEPA p.11)
- kwacha, kuacha, soldat de l’UNITA, partisan de l’UNITA, de l’umbundu kwacha qui signifie « le
soleil s’est levé »
Ex. 654. O agente da CIA, o voluntário da Paz, o kwacha, tudo isso são leopardos. (ANDH
p.79)
- mutiati, mutiáti, espèce d’arbres, de l’umbundu mutiati
Ex. 655. Eram paus mais fracos, de mutiati, pois serviam apenas para impedir o gado de
entrar no sítio reservado às pessoas. (PEPI p.203)
- naca, naka, petit jardin potager au bord d’un cours d’eau pour cultiver par temps sec, de
l’umbundu onaka
Ex. 656. Mas desde Junho que as mulheres trabalham as nacas (s. n. J.3 p.12)
- ngunga, buffle, de l’umbundu ongunga
Ex. 657. No Kamissengo pode-se caçar à vontade, ha caça grossa, lá há mais ngunga.
(WENA p.33)
- olombongo, ononbongo, mbongo, argent, de l’umbundu olombongo
Ex. 658. tinha que aparecer ononbongo, muito ononbongo (Maria Fernanda Reis L.&O.34-39 p.32)
- onganda, village fixe des peuples pasteurs du Sud de l’Angola, de l’umbundu onganda
Ex. 659. A onganda de Vilonda já está fora do território cuvale. (PEPI p.176)
152
- seripipi, siripipi, xiripipi, petit oiseau
Ex. 660. E apanhavam catuituis, viúvas, seripipis que o Chiquito da Mulemba ia vender no
Palácio numa gaiola de bimba. (SASA p.46)
- tala, bras de rivière, de l’umbundu atala
Ex. 661. Secam as cacimbas, as talas, o capim / só não secam as lágrimas. (Albano Neves e
Sousa - J.A.95/05/21 p.I, 12)
- xingufu, chingufo, xingufo, gingufe, jingufe, instrument en bois de forme trapézoidale sur lequel on
frappe comme sur un tambour, ou avec des bâtons recouverts de caoutchouc, de l’umbundu
oxingufu
Ex. 662. formavam grande roda e começaram uma dança, ao som de jingufes, que se
assemelhavam à quadrilha (COSA p.75)
- xipala, visage, de l’umbundu ochipala
Ex. 663. Levava sempre muita chapada na xipala como dizia aquele nosso tenete de Nova
Lisboa, e de cada vez lhe saíam pior os movimentos. (CADD p.25)
Emprunts au Kikongo
Si le kikongo a beaucoup emprunté au portugais au début des contacts et contient encore
aujourd’hui un vocabulaire d’origine portugaise important, il a au contraire peu donné et en tout cas
il ne subsiste aujourd’hui qu’un nombre relativement réduit d’emprunts au kikongo dans la langue
portugaise d’Angola. Grande langue des peuples bakongo, le kikongo a eu beaucoup moins
d’interaction que le kimbundu avec la langue portugaise depuis le 17ème siècle. Elle n’est pas, de
plus, une langue dont la zone géographique est entièrement contenue dans le territoire angolais
comme le kimbundu et l’umbundu, et c’est au contraire une partie minime de la zone où elle est
parlée qui est contenue en Angola, conditions qui ont éloigné ces peuples de contacts étroits avec la
langue portugaise. Très peu d’Angolais dont le kikongo est la langue d’origine l’ont d’ailleurs
oublié au profit du portugais comme c’est le cas des Mbundu habitants de Luanda. C’est au
contraire au profit du lingala343 que se fait ce changement de langue, langue qui les rapproche
davantage de la zone correspondant à l’ancien royaume du Kongo qu’à l’Angola. Nous donnons ici
les principaux emprunts au kikongo présents dans notre corpus :
- buala, bwala, village, du kikongo buala
Ex. 664. Olha Protestos : louco, maluco, paranóico, vai lá fazer a tua guerra pr’outra
buala... (Ana Faria - C.S.3-18 p.11)
- fimpar, examiner, du kikongo fimpa
343
Le lingala, aussi appelé bangala, est la langue du fleuve (mongala signifie « cours d’eau » en lingala). Il provient
certainement du boloki, langue des Mangala du confluent de l’Oubangui et du Congo, peuple aujourd’hui disparu.
Son caractère particulier est de ne pouvoir être rattaché à une ethnie, de même que le sango pour la République
Centrafricaine. Son lexique comporte des éléments bobangi, mongo, kongo, swahili, français, portugais et wes kos
(pidgin english). Il est parlé dans la vallée moyenne du Congo, à partir du Pool, celles de l’Oubangui et de la
Sangha, où il est en concurrence avec le sango. Il a plusieurs millions de locuteurs et prend actuellement le pas sur
le kikongo chez les Bakongo. Il est utilisé par les paroliers de chansons et est ainsi diffusé sur toute l’Afrique et
même en Europe. Il est, comme le sango, une langue créole de base africaine.
153
Ex. 665. Vamos fimpar a nossa filha. FONA p.28; Então o dia de fimpar é um e o dia de
dar resposta é outro? (FONA p.28)
- malembe, malembe-malembe, doucement, du kikongo malembe
Ex. 666. Nele se mergulha malembe, no ouvido o som de vento na sumaúma escutando,
que é a pronúncia do português que perdeu os picos dos rr. (SANB p.170)
- oyé, salutation, expression de joie collective, interjection typique des membres du FNLA
Ex. 667. Petroleo oyé! (PEPD p.18)
- salo, salu, travail, lieu de travail, du kikongo salu ; et salar, travailler, dérivé de salu
Ex. 668. Acelerou o ruca e comeu, em menos de cinco minutos, os quatro quarteirões que o
separavam do salo da esposa; à porta do qual estacionou. (Fernando Martins - C.S.4-31 p.5)
- sofo, onagre, âne sauvage, du kikongo sofi
Ex. 669. Apanhei um pequeno sofo com uma armadilha. (GUEC p.56)
- sompar, se marier selon la coutume, du kikongo sompa
Ex. 670. avó, acho que já estou na idade de sompar, por isso, me arranja uma moça aí no
povo. (FONA p.26)
Emprunts au cokwe
Directement emprunté au cokwe, nous ne donnons que quatre exemples qui témoignent aussi bien
de la faiblesse de cet apport que de la réalité des liens. Le seul exemple de kanuko (enfant), et son
féminin lusitanisé kanuka (jeune fille) étonnamment courant dans la langue portugaise d’Angola
d’aujourd’hui, suffit à prouver cette réalité.
- cachipembe, catchipembe, eau de vie, boisson alcoolisée de l’Est de l’Angola, généralement à
base de céréales ou de patate douce
Ex. 671. Saparalo falava pelos cotovelos, animado por goles de cachipembe que ia
sorvendo, aos poucos, de uma cabaça que levava escondida no capote (DAVB p.20)
- kanaua, bon, bien
Ex. 672. Tás kanaua? (<Lin)
- kanuko, jeune homme, enfant, et kanuka, jeune fille
Ex. 673. Manuel Dionísio é um dos putos que tem feito os canucos vibrar ao som da
música infantil angolana. (Domingos Francisco - J.A.91/01/12 p.2)
Ex. 674. Não, kanuka é uma mulher dum nível mais pequeno, por exemplo das dezoito
para baixo. (Jo35-13/114)
Ex. 675. O kota já viu bem o que é eu numa suite com os meus kanuko= no futuro.
(Ng135-7/244)
- lucano, bracelet
Ex. 676. Compôs, sem querer, soerguendo-se, o corpo, afagando as suas malungas de cobre
e o seu lucano de veias e nervos humanos. (Norberto Gonzaga - CESA p.758)
Autres langues bantu
Les langues bantu ayant la même origine et ayant aussi largement échangé entre elles, il est naturel
qu’on ne puisse pas toujours distinguer d’où provient tel ou tel mot, d’autant plus qu’il subit le plus
souvent en s’intégrant au portugais une altération. Nous allons citer les vocables présents
significativement dans nos corpus et dont l’origine bantu n’est donc pas classable avec certitude
154
dans les quatre langues passées précédemment en revue, à savoir le kimbundu, l’umbundu, le
kikongo et le cokwe.
Il n’y a pas de raison d’attribuer au kimbundu ou même à une autre langue en particulier les mots
suivants, présents dans plusieurs langues et faisant peut-être partie d’une culture commune :
- arimo, arimbo, arrimo, propriété agricole, champ cultivé, ferme
Ex. 677. A concretização do negócio incluia a preparação de novas terras para arimos com
as máquinas do ocupante e a abertura, inclusivamente, de cacimbas para o gado. (DUAB
p.23)
- kilama, personne habile, rare, respectée, homme riche
Ex. 678. Era um kilama. Tinha muitos bois e lavras de comida onde as pessoas iam semear
feijão (VANC p.31)
- libata, dibata, Village
Ex. 679. Quando chegámos à libata, era quase noite. (Hipólito Raposo - CESA p.593)
- nganga ou onganga, celui qui exerce le culte de la sorcellerie maléfique
Ex. 680. Os quiôcos vão beber o seu marufo na cabeça do soba e queimar vivo o Djalala,
como fazem os gangas. (SORF p.158)
- kalunga, mer, éternité, Dieu, titre de respect
Ex. 681. E o mar aparecera de repente. - Kalunga! (BOBB p.66)
Ex. 682. Ainda hoje as lágrimas lhe aparecem nos olhos quando lembra os dois filhos que a
peste levou. Ah!, a peste. Kalunga! (ROCA p.28-29)
Ex. 683. Morreram no mar por vontade de kalunga. (Lidio Marques da Cunha – A.6 p.88)
- oma-kisi, muquixe, monstre mythique du sud de l’Angola, mangeur de personnes
Ex. 684. Aqui é preciso dizer que o Quebera tem dentes de vampiro. - De oma-kisi, como
nas historias ai do povo. (PEPI p.62)
- cambulador, agent d’un commerçant, de plusieurs verbes kikongo et kimbundu correspondent par
la forme et par les sens, -kombola, -kombula
Ex. 685. Mas o mais interessante ao chegar as caravanas era o trabalho dos cambuladores.
(PEPI p.28)
- cangonha, tabac à forte odeur, chanvre, terme existant en kimbundu et en ganguela
Ex. 686. 3ª classe tem bancos de madeira e o cheiro traquino da cangonha. (CARA p.25)
- mujimbo, mujimbu, rumeur, faux-bruit, nouvelle, existe en kimbundu, en luena, en cokwe dans le
sens de récit
Ex. 687. Os mujimbos eram cada vez mais alarmistas (PEPI p.46)
- goma, ngoma, tambour de forme allongée, kimbundu ngoma et umbundu ongoma
Ex. 688. ela ecoava como um ngoma de guerra e dentro de si os pensamentos fervilhavam
de intenções quissondes. (SANB p.160)
Voici enfin trois vocables dont un surtout est très connu, missanga, mais qui permettent de citer des
langues qui ont eu avec le portugais des contacts dont effectivement peu de traces subistent dans la
langue portugaise d’Angola d’aujourd’hui.
- epumumu, epumuno, Grand oiseau, connu aussi sous le nom de Pavão do Mato (Paon de la
Savane) dont le chant est un mauvais augure, du kwanyama
155
Ex. 689. outros sons de passaros cumpriam a sua sagrada missão nocturna, salientando o
epumumu, que dizia: Ngum-ngum... hum-hum-hum, ngum-ngum... hum-hum-hum...
(XITFp.123, 3)
- mbulumbumba, bulumbumba, arc musical, berimbau, du nyaneka
Ex. 690. Há marimbas, mbulumbumbas / pulseiras de bronze trabalhadas. (ANDE p.25)
- missangas, missanga, petites perles, de l’iwoyo344 nsanga
Ex. 691. Juntamos cada um uma cabeça de boi e umas missangas daquelas que elas usam
nas pernas. (Timóteo Ulika - C.S.3-05 p.22)
Mots venant du portugais du Brésil
Mots tupi
Les mots tupi entrés dans le portugais du Brésil sont très nombreux. Ces emprunts du portugais au
tupi et aux langues indiennes en général se sont surtout faits dans les domaines de la flore et de la
faune, pour désigner des réalités inconnues de européens. Ces mots ont ensuite voyagé, notamment
avec les produits tirés des végétaux, tels que le manioc. Les nombreux échanges entre le Brésil et
l’Angola dans le sens Brésil-Angola ont donc permis la présence dans le portugais d’Angola de
mots d’origine tupi, particulièrement des termes qui désignent les plantes et les animaux.
C’est le cas des vocables suivants : capim (herbe), crueira (noix de coco séchée), mandioca
(manioc), gajaja, ou cajaja, (fruit connu sous le nom de caja au Brésil), pitanga (sorte de fruit), et
surucucu (espèce de serpent venimeux).
Mots d’origine incertaine
Les emprunts au portugais du Brésil ne concernent pas que des mots d’origine tupi. Voici, suivis
d’exemples, des vocables qui ont pris vie au Brésil et que nous avons retrouvés dans des textes
angolais : capengar (boîter), farra (fête), et ses dérivés farrar (faire la fête), et farrista (noceur),
garapa (boisson fermentée à base de maïs), quipoque (préparation culinaire à base de haricot), xará
(personne qui porte le même nom qu’une autre).
Ex. 692. Um rapaz moreno e estranho, capengando de uma das pernas, estava-me
chamando. (Ernesto Lara Filho - C.S.3-40 p.6)
Ex. 693. Mantinha-se aquele velho hábito da farra. (RUIL p.32)
Ex. 694. Comer, como; beber, bebo; farrar, farro - o resto é quê então? (VIEH p.149)
Ex. 695. olhar farrista do mulato a rir (GUEA p.14)
Ex. 696. Denuncia hospitalidade, conversa alegre, goles de garapa, as trocas de liamba...
(Norberto Gonzaga - CESA p.757)
Ex. 697. O quipoque, como se diz regionalmente, fazia-se acompanhar de bons acessórios.
(RIBE p.50)
Ex. 698. Ele próprio, que (...) me chamou xará : Xará ! Estou aqui, xará. (Be78-11/186)
Apport récent
Plus récemment, à la faveur principalement des telenovelas, le Brésil continue de donner à l’Angola
un vocabulaire qui lui était propre. Nous avons ainsi relevé :
− bate-papo, conversation,
344
L’iwoyo est la langue de Cabinda communément appelée fiote.
156
Ex. 699. Concedeu-nos a grande distinção duma « jangada » (bate-papo no JANGO) sobra
a atual crise da esquerda. (s.n. J.3 p.4)
− cadê, adverbe interrogatif de lieu
Ex. 700. Cadê a Combi, o Land-rover... (Luís de tark - C.S.3-08 p.9 )
− charqueação, préparation de la viande à conserver par salage et séchage
Ex. 701. outras pequenas indústrias como a da charqueação (CASA p.14)
− cutucar345, taquiner, agacer par des gestes, chatouiller
Ex. 702. cotucando e sussurando-me. (VIEG p.62)
− fofoca, médisance
Ex. 703. Enfim muitos kotas do antigamente, que entre conversa amena e « fofoca »
simplesmente conviveram. (s.n. - C.S2-11 p.21 )
− lanchonete, établissements commerciaux où sont servis des repas légers
Ex. 704. parei na lanchonete fazendo alarde e banga (O.B. - C.S.2-11 p.8)
− muamba, bénéfice d’une affaire
− muambeiro, traficant
Ex. 705. me disseram numa roda de moambeiros (Francisco Pulitano - J.A.95/07/23 p.9)
Emprunts au portugais européen non normatif
Portugais régional et populaire
Certains mots du portugais populaire régional sont passés directement dans le portugais d’Angola
en y subissant ou non des altérations. Nous avons déjà cité panquê au paragraphe sur l’apocope346,
qui provient du portugais populaire panqueca. Par dérivation le verbe pancar, avec le sens de
manger, s’est formé sur panquê.
Il convient également de faire une place particulière à mata-bicho, ou matabicho (petit-déjeuner, ou
pourboire), et au verbe matabichar, qui signifie prendre le petit déjeuner. Matabicho vient du
portugais mata-bicho, de matar o bicho (tuer le ver)347, c’est-à-dire tuer le ver de la faim. Manuel de
Paiva Boléo signale que mata-bicho signifie petit déjeuner dans un portugais populaire régional et
qu’il peut aussi avoir le sens de rémunération au Portugal. Il donne cette définition pour le portugais
européen :
(...) a significação mais espalhada é a de ‘um cálice de bebida alcoólica,
geralmente aguardente, que se toma em jejum’, acompanhado ou não de algum
alimento; mas aparece também com o sentido de ‘gratificação'’. 348
345
Selon HSSA, l’origine de cutucar est controversée. Il cite Antenor Nascentes qui le fait dériver du verbe tupi ku’tug
signifiant blesser, piquer. En kimbundu, le verbe kutuka existe, avec le sens de s’envoler, parcourir, faire des
bonds.
346
paragraphe 3.2.1.2.
347
L'expression "tuer le ver" s'emploie en France avec le sens de consommer quelque chose en se
réveillant, et connaît des équivalents dans d'autres langues.
348
BOEA p.286.
157
Mais c’est surtout dans l’Afrique francophone que ce dernier sens a fait fortune sous la forme de
matabiche, autre façon de désigner le backchich (somme d’argent pour récompenser ou corrompre).
Amílcar de Mascarenhas écrit en 1947 :
En toda a Angola, usamos mata-bicho e matabichar com as mesmas
significações que têm em Lourenço Marques. (...) Fui encontrar o
portuguesíssimo mata-bicho, afrancesado em mata-biche e vulgarizado entre
europeus e indígenas, no Congo Belga e em colónias da África ocidental
Francesa.349
Il existe une bibliographie sur ce mot par Manuel de Paiva Boléo350. Il en a observé l’usage au
Mozambique et en Angola en 1958. Willy Bal y a également consacré 11 pages351.
Voici quelques exemples de notre corpus avec matabicho et matabichar :
Ex. 706. Acordava com o Sol e, com Chivuala, preparava o mata-bicho: geralmente era
batata-doce ou mel. (PEPA p.55)
Ex. 707. Certa manhã, Osvaldo, após o matabicho, pede um copo de água. (RIBE p.187)
Ex. 708. « Matabicharemos » no Kaiombo, - disse Kambole que conhecia melhor o
caminho. (WENA p.28)
Sans connaître une telle fortune, d’autres mots que panquê et matabicho proviennent du portugais
régional ou populaire. Nous citons ceux que nous avons relevés dans notre corpus en donnant leur
sens et un exemple :
− bondar, en finir, de bonda, ça suffit
Ex. 709. Aiwé, se eu fosse feiticeiro ... lançaria um kizangu bem forte ... um kizangu para
bondar todos os Angolanos. (Jot@14/02/97)
− estrilho352, problème, de estrilhar, faire scandale
Ex. 710. arranjei um estrilho com os três quinhentos (Vla@03/03/97)
− tabefo, coup, gifle, de tabefe, même sens
Ex. 711. A custo foi descoberta e levantada da cama quase que a tabefos. (XITF p.85)
− xunga, chunga, vulgaire, même forme, même sens en portugais populaire
Ex. 712. as contas do amor salariado, na escola da vida xunga (VIEH p.337)
Portugais classique
On aurait pu s’attendre à trouver dans le portugais d’Angola des archaïsmes si l’on en croit Carlos
Maciel :
349
A propósito de "matabicho" e "matabichar". in: Revista de Portugal, vol XI, n°53, Março de 1947, p.116.
350
In Revista Portuguesa de Filologia, vol XII, 1962-63, p.593-594.
351
In Matabiche et dasch, Separ. de Ngonge. Carnets d'histoire et de littérature (Léopoldville), n°11, 1° trim. de 1962.
352
Estrilho paraît être une création angolaise, dans la mesure où seulement estrilhar est donné par le Dicionário do
Calão d’Edurado Nobre (NOBA p. 71) avec le sens de « faire scandale ». Le verbe estrilar existe en portugais pour
« produire un bruit strident » et au Brésil aussi. HSSA donne aussi estrilo pour désigner ce bruit. Et indique
comme régionalisme estrilo dans le sens que nous donnons pour estrilho.
158
O princípio muito conhecido dos filólogos, e segundo o qual toda língua
transplantada tem características arcaizantes, aplica-se sem dúvida nenhuma ao
português ; o fenómeno é conhecido no Brasil (e com frequência – e razão !dizem os portugueses que, para ler Camões, é melhor pedir a um brasileiro que o
faça) e a realidade africana não é isenta de arcaísmos.353
Or, en ce qui concerne le lexique, il ne semble pas que ce principe s’applique à la langue portugaise
d’Angola. Signalons simplement les éléments du lexique archaïque que Michel Laban a isolé de
l’œuvre de Luandina Vieira : fermoso (beau), mui (beaucoup), falar (=dizer) (dire), mor de (pour
maior, plus grand), piqueno (petit), mininu (garçon)354.
Emprunts au créole du Cap-Vert
Nous n’avons relevé qu’un seul vocable dont nous attribuons l’origine au créole cap-verdien, encore
est-il argotique et sert-il à désigner les Cap-verdiens eux-mêmes. C’est le mot budjurra,
vraisemblablement de badiu, mot dont les cap-verdiens se servent péjorativement pour désigner les
moins cultivés d’entre eux.
Ex. 713. Sim, o catanhó, mas agora já é o budjurra, o guigui, é o guigui já… (Da26-13/66)
Emprunts au français
On aurait pu s’attendre, avec la proximité de deux pays francophones, les deux Congo, dans
lesquels ont vécu un très grand nombre d’Angolais, qu’un vocabulaire angolais d’origine française
émaille la langue portugaise d’Angola. Or, les mots d’origine française ne sont pas nombreux et
pratiquement limités au domaine de la guerre et de la politique. Voici donc ceux que nous avons
relevés, encore que les quatre premiers sont attestés au Brésil et au Portugal et que rien ne nous
prouve que leur emploi en Angola vienne d’une influence française directe :
− bidon, bidon, bouteille en plastique
Ex. 714. com pessoas carregando bidons à cabeça (Silva Lopes - J.A.95/04/03 p.15)
Ex. 715. Espero apenas que alguém da Sonangol toda poderosa tenha o bom senso de por
bué de bidons no seu carro e andar de bomba em bomba a vender gasolina. (Si104-3/214)
− bureau, bureau
Ex. 716. Introduziram-me no bureau. (PEPJ p.217)
− complô, complot
Ex. 717. E ela aprestou ao complô (PEPJ p.203)
− fantoche, ennemi à la solde de l’impérialisme
Ex. 718. Eles ajudam-nos muito a recuperar o material abandonado pelos fantoches na
mata. (s.n. - N.R.A.2/12 p.25)
− gafe, erreur, de gaffe
Ex. 719. Mas como as pessoas que vulgarizam esses termos, normalmente têm um baixo
nível académico e de conhecimento da Língua de Camões acabamos todos aplicando gafes
um pouco por todo o lado. (Jan@13/03/97)
− grifar, porter des vêtements de marque, de griffe
353
MCI1 p. 78.
354
LABA p.127.
159
− maquis, maqui, maquis, guerrilha, de maquis
Ex. 720. Por acaso a nossa professora veio do maquis. E estudou lá. (RUIJ p.76)
Ex. 721. Muitos dos que vieram do “maqui” não eram conhecidos das massas ao passo que
nós sempre trabalhamos com elas. (Mendes de Carvalho - C.S.2-06 p.12)
− maquisard, maquizard, guerrillero
Ex. 722. Só que depois para equilibrar o poder dos “maquisards” teve de se ir buscar
alguns infermeiros. (s.n. C.S.2-05 p.3)
Ex. 723. fez a cama a muitos ministros e coronéis, incluindo ex-maquizards (s.n. C.S.2-06
p.24)
− sacadô, sac à dos, de sac à dos, mot rapporté d’Algérie par les guérilleros qui y faisaient
un entraînement militaire
Ex. 724. Arma na mão e nas costas o sacadô (SPIA p.27)
− sandaleta, sandalette
Ex. 725. Metido no seu sobretudo de fardo, o homem seguia pelo caminho fiote e nem
reparava nas calças e nas sandaletas a cada passo molhadas pelo orvalho. (FONA p.7)
Pour terminer cette liste d’emprunts au français, et illustrer la présence de la langue française, voici
l’exemple d’une enseigne qui a toutes les chances d’avoir été écrite par un mécanicien ayant
commencé sa carrière dans l’ex-Zaïre.
Ex. 726. Auto-mecânica. Reparase ambriages, freins, discos, todas marcas355 [modification
et perte de nasalité, sans doute par influence du français pour ambriages au lieu de
embraiagens, emprunt direct au français avec freins, chute de l’article dans todas marcas
faisant penser au traditionnel « toutes marques »]
Emprunts à l’anglais
Ils ne sont pas très fréquents dans les textes, mais à l’oral et à Luanda, nos informateurs en ont
relevés. En voici parmi ceux qui se trouvent dans notre corpus :
−
bigue, personne importante, de big.
Ex. 727. O sacana é fornecedor dos bigues. (MDSA p.57)
−
bísnei, affaire, bisnar, tromper, faire des affaires, bisneiro, filou, escroc, de
business, affaire
−
blu, bulu, blue jeans
−
breda, pain, de bread
Ex. 728. Breda é pão. (Do29-26/80)
−
buker, livre, de book
−
camone, étranger blanc, de l’anglais come on
−
chupingue, achats, de shopping
Ex. 729. E que tal as europas ? Porreiro. Uma revisão à máquina e aqueles pankas e
chupingues da ordem. (RUIM p.19)
355
Cette enseigne a été relevée par Victor Ribeiro Custódio et citée dans le Jornal de Angola (J.A.95/05/20 p.5).
160
−
cop, policier, de l’argot américain cop, policier
−
croboi koromano, curumano, culumano, krowboy, corumen, kroomen,
travailleur employé dans les comptoirs de la côte de l’Angola, de crew-boys ou crewmen, garçons d’équipe356
−
faine, bon, bien, de fine
Ex. 730. Ah! Mas o tipo é fine. CARB p.51
Ex. 731. Fecha depressa. Tudo faine. Vamos observar na varanda. RUIJ p.24
−
fayer, feu, de fire
−
felipado, filipado, nerveux, de to flip, secouer
−
gapse, gapso, coup de lutte, de gab
Ex. 732. os jovens davam gapse nas namoradas para o fofo do capim. (GUET p.54)
Ex. 733. os dois só pegados, era bassula, era gapse, era soco, cabeçada e tudo. (VIEE p.38)
−
gou, signal du départ, de go, allez
Ex. 734. Como é, Camarada, já vais dar o gou? (BENA p.80)
−
let’s, départ, de let’s, dans let’s go, allons-y
Ex. 735. dar o let’s (<Lau)
−
joli
nice, dans l’expression estar numa nice, qui signifie que tout va bien, de nice,
−
suinguista, dandy, de l’époque du swing dans les bals, de swing.
Ex. 736. eu inventei na minha imaginação que ela tinha gostado do meu estilo suinguista e
o convite era desculpa para eu aventurar as estórias passadas. (SANE p.20)
Emprunts à l’italien
Nous n’en avons relevé qu’un, birra, bière, et son possible diminutif birita357 :
Ex. 737. Postos na ilha, o ui estacionou o bote nos trapalhões e aí, começaram a curtir umas
birras. (Jot@14/03/97)
Ex. 738. Como é de praxe, lá estava eu com uma birita na mão, depois de já ter
« entornado » umas três. (Fernando Martins - J.A.2-40 p.7)
356
Origine proposée par Saturnino de Sousa e Oliveira: "(...) colour's men (homens de côr) d'onde naturalmente se
formou o vocabulo columanes, e mais viciadamente crumanes, pelos quaes agora é geralmente conhecida essa
tribu." OLVA p.IX.
357
Au Brésil, birita désigne n’importe quelle boisson acoolisée et particulièrement la cachaça, sorte de rhum. Birita
peut donc ne pas provenir de birra, mais être une simple coïncidence. Rappelons que le passage de -rr- à -r- est
tout à fait possible par la non-différenciation de ces deux phonèmes en Angola.
161
Autres sources apparentées à l’emprunt
Mots d’argot
L’argot est aussi une source de vocabulaire. Pour la langue portugaise d’Angola, nous appelons
argot ce que les Angolais appellent « calão ». Il ne s’agit pas de la langue des truands, milieu dans
lequel nous n’avons pas enquêté. C’est l’ensemble du vocabulaire qui est passé de ce milieu à la
langue courante et aussi un vocabulaire créé par des groupes d’Angolais n’appartenant pas au
banditisme et désireux de marquer leur identité. Ce vocabulaire reste d’un niveau de langue très
familier.
Nous notons au passage que Luandino Vieira a utilisé ce pan du vocabulaire et l’a en quelque sorte
anobli dans son roman João Vêncio e seus amores, dont le sous-titre est « Uma tentativa de
ambaquismo literário a partir do calão, gíria e termos chulos » 358.
Certains de ces mots d’argot sont désormais connus et utilisés au Portugal par les Portugais euxmêmes : bazar (s’en aller), bué, buéréré (beaucoup), garina (jeune fille), fixe (très bien), naite
(cigarette), y sont en effet attestés. L’argot portugais et l’argot angolais ont, en partie de ce fait, un
lexique commun, le mouvement contraire existant aussi.
Nous avons déjà cité des mots d’argot dans les paragraphes précédents, ou d’ancien mots d’argots
passés dans la langue courante, puisque l’argot procède lui-même comme toute langue pour enrichir
son vocabulaire, par emprunts et autres procédés, particulièrement des procédés artificiels,
volontaires, comme l’inversion, par exemple359. Mais il est parfois très difficile de donner une autre
origine que l’argot lui-même. Nous allons donner ici quelques mots du « calão » des Angolais dont
nous n’avons pas décelé le procédé créatif.
− bufunfa, peur, argent360
Ex. 739. Razões que só a « bufunfa » conhece (Fernando Martins - C.S.3-05 p.9)
Ex. 740. Minha tia Mena mandava bufunfa. (Roberto de Carvalho. - J.A.95/04/19)
− bumbar, imbumbável, travailler, incapable de travailller
Ex. 741. Bumbar é também trabalhar. Sim, se usa. (Li36-19/114)
Ex. 742. Man Kiko o imbumbábel (PICB p. 4)
Ex. 743. Desliga a música, seu imbumbável ! (O. G. – J.A.90/06/03)
− chispar, partir, se sauver361
Ex. 744. Vamos bazar. Chispar, vou chispar. (Li36-3/115)
− guigui, capverdien
Ex. 745. Sim, o catanhó, mas agora já é o budjurra, o guigui, é o guigui já… (Da26-13/66)
− guitos, argent, guitoso, qui a de l’argent.
358
Traduction de ce titre : « Une tentative d’ambaquismo littéraire à partir de l’argot, du jargon et des termes du
milieu. »
L’ambaquismo est le propre de l’ambaquista qui est celui qui critique tout, qui a un avis sur tout, au départ originaire
de la région d'Ambaca. Les premiers ambaquistas étaient des lettrés adoptant un mode de vie et un habit plus
européen et montrant des connaissances de la langue et des civilisations exceptionnelles.
359
Voir paragraphe 3.2.1.9.
360
Utilisé dans le sens d’argent au Brésil aussi, d’où il semble provenir. (SRRA p.54 ; HSSA)
361
Existe au Brésil aussi dans le même sens, ancien, régional ou informel, selon HSSA.
162
Ex. 746. Tem bué de guitos. (<Hélder)
− kainga, cahinga, caínga, garde, policier362
Ex. 747. Fui kangado pelos kaíngas na Mutamba. (Lui@03/03/97)
− kambonzo, cambonzo, proxénète
Ex. 748. Guiana, era kambonzo das primeiras. (VANC p.89)
− kibeu, kikuaxe, pain
Ex. 749. Sabes o que é kibeu, kikuaxe ? (...) É pão. (Li36-27/114)
− malaico, malaika, sans valeur, sans intérêt
Ex. 750. Você és bué malaico (Fernando Martins - C.S.3-05 p.9)
− marar, regarder
Ex. 751. E essa, como se nada estivesse a passar, continuava a marar (dum olho) os rucas
que passavam pela avenida. (Jot@ 14/03/97)
− máuas, lunettes
Ex. 752. E apesar do Tó andar disfarçado de umas máuas de alta bófia, tentei ver bem os
usolho dele (Chicoadão - J.A.95/05/25 p.7)
− molokaia, maison363
− naite, cigarette, naitar, fumer364
Ex. 753. queria acender o « naite ». (Fernando Martins - C.S.2-36 p.8)
− ngimbi, kimbi, nguimbere, Luanda, guimbiano, luandais
Ex. 754. Na ngimbi está chovendo chuva que o kalú não gosta nada (Chicoadão J.A.93/04/18 p.3)
Ex. 755. apesar da vida que se leva na Kimbi. (Jot@14/03/97)
Ex. 756. Bem, um guimbiano, é toda aquela pessoa que nasceu, cresceu e conhece a
ngimbi, que é Luanda. (Ju44-3/149)
Ex. 757. Bazou e chegou na nguimbere e atacou uma ministra dos kumbu : kitadi, cadê ?
(Na55-22/239)
− paiar, vendre
− panco, panca, qui aime beaucoup quelque chose
− pèlito, pelito, chapeau
− raias, mauas, lunettes
362
Les policiers sont également appelés os azulinhos, os chuíngas, os fuínhas, os madalenos, os cu
duro (souvent assis inconfortablement sur une camionette), os penteadores, os três quinhentos
(parce qu'il buvaient souvent à trois, leur formation habituelle, de la bière Nocal qui coûtait
précisément 500 Kzr les trois, ce qu'avait vanté une publicité). <Vla
363
A rapprocher de maloca, maison, cachette, abri, au Brésil (HSSA).
364
Luandino Vieira pense qu’à l’origine, naite vient d'un argot luandais assez ancien. Attesté au
Portugal (NOBA p.107).
163
− trumunar365, jouer à la balle, au football, trumuno, trumunu, tremuno, football
Ex. 758. Ele queria saber brincar com a palavra no papel, assim como trumunava a bola.
(CARA p.17)
Ex. 759. Uns jogam isquirrola, outros trumunam, pulam e dançam. Domingos Van-Dúnem
- N.1 p.14
Ex. 760. De olhos levantados, avançou seguro, mirando, ao longe, os garotos de todos os
dias, ainda nos trumunos de bola de trapo. (CADD p.39)
Ex. 761. E o pé naquela posição era igual quando nos tremunos esperamos os adversários
para as fintas (SANE p.16)
− yá, ia, ya, oui
Ex. 762. O trabalho está a correr bem? Yá estó a facturar muito. (Joana Fernandes - C.S.223 p.2)
Ex. 763. Ia, bué de caule que estão sentir junto com saudades das vossa manas (Jan@
19/02/97)
Ex. 764. Não, tenho vinte e cinco anos, yá. (Do29-11/78)
Pour illustrer ce paragraphe sur l’argot, nous reproduisons ci-après l’exercice qu’un de nos
correspondants366 nous a proposé, un petit texte de son cru émaillé de mots d’argot luandais à
“traduire” en portugais normatif :
Numa tarde de Domingo, fui curtir com uma m’boa na ilha de
Luanda. Logo na entrada arranjei um estrilho com os três quinhentos,
pois o meu ruca não tinha docus em ordem. Fui penteado em dez drops.
O sol era bué forte e como o meu ruca não tem refrescador comecei a
caloriar. A catorzinha que ia comigo mostrava os marfins
constantemente, pois vinha da província e nunca tinha visto o mar.
Já na praia, os putos tentavam fazer business, “amigo, vou
guardar o ruca”, “vai um brilho nas jantes”, “xé, esse kota é meu
braga, num te mexe”, etc.
Comecei a bater um papo com um mó avilo, que manda um
baque dos diabos e que faz de roboteiro no Roque. Ele falou-me de uma
maka que surgiu no mercado, onde os madalenos zanvularam um
muadié porque desarmou um quibuto de uma candengue. Começou um
sururu no mercado até que chegaram os cú duro e restabeleceram a
ordem.
Entretanto, chegou um meu brother de disco que me disse:
“Camba Vlady, o ambiente aqui na praia está maike a falima, as sub-17
não estão e aqueles mangas da desbunda de ontem foram rusgados, esta
hora devem estar na cadeia de Viana. Estavam a andar num boter sem
luzes e por azar, catrapumba, se espalharam num carro da polícia”.
“- E já falaste com o Dr. Cunha? Já mas o gajo quer duas
cabeças grandes e eu estou liso.
365
Peut-être du portugais tremular, agiter en l’air, par l’idée de dribbler.
366
Vla@08/03/97.
164
- O meu cumbu também umou, mas caulei os meus pisos e tenho
aqui dez milhas, sempre dá para pitarmos algo.”367
Mots calqués
Peut également être considéré comme une forme d’emprunt le calque sur d’autres langues, la
traduction de termes et d’expressions d’une phraséologie particulière. L’Angola a connu ce
phénomène au moment de la phase marxiste (1975-1990). Il convient de le signaler en raison des
nombreuses occurrences dans les textes de cette époque de termes et d’expressions de cette espèce.
Annette Endruschat qui a étudié précisément le vocabulaire à l’époque marxiste368, considère les
367
“Traduction” :
Numa tarde de Domingo, fui passar bom tempo com uma rapariga na ilha de Luanda. Logo na entrada arranjei um
problema com os polícias, pois o meu carro não tinha os documentos em ordem. Tive de pagar aos polícias, o que
me custou dez dólares. O sol era muito forte e como o meu carro não tem ar condicionado comecei a transpirar. A
rapariga de quatorze anos que ia comigo mostrava os dentes constantemente, pois vinha da província e nunca tinha
visto o mar.
Já na praia, os putos tentavam fazer negócio, “amigo, vou guardar o carro”, “vai um brilho nas jantes”, “vai
embora, esse senhor é meu amigo, não te metas nisso”, etc.
Comecei a falar com um meu amigo, que manda um cheiro horrível e que faz de carrega mercadorias e compras no
Roque Santeiro. Ele falou-me de um problema que surgiu no mercado, onde os polícias deitaram abaixo um
homem porque roubou um saco de uma miúda. Começou uma confusão no mercado até que chegaram os polícias e
restabeleceram a ordem.
Entretanto, chegou um meu conhecido da discoteca que me disse: “Amigo Vlady, o ambiente aqui na praia está
mau, as menores de 17 não estão e aqueles homens da festa de ontem foram apanhados pela rusga, esta hora devem
estar na cadeia de Viana. Estavam a andar num carro sem luzes e por azar, catrapumba, bateram num carro da
polícia”.
“- E já falaste com uma pessoa que te possa ajudar ? Já mas o gajo quer duas notas de 100 dólares e eu estou liso.
- O meu dinheiro também acabou, mas vendi os meus sapatos e tenho aqui dez milhões, sempre dá para comermos
algo.”
368
Annette Endruschat (END1 p.65-76) a fait une étude sur les néologismes qui portent principalement sur la question
de la création morphologique. La plupart de ces « néologismes » n’en sont pas pour nous et n’ont pas été retenus
dans notre étude. Elle y cite donc les mots suivants en tant que néologismes : cooperador (cooperateur, dans une
coopérative), continuador (continuateur), pioneiro (criança), bicheiro (qui fait la queue), kazukuteiro (paresseux,
profiteur), kitandeira (commerçante), brigadista (membre d’une brigade), camanguista (traficant de diamants),
kanhomista (producteur de kanhome, alcool interdit), mabanguista (vendeur de mabanga), savimbista (partisan de
Savimbi), colectivização (collectivisation), cooperativização (coopérativisation), massificação (massification),
alambamento (dote traditionnelle), patenteamento (remise de patente militaire), campesinato (paysanat),
lumpenato (lumpen), amiguismo (favoritisme en faveur des amis), chipendismo (parti de Chipenda), tachismo
(favoritisme), colectivizar (collectiviser), optimizar (optimiser), conservacionista (conservationiste), ocupacionista
(occupationiste), pró-independista (en faveur de l’indépendance), anti-castrista (anti-castriste), movimento antiimigração (mouvement anti-immigration), anti-MPLA (anti-MPLA), auto-construção (auto-construction), autoformação (auto-formation), auto-suficiência (auto-suffisance), auto-consumo (auto-consommation), pseudo-
165
vocables suivants comme ayant une signification spécifiquement angolaise : absentismo
(absentéisme), aspirante (candidat au MPLA), deslocado (réfugié revenant en Angola), destacado
(stakanoviste), jornada (de travail volontaire), rectificação (choix de nouveaux membres du parti),
recuperação, sensibilização (propagande), superação (formation permanente professionnelle)369.
Dans le même ordre d’idée, parmi les plus courants des mots calqués, voici quelques exemples :
− camarada (camarade) en est le meilleur exemple, correspondant à une idéologie en
vigueur, il était l’adaptation par la traduction du terme russe tavarich.
Ex. 765. Camarada Nelumba, veja o que é que foi, o barulho lá para o fundo na zona do
gabinete do camarada Lundamo! (RUIM p. 66)
Ex. 766. unidades agro-pecuárias de grande valor, onde os camaradas estão a preparar as
condições para uma grande produção (Agostinho Neto – C. 1 p. 24)
− lacaio (laquais), pour lacaio do imperialismo (laquais de l’impérialisme), autre
expression de la phraséologie marxiste :
Ex. 767. Mas esses carros podem ser dos lacaios. (RUIK p.48.)
− pioneiro (pionnier), apocopé en piô, pour désigner un enfant
Ex. 768. Pioneiro enxuga lágrima na vontade de lutar. (CARB p. 92)
− trincheira (tranchée), métaphore guerrière
Ex. 769. Alfabetização, nova trincheira de luta (C.1 p. 31) [titre d’un article]
Sigles et acronymes
De nombreux sigles sont employés en Angola, et également des acronymes. En principe, ils restent
des noms propres, et n’ont pas une grande durée de vie. Cependant, certains sigles sont employés
dans les textes sans majuscules ou écrits en toutes lettres selon leur prononciation courante, et
posent des problèmes d’interprétation.
Ex. 770. Quem arranja isso são as a-i-tês. (RUIM p.78) [AIT : matricule des voitures
d’étrangers]
nacionalismo pseudo-nationalisme), pseudo-revolucionário (pseudo-révolutionnaire), ex-líder (ex-leader), ex-chefe
(ex-chefe), saúde extra-hospitalar (santé extra-hospitalière), organismo extra-ministério (organisme hors
ministère), combate inter-armas (combat inter-armes), fase pós-alfabetização (phase d’après l’alphabétisation),
literatura pós-independência (littérature d’après l’indépendance), sub-aproveitamento (sous-exploitation),
desalfandegagem (dédouannement), despaizamento (aliénation culturelle après un séjour à l’étranger), inamistoso
(inamical), incumprimento (non atteinte des objectifs), não-conclusão (non-conclusion), não-limpeza (nonpropreté), não-membro (non-membre). Cette étude ayant été faite dans les premières années de l’indépendance où
foisonnait un vocabulaire politique marxiste-léniniste, ceci explique l’abondance de termes de ce domaine
(lumpenato, colectivizar, etc.). Ensuite, nombre d’entre eux passent tout à fait inaperçus au Portugal (ex-chefe,
não-membro, etc.). Les véritables néologismes de cette liste sont à notre sens ceux qui se sont formés sur des
racines bantu (kazucuteiro, camanguista, etc.) ou sur d’autres réalités angolaises (savimbista, chipendismo, etc.), et
nous les citons dans notre travail dans la logique de notre classement.
369
Pendant 15 ans, le gouvernement marxiste a créé un contexte favorable à ce genre de polysémie par calque, mais peu
de ces néologismes et néosémantismes ont survécu, même si leur connaissance est utile aujourd’hui pour aborder
les textes de l’époque.
166
Ex. 771. Dois fapla abriram de imediato as portas de trás. (RUIL p.14) [FAPLA : Forças
Armadas Populares para a Libertação de Angola]
Ex. 772. vi uma Bandeira do ême. (Chicoadão - J.A.95/05/13 p.6) [M, pour MPLA,
Movimento Popular de Libertação de Angola]
Ex. 773. O pessoal da pê-bê-ú (...) vão ao psiquiatra (RUIM p.133) [PBU : pequena
burguesia urbana]
Ex. 774. E mais até: fenélas houveram como pássaros engodados só no visgo dos pioneiros.
(RUIC p.134) [FNLA : Frente Nacional de Libertação de Angola]
Il en est de même pour jota (J de JMPLA, juventude do MPLA), oenegês (ONG, Organizações não
governamentais).
Autre utilisation des sigles, capa-érre (KR, kaporroto, boisson alcoolisée artisanale), où KR est un
faux sigle, comme si de kaporroto qui est un seul mot, on détachait roto (cassé) par jeu de mot.
Onomatopées
a) Mots qui proviennent d’onomatopées
− tuco-tuco, voiture, nom donné en diverses langues par onomatopéisation
Ex. 775. Progresso é... é estradas. Estradas para os tuco-tucos. (BOBB p.108)
− katukutuku, moto
Ex. 776. parece que estou a vê-lo subindo a calçada no seu kutukutuku igual às motas dos
policias de hoje. (VANC p.20)
− tucutucar, faire un bruit de moteur
Ex. 777. Mas nem conversas de quem passa, nem carros a tucutucar na estrada, nem
macacos na brincadeira deles (BOBC p.44)
− pírula ou pírulas, espèce d’oiseau, nom donné par le chant de l’oiseau où on croit
entendre « pírulas »
Ex. 778. Uma pírula cantou na mafumeira e o Mário avisou os companheiros que eram 11
horas. (SANB p.12)
Ex. 779. O pírulas, assustado, deixa de salmear, para outras bandas levanta voo. (RIBA
p.50)
− reco-reco, instrument de musique pour marquer le rythme et frottant un bâton cannelé
Ex. 780. Um copo de "reco-reco" (J.A.90/12/05 p. 2)
b) Onomatopées angolaises employées telles quelles
− nheke-nheke-nheke, bruit de mécanique
Ex. 781. O chofer trabalhava parece é mercenário: carro a gemer, carro a chorar nhekenheke-nheke, mas nem só que lhe largava ainda acelerador p’ra lhe deixar respirar. (Rosário
Marcelino - L.&O.8 p.11)
− pió-pió-pió, cri de poule
Ex. 782. era uma vez um frango viajando num maximbonbo ? ! ! - pió-pió-pió, mamáuê.
(Rosário Marcelino - L.&O.8 p.11)
− tó, tó, tó, toc, toc, toc
Ex. 783. Mas ainda bem que o homem estava ali a bater à porta: tó, tó, tó. (FONA p.9)
167
Interjections
370
Aiué, déjà cité , est une interjection « modulable ». Elle peut en effet être utilisée dans un grand
nombre de situations plus ou moins dramatiques et les sons qui la composent peuvent varier
considérablement en longueur, en intensité, en hauteur du son.
D’autres éléments de la chaîne parlée, réduits à un seul son, remplissent la fonction d’interjections
et traduisent également une gamme étendue d’émotions et de sentiments. Il s’agit de sons très aigus
et prolongés auxquels nous avons donné une transcription seulement phonétique dans notre corpus
oral :
Ex. 784. ["ì], eu gosto de fazer leituras (Ra06-9/10) [écrit généralement ih dans la
littérature]
Ex. 785. [´ì] quer dizer, não é bem isto (Au20-6/36)
Créations de signifiants par des processus
morphologiques
La création de signifiants nouveaux par des processus morphologiques se fait aussi bien en utilisant
les possibilités internes de la langue portugaise que sous l’influence des langues bantu. La langue
portugaise d’Angola puise dans le stock des morphèmes lexicaux et des affixes du portugais
normatif, et les combine entre eux (desconseguir, ne pas réussir) ou avec des morphèmes issus des
langues bantu (capequeno, tout petit).
Nous allons premièrement observer l’utilisation des préfixes, d’abord dans le système de la langue
portugaise, puis hors de ce système, avec notamment l’emploi des préfixes typiquement angolais,
ka- et ki-, ce dernier peu productif mais tous deux fonctionnels. Nous passerons ensuite en revue les
suffixes portugais créateurs de néologismes aussi bien avec des racines normatives qu’avec des
racines bantu. Nous devrons observer également, dans ce point sur les créations de signifiants, les
processus de composition qui consistent à créer un vocable à partir de deux, et qui, en Angola, revêt
des aspects particuliers comme le redoublement, la réduplication et l’agglutination.
Nous n’avons retenu que des formes qui constituent des anomalies du point de vue de la norme de
la langue portugaise du Portugal. Nous n’entrons pas non plus dans ce point dans les considérations
de morphologie grammaticale qui seront traitées au titre des écarts morpho-syntaxiques.
Préfixation
Dans le système de la langue portugaise
a) Le préfixe desC’est apparemment le plus créatif. Il est à l’origine de formes désormais courantes comme
desconseguir, échouer, mais facilite aussi des créations uniques intelligibles371. Voici les principaux
exemples de notre corpus :
− desconseguir, échouer malgré des efforts, du portugais conseguir, réussir
Ex. 786. Mas não consegui, desconsegui mesmo, apareceram sempre problemas morais a
estragar tudo. (PEPB p.231)
Ex. 787. apenas porque a estrutura da Unita desconseguiu implantar-se (s.n. J.4 p.7)
370
Paragraphe 3.2.2.3.
371
A propos du préfixe des-, rapprochons desinfeliz (malheureux) que Paiva Boléo relève et desparir (pour abortar,
avorter) et qui prouvent bien la tendance ancienne de la langue portugaise à un large usage de ce préfixe.
168
Ex. 788. desconseguiste encontrar (BONA p.39)
Ex. 789. adoro bife mas pr’a lhe conseguir ultimamente, estou mesmo a desconseguir
(Salas Neto - C.S.3-17 p.8)
Ex. 790. Adérito a ensaiar bolinhas de fumo e a desconseguir no treme treme e insegurança
dos lábios. (RUIM p.40)
− desincumbir, de incumbir, donner à charge
Ex. 791. E foi de longe, a razoável e prudente distância, que se desincumbiu do mandado
do galo. (JACB p.15)
− descabaçar372, descabassar, où le préfixe est parfois réduit à es- dans escabassar,
déflorer, dérivé de cabaço, virginité
Ex. 792. barroca descabassada por nós. (VIEF p.61)
Ex. 793. escabassando o silêncio nosso. (VIEF p.138)
− deszairinizar, chasser les Zairois
Ex. 794. Se alguma coisa tem de ser feita e já, no Ngaji, é deszairinizar a terra ngajense.
(Chicoadão - J.A.95/05/13 p.6)
− desbundar
Certainement formé sur le modèle de desabafar dont il a un sens voisin, sont très connus des
angolais le verbe desbundar, s’amuser, se défouler, faire la fête, du kimbundu bunda, fesses, et les
mots desbunda, amusement, défoulement, fête, et desbundeiro, qui fait beaucoup la fête373.
Ex. 795. aqueles mangas da desbunda de ontem foram rusgados (Vla@03/03/97)
Ex. 796. outro temido grupo de ladrões conhecido por « desbundeiros » (Baptista Marta J.A.96/10/11, p.4)
Nous avons trouvé le préfixe des- réduit à de- pour des raisons visiblement phonologiques, le
contexte étant particulièrement populaire, sur le verbe dezambelar, enlever le chaume du toit d’une
case, du kimbundu kuzambela, enlever le chaume :
Ex. 797. Já vimos nos buracos dos ratos, já dezambelámos a casa, hêxi! desistimos! (Óscar
Ribas - ADRA p.154)
Plusieurs écrivains exploitent cette possibilité374. Nous trouvons par exemple les occurrences
suivantes dans les textes de Boaventura Cardoso et Octaviano Correia :
−
desquieta, inquiète
372
Descabaçar existe au Brésil, de même que cabaço, dont l’origine est le kimbundu kabasu (ASSC p.79).
373
Desbundar est utilisé au Brésil (HSSA). On peut se demander si la création de ce vocable, à partir de bunda, mot
d’origne kimbundu également répandu en Angola et au Brésil, ne s’est pas faite au Brésil où bunda est un mot très
courant.
374
Nous ne citons pas les créations de Luandino Vieira, qui, pas plus que celles de ses confrères, ne sont attestées dans
le reste de notre corpus. Michel Laban a fait un relevé chez Luandino Vieira des néologismes créés avec le préfixe
des- que celui-ci emploie. La quasi totalité d’entre eux ne se trouvent que dans ses textes : desábito (chose
contraire à l’habitude), desacabado (non fini), desalegria (tristesse), desbeleza laideur), descautelado (fait sans
précaution), des.contar (=enganar, tromper), descura (manque de soin), desfarejar, desflutuar, desjura, desler,
desmisturado, desnegrecido, desofendido, dessombrado, dessorir. (LABA p.122).
169
Ex. 798. multidão cá fora estava desquieta (CARB p. 52)
−
dessilenciada, dont le silence a été rompu
Ex. 799. de novo na praia de súbito dessilenciada (Octaviano Correia - L.&O.17-18 p.16)
b) Le préfixe aNous avons toujours trouvé ce préfixe utilisé pour la formation d’un verbe et sous la forme du
participe passé en –ado, sur le modèle du portugais normatif abrandar, avivar, etc. Voici les
occurrences de notre corpus :
− acabritado, ressemblant à un quarteron (fils de métis et de blanc), de cabrito, quarteron
Ex. 800. O Sr. P..., antigo funcionário administrativo que o colonialismo salazarista ruara
do quadro, era um mulato acabritado de falar difícil e maneiras obsequiosas. (BARB p.20)
− ajindungado, piquant, pour un plat, dans la composition duquel entre le piment, de
jindungo, piment, puis ajindungar, mettre du piment
Ex. 801. a fazer caldo / ajindungado ou não (RUIE p.9)
Emploi métaphorique de ajindugar :
Ex. 802. Não acha exagerado, quer o preço ajindungado quer o preço sem jindungo ?
(PEPO p.163)
− aquimbundar, aquimbunduar, donner à un mot les caractères du kimbundu, donner une
allure régionale à ce qui ne l’est pas, de kimbundu
Ex. 803. quissemos aquimbundados do seu pessoal (VIEE p.28)
C’est Óscar Ribas qui a créé lui-même la forme aquimbunduar, ce qu’il a expliqué de cette façon
dans l’interview que nous avons fait de lui :
Aquimbunduamento. Aquimbunduar. Note-se. Olhe, eu, a príncipio, tinha
aquimbundamento. Foi o ano passado salvo error que é que me ocorreu que era
incorrecto aquimbundamento assim. Vou explicar porquê. Vinha dar assim um
som um pouco… aquimbundamento, mbunda, mbunda é o rabo, não é ?
Aquimbundamento, mbunda, não. Digo não. Pensei, fica mais correcto, melhor
aquimbunduamento.375
− assanzalar-se, rester au village, montrer des habitudes typiques de la campagne, de
sanzala, village
Ce a- ne doit pas être confondu avec une tendance populaire du Portugal où le a- n’est qu’une
prothèse, comme dans assentar / sentar (asseoir), alevantar / levantar (lever)376.
c) en- ou emComme a-, ce préfixe sert essentiellement à produire des participes passés :
− enfatuado, enfatoado, vêtu avec un costume, de fato, costume
Ex. 804. Todo ele enfatoado, fato preto e colarinho só é que se vê, parece é só padre, nada
que gostei, não, menino Lita!... (VIEE p.59)
Ex. 805. enfatuado de brim branco bem vincado (CARA p.43)
− encalemado, agité, pour l’eau de la mer, de calema, agitation de la mer
375
Annexe 3, p. 15.
376
Que nous étudions au § 2.4.3.1, et au § 3.2.1.4.
170
Ex. 806. vagas decisivas, encalemadas pela fúria das tenazes (BUEA p.19)
d) in- ou imAssocié au suffixe –ável, ce préfixe a produit :
− imbumbável, incapable de travailler, de bumbar, travailler
Ex. 807. Mankiko o imbumbável (PICB p.2)
Ex. 808. Prosseguimos baratuchos e imbumbáveis. (Carlos Ferreira - J.A.95/06/11 p.4)
e) Autres préfixes
Luandino Vieira utilise d’autres préfixes pour créer des néologismes377 :
− es- : esventrar (éventrer)
− ex- : exflorir (fleurir de l’intérieur vers l’extérieur)
− re- : regaspeado (réparé plusieurs fois)
− tre- : trepagar (payer trois)
Cependant, nous ne trouvons pas confirmation d’une utilisation créative de ces préfixes hors de son
œuvre et ils nous paraissent donc, jusqu’à preuve du contraire, le pur fruit de la liberté créative de
Luandino Vieira.
Morphologie bantu
Le préfixe peut être emprunté au kimbundu comme c’est le cas pour muxoxo, du portugais chocho,
qui en portugais désigne un baiser378. Cette préfixation ne constitue pas une dérivation, puisqu’ici le
préfixe mu- est un préfixe de classe. Muxoxo est le produit d’un emprunt de retour : le mot chocho,
ayant été préfixé au moment de son emprunt par le kimbundu, est revenu au portugais (d’Angola)
avec ce préfixe, mais aussi avec un sens nouveau, puisqu’il désigne aujourd’hui un bruit de bouche
qui marque le mépris ou la désapprobation. Il coexiste d’ailleurs avec xoxo, bien que ce dernier soit
beaucoup moins fréquent. Le bruit produit par le muxoxo rappelle celui d’un baiser d’enfant et rend
très vraisemblemble cette étymologie.
Ex. 809. O Sr. Chaves incitava-o e gozava com os muxoxos e as queixas das criadas a
quem ele levantava de surpresa as saias. (SANB p.59)
Ex. 810. Se meu pai torna a me falar para ir, em criado, na loja de sô Fernandes, vou-lhe
desrespeitar com muxoxo mesmo. (VIEC p.67)
Ex. 811. A nossa educação era totalmente diferente porque o xoxo é um desrespeito.
(Ma32-28/95)
C’est à peu près le même phénomène qui a produit chicronha, déjà cité au chapitre des emprunts.
Chicronha, de colónia, colonie, précédé du préfixe de classe dépréciatif otyi en langue nyaneka, est
revenu au portugais avec le sens de colon portugais de la région de Lubango.
377
Relevés par Michel Laban. LABA p. 122. Les traductions de ces néologismes sont celles proposées par Luandino
Vieira lui-même et se trouvent dans la thèse de Michel Laban.
378
On trouve muxoxar, muxoxear et muxoxo dans les dictionnaires (HSSA par exemple). L’origine donnée par Óscar
Ribas et Houaiss (HSSA) est le verbe kimbundu kuxoxa (se moquer). Nous nous risquons à une étymologie
différente. Chocho a entre autres le sens de beijoca et est donné comme populaire au Portugal, venant du latin
fluxu. C’est chocho qui aurait bien pu donner kuxoxa.
Aux Antilles, on désigne par le mot tchip ce même signe du langage non verbal, qui par ailleurs est connu dans
toute l’Afrique Noire.
171
Le préfixe kaAux suffixes diminutifs du portugais normatifs -inho, -inha, -inhos, -inhas, la langue portugaise
d’Angola présente une alternative avec le préfixe ka-, emprunté aux langues bantu.
En kimbundu, ka- est le préfixe caractéristique d’une classe qui sert précisément à former des
diminutifs et des dépréciatifs. Ka- préfixe des mots au singulier et tu- des mots au pluriel en
kimbundu. Nous n’avons trouvé que des utilisations du préfixe du singulier dans les créations
lexicales du portugais d’Angola. Ka- sert à former les diminutifs des noms propres comme dans
Kanzua, qui est le diminutif de Nzua, adaptation phonologique de João379. Il est utilisé comme
dépréciatif pour pointer les défauts physiques, par exemple dans kamabuinhi (édenté), kamalundu
(qui a de gros yeux), kamatama (joufflu), mais le plus souvent comme véritable diminutif comme
dans kamulele (petite pièce de tissu), kandenge (enfant le plus jeune), kandimba (petit lapin), etc.380
En umbundu, le préfixe est oka-, en cokwe ka-, mais en kikongo il est totalement différent, fi-.
Notons cependant que les classes de vocables bantu n’étant pas homogènes sémantiquement, tous
les mots commençant par ka- ne sont pas ipso facto des diminutifs ou des dépréciatifs, d’autant que
le morphème ka- a d’autres fonctions que celle de préfixe de classe, notamment en kimbundu.
Jouant le rôle strict de préfixe diminutif, créateur de formes nouvelles dans le portugais d’Angola,
nous avons trouvé ka- dans :
− cabocado, adverbe, signifiant un tout petit peu, du portugais um bocado, un peu
Ex. 812. Eu aceito que aumento, mas bocado, bocado, cabocado mbora. (Jan@19/02/97)
Ex. 813. Mana Fifi se aproximou do casal cabocado, bocado. (CARA p. 82)
− capequeno, capiquinito, tout petit, du portugais pequeno, et pequenito, petit, très petit381.
Ex. 814. Cerco, espaço capequeno, passarinho sem voo, a vida é. (CARA p. 70)
Ex. 815. Peixe grande come peixe pequeno, peixe pequeno come também peixe
capiquinito. (CARB p. 86)
− caveio, petit vieux, du portugais velho, vieux
Ex. 816. manga aquele caveio (BONA p.34)
− carrijo, du portugais rijo, dur
Ex. 817. No musseque carrijo duro (BONA p.72)
Cabocado, capequeno, capiquinito, caveio et carrijo sont les seules formes que nous ayons
trouvées qui soient formées sur le portugais normatif. Elles confirment la possibilité de créer du
lexique nouveau par l’utilisation du préfixe ka-.
L’utilisation du préfixe ka- dans le portugais d’Angola est rendue plus fréquente par les emprunts
doubles : la forme de base et la forme diminutive peuvent en effet être toutes deux empruntées au
kimbundu. Nous donnons ci-dessous les emprunts de formes diminutives que contient notre corpus,
tous empruntés au kimbundu :
− kamusseque, camusseco, camussequito, petit musseque
Ex. 818. Porcaria só ; no kamusseque dele Cazenga aonde saíra zunindo. (CARA p.65)
Ex. 819. e queriam ser camusseco deles só. (VIEH p.164)
Ex. 820. qu’é que eles queriam com seu camussequito (VIEH p.164)
379
ASSC p. 383.
380
Tous ces exemples sont tirés du dictionnaire d’António de Assis Júnior, ASSC.
381
Capiquinito sera donc l’équivalent de pequenininho, ou pequeníssimo (vraiment très petit).
172
− cassêxi, petite antilope, de sexi
Ex. 821. e eu, o cassêxi de bata branca, sempre nunca caindo, admiração de todos. (VIEF
p.145)
− kakinda, petit panier, de kinda
Ex. 822. quindas, caquindas e alegrias. (Luandino Vieira, Abóbora jindungo tomate - A.01
p.15)
− kamuzangala, très jeune homme, de muzangala
Ex. 823. Quando Malesso ficou mais crescido, um kamuzangala mesmo já, foi arranjar
serviço de bagageiro no porto. (ROCA p.30)
− kandengue, candengue, petit enfant, de ndengue
Ex. 824. Por isso estava ali, kandengue no meio dos kotas (ROCB p.10)
Ex. 825. Lhe vi mal, mas o candengue viu tudo. (VIEB p.21)
La force sémantique de ce préfixe se trouve renforcée par l’emprunt au kimbundu d’autres vocables
qui le contiennent déjà et suggère nettement l’idée de petitesse :
− kambuta, cambuta, kambutinha, petit
Ex. 826. A Dona M..., irmã do oficial, era uma mulher cambuta e feia que costumava
sentar-se sobre um montão de almofadas de renda. (BARB p.20)
Ex. 827. encontramos um macaco e um moço kambuta para agarrar o macaco então (Pe884/196)
− kanjonjado, lent et par petit morceau
Ex. 828. as notícias do país chegam de forma muito « Kanjonjada » (...) (Bernardo
Policarpo - J.V.B.1-4 p.3)
− kasule, cassule, caçula, cadet
Ex. 829. Bebé, o kasule da Ngongongo, era um desses. (VANE p.5)
Ex. 830. O caçula, tal como o irmão mais velho, fazem juz ao apelido. (Paulo de Carvalho C.S2-23 p.8)
− katato, petit ver de terre qui apparaît quand il pleut
Ex. 831. Laurindo sentiu que katato a rastejar não ia merecer um kuxucululo pior do que o
desdém daquele exame (SANE p.45)
Ex. 832. Seus cinco dedos canhotos, cadaqual um catato na cara de quitaba clara demulher.
(VIEH p.185)
− katembu, catembo, tout petit oiseau à longue queue, veuve
Ex. 833. avoavam ruidosas como arrevoadas de catembos. (Arnaldo Santos - J.A.91/03/16)
Le préfixe ka- étant aussi dépréciatif, il a servi à créer des vocables désignant des personnes avec,
au départ, une intention moqueuse ou hostile. Nous donnons les exemple de kaputu (portugais) et
kaluanda (habitant de Luanda). Kaputu, désignera un portugais, et est formé sur putu, de Portugal.
173
Kaluanda, habitant de Luanda, est formé sur le nom de la ville, et se rencontre sous de multiples
formes : caluanda, calu382, kalu, calua.
Ex. 834. Shalufito, um colono barrigudo e ordinário, que respondia pelo nome kaputu de
Ferreira, fora um dos grandes culpados do que estava a acontecer. (FREA p.107)
Ex. 835. Sei mesmo é da vida no tempo do “caputo”. (António Chissapa - N.R.A.2/12
p.36)
Ex. 836. o destino que nos aguardava lá na povoação dos kaputos. (Francisco S. I. Pereira
Bravo - L.&O.34-39 p.32)
Ex. 837. A propósito por onde ele e a suas histórias kaluandas ? Aquelas do tipo que no
Catambor não pode comer sopa porque o chão é inclinado... (Gua@11/03/97)
Ex. 838. Dizia-se que certo vice-ministro do comércio, um calú puro feito muata quando
menos esperava, tinha sempre o gabinete a abarrotar de gente para audiências. (s.n. C.S.2-05
p.2)
Ex. 839. A Zeza e aos meus filhos Naiole e Sédar estas pequenas histórias de caluas.
(SANB p.89)
Ex. 840. Aconteceu que, de repente, vi-me no grupo dos kalús. (Timóteo Ulika - C.S.3-05
p.22)
Outre kaputu et kaluanda, des formes dépréciatives utilisent le préfixe ka-. Nous avions distingué
ces deux premières car elles prouvaient une capacité créative du préfixe bantu en dehors des
langues bantu. Les termes dépréciatifs désignant des personnes que nous présentons maintenant
sont empruntés au kimbundu et à l’umbundu avec le préfixe :
− cangüeta, blanc, petit blanc, de ngüeta
Ex. 841. Mas o cangüeta parece era mais esperto. (VIEE p.131)
− kamuskele, kamusekele, du kimbundu kamusekele, terme péjoratif désignants les
mucancalas, peuple du Sud à la peau couleur du sable, ou une personne qui a de petits
yeux
Ex. 842. Chamo-me Paulino Baiona e sou mais « kamuskele » a doutorar-se em
Engenharia Electrónica na Universidade Técnica de Lisboa. (Bai@25/02/97)
− cangundo, cangunda, cangundito désignation péjorative de l’homme blanc, de ngundu
Ex. 843. seu cangundo de merda ! (VIEG p.13)
Ex. 844. Mas também o kangundu que provocou a luta, não passou muintos mês, ficou
com bliosa e assustámos só morreu nuspital. (VANA p.65)
Ex. 845. Meu cangundito idiota ! Então ias-te embora sem dizer nada. (MDSA p.85)
Ex. 846. Esse é um cangundo ! O branco fino, quando aparece, hela ! é para oferecer uma
garrafa de vinho do Porto ! (RIBE p.42)
− camundongo383, kamundungo, habitant de Luanda, ou habitant de la région de Luanda
Ex. 847. isto é, o kaluanda, o camundongo gosta do seu mufetinho. (Xa42-13/133)
382
Cette forme, calu, peut se rencontrer au Brésil comme nom propre, ou dans des chansons du Nordeste. Elle peut
alors être la bantuisation du prénom portugais Carlos (élimination du groupe de consonnes et chute de la consonne
finale).
383
Au Brésil, ce même mot signifie petit rat.
174
Ex. 848. constatamos ser designado por « camundongo » todo o nortenho que se exprima
em puro ambaca (Raúl David - L.&O.34-39 p.4)
Pour terminer l’étude du potentiel créatif du morphème ka-, nous signalons ces deux mots trouvés
chez Boaventura Cardoso, kascopo (ivre) et kasputu (portugais bien parlé). Le premier, selon
l’auteur lui-même, est la contraction de com os copos, mot à mot « avec les verres », qui signifie
ivre en portugais, et le second signifie « portugais bien parlé » mais avec une intention moqueuse.
Nous n’avons pas d’hypothèse pour la présence du -s- dans kasputu, mais nous y voyons, aussi bien
que pour kascopo, une coïncidence entre la valeur dépréciative et l’initiale des mots, qui ne semble
pas fortuite.
Ex. 849. Teimoso, kascopo, no olho só kifofo (CARB p. 85)
Ex. 850. Maria Kasputu, / o teu funge tem borbulho, / não soubeste bikular384
Le préfixe ki- augmentatif
Nous avons pu isoler un autre préfixe à potentiel créatif dans le portugais d’Angola, le préfixe ki-.
Comme ka-, il est en kimbundu un préfixe de classe, la classe IV d’Héli Châtelain sur le modèle
kima /ima (chose). Les classes n’étant pas homogène sémantiquement, le préfixe ki- n’est pas
toujours augmentatif, mais il l’est toujours par opposition au préfixe ka- comme par exemple dans
la paire kalumba / kilumba (petite fille / jeune fille), kahima / kihima (petit singe / grand singe),
kambala / kimbala (petite barque / grande barque)385 . Il est aussi un adverbe selon le dictionnaire
d’António de Assis Júnior, le seul mot ki signifie en kimbundu très ou beaucoup. Nous avons
d’abord trouvé cet adverbe emprunté tel quel dans des textes angolais :
Ex. 851. Linda mesmo queria dizer tinha uma cara e um corpo ki auaba. (CADE p.66)
Ex. 852. Um inventor de aldrabices, mas sempre com lógica, dando ki argumento, gapses,
medo, caçambulando a realidade dos factos. (João Serra - J.A.95/07/30 p.7)
Nous avons trouvé aussi trois dérivations de vocables portugais normatifs formés par la préfixation
de ki-, avec la valeur augmentative : kilápi, kiveia, et kitia :
− kilápi, gros crayon, et par métonymie la censure, de lápis, crayon
Ex. 853. A BIKER não dá mais kilápis, por excesso de biqueiradas dos jornalistas. (Manuel
da Costa - F.96/03/19)
Ex. 854. nem estar ali o só João, branco mbora do putu, que com kilápi, fiava tudo para
pagar depois !!! (Chicoadão - J.A.96/03/06 p.6)
− kiveia, femme très vieille, de velha, vieille
Ex. 855. Meu nome era só « kiveia » ! (RIBE p.589)
− kitia, quitia, fille célibataire, tante, de tia, tante
Ex. 856. Isso, a viola e a cantiga o faziam popular entre as kitias da sua roda, sempre na
roda dele. (BOBB p.21)
Ex. 857. havia sempre velha quitia ou barona apaixonada pronta a servir o inenarável caldo
de peixe (MDSA p.60)
Là aussi, les emprunts aux langues bantu peuvent se faire sous deux formes, la forme de base et la
forme augmentative, et nous avons relevé trois exemples :
− kimbiji, gros poisson, dérivé de mbiji, poisson
384
Chanson de Bonga, Album “Paz Em Angola”, Rounder, 1991, CD RDCD 5052.
385
Exemples tirés du dictionnaire de António de Assis Júnior, ASSC.
175
− kimbundaria, grosses fesses, de mbunda, fesses
− kinhoka, long serpent, dérivé de nhoka, serpent386
D’autres emprunts enfin, dont la première syllabe est ki- et dont la valeur augmentative est évidente,
renforcent le potentiel sémantique du préfixe :
− kileba, quileba, grand
Ex. 858. Nunca que contava ela ficava tão kileba e assim tão forte de repente. (CADD
p.84)
Ex. 859. Mas o Turito nascia outra vez sorrisos virgens, corpo dele, quileba, levantava no
todo aplombio de boa alma que tinha. (VIEF p.27)
− kinguri387, quinguri, grand chef
Ex. 860. Por motivos e em condições que a crónica, para sempre, esqueceu, esse homen,
caçador e combatente destemido, teria na Baixa de Cassanje amigado com uma sobrinha do
quinguri. (BARR p.50, )
− quinducuto, gros
Ex. 861. A esposa do Sousa, dona quinducuta de riso quienze (SANBp.133)
− quissonde, kissonde, kisonde, grosse foumi redoutable
Ex. 862. A Formiga e o Quissonde encontraram-se no caminho, certo dia (DAVD p.7)
Ex. 863. Na cidade tem tiro como kissonde. (CORA p.17)
Ex. 864. Pior que kisonde! (Dudu Peres - A.R.L.5 p.29)
− kibutu, grand sac pour mettre des céréales, fardeau
Ex. 865. Andava dezoito quilometros de ida e volta, com kibutu de café cuidadosamente
assente na cabeça pra não desfazer as tranças de linhas pretas. (VANC p.52, )
− kibiri, martyre, grande souffrance
Ex. 866. A última vez que passei por aquela estrada foi em Setembro de noventa e dois,
melhor, na semana das eleições, antes, portanto, do kibiri. (Chicoadão - J.A.95/05/25 p.7)
− Kilama, homme riche et respectable
Ex. 867. Era um kilama. Tinha muitos bois e lavras de comida onde as pessoas iam semear
feijão (VANC p.31)
− quimama, dame respectable
Ex. 868. Os conhecimentos para ele não faltavam, baronas do munhungo, quimamas de
respeito, homens mais velhos de experiência, todos lhe recebiam com amizade. (SANE p.24)
386
Alberto Oliveira Pinto http://www.multiculturas.com/kimb_vocab.htm consulté le 17/7/2003.
387
Kinguri rappelle le portugais du Brésil guri (enfant). En kimbundu, nguri désigne le père de famille, kinguri le
patriarche. Privé de son préfixe augmentatif, le mot nguri se trouve de fait un diminutif. Le dictionnaire Houaiss
(HSSA), s’appuyant sur le dictionnaire étymologique de João Pedro Machado, donne une origine tupi au mot guri
puisqu’il existe un mot au son voisin, gwiri, en tupi qui désigne une espèce de poisson. Il y a peut-être lieu de
remettre en cause l’étymologie traditionnelle, un glissement de sens dans le champ du vocabulaire de la famille
pouvant être une nouvelle hypothèse.
176
Suffixation
La langue portugaise est riche en suffixes et en tire un potentiel de création de néologismes
important. Les Angolais n’ont pas manqué d’utiliser ce dynamisme interne de la langue portugaise.
Pour illustrer la faculté de créer des néologismes tout en restant dans le système, nous donnons en
exemple la prouesse d’un correspondant à partir du mot jingonça (mouvement désordonné,
agitation), où, par jeu, il est principalement fait usage de la suffixation388 :
Se é que a jingonça vale, então já estou a ver todos nós a nos
jingonçarmos, o que seria uma tremenda jingonçada que nos faria
jingonçar o tempo todo que prefereríamos tamanho espírito jingonceiro,
é verdade ! Até há quem diga que todo o jingonçador da jingonceira
netal389 terá o prémio jingonçante, só o de saber vir a ser
jingonceiramente jigonceirante, mesmo por forma a expelir uma
jongonceirice fora da habitual jingonçação cá do sítio que até já mete
medo ! Até vêm ondas de rumor de que o maior polémico da rede
« PN »390, antes de atingir as suas 1000 polémicas resolveu meter-se na
jingoncenice da sua jingoncice, acabando mesmo de ficar
peremptoricamente jingonçado, não obstante outros serem mais
jingonçudos que ele jingonçantemente falando, reitero votos de boa
jingonçassa, porque hoje é meu dia de seguir os maiores sendo meu
último dia, jingoncio e espero que o Sr. Macedo seja meu sucessor e
jingoncie duma forma tal que os outros também venham a jingonciar !
Para terminar com esta jingonciarada, peço apenas o seguinte :
Jingonciardes sem peso de consciência...
Com muito jingonço,
Jaka Paka
De toutes les formes créées notre correspondant à partir de jingonça, aucune, sauf jingonça, et
jingonçar, ne figure dans notre lexique.
Venant du portugais normatif desengonçar-se (se contorsionner), et ayant à peu près le même sens,
le verbe jingonçar n’est pas lui-même le produit d’une dérivation391.
Les verbes
Sur les 225 verbes que compte notre lexique, 181 sont des formes inexistantes au Portugal comme
au Brésil, les autres formes existantes ayant pris un nouveau sens dans un contexte angolais.
Parmi les 181 créations, trois seulement ont l’infinitif en –ir, desconseguir, ruspir et zunir. Formé
sur conseguir par préfixation, il ne pouvait en être autrement pour desconseguir et nous ne
possédons pas l’origine des deux autres pour donner l’explication de leur terminaison en -ir. Tous
les autres infinitifs sont en –ar qui se confirme être le suffixe de la néologie pour les infinitifs.
Comme nous l’indiquions à propos des emprunts392, les verbes du portugais d’Angola empruntés au
kimbundu, pour entrer dans le système de la langue portugaise, perdent généralement le préfixe de
388
L’auteur en est Claver Pitra dans un courrier électronique du 30/04/97. La traduction de cet encadré serait un autre
tour de force où on verrait que la langue française va moins loin dans la liberté et la subtilité des affixes. Nous nous
en dispensons.
389
Netal est dérivé de net (Internet).
390
Groupe de discussion par courrier électronique dans lequel a été écrit ce message.
391
Voir 3.2.1.12 a.
177
l’infinitif kimbundu ku- et prennent systématiquement le suffixe du portugais –ar. 63 verbes de ce
type font partie de notre lexique. Nous les donnons ci-dessous avec leur traduction, le verbe
kimbundu dont ils proviennent et la traduction de ce dernier quand elle présente une différence.
− alembar, pratiquer l’alembamento (sorte de dote), de kulemba
− banzar, penser, de kubanza, imaginer
− bazar, partir, fuir, s’en aller, de kubaza, rompre
− bilar, lutter, de kubila
− bilukar, être changée, transformée, de kubiluka
− bilular, transformer, changer, de kubilula, changer de position, mettre à l’envers
− bombar, couler, de kumbomba, couler goutte à goutte.
− bongar, attraper, de kubunga
− boquelar, faire des offrandes à la kianda (sorte de sirène), de kubokela.
− caçambular, gagner aux billes, s’emparer d’un objet dans les mains d’un autre, de
kutámbula, prendre, recevoir
− cachimbar, fumer, de kuxiba, aspirer
− cambular, attirer, séduire, de kukombola, enrôler, séduire
− canjonjar, savourer lentement, de kunjonja, manger peu
− capiangar, voler, dérober, de kupiangula
− caular, acheter en gros, vendre, de kukaúla, acheter un article avant que son prix
augmente
− chibar, boire, de kuxiba, sucer, absorber
− cochilar, somnoler, dodeliner de la tête, confier en secret, de kukoxila
− coelar, jubiler, applaudir, de kukouela
− conenecar, mutiler, blesser, de kukoneneka
− cubar, maudire, jeter un mauvais sort, lancer des imprécations, de kúkuba
− cufungar, mélanger, réunir, de kufúnga
− cuozar, triturer, réduire en poudre en frottant sur une pierre, de kuoza
− cuzacular, montrer ses jambes, de kuzakula, relever (ses vêtements), se dénuder les
jambes
− dezambelar, enlever le chaume du toit d’une case, de kuzambela
− didilar, pleurer, de kudila
− diquindar, se dandiner, de kudikinda
− dondar, couler, de kundonda, couler goutte à goutte
− fitucar, se révolter, s’énerver, de kufituka, retourner, se retourner
392
Voir 3.2.2.3.2.
178
− gungumar, faire des sons réguliers, résonner, vibrer, de kungunguma
− jangutar-se, manger, de kujanguta, mastiquer
− jijilar, forcer, obliger. Insister, de kujijila
− kafumbar, prendre la plus grosse part pour soi, de kufumba
− kindujukar, se balancer, être ballotté, de kukindujuka, aller en se balançant, en tombant
d’un côté ou de l’autre
− kinguilar, attendre, de kukinga
− kuatar, attraper, courir après, de kukuata
− kuxukulular, lancer un regard dédaigneux, de kuxukulula
− lutular, battre, frapper, de kulutula
− pancar, percuter, de kupangala.
− sabular, cancaner, de kusabula, délirer, dire des choses incohérentes
− saquelar, deviner, de kusakela
− sungar, tirer le maximum de, de kusúnga, tirer, étirer, étendre
− sunguilar, se divertir à la veillée, de kusungila
− xaxatar, caresser, palper, peloter, de kuxaxata, passer les doigt sur, palper
− xibar, sucer, de kuxiba
− ximbicar, ramer, godiller, de kuximbika
− xinguilar, entrer en transe, invoquer les esprits, de kuxingila
− xixilar, vivre difficilement, de kuxixila, durcir
− xuculular, jeter un regard de mépris, de kuxukulula, jeter un regard mauvais
− zanvular, jeter à terre, kimbundu kuzanza
− zuelar, parler, de kuzuéla
D’autres verbes se sont créés à partir de substantifs du kimbundu et ceux que nous avons relevés ont
également tous l’infinitif en –ar :
− ajindungar, pimenter avec du jindungo, de jindungo, piment
− aquimbunduar, donner à un mot les caractères de donner une allure régionale à ce qui ne
l’est pas, de kimbundu
− assanzalar-se, rester au village, montrer des habitudes typiques de la campagne, de
sanzala, village
− bangar, se montrer fièrement, de banga, fierté
− bassular, pratiquer la bassula, se battre, jeter quelqu’un à terre, de bassula, sorte de lutte
− batucar, jouer du batuque, de batuque, tambour
− cacimbar, mouiller, couvrir de brouillard, de cacimbo, brouillard
− cafucambolar, faire des cabrioles, de kafukambololo, cabriole
179
− cafunar, caresser la tête, de cafuné, caresse particulière sur la tête
− candongar, faire du commerce illicite, de candonga, contrebande
− desbundar, s’amuser, se défouler, faire la fête, de bunda, fesses
− descabaçar, déflorer, de cabaço, virginité
− fimbar, plonger, de fimba, plongeon
− kabetular, danser la kabetula, de kabetula, sorte de danse
− kazukutar, ne rien faire, de kazukuta, sorte de danse
− kisokar, tout se permettre, de kisoko, confiance traditionnelle entre deux personnes
− kissendar, faire de reproches, de kissende, reproche
− mambular, faire un discours, un texte, de mambo, sujet de discussion
− mufetar, griller (du poisson), de mufete, poisson séché
− muximar, vanter, flatter, de muxima, cœur
− quilunzar, donner un coup de feu, de kilunza, arme à feu
− reviengar, faire des feintes, tromper, de revienga, de nviém, mouvement des oiseaux en
vol
− sembar, danser la semba, de semba, musique typique
− topiar, agacer, embêter, se moquer, de topia, moquerie
D’autres verbes en –ar se sont créés sur des substantifs d’autres langues bantu :
− cangonhar, fumer, de diverses langues bantu cangonha, tabac
− mujimbar, raconter, de diverses langues bantu mujimbo, rumeur
− salar, travailler, du kikongo salu, travail.
− tucutucar, faire un bruit de moteur, de l’onomatopée tucutucu, bruit de moteur
Sur des substantifs portugais ou d’origine portugaise, ne se sont formés également que des verbes
en –ar :
− berridar, courir, de berrida, de brida, bride
− bondar, en finir, du portugais populaire bonda, ça suffit
− carnavalar, participer au carnaval, de carnaval, carnaval
− chatiçar, embêter, agacer, de chatice, agacement
− criançar, être enfant, de criança, enfant
− criadar, servir comme employé, de criado, employé de maison
− cubar, dormir, mourir, de cubículo, chambre
− emalar, mettre dans des malles, de mala, malle
− estilar, se montrer fièrement, de estilo, style
− matabichar, prendre le petit déjeuner, de matar o bicho, tuer le ver
− pancar, manger, de panquê, du portugais populaire panqueca, crêpe
180
− trumunar, jouer à la balle, au football, lutter, de l’argot trumuno, football
− patar, aller à une fête, une réception sans y être invité, de pato393, celui qui vient sans
être invité
− pitar394, manger, ou avoir des relations sexuelles, de pitéu, mets, et/ou pito, vagin
Pour terminer ce paragraphe sur la suffixation des infinitifs et pour confirmer le caractère unique de
l’entrée dans la catégorie des verbes en –ar de tous les néologismes, voici d’autres exemples
d’origine diverses :
− bisnar, tromper, faire des affaires, de l’anglais business, affaire
− grifar, porter des vêtements de marque, du français griffe
− deszairinizar, chasser les Zairois, de Zaire, nom de pays
− aralditar, être collant, ne pas lâcher, insister, de Araldite, marque de colle
–eiro et –eira
A très peu d’exceptions près, les deux domaines dans lesquels le suffixe –eiro ou –eira est créateur
sont :
− les arbres, ou les plantes cultivées,
− les personnes pour leurs qualités ou leurs activités.
Pour les arbres et plantes cultivées dont la liste suit, nous n’avons pas déterminé à quoi obéissait le
choix du masculin ou du féminin qui alternent sans raison évidente :
− cassuneira, arbuste atteignant parfois quatre mètres, du kimbundu kusúna, être
renfrogné, en raison de la fumée désagréable du bois
− imbondeiro, embondeiro, baobab, du kimbundu mbondo.
− jindungueiro, gindungueiro, arbuste qui donne de petits piments très forts, dérivé de
jindungo, nom de ce piment
− jingubeira, arachide (la plante), dérivé de jinguba (le tubercule)
− maboqueiro, arbre qui donne les maboques, fruits à coque dure
− mafumeira, ou mafuma, grand arbre tropical, du kimbundu mufuma
− mandioqueira, pied de manioc, dérivé de mandioca, manioc
− matebeira, palmier dont on tire la mateba, fibre
− mulembeira ou mulemba; arbre typique, du kimbundu mulemba
− muxixeiro ou muxixe, ou muxíxi, espèce d’arbre xérophile, du kimbundu múxixi
− tambarineiro, tambarindeiro, tamarinier, du portugais tamarinho
Le deuxième domaine est celui des personnes en fonction de leurs qualités morales ou de leurs
activités. En général, un masculin en –eiro et un féminin en –eira existe pour ces vocables, qui sont
des adjectifs ou des noms :
− bangoseiro, qui se montre, dérivé de banga, fierté
393
Pato, au Brésil, a le sens d’idiot. Le pato angolais a au contraire une certaine habileté.
394
Au Brésil, pitar veut dire fumer (donné comme régionalisme par HSSA).
181
− bassuleiro, lutteur, dérivé de bassula.
− batuqueiro, qui joue du batuque, dérivé de batuque
− batuqueiro395, celui qui fait une attaque à main armée, dérivé de batuque, tambour
− bisneiro, filou, escroc, dérivé de bisnar, faire des affaires
− boxeiro, boxeur, de boxe.
− candongueiro396, contrebandier, traficant, dérivé de candonga, contrebande
− cavanzeira, qui crée des problèmes, dérivé de cavanza, confusion, bagarre
− chungueiro, vagabond, délinquant, dérivé de chunga, taverne
− diambeiro, qui fume la diamba, dérivé de diamba, chanvre
− diboteiro, bavard, dérivé de dibotar, médire
− empacaceiro, empacasseiro, chasseur de buffles, soldats irréguliers indigènes recrutés
parmi les habitants des muceques et qui faisaient le service de la police de Luanda,
dérivé de pacaça, buffle
− fubeiro, commerçants de l’intérieur du pays, celui qui fait la fuba, sorte de farine
− fumbeiro, profiteur, du kimbundu kufúmba, prendre la plus grosse part, porter tort
− gosmeiro, envieux, dérivé de gosma, avidité
− kazukuteiro, paresseux, indiscipliné, dérivé de kazukuta, sorte de danse
− kimbanguleiro, manoeuvre sur un chantier, celui qui transporte la kimbangula, caisse
contenant le mortier
− mabangueiro, qui ramasse des mabangas, sorte de bivalve
− macuteiro, menteur, du kimbundu múkua-makutu, menteur
− mandioqueiro, vendeur de manioc, dérivé de mandioca
− mangonheiro, paresseux, dérivé de mangonha, paresse
− marimbeiro, joueur de marimba, xylophone typique
− mujimbeiro, messager, de mujimbo, rumeur
− munhungueira, prostituée, de munhungo, prostitution
− mussequeiro, qui a un rapport avec le musseque
− nguendeiro, fêtard, dérivé de nguenda, même sens
− quimbandeiro, ou kimbanda397, sorcier, du kimbundu kimbanda
− sanzaleiro, campagnard, péquenot, dérivé de sanzala, village
− zungueiro, vendeur ambulant, du kimbundu kuzunga, circuler
Trois mots échappent aux deux catégories précédentes, que nous citons comme des exceptions :
395
Des deux acceptions de batuqueiro que nous donnons, seule la première est en usage au Brésil selon HSSA.
396
Au Brésil , candongueiro a les sens de cancanier et de filou (HSSA).
397
Ces deux formes sont également vivantes au Brésil avec le même sens.
182
− cacimbeiro, pluvieux, dérivé de cacimbo, petite pluie
− neteiro, relatif à Agostinho Neto
− le mot candongueiro quand il désigne un moyen de transport collectif urbain (son autre
sens est celui de contrebandier), dérivé du mot candonga, contrebande
-ista et –ismo
Limité à la production de vocables pour désigner les personnes par rapport à leurs idées, leurs
qualités, et aussi pour nommer les tendances (-ismo), nous donnons des exemples d’emploi de ces
deux suffixes :
a) -ista
− ambaquista, celui qui critique tout, qui a un avis sur tout; originaire de la région
d’Ambaca, ou Mbaka, ancienne localité de l’intérieur de l’Angola
− boquista, bavard, de boca, bouche
− camanguista, traficant de diamants, de camanga, trafic de diamants, en diverses langues
bantu
− farrista, qui aime la fête, dérivé de farra, fête398
− futunguista, partisan du gouvernement
− kadienguista, celui qui fait des travaux payés à la tâche, de kadiengue, petit travail, en
diverses langues bantu
− kimbanguista, adepte de la religion kimbanguiste, du nom propre de Simon Kimbangu,
créateur de la religion
− liambista, celui qui vend la liamba, chanvre
− ngolista, partisan de l’Angola
b) -ismo
− antiguismo, goût pour ce qui est ancien, du portugais antigo
− cantalutismo, tendance à célébrer la lutte politique, de cantar, chanter et lutar, lutter
− futunguismo, dévouement envers le gouvernement, de Futungo, résidence du
gouvernement.
− mazumbismo, retard mental, du kimbundu muzombo, même sens
-mento, -ento
Selon la norme portugaise, le suffixe –mento forme des noms et –ento des adjectifs. Nous en avons
aussi l’illustration dans le portugais d’Angola :
Noms en –mento :
− alembamento, présent que le futur mari fait à la famille de sa fiancée, du kimbundu
ilêmbu, même sens
− ancoramento, fait de ne pas avoir d’argent, du portugais âncora, ancre
398
Farrista et farra sont dictionarisés par HSSA.
183
− cubamento, action de maudire, de jeter un mauvais sort, dérivé de cubar, maudire
− saquelamento, divination, du kimbundu kusakela, deviner
− sunguilamento, veillée, dérivé de sunguilar, veiller
− xingamento399, imprécation, insulte, dérivé de xingar, insulter
− xinguilamento, affolement, transe, dérivé de xinguila, être en transe
Adjectifs en –ento :
− gangento, téméraire, du kimbundu ngánji, audace
− mangonhento, paresseux, dérivé de mangonha, paresse
-ino, -ano, -ense
L’utilisation de ces trois suffixes permet de créer des désignations d’habitants de pays, régions,
villes, ou quartiers, ou de former des adjectifs se rapportant à ces lieux :
a) -ino
− huambino, habitant de Huambo, relatif a Huambo.
− luandino, de Luanda.
− malanjino, parfois malanjinho, habitant de Malanje.
b) -ano
− huilano, de la province de Huíla
− ngimbiano, de Ngimbi, ou Nguimbi, autre nom pour Luanda.
− sulano, originaire du Sud, du portugais Sul, Sud
c)-ense
− benguelense, habitant de Benguela, relatif à Benguela, ville côtière
− cabindense, habitant de la ville de Cabinda, relatif à Cabinda.
− caxitense, habitant de Caxito, ville voisine de Luanda
− kibalense, habitant de Kibala, relatif à Kibala, petite ville de l’intérieur
− luandense, habitant de Luanda.
− mazombense, de Maquela do Zombo.
− namibense, habitant de la ville de Namibe, relatif à Namibe.
− ngolense, du nom propre Ngola, Angola
− quinaxixense, habitant de Kinaxixe, quartier de Luanda
La base de ces créations n’est pas toujours un nom propre puisque nous avons aussi les deux
exemples suivants :
− mussequino, du musseque
− capitalino, de la capitale, du portugais capital
Et enfin, comme exception, il se peut que la base n’ait pas de rapport avec un lieu :
399
Xingamento existe au Brésil, comme régionalisme selon HSSA.
184
− cazuarino, relatif à l’arbre connu sous le nom de cazuarina
proparoxytons en -ico
Sans doute plus savant que les autres procédés par sa connotation scientifique, ce procédé n’est pas
populaire. Il ne se limite pas à un domaine particulier400 :
− quimbândico, qui a rapport aux pratiques médicales traditionnelles, dérivé de kimbanda,
sorcier
− nundúmica, ayant rapport avec Nunduma We Lepi (Costa Andrade)
− savímbico, ayant rapport avec Savimbi, du nom propre Savimbi.
− sânjico, relatif à la poule, du kimbundu sanji, poule.
-agem, -ice, -ação
Ces trois suffixes servent à créer des substantifs féminins qui sont souvent les doublés de formes
plus courtes :
a) -agem
− berridagem, poursuite, course, doublé de berrida, même sens
− cachicagem, travail subalterne sans intérêt, dérivé de caxico, esclave
− gandulagem, banditisme, délinquance
− garimpagem401, doublé de garimpo, recherche de l’or
− gombelagem, viol, du kimbundu kungombila, agresser sexuellement une femme ou de
gombilador, violeur
− lumpenagem, l’ensemble des délinquants, de lumpen
− sonecagem, écriture, du kimbundu kusoneka, écrire
b) -ice
− cazumbice, dépréciatif pour cazumbi, esprit des morts
− curibotice, médisance, du kimbundu kudibota, médire
− gadiamice, indigence, du kimbundu ngariama, qui possède peu
− kazukutice, paresse, doublé de kazukuta,
− mujimbice, médisance, doublé de mujimbo
− quimbundice, mot du kimbundu, dérivé de kimbundu.
− xaxatice, tripotage, de xaxatar, peloter
− zongolice, bavardage, médisance
c) -ação
400
Luandino Vieira utilise beaucoup ce procédé de création d’adjectifs qualificatifs par proparoxytons en -ico. Michel
Laban en a relevé 45 (LABA p.128).
401
Garimpagem est donné par HSSA comme un régionalisme au Brésil.
185
− cambolação, recrutement de porteurs dans l’intérieur de l’angola
− charqueação402, préparation de la viande à conserver par salage et séchage
− kuzuação, façon de s’habiller, du kimbundu kuzuata, s’habiller
− nguvulação, gouvernement, du kimbundu nguvulu, chef du gouvernement, lui-même du
portugais governo
− savimbização, influence de Savimbi, du nom propre Savimbi, chef de l’UNITA
-ante, -ador, -oso
Ces trois suffixes, et les formes féminines des deux derniers, servent à créer des formes d’adjectifs
et de substantifs à partir de verbes et de noms.
a) -ante
− aviante, élément européen dans l’organisation commerciale, principaux commerçants
des villes, celui qui fournit la marchandise, du portugais aviar, expédier
− bazante, celui qui part, dérivé de bazar, partir
− funante, commerçant colonial qui se déplaçait à la recherche de marché, du verbe funar,
lui même du kimbundu kufuna, commerce
− nguvulante, membre du gouvernement, du kimbundu nguvulu, chef du gouvernement
− xinguilante, affolé, dérivé de xinguilar, entrer en transe
b) -ador
− batucador, qui joue du batuque, tambour
− boatador, calomniateur, dérivé du portugais boato, rumeur
− bungulador, qui remue les fesses à la manière du sorcier, dérivé de bungular, danser
(pour un sorcier)
− cambulador, agent d’un commerçant (plusieurs verbes kikongo et kimbundu
correspondent par la forme et par les sens : kombola, kombula; kukombola, kukombula)
− chimbicador, celui qui manie la godille, de ximbicar, godiller
− gombilador, violeur, de gombilar, violer
− penteador, policier, de pentear, argotique pour donner une amende
− sabulador, rapporteur, cancanier, de sabular, cancaner
− xinguilador, médium, dérivé de xinguilar, entrer en transe
c) -oso
− bangoso, crâneur, dérivé de banga, fierté
− guitoso, qui a de l’argent, dérivé de guitos, argotique pour l’argent
− quijiloso, strict, dérivé de kijila, interdiction
402
Utilisé au brésil dans ce sens.
186
-al, -ada, -aria, -anço
Nous avons également regroupé ces quatre suffixes qui suggèrent la quantité, dénombrable ou non,
et désignent comme en portugais normatif des endroits plantés d’une même plante, des quantités
importantes d’une même denrée, d’un même objet, etc., et parfois un coup (xifutada) :
a) -al
− capinzal, terrain recouvert d’herbes, dérivé de capim, herbe
− kwanzal, en kwanzas, de kwanza, monnaie nationale angolaise
− zungal, herbe haute et serrée
b) -ada
− batucada, son du batuque, dérivé de batuque
− cacussada, plat de cacusso, poisson d’eau douce
− carneirada, epidémie, de carneiro, mouton
− fubada, plat à base de fuba, sorte de farine
− funjada, poisson, ou viande, accompagné d’une préparation à base de manioc (le funje),
le tout en abondance, dérivé de funje
− kizombada, fête, du kimbundu kizómba, danse, bal
− merengada, musique sur un rythme de merengue
− muambada, abondance de muamba, préparation culinaire
− mujimbada, ensemble de rumeurs, phénomène de la rumeur, dérivé de mujimbo, rumeur
− quizacada, grande quantité de kizaka, préparation culinaire à base de feuilles de manioc
− xifutada, tir de lance-pierre, de xifuta, lance-pierre
c) -aria
− chibaria, ivresse, de chibar, boire
− kimbundaria, grosses fesses, de mbunda
d) -anço
− bazanço, départ, dérivé de bazar
− ginganço, mouvement de balancement en marchant, du portugais gingar
− muximanço, battement de cœur, flatterie, dérivé de muxima
Diminutifs et augmentatifs, -inho, -inha, -ito, ão
Ces suffixes étant très créatifs au Portugal, comme au Brésil, nous ne retenons ici que les formes
qui selon nous ont un sens particulier en Angola :
− azulinho, policier, de azul, bleu (les voitures et les motos de la police étaient de couleur
bleue)
− calcinha, ou calcinhas, façon d’interpeler, ou de désigner ironiquement, un africain qui
cherche à bien s’habiller, ou à vivre à l’européenne, du portugais calças, pantalon
187
− catorzinha, jeune fille d’environ quatorze ans, de catorze
− garrafinha, sorte de jeu, de garrafa
− kochito, petit moment, de koche, moment
− maninho, soldat de l’UNITA, de mano, façon des soldats de l’UNITA de s’appeler entre
eux
− mufetinho, un bon mufete, préparation culinaire
− pirãozinho, un bon pirão, préparation culinaire
− porrinho, gourdin, du portugais porra, gourdin
− verdinha, billet vert, dollar, du portugais verde, vert
− vermelhinha, billet de mille kwanzas, jeu de bonneteau avec des cartes, du portugais
vermelho, rouge
Pour les augmentatifs, nous n’avons trouvé aucun augmentatif en –ona :
− kochão, temps assez long, dérivé de coche, moment
− bangão, très bien habillé, dérivé de banga, fierté
− bujão, grand verre
− rucão, grande voiture, dérivé de ruca, voiture (carro en verlan)
La formation des diminutifs et des augmentatifs, comme on peut le voir sur ces quelques exemples,
se fait en général de façon régulière. Nous avons cependant noté deux irrégularités :
− l’emploi abusif du suffixe -inho pour le suffixe -ino
Ex. 869. O meu pai é malanjinho. (Ju44-10/142)
− la formation irrégulière avec igual
Ex. 870. uma pesa mais mas é quase tudo igualinho. (Do29-28/78)
–mente
La production d’adverbe est plutôt faible :
− boxeiramente, en se défendant à la façon d’un boxeur, dérivé de boxeiro
− cabindamente, à la façon d’un Cabindais, de cabinda, doublé de cabindense, cabindais
− xingantemente, de façon insultante, de xingar, insulter, puis xingante, insultant
Autres
Nous avons relevé d’autres suffixes, peu productifs : -engue, -eco, -una, -uxu, et -er.
− barengue, bar, bistrot, du portugais bar
− partideco, homme politique sans valeur, du portugais partido, parti
− apartuxu, appartement, du portugais apartamento, appartement
− campuna, paysan, du portugais camponês, paysan
− japuna, japonais, du portugais japonês, japonais
− bóter, voiture, de bote, bateau
188
− buker, livre, de l’anglais book, livre.
Le redoublement 403
Redoublement de la première syllabe
Cette première possibilité existe, sans grande ampleur. Elle est utilisée dans une création de type
argotique, ce que confirment les champs lexicaux, armes, argent, et ivresse :
− baba, pistolet, répétition de la première syllabe de balázio, coup de feu
− dódó, de dollar
Ex. 871. Eu mesmo trazia 1500 dódós que me custou a arranjar no BPC. (Luís de Tark C.S.2-40 p.8)
− vuvu, saoûl, peut-être répétition de la première syllabe de vuzar, du portugais abusar,
abuser
Redoublement d’une syllabe en début de mot
Nous n’avons rien trouvé de significatif. Les trois mots de notre lexique dont la première syllabe est
redoublée, jijilar (obliger), chochota (sexe féminin), et yoyota (tromperie, histoire, baratin, de
lorota, même sens au Brésil). Il semble qu’il s’agisse d’une simple assimilation de consonnes, en se
fondant sur jijilar qui vient manifestement de kijila (interdiction).
Redoublement du mot, entier ou en partie
Certains mots proviennent directement du kimbundu ou du kikongo sans altération, ces langues
procédant normalement par réduplication (ou redoublement du mot entier) dans leur morphologie :
− búri-búri, grande épingle décorative dont une partie est mobile et pendante, du
kimbundu
− fuco fuco, faibles lueurs, du kimbundu fuku fuku404, premières lueurs du jour
− kuata-kuata, littéralement: « attrappez-le, attrappez-le », référence au temps où on
chassait les hommes pour en faire des esclaves, du kimbundu
Ex. 872. isto já não é guerra do kuata-kuata (PEPI p.88)
− kenene-kenene, de façon très ouverte, du kimbundu
Ex. 873. Escancara-me esta porta / kenene-kenene (BONA p.51)
− malembe malembe, très lentement, du kikongo
− paco-paco, battement de cils, du kimbundu kupakujuka, battre des cils
− panga-panga, sorte de bois, de plusieurs langues bantu
− saco-saco, plante aromatique et médicinale, du kimbundu
D’autres mots ont visiblement été produits sur ce modèle bantu :
403
Nous utilisons les termes redoublement et réduplication, la réduplication étant aussi un redoublement mais de mot
entier.
404
Sans doute du portugais lusco-fusco, crépuscule, aube, moment de semi-clarté.
189
− chupa-chupa, chaussures très légères en matière plastique, du portugais chupar, sucer,
sans doute par allusion au bruit que font ces chaussures pendant la marche et qui rappelle
un bruit de succion
− coló-coló, colon, du portugais colono
− logo-logo, tout aussitôt, du portugais logo, aussitôt, forme superlative
− marra-marra, sandalettes avec lacets s’attachant sur la jambe, du portugais amarrar,
attacher
− pafu-pafu, coup
Ex. 874. Uns diziam que é necessário dar um pafu-pafu no passarinho porque mente outros diziam que não!... (WENA p.43, )
− reco-reco405, instrument de musique pour marquer le rythme en frottant un bâton
cannelé, d’une onomatopée
− sape-sape, sorte de fruit (anone ou sapotille), arbre qui donne ce fruit (sapotillier)
Ex. 875. O sape-sape ficava perto da rua, no terreno onde antigamente estava o Asilo
República. (VIEC p.40)
− sobe-sobe, nom donné à une sorte de jupe, du portugais subir, monter
Ex. 876. Não sei se entretida pela conversa, a garina havia deixado que a saia « sobe-sobe »
subisse, subisse, até a cintura. (Fernando Martins - C.S.2-36 p.8, )
− treme treme406, tremblement, du portugais tremer, trembler
Ex. 877. Adérito a ensaiar bolinhas de fumo e a desconseguir no treme treme e
insegurança dos lábios. (RUIM p.40)
− tuco-tuco, voiture, nom donné en diverses langues par onomatopéisation
Ex. 878. Estradas para os tuco-tucos. (BOBB p.108)
La réduplication n’est pas inconnue en portugais comme dans de très nombreuses langues. C’est un
des procédés universels d’expression de l’intensité, par le simple effet d’insistance de la répétition.
Dans les exemples qui précèdent, logo-logo, expression d’intensité pour logo, est un phénomène
syntaxique, alors que treme treme est une création lexicale.
Michel Laban a réuni des créations par redoublement chez Luandino Vieira, Jorge Macedo et Jofre
Rocha. Il s’agit la plupart du temps de réduplications de nature stylistique. Certaines (en gras)
correspondent à un usage populaire que nous avons constaté (nous ne traduisons que l’élément
simple) :
− Chez Luandino Vieira : logo-logo (tout de suite), pouco-pouco (peu), bocado-bocado
(peu), velho-velho (vieux), longe-longe (loin), tudo-tudo (tout), malembe-malembe
(doucement), todos-todos (tous), sempre-sempre (toujours), bem-bem (bien), mole-mole
(mou), branca-branca (blanche), querer querer (vouloir), vindo vindo (venu), amarraamarra (attache), meus meus (miens), ele ele (lui), riso riso (rire), noites-noites (nuits),
água água (eau), sandálias sandálias (sandales), senhoras senhoras (dames)
− Chez Jorge Macedo : hoje hoje (aujourd’hui), demanhã demanhã (demain)
− Chez Jofre Rocha : fraca fraca (faible), quente quente (chaud)407
405
C’est aussi le nom de cet instrument au Brésil.
406
Même sens au Brésil (HSSA).
190
Réduplication avec un préfixe
Quelques vocables, tous empruntés au kimbundu, présentent un redoublement interne digne d’être
signalé comme l’importation d’un nouveau modèle, bien que nous n’ayons pas relevé de créations
sur ce modèle :
− cafucufuco, petit matin
− chitembo-tembo, espèce d’oiseau
− coxangoxango, sorte de haricot, appelé aussi feijão maluco, haricot fou
− cumenga-menga, action de remuer les fesses
− kilômbe lômbe, corbeau
− kimenemene, matinal, très tôt
− mukende-kende, nom kimbundu pour l’oiseau rabo-de-junco, veuve
Composition
Nous définissons la composition comme l’association sans préposition de deux vocables en
produisant un troisième (exemple ci-sessous : pau-ferro). Ce premier résultat peut ensuite admettre
des affixes (exemple ci-dessous : cantalutista). Voici les vocables produits par composition présents
dans notre lexique :
− azeite-dendém, huile de palme, du portugais azeite, huile d’olive et du kimbundu
ndénde, fruit du palmier
− azeite-palma, huile de palme, du portugais azeite, huile d’olive et palma, palmier
− bate-boca, discussion vive, du portugais bater, battre, et boca, bouche
− boi-soba, boeuf âgé, sacré et invendable, du portugais boi, bœuf et de soba, chef
traditionnel en diverses langues bantu
− cantalutismo, tendance à célébrer la lutte politique, du portugais cantar, chanter et luta,
lutte
− cantalutista, se dit d’un écrivain à message politique, même origine que ci-dessus
− farinha-musseque, type de farine de manioc, du portugais farinha, farine et du kimbundu
museke, quartier périférique
− fenéla-kuacha, soldat du FNLA ou de l’UNITA, de FNLA, sigle d’un mouvement armé,
et kwacha408, cri de ralliement de l’UNITA, autre mouvement armé.
− mijadollarado, propre à ceux qui ont des dollars, du portugais mijar, pisser, et de dollar
− mijadollares, celui qui a des dollars, même origine que ci-dessus
− pau-ferro, sorte de bois très dur, ébène, du portugais pau, bois et ferro, fer
− rebentaminas, qui saute sur une mine, qui déclenche une réaction violente, du portugais
rebentar, faire éclater, et mina, mine
407
LABA p.129.
408
Kuacha, en umbundu, signifie : le jour s’est levé.
191
− saca-folhas, ou saca-folha, feuille de manioc, partie aérienne du manioc cuisinée, du
portugais sacar, sortir, tirer de, et folha, feuille
− samba-apito, cigarette, du portugais samba, nom de la danse et apito, sifflet, ou pito,
cigarette, par paronymie
Expressions lexicalisées
Comme pour la composition, plusieurs unités lexicales deviennent une seule lexie par ce que nous
appelons « expressions lexicalisées ». A la différence de la composition, les expressions lexicalisées
ont au départ une forme normative mais une autre unité de sens. Elles se lexicalisent en prenant un
contenu sémique nouveau par glissement de sens, métaphore ou métonymie, pas toujours facilement
explicable409.
− bebé-de-praça, taxi, du portugais bebé, bébé, et praça, place
− beijo-de-mulata, espèce de fleur, du portugais beijo, baiser, et mulata, mulâtre
− bessangana, beça-ngana, ou nbêça ngana, dame, jeune femme ou jeune fille, de beça,
de bênção, bénédiction, et ngana, madame ou monsieur, par métonymie, du fait que la
jeune femme demandait autrefois la bénédiction en disant « Beça, ngana »
− bico-de-lacre410, espèce d’oiseau très commun se déplaçant en bande dans les champs de
céréales (Quelea quelea lathamii), du portugais bico, bec et lacre,
− bico-de-prata, espèce d’oiseau commun, au bec blanc, du portugais bico, bec et prata,
argent
− branco-de-primeira, branca-de-primeira, blanc né en Europe et vivant en Angola,
autrefois, du portugais branco, blanc et primeira, première (catégorie)
− branco-de-segunda, branca-de-segunda, blanc né en Angola, du portugais branco,
blanc, et segunda, seconde (sous entendu : « categoria », catégorie)
− brinco-de-mulata, espèce de fleur, du portugais, boucle d’oreille de mulâtresse
− capim-de-deus, espèce de plante, du portugais, herbe de Dieu
− cú duro411, policier, du portugais, cul dur
− dá-me-fogo, jeu d’enfants, du portugais, donne-moi du feu
− guerra preta, soldats africains au service du Portugal en Angola, du portugais, guerre
noire
− kudúro, rythme très en vogue à Luanda dans les années 1990, du portugais cu duro, cul
dur
409
Annette Endruschat, qui a étudié le portugais d’Angola à l’époque marxiste, étant alors chercheuse originaire de la
RDA, donne les expressions lexicalisées suivantes calquées sur les pays socialistes qui avaient d’étroites relations
avec l’Angola et lui servaient de modèle : brigada juvenil (brigade de jeunes), cooperativa de produção agrícola
(coopérative de production agricole), herói do trabalho (héros du travail), sábado vermelho (samedi rouge : jour de
travail bénévole), tribuna de honra (tribune d’honneur), END1 p. 75-76.
410
Cet oiseau existe aussi au Brésil avec la même dénomination.
411
Voir quelques lignes plus bas son homonyme kudúro.
192
− maçã-da-índia, espèce de fruit, du portugais, pomme de l’Inde
− mais-velho, aîné, personne plus âgée à qui on doit le respect, du portugais, plus vieux
− pau a pique412, technique de construction de murs où la structure est faite de bois
entrecroisés qu’on colmate de terre, du portugais, bois dressé
− peito-celeste, ou peitinho-celeste, espèce d’oiseau au jabot bleu, du portugais, poitrine
céleste
− rabo-de-junco, petit oiseau au plumage châtain, à longue queue du portugais, queue de
jonc
− três quinhentos, policier, du portugais, trois pour cinq cents : les policiers se déplaçant
souvent par trois, analogie avec une marque de bière qui se vendait 500 Kz les trois
− mundele paku, mundelepaka, mundel paco, variété de manioc, du kimbundu mundele,
blanc et du nom propre Paco
Expressions idiomatiques angolaises
Sémantiquement, les expressions toutes faites ne correspondent pas toujours au sens qu’on peut
déduire de leurs éléments lexicaux réunis. Elles forment ainsi des unités de sens plus ou moins
facilement décodables. Aux nombreuses expressions idiomatiques du portugais, les Angolais en ont
ajouté qui leur sont propres. Nous en donnons ici quelques unes :
− dar para a sua tumba, dar tótó (se sauver)
Ex. 879. nós queremos quinar, queremos fugir, dávamos tótó, cada um dava para a sua
tumba. (He24-6/59)
− qual é a tua, a sua, a dele,a dela, a deles ? (quel est [ton] problème ?)
Ex. 880. Tão a pedir muito kitadi mas qual é a deles ? (Na55-26/239)
− dar uma de413 (jouer les ; imiter)
Ex. 881. Deram uma de xenofobistas. (Na55-24/239)
− não estar a bater bem da tola414 (ne pas être en bonne santé mentale)
Ex. 882. Dizem que há engenheiros da EDEL e da SONEFE que já estão a bater ~ já não
estão a bater bem da tola de tanto pensar na solução desses problemas. (Si104-18/214)
− levar um vermelho (du football, être sanctionné)
Ex. 883. Se os directores da EDEL e da SONEFE não aproveitam esta semana para se
livrarem dos maus espíritos, podem nos dias seguintes levar um vermelho. (Si104-24/214)
− muito cacimbo no lombo (beaucoup d’années de vie)
Ex. 884. 39 anos de idade, muito cacimbo no lombo (Armando Andrade Lopes - C.S.2-20
p.20)
− na zuna (rapide, rapidement)
Ex. 885. e um barulho coado de motores na zuna (RUIK p.47)
412
Technique connue au Brésil sous le même nom.
413
Existe aussi en portugais du Brésil.
414
Rappelle l’expression du Brésil : não estar bem da telha et não estar a bater bem da telha ou do telhado.
193
− a meio gás (avec peu de résultat)
Ex. 886. Trabalham a meio gás. Falta-lhes quase tudo. (Pereira Dinis - J.A.96/10/05, p.5)
− curtir a vaza, curtir as vazas (prendre la place, s’avancer)
Ex. 887. Era preciso atacar-lhe logo-logo, curtir-lhe a vaza, bombear o branco. (VIEE
p.17)
− levar berrida de (être chassé)
Ex. 888. Este ano já começou chover e o capim castanho levou berrida do verde que por
baixo dele furou a terra. (PEPI p.18)
− dar berrida em (poursuivre, mettre en fuite, chasser)
Ex. 889. Primeiro, um vento raivoso deu berrida nas nuvens todos fazendo-lhes correr do
mar para cima do Kuanza. (VIEC p.13)
Et voici quelques autres expressions que nous ne donnons pas dans un contexte et qui nous ont été
indiquées par nos informateurs :
− estar na onda (être à la mode)
− matar a casuleta (mourir)
− dar berro (mourir)
− apanhar do ar (ne rien comprendre)
− não tem kijila (Il n’y a pas d’empêchement, tout est permis)
− de boa muxima (de bon coeur)
Agglutination
L’agglutination consiste à réduire à une unité lexicale composée et à la sentir comme telle une
chaîne syntaxique de plusieurs unités déjà figée dans son emploi. Il s’agit donc autant d’une
perturbation de la chaîne syntaxique que d’une création d’unité lexicale. Ce phénomène est sensible
à divers degrés.
A un premier niveau, l’altération n’est visible que parce que l’orthographe la traduit (exemples cidessous de cadavez, mazé, etc., qu’il serait possible d’écrire cada vez, mas é, etc.) :
− mazé, ou masé, du portugais mas é, utilisé comme explétif ou particule de renforcement :
Ex. 890. O mais difícil foi ir no Posto esperar justiça: afinal saiu mazé porrada nas mãos até
inchar... (CADD p.71)
Ex. 891. Você mazé é um grande político, andas a agitar os teus patrícios. (CARA p.41)
Ex. 892. Vá masé à merda! - disse sô Queiros. (PEPI p.39)
− comué, ou cumé, avec le même sens que le portugais como é, comment ça va, comment
ça :
Ex. 893. comué que estão me pedir (LEMA p. 43)
Ex. 894. ergue uma garrafa de gin acabada : « Cumé ? Esse mambo dá para caular gasopal.
» (Osvaldo Gonçalves - J.A.95/01/29 p.11)
− cadavez, avec le sens de talvez (peut-être) :
Ex. 895. palavras feitiças que a gente não sabíamos, cadavez vazias como que era a cabeça
que estava lhes falar. (VIEE p.211)
194
Ex. 896. o meu pai cadavez trabalha, cadavez bebe kaporroto. (GUED p. 13)
Autres exemples trouvés seulement chez les écrivains qui comme on le voit exploitent largement le
procédé :
Ex. 897. Perante a miséria dusotro. (Chicoadão - J.A.95/04/01 p.7) [dos outros]
Ex. 898. Masantaão ! (Chicoadão - J.A.95/04/01 p.7) [mas então]
Ex. 899. nozaqui; nusotro; tamuzaqui (Chicoadão - J.A.95/05/16 p.7)
Ex. 900. agente estamos a ficar com os matacos fora (Heitor Neto - L.&O.28-30 p.19)
Ex. 901. para levar cadaqual no destino do cadaqual (Heitor Neto - L.&O.28-30 p.19)
Ex. 902.
já não pode andar aí atôa no desporto (Dudu Peres - A/R.L.5 p.28)
Ex. 903. e esta mulata, sueu... Agora, mi ouvem!... (LEMA p. 43) [sou eu]
Ex. 904. Porisso minha vizinha, você p’ra mim é já um parente (LEMA p. 56)
Ex. 905. dacapouco vamos assustar (LEMA p. 48) [daqui a pouco]
Ex. 906. não valapena (LEMA p. 48) [vale a pena]
Ex. 907. você põem-lhe em casa nem já sabe fritar ovo, condomaji já pôr ferro. (MACB p.
12) [quanto mais]
A un deuxième niveau, il y a création lexicale :
− kascopo, ivre, ivrogne, du portugais com os copos
Ex. 908. Teimoso, kascopo, no olho só kifofo (CARB p. 85)
− paracuca, friandise faite d’arachides cuites dans un sirop, de portugais para, pour, et du
nom de la marque de bière Cuca415, généralement bue en accompagnement de cette
friandise
− quicanta, appareil de radio ou tourne-disques, du portugais que canta, qui chante
Ex. 909. Vem, também, outras pessoas ouvir no quicanta do Farmacias as notícias da
guerra da Alemanha. BOBB p.23
− quitoca, radio, du portugais que toca, qui joue.
Jeux de mots et mots-valises
Le mot-valise est un jeu de mots, volontaire ou involontaire qui produit une sorte de fusion entre
plusieurs vocables. Le mot valise est un procédé qui se rapproche plus de la composition que de
l’agglutination416. Il y a généralement des sons communs aux unités fusionnées dans le mot-valise.
Nous en avons relevé quelques uns dans notre corpus oral :
− entrosar (adapter) et entregar (remettre) : introgar
Ex. 910. como todo luandino sabe, a ilha é um sítio aparte que não faz, como digo, não se
introga dentro do sistema dos luandenses. (Ju44-4/142 )
−
415
416
detido (arrêté) et deitado (couché) : deitido
Cuca désigne aussi la tête au Brésil.
Luandino Vieira a très largement utilisé ce procédé. Nous n’en donnons que quelques exemples : desembecar
(desembocar/beco), frescuridão (frescura/escuridão), murmurrir (morrer/murmurar/rir), ouvisto (ouvido/visto),
pulupular (pulular/pular), ultimúnico (último/único). (LABA p. 127).
195
Ex. 911. Fui preso numa maka de homicídio que os meus amigos encontram-se todos
de[j]tido= (Ce65-5/178)
− absolvido (absout) et observado (observé) : observido
Ex. 912. eu fui observido (Ce65-6/178)
− repartir (répartir, diviser) et partilhar (répartir, partager) : repartilhar
Ex. 913. O lingala fala-se porque agora com a gue[“]a, essa coisa toda, foram
repartilhados os Angolanos que viviam no Za[»i]re. (Al23-6/47)
− malamba (ennuis) et malabarista (jongleur) : malambarista
Ex. 914. mas esta de malambarista, meus kambas, já não dá, é verdade. (Na55-5/239)
− nossa (notre) et esta (cette) : nosta
Ex. 915. Bem aqui, na nosta casa, não é (Ne13-30/21)
− morte (mort) et mutilado (mutilé) : mortelado417, et murtilado418 pour mutilado (mutilé)
Ex. 916. Mas a princesa foi corajosa e lá foi tirando algumas fotografias com os
“murtilados”, tentando de vez em quando fazer sorrir os sofredores (Ped@26/02/97)
Formes non fixées
Alternance de sons
Nous avons déjà observé au chapitre sur les écarts phonético-phonologiques419 que l’alternance des
formes musseque / musseco, fiote / fioto, etc., révèle une tendance à la variabilité du dernier son.
Les sons peuvent varier également à une autre position dans le mot et ne pas se limiter aux voyelles.
Il existe ainsi plusieurs usages en alternance pour une série de vocables. Nous avons vu qu’un
même locuteur peut employer deux formes alternatives d’un même vocable, y compris dans la
même phrase, ce qui laisse penser que ces variations sont le fait d’une instabilité, plutôt que des
variations diatopiques ou diastratiques, sans dire que ces raisons n’existent pas, ainsi funge est
certainement une forme plus lusitanisée que funji. Nous donnons ci-après des exemples de ces
variations qui portent sur les voyelles, sur les consonnes ou sur les deux dans le même vocable.
Nous ne tenons pas compte de variations qui ne seraient qu’orthographiques et ne traduiraient pas
de différences phonétiques. Le son alternatif peut aussi être nul, ce qui constitue pour nous une
alternance : alembamento / lembamento (dote traditionnelle) par exemple, ou [a] alterne avec ø.
a) Voyelles
Voici d’abord, sur des mots plus ou moins fréquents, des exemples de variations portant sur les
voyelles, qu’elles soient initiales, internes, ou finales. Ces variations portent sur toutes les voyelles,
avec une fréquence plus élevée en faveur de l’alternance e / i :
- sanzala, senzala420, habitations des ouvriers d’une exploitation agricole, village
- alembamento, alambamento, lembamento, présent que le futur mari fait à la famille de sa fiancée
- bituiti, bituíte, espèce d’oiseau
417
Informateur : Constâncio.
418
Trouvé dans un courrier électronique : Ped@26/02/97.
419
paragraphe 2.3.1.6.
420
La forme senzala est celle qui a été retenue au Brésil. Ce mot recouvre aujourd’hui une notion socio-historique
depuis l’œuvre de Gilberto Freire Casa Grande e Senzala.
196
- maboque, maboca, espèce de fruit comestible à coque
- mulôji, mologe, muloji, sorcier aux pratiques maléfiques
- muxixe, muxíxi, espèce d’ arbres
- muzongué, muzongue, muzonguê, plat typique à base de poisson
- salalé, salalê, sualalé, sualalê, sualala, termite
- seixa, sêxi, sexa, sêxa, petite antilope
- trumuno, tremuno, football
- tuji, tuge, merde, saleté
- sungui, sungue, lieu de veillée
- mundele, mindele, mundelo, homme blanc ou clair, ou noir qui vit à l’européenne
- quissanje, quissanji, instrument de musique, métallophone, appelé sanza dans d’autres pays
d’Afrique
- camabuim, camabuinhi, mabuínhi, mabuinho, sans dents, ou dont des dents manquent
- kasule, caçula, cadet
- chicronha, chicoronha, chicronho, descendant des colons de Madère ou Angolais blanc de la
région de Lubango
- chimbeco, chimbeque, habitation précaire
- dikixi, diquixe, monstre
- cafife, cafifi, pet silencieux
- madalena, madaleno, policier
- biaque, biaco, individu grossier de race blanche
b) Consonnes
Ces alternances peuvent aussi ne porter que sur les seules consonnes. Les plus courantes sont : r/rr ;
mb/b ; k/tch ; d/r/l ; j/z/nz. On doit toujours les envisager pour décoder un terme inconnu :
- arimo, arimbo, arrimo, propriété agricole, champ cultivé, ferme
- mbambi, bambi, espèce d’antilope
- kindele, tchindele, blanc
- dicanza, ricanza, dikanza, bâton strié qu’on frotte pour marquer le rythme dans un orchestre
- sungadibengo, sungaribengo, moquerie adressée aux métis
- kitari, kitadi, argent
- diamba, liamba, riamba, cannabis, haschisch
- jimbo, zimbo, nzimbo, petit coquillage utilisé en umbanda, ayant servi de monnaie au 16ème siècle
- Zinga, Nzinga, Jinga, nom d’une célèbre reine
- nambi, tambi, fête mortuaire
- soba, sova, chef traditionnel
c) Voyelles et consonnes
Un certain nombre de mots dont nous ne donnons que quelques exemples se présentent sous des
formes faisant varier voyelles et consonnes à la fois :
- maruvo, marufo, malufo, malavo, maluvo, vin de palme ou vin de jus de caju
- javite, jabite, onjaviti, njaviti, njabitu, hache
- marimbondo, maribondo421, madimbondo, madimbonde, guêpe maçonne
- seripipi, siripipi, xiripipi, petit oiseau
- ngombire, ngombir, ngombelu, gombiri422, violeur
421
Ces deux premières formes, marimbondo, maribondo, existent au Brésil.
422
Ces formes rappellent toutes plus ou moins le mot portugais gabiru ou guabiru, qui a un sens voisin au Portugal et
au Brésil (voyou, filou, voleur) et dont l’origine est controversée selon HSSA.
197
Alternances des affixes
Comme nous l’avons vu, le mot muxoxo, qui désigne un bruit de bouche exprimant le mépris, existe
aussi sous la forme xoxo, qui est la forme primitive empruntée d’abord par le kimbundu au
portugais chocho, qui l’avait préfixé en mu- avant qu’un nouvel emprunt se produise dans l’autre
sens, vers le portugais d’Angola. La forme muxoxo est cependant beaucoup plus courante. Ce type
d’alternance portant sur les affixes existe de façon assez courante.
- kota, makota, dikota, personne plus âgée
- xukulular, kuxukulular, jeter un regard méprisant
- bengo, dibengo, mabengo, rat
En étudiant les créations de vocables par suffixation, nous avons vu423 que les noms des arbres
présentaient aussi une alternance, le nom en kimbundu continuant d’être en usage parallèlement à
un nom lusitanisé par le suffixe –eiro ou –eira : muxixe, muxixeiro; mulemba, mulembeira;
mbondo, imbondeiro; mafuma, mafumeira mupinha, mupinheira.
Ecarts sémantiques
Nous allons étudier sous ce titre, « écarts sémantiques », les altérations ne touchant que les
signifiés. Des signifiants identiques sont parfois employés avec un sens différent du sens portugais
normatif.
Nous avons donc relevé les éléments de notre corpus qui présentaient des écarts sémantiques avec
la norme portugaise, qui, sans être des néologismes, sont au moins des néosémantismes. Nous
constatons que deux phénomènes dominent : la polysémie et l’utilisation de ce que nous classerons
comme explétifs, autrement dit le gain de sens d’un côté, la perte de sens de l’autre. A un niveau
symbolique ensuite, les mots n’ont pas toujours la même portée en Angola, mais nous ne ferons
qu’évoquer ce phénomène.
Polysémie
Nous l’avons dit, le portugais du Portugal reste en Angola la référence en matière de norme
linguistique et par conséquent le vocabulaire portugais garde en Angola sa valeur et chaque vocable
y conserve potentiellement toutes ses acceptions. Le phénomène de polysémie dont nous
considérons qu’il altère la norme a pour effet d’ajouter à des vocables des sens qui ne seront
qu’angolais, et de permettre ainsi des possibilités nouvelles d’emploi qui seront senties comme des
anomalies et qui seront parfois difficiles à décoder, du point de vue de la norme portugaise.
Polysémie des verbes
a) pôr pour dar, fazer
Pôr (mettre) est sans doute le verbe portugais dont l’usage s’est, en Angola, le plus étendu à des
expressions inusitées au Portugal comme au Brésil où il se substitue dans des expressions courantes
principalement à dar (donner) et à fazer (faire), entre autres verbes, et sert aussi à créer de nouvelles
expressions sur ces modèles. La raison qu’en donne Óscar Ribas est une adaptation du kimbundu,
ce que confirme Luandino Vieira :
Este verbo serve em quimbundo (kuta) para formar novos verbos ; utilizei
o método para substituir os verbos portugueses (contar, fazer, dizer)424
423
Voir paragraphe 3.2.3.2.
424
LABA p. 287.
198
Chez Luandino Vieira, le verbe pôr est effectivement fréquemment employé pour dar (donner) ou
fazer (faire): nous avons par exemple trouvé pôr perguntas (fazer perguntas, poser des questions),
pôr explicações (dar explicações, donner des explications), pôr cócegas (fazer cócegas,
chatouiller), pôr chicote (chicotear, donner des coups de fouet), pôr chapada (dar uma chapada,
donner un coup), pôr soco (dar um soco, donner un coup de poing), pôr mentira (mentir, mentir),
pôr conversas (conversar, converser), pôr opinião (dar a sua opinião, donner son opinion)425.
Le verbe kuta en kimbundu est déjà largement polysémique. António de Assis Júnior donne dans
son Dicionário Kimbundu-português426 les acceptions suivantes : colocar (placer), situar (situer),
pôr (mettre), preparar (préparer), dispôr (disposer), aplicar (appliquer), sobrepôr (superposer),
esperar (espérer), aguardar (attendre), contar com (compter sur), fixar (fixer), estabelecer (établir),
contar (raconter), apostrofar (apostropher), dar (donner), vibrar (agiter), ferir (blesser), intercalar
(intercaler), meter (fourrer), amarrar (attacher), prender (capturer) et cuspir (cracher, dans kuta
mâte où mâte signifie crachat), à quoi s’ajoute, sous la forme pronominale kurita, aventurar-se
(s’aventurer) et intrometer-se (se mêler de). Joaquim Dias Cordeiro da Mata ne donne lui que trois
acceptions427, dont lançar (lancer) qu’Assis Júnior ne donne pas.
Óscar Ribas, dans son Dicionário dos Regionalismos Angolanos, consacre un long article au verbe
pôr428 et fait la liste de 58 usages angolais de ce verbe. Nous en extrayons ceux qui nous paraissent
les plus typiques :
- pôr remédio, injecção, appliquer un remède, faire une piqûre
- pôr-se nas suas coisinhas, mettre ses plus beaux habits
- pôr jinhanha, bâiller
- pôr quitembo, bufo ou xoto, faire un pet
- pôr falso, calomnier
- pôr jímbui, ímbuis, ou polegadas, manger comme un goinfre
- pôr quitúxi ou crime, commettre un crime
- pôr história, raconter une histoire
- pôr conversa, parler
- pôr quifunes ou cafuné, caresser la tête (geste typique429)
- pôr gaxaxa ou espirro, éternuer
- pôr mahaha ou gargalhada, éclater de rire
- pôr mintira ou mentira, mentir
- pôr dente, mordre
- pôr muxoxo, faire le bruit de bouche typique connu sous le nom de muxoxo
- pôr quixucuxuco, ou soluço, sangloter
Voici quelques exemples du verbe pôr dans cet emploi, dans des expressions citées ci-dessus et
dans des expressions nouvelles :
425
VIEC respectivement p.21, 56, 45, 66, 50, 65, 53, 57, et 160.
426
ASSC p. 236.
427
MTTA p.72.
428
RIBK, p. 231.
429
Le cafuné ou cafunê est aussi une réalité culturelle brésilienne. Óscar Ribas en donne la définition suivante : « Petit
claquement qu’on produit sur la tête de quelqu’un d’autre, comme si on y tuait un pou, et dont l’effet vise à
susciter la somnolence. » (RIBK p. 39, c’est nous qui traduisons). Roger Bastide a consacré un article à cette
pratique au Brésil sous le titre « La psychologie du cafuné » (Publié au Brésil en 1941 et récemment republié dans
Bastidiana Hors Série n° 1, édité par Bastidiana, Saint-Paul de Fourques, 1996). Il n’y fait nullement allusion à la
pratique africaine, ce qui n’a pas manqué de nous étonner.
199
Ex. 917. até os monandengues não estão mais pôr kizomba deles dos outros tempos.
(ROCA p. 67)
Ex. 918. como o sol a fazer queimada dele e a pôr susto nos bichos (ROCA p. 73)
Ex. 919. por isso o soba Ngolambole fez ajuntar toda a gente pra pôr maka (ROCA p. 85)
b) autres verbes polysémiques
A l’exemple de pôr, d’autres verbes, qu’il reste toujours possible d’employer comme au Portugal,
prennent un sens angolais, surtout dans la langue populaire. Nous donnons ici ceux que nous avons
relevés dans notre corpus, oral et littéraire :
- adiantar (avancer) pour começar (commencer, dans le sens de « se mettre à », fréquence élevée)
Ex. 920. sempre que vavó adiantava chingar-lhe de mangonheiro ou suinguista (VIEC
p. 17)
Ex. 921. ela adiantava pegar na lata - Jofre Rocha (LABA p. 161)
Ex. 922. Pandassala adiantou avançar intrigas - Boaventura Cardoso (LABA p. 161)
- haver (avoir) pour obter, conseguir (obtenir)
Ex. 923. A vida que eu faço aqui. Tou aqui a engraxar e quer dizer haver alguma moeda.
(Lo116-20/218)
Ex. 924. e todos os dias escutam-se essas línguas, mas não hão ensino mas não hão
tradição (Ju44-24/148)
- ter (avoir) pour haver (avoir)430 :
Ex. 925. Sim. Sim, tem outra, mas já tou esquecer. (Ma33-9/103)
Ex. 926. Assim, no mês de agosto, aqui tem um acampamento de moços e moças. (Ju488/169)
Ex. 927. Há pessoas que falam melhor o kimbundu do que… - Tem. Tem a minha avó que
fala kimbundu. (Au285/76 )
Ex. 928. Se tem confusão não tem cerveja. (CARB p.58)
Ex. 929. Tinha mais de dois meses a chuva não caía. (VIEC p.13)
Ex. 930. Tinha um dia assim com muito sol. (VIEA p.122)
Ex. 931. Tem uns mufetes na casa do Mário. (MDSA p.115)
Ex. 932. Se já tem lá as pessoa como é que é ilegal, se fosse ilegal tiravam de lá as pessoa.
(Ng135-14/243)
- falar (parler) pour dizer (dire) ou contar (raconter)431 :
430
L’emploi de ter pour haver est d’usage courant au Brésil. Bien que synomymes, et parfois équivalents, ces deux
verbes, auxiliaires ou non, ont des emplois différents. La préférence pour ter peut s’expliquer par la nondifférenciation de a (préposition ou article) et de há (haver à la troisième personne dans le sens de « il y a ») en
Angola et au Brésil : l’emploi de tem évite toute confusion.
431
Au Portugal et au Brésil, l’usage est différent en ce qui concerne l’emploi de ces deux verbes, falar et dizer. Falar
peut être employé au Brésil dans des cas où il ne peut l’être au Portugal. Le dictionnaire HSSA donne pour
régionalisme au Brésil, falar dans le sens de dizer, declarar, lorsque qu’il est transitif direct et bitransitif. Exemple:
ele (nos) falou que vinha. HSSA donne également comme “linguagem informal” (langue familière) falar que.
Exemples : foi exatamente o que se falou (com ele), falam que ele fugiu.
200
Ex. 933. Não, tanto mais que o próprio, a pessoa de Luanda não aceita de falar que a língua
dele ou é o kimbundu, ou o umbundu (Da26-26/65)
Ex. 934. há coisas memo que fica difícil falar (Da26-3/62)
Ex. 935. A minha mãe também há coisas ela tinha memo que falar em kimbundu (Da265/62)
Ex. 936. Bom a cabeça, eu falava à toa, assim que eu sentava, começava a falar à toa, falar
coisas que num dá. (Ja106-22/215)
Ex. 937. A maior parte das coisas que a malta fala em calão, os portugueses não entendem.
(Pa34-3/107)
Ex. 938. Eles falaram a verdade (RUIJ p.62)
Ex. 939. e me fala histórias complicadas e fantasias da cabeça dele avariada. (CARB p.40)
- contar (raconter) pour falar (parler)
Ex. 940. Aqui ainda não veio nenhum partido desses que estão a contar. (Augusto
Caxiquiômpolo - J.3 p.10)
- levar (emporter) pour trazer (apporter)
Ex. 941. A população tinha (e ainda tem) que recorrer ao « paralelo » e aos « esquemas »
para levar pão para casa. (Luís Barros - J.V.B.1-3 p.2)
- estar (être) pour ser (être)
Ex. 942. Aiué Lulu ué, era bom filho mesmo, não estava muito malandro como aquele
Manguço do diabo, ah! (ROCA p.20)
- ser (être) pour estar (être)
Ex. 943. Situação militar é calma em Cabinda (titre) (J.A.95/05/23, dernière page)
- procurar (rechercher) pour encontrar (rencontrer)
Ex. 944. Te encontrei não estavas (je suis allé te voir et tu n’y étais pas)432
- passar (se produire) pour haver (avoir) :
Ex. 945. Passou luta de arranhar, segura cabelos, insultos de ladrona, cabra, feiticeira.
(VIEC p.154)
- fazer (faire) pour ter (avoir)
Ex. 946. a mãe, (...) fez um acidente de trânsito (RUIJ p.31)
- parar (arrêter) pour mudar (changer)
Ex. 947. eu vou parar de parágrafo antes que dê seguimento a estas coisas ancontecidas.
(RUIK p.12)
- saber (savoir) pour pensar, acreditar (penser, croire)
Ex. 948. durante dois anos a família sabia que ele tá morto (Ki94-22/200)
- ouvir (entendre) pour sentir (sentir)
Ex. 949. hoje, ouvi a injecção433
- nascer (naître) pour gerar (engendrer), dar à luz (mettre au monde)434
432
L’exemple nous a été cité par Ana Paula Tavares.
433
RIBK, paragraphe 3 de l’introduction.
201
Ex. 950. eu mesmo que me nasceram no ventre de tua irmã Katerça não me conheces
mais ?! (CARB p.53) [est aussi une forme passive typique]
Ex. 951. A minha família também veio lá de cima, há muito tempo; a minha mãe ainda não
era nascida. (FONA p.39)
Polysémie des substantifs et adjectifs
a) Distinguer la polysémie de l’homonymie
Il ne faut pas confondre la polysémie avec l’homonymie et, bien qu’il existe peu d’homonymies,
certaines se sont créées dans le portugais d’Angola. Nous donnons l’exemple de maka, mot
d’origine kimbundu, qui signifie conversation, dispute, et qui est l’homonyme de maca (civière),
par pure coïncidence phonétique. Nous en signalons quelques autres du même type :
cuca (marque de bière) / cuca (tête, au Brésil)
coche (petite quantité) / coche (carosse)
leio (d’une autre famille) / leio (je lis)
mambo (machin, sujet de conversation) / mambo (rythme de danse)
puto (Portugal) / puto (gamin)
b) Emprunts polysémiques
Deux emprunts du kimbundu, cacimbo et kalunga, témoignent du phénomène polysémique des
substantifs dans le portugais d’Angola. Cacimbo signifie en effet aussi bien hiver, pluie, ou
brouillard, selon un contexte qui ne suffit pas toujours à préciser le sens, et kalunga signifie haute
mer, mort, ou Dieu.
c) Extensions de sens du vocabulaire normatif
L’extension de sens du vocabulaire portugais normatif se produit aussi et nous en avons relevé
quelques unes. Les voici avec quelques commentaires et exemples :
- pau (bois) pour árvore (arbre)435
Ex. 952. as folhas dos paus (VIEC p.142)
Ex. 953. O capim, os paus pequenos. (ROCA p.55)
Ex. 954. Na sanzala só queria brincar nas corridas, pelo capim, atrás dos kinjongos, ir tomar
banho no rio, subir nos paus. (CADD p.25)
- alheio, parfois réduit à aleio ou leio (qui n’est pas de la famille)
Ex. 955. Tirou mesmo a vaca do curral alheio e foi para o muxito. (FONA p.9)
Ex. 956. vinham assim acordar o sono leio, sem respeito (VIEC p.65)
Ex. 957. beijo roubado no marido aleio (CARA p.40)
Ex. 958. Pra quê aceitar o velho alheio ? (RIBE p.57)
- cabrito (chevreau) pour quarterão (quarteron436)
Ex. 959. sou cabrito porque sou fruto de um casamento de uma senhora mulata com um
branco. (Paulo Jorge - J.A.96/02/11 p.10)
- banda (bade, groupe, côté), pour país (pays)
434
A la question « Quando é que nasceste ? », une réponse angolaise peut être « Eu ainda não nasci, a minha mãe é que
me nasceu », l’équivalent du verbe nascer n’existant pas en kimbundu, mais seulement celui de parir.
435
Le dictionnaire Aurélio indique que ce mot est également employé dans ce sens dans le Nord-Est du Brésil.
436
Fils d’un blanc et d’une métisse, en Angola.
202
Ex. 960. Vamos mandar lá para a banda dele. (Na55-14/239)
- bote (bateau), pour carro (voiture)437
Cette extension est le produit d’une métaphore.
Ex. 961. Os homens da Sonangol andam com umas políticas de distribuição de combustível
que um dia destes grande parte das pessoas com carro vai ter que deixar os botes no cubico.
(Si104-15/213)
- fã (fan), pour ídolo (idole)
Cette curieuse inversion de sens est constatée chez plusieurs locuteurs.
Ex. 962. Tem algum fã em particular ? (Ch00-12/41)
- pioneiro (pionnier), pour criança (enfant)
Pioneiro est un exemple de polysémie par décalque due à la période marxiste438.
- contrato (contrat), pour trabalho forçado (travail forcé)
Pour des raisons historiques, le mot contrato évoque aussi en Angola le travail forcé.
Polysémie par paronymie et ellipse
a) La paronymie
La paronymie, qui consiste à employer par erreur un mot de forme voisine et généralement de sens
voisin, est aussi une raison pour attribuer à un mot un sens qu’il n’a pas. Dans leur appropriation de
la langue portugaise, les locuteurs angolais produisent des paronymies en donnant à un mot le sens
d’un mot voisin par sa forme. En voici quelques exemples :
− revistar (passer en revue) pour visitar (rendre visite) :
Ex. 963. ainda tinha ido revistar um parente que trabalha no Ministério das Pescas (RUIM
p.75)
− ter a haver (avoir à avoir) pour ter a ver (avoir à voir)
Ex. 964. Nada mais tenho a haver com o assunto. (RUIM p.82)
− decisivo (décisif) pour decidido (décidé)
Ex. 965. então neste momento tou decisivo, tá dito (Fe96-5/204)
− remarcar (remarquer) pour marcar (marquer)
Ex. 966. Coisas que acontecem e remarcam o dia a dia luandense. Jo129-29/228
- expressions avec vez (fois) : cada vez, muitas vezes
Un sens nouveau est parfois donné à cada vez (chaque fois), et c’est celui de talvez (peut-être).
Nous attribuons au phénomène paronymique le sens nouveau donné à cada vez, qui parfois s’écrit
dans ce sens en un seul mot :
Ex. 967. Cada vez ganho três contos, amanhã ganho quatro, sempre assim (Ce84-1/193)
Chez un écrivain, l’expression agglutinée se réduit à adavez par aphérèse et garde le sens de talvez,
reflétant ainsi une pratique populaire :
Ex. 968. Adavez saiu – lhe respondeu a vizinha. (LEMA p. 69)
De même, le sens de « probablement » est celui de muitas vezes (normativement : souvent) dans
certains contextes :
437
HSSA signale également bote dans le sens de carro dans la langue familière du Portugal.
438
Voir paragraphe 3.2.2.11.2.
203
Ex. 969. comeu-lhes todas, muitas vezes era isso que tinha-lhe feito mal. (VIEC p.27-28)
b) L’ellipse
Une autre altération de sens se produit par ellipse, soit par la suppression d’un élément de
l’expression dont celle-ci ne peut se passer selon la norme :
- conseguir pour conseguir saber
Ex. 970. Você já não consegue se é do Huambo se é do Lubango porque todos falam
umbundu. Da26-15/67
- colocar (placer) pour colocar um golpe (mettre un coup) ou atacar, assaltar (attaquer)439
Ex. 971. existem também moças bandidas porque há moças que tão aí a treinar karaté,
muita das vezes mete roupa bonita, a pessoa vai naquela, pronto, dá-lhe boleia, ela que te
coloca e muita das vezes combina com os marginais. (Lo142-5/231)
Ex. 972. pensamos dar boleia mas pronto pá nunca sabemos se é boa pessoa, se é pessoa de
má fé. Assusta. A pessoa tá colocada... (Lo142-1/231)
Explétifs ?
Embora, só, mesmo, ainda, et quelques autres adverbes, sont en apparence, en Angola, dans certains
énoncés, vidés de leur sens normatif et employés avec un autre contenu sémantique ou une autre
valeur que la valeur sémantique. Ces mots se comportent plutôt comme des explétifs, ou comme des
unités dont le contenu sémantique n’est pas intrinsèque mais uniquement dépendant du contexte. Ils
gardent leur emploi normatif dans d’autres contextes et ne sont déroutants pour une oreille
européenne que dans ce rôle. Lorsqu’un Angolais dit me dá só água (donne-moi de l’eau), il n’y a
aucune idée de restriction, que só semblerait pourtant contenir, et l’équivalent normatif est dá-me
água. Nous faisons le parallèle avec ce qu’a remarqué Gabriel Manessy dans le français du
Cameroun :
Le discours des usagers du français camerounais, à tous les niveaux de
compétence, comporte la récurrence incessante d’un petit nombre d’adverbes et
de locutions : même, là, comme ça, comme ça là, c’est-à-dire, mais, aussi.
L’examen du corpus montre que la distribution de ces termes n’est que rarement
conforme aux règles qui régissent leur emploi en français standard, mais qu’elle
n’est pas pour autant aléatoire.440
La perte du sens normatif est évidente, mais il y a encore à chercher sur la nouvelle valeur de ces
mots. Gabriel Mannessy leur suppose une fonction assertive ou démarcative. Nous faisons
l’hypothèse que, pour compenser une perte d’intensité de l’accent tonique, les explétifs ont en
Angola une fonction démarcative. Ils contribuent en tout cas à la spécificité de la phraséologie
angolaise441.
Nous donnons ci-dessous quelques énoncés où deux de ces explétifs sont employés, puis nous les
présentons un par un avec des exemples :
Ex. 973. me deixa inda ver só quanto é (CARB p.32)
Ex. 974. Diz só! Fal’então! ? (VIEC p.19)
Ex. 975. Vê só, vavó, vê ainda, mira bem! (VIEC p.19)
439
HSSA donne colocar comme regionalisme d’Angola avec ce sens. Ex.: uns bandidos do
musseque colocaram-me ontem à noite.
440
MNSA p.93.
441
Voir paragraphe 0.
204
Ex. 976. Deixa lá, num fica só zangado, Titino. Ouve ainda : tenho aqui uma coisa boa...
(ROCA p. 23)
Ex. 977. Auá ! Dexa só, Ngana Chica ! Dexa agora a pequena embora. (Geraldo Bessa
Victor - CESA p.541)
Embora, mbora
La difficulté d’interprétation, notamment de embora, dont l’emploi en portugais normatif est assez
restreint et bien défini, plaide en faveur du classement de ce mot dans la catégorie des explétifs.
Luandino Vieira, à qui Michel Laban posait la question de la valeur de embora, illustre cette
difficulté :
Quase partícula de realce, como ainda. Não sei explicar o uso de embora
nestes casos (sobretudo com os verbos dar, tirar, pôr, etc.) tão comuns na fala
popular.442
Mbora / embora avec cette valeur d’explétif est le plus fréquent des mots de ce type dans notre
corpus :
Ex. 978. ele veio definitivamente, eu também vim, acabei por me vir embora (Ma32-1/87)
Ex. 979. os polícia começa mbora a receber as coisa do povo. (Co70-12/180)
Ex. 980. Como é, Kota ? Ó, meu kota. Kota tá mbora campar. (Di151-22/235)
Ex. 981. Carmita, tá mbora um kota que tá te chamá. (Jot@14/03/97)
Ex. 982. São boatos. Não, risquem essa palavra [mijimbo] e escrevam MUJIMBOS, essa é
que e mais nossa, é mbora nossa, como cantou o Carlos Burity. (Jan@13/10/1997)
Ex. 983. Garina está mbora calada, está falar nada (CARB p.60)
Ex. 984. mangar pessoas que estavam ‘mbora passar (ROCA p.11)
Ex. 985. Por isso, todos os dias, Zefa vigiava embora sua galinha (VIEC p.153)
Ex. 986. Me dá ’mbora cinco tostões! (VIEC p.170)
Ex. 987. E montaram mbora. (Chicoadão - J.A.95/04/01 p.7)
Ex. 988. porque lhe obriga a andar mbora sem banga de sapato de salto-swing (Chicoadão
- J.A.93/04/18 p.3)
Ex. 989. Quero mbora trocar a roupa (António Fonseca - L.&O.40-45 p.35)
Ex. 990. Você também pode despachar um camarada qualquer embora. (RUIM p.65)
Ex. 991. Esta hora estamos mbora brincar de está-quieto (LEMA p.13)
Só
Ex. 992. mas não conhecemo só donde é. (Sa82-1/189)
442
Luandino Vieira - LABA p.219. Chez Luandino Vieira, qui va dans ses propres textes au-delà de l’usage populaire,
mbora (ou embora) est employé avec les verbes suivants : brincar (jouer), dar (donner), casar (se marier), deixar
(laisser), devolver (remettre), dizer (dire), encontrar (rencontrer), esquecer (oublier), fugir (fuir), lavar (laver),
morder (mordre), prender (faire prisonnier), querer (vouloir), regressar (revenir), sair (sortir), ser (être), trabalhar
(travailler), vadiar (vagabonder), vir (venir), vigiar (surveiller), voar (voler). Ces verbes ont été relevés par Michel
Laban, LABA p.219.
205
Ex. 993. Nem a DINIC nem os familiares ninguém aparece só para reconhecer (Lo975/206)
Ex. 994. Calma só, Zeca. (RUIJ p.15)
Ex. 995. Num zanca só. Gente está brincar... (RIBA p.85)
Ex. 996. Eu a ficar só mais velho e aqui o serviço é só algodão. (FONA p.265 p.28)
Ex. 997. Não adianta lhe bater, praquê só?! (Dudu Peres - A.R.L.)
Ex. 998. Ele estava mesmo só zangado (CADE p. 99)
Mesmo
Ex. 999. Ali mesmo só mesmo embarcação grande. (CARB p.92)
Ainda
Ex. 1000. Pioneiro, ajuda ainda aqui. -Pediu uma rapariga que transportava grades de
cerveja para dentro de um quintal. (RUIK p.30)
Ex. 1001. Vavó ?! Ouve ainda, vavó!... (VIEC p.16)
Autres cas isolés
D’autres mots dont le rôle semble apparenté ont attiré notre attention :
−
até assim (même comme ça)
Lorsqu’on s’attendrait plutôt à até mesmo (et même), ou até agora (jusqu’à maintenant),
successivement dans l’exemple suivant, le locuteur emploie une association ne faisant pas sens avec
le contexte en portugais :
Ex. 1002. Não, não tem lucros (...) a partir daquele dia comprei até assim tou com ela uma
semana sem vender. Até assim não tenho lucro nenhum. (Vi75-22/183)
− coiso (truc)
Plus proche du tic de langage que d’un explétif, tel l’usage inflationniste en portugais européen de
« quer dizer » et « portanto », nous trouvons chez deux locuteurs l’emploi de coiso :
Ex. 1003. gritamos pa ele não coiso pa a moça não se reagir, então, coiso, conseguimos a m~
parar o Macaco. (Te89-26/196)
Ex. 1004. Prefiro cois= fazer isso e não roubar (Go86-27/194)
−
mais (plus)
Employé dans la formule courante Vamos fazer mais como então ? (Comment allons-nous faire
alors ?), mais ne semble rien ajouter sémantiquement :
Ex. 1005. Vamos fazer mais como ? (PICA p. 1)
Les images et les symboles
Un énoncé angolais s’éloigne aussi d’un énoncé européen ou brésilien par sa portée symbolique, et
par les images et connotations que des signifiants, identiques dans ces diverses parties du monde,
suggèrent à une oreille angolaise. Une étude fine serait à faire sur les images et les symboles dont
sont porteurs les mots de la langue portugaise pour les Angolais. Nous nous contenterons ici
d’évoquer cette question.
A propos de la tradition orale en Angola, qui imprègne toujours plus ou moins profondément la
culture angolaise actuelle, Emilio Bonvini, sur la manière de cette tradition de véhiculer une pensée
écrit ceci :
206
(…) ces paroles ne se présentent et se manifestent la plupart du temps
qu’enrobées dans des images, truffées d’allusions et de mi-dires, d’analogies, qui
sont en fait des masques d’une pensée qui se donne à voir en se dérobant. Ces
images disent et ne disent pas, elles voilent plus qu’elles ne dévoilent. Il y a
derrière ce recours aux images une conception toute particulière de la vérité.
Celle-ci ne peut-être que partagée. Elle ne peut être atteinte que dans une
démarche initiatique : il faudra d’abord vaincre la fascination des images pour
accéder à une véritable connaissance. Mais cette initiation ne sera possible que
dans la confrontation et dans le dialogue, dans le face à face, où chacun
acceptera d’apporter sa propre moitié de vérité et d’atteindre la profondeur du
véritable « symbole ».443
Arco iris, l’arc-en-ciel, est par exemple un symbole voisin de celui du serpent alors qu’il est au
Portugal symbole de paix. C’est ce que nous apprend Arlindo Barbeitos dont nous donnons ici un
poème et son éclaicissement :
Catatos
Em haste verde
Baloiçando
Cacos de arco-íris
Em tarde de chuva444
O bom conhecimento de muitas figuras pressupõe o conhecimento do seu
significado nas culturas locais. Assim, por exemplo, o arco-íris, por vezes ligado
à cobra, representa tal como esta um poder maléfico. Ambos se inserem nas
cosmologias africanas que, descompondo-se pelo facto colonial, ressurgem, na
cultura popular actual, exprimindo-se em português ou línguas nacionais e
entremeadas de componentes europeus.445
Parfois, les images surprennent :
Ex. 1006. o javali do tempo anda à caça do cão que o caçou (ano@23/02/2002)
Il ne s’agit cependant pas d’un monde différent en tout, car la plupart des images et des symboles
restent plus ou moins les mêmes de la culture européenne à la culture africaine. Jugeons-en avec
macaco et cão, singe et chien, dans l’exemple suivant :
Ex. 1007. Em seguida, chamou-me ima, chamou-me imbua (macaco e cão) e esta era dos
piores insultos que havia na língua da tribo. (Hipólito Raposo - CESA p.598)
Conversion (changement de catégorie
grammaticale)
Le changement de catégorie grammaticale, qui enrichit un paradigme en puisant dans un autre
paradigme, est d’ordre lexical. Ainsi, le célèbre no antigamente (mot à mot « dans l’autrefois »)
tient-il lieu du normatif nos tempos antigos (dans les temps anciens), en faisant entrer ce qui était un
adverbe dans la classe des substantifs. Nous avons repéré plusieurs types de conversions que nous
avons classées selon le résultat : substantivation lorsqu’il devient un substantif, adjectivation
443
BOV1, p. 11.
444
BARA p. 20.
445
BARA p. 1.
207
lorsque le mot converti devient un adjectif, etc. Nous n’avons trouvé aucun changement de genre ou
de nombre.
Substantivation
a) substantivation des adverbes :
La substantivation des adverbes est bien une tendance, que Luandino Vieira a exploitée :
O uso e abuso da substantivação é um processo estilístico que adoptei
para conseguir maior concretude, maior materialidade. É baseado no processo
popular, não muito usual mas ainda assim corrente. Processo de registo
naturalista da linguagem popular : no dentro, no fora, no atrás, no afrente, usa o
povo.446
Chez Luandino Vieira, on trouve aussi : detrás, lá, onde, em cima, em baixo (derrière, là-bas, où,
dessus, dessous) parmi les adverbes de lieu substantivés. L’adverbe de lieu longe (loin) est déjà
substantivé en portugais (témoin le proverbe Devagarinho se vai ao longe). Mais on a aussi des
adverbes de temps : antigamente (anciennement), qui est le plus fréquent, agora, hoje, sempre,
antes, depois, nunca mais, ainda (maintenant, aujourd’hui, toujours, avant, après, jamais, plus,
encore). On trouve encore des adverbes de manière : assim, pouco-pouco, de repente, à-toa (comme
ça, très peu, soudain, à tort et à travers). Voici quelques exemples extraits de l’œuvre de Luandino
Vieira :
Ex. 1008. Ninguém que sabia o onde (VIEF p.22)
Ex. 1009. levou a menina no dentro (VIEE p.119)
Ex. 1010. no escuro maior do em baixo da escada (VIEF p.71)
Ex. 1011. capitães-mores dos antigamentes (VIEH p.22)
Ex. 1012. E acabara num repente como começara (VIEE p.153)
Ex. 1013. depois começaram apanhar, grão a grão, sem depressa (VIEC p.153)
Ex. 1014. para lavar a louça e a mesa de cimento com devagar (VIEC p.71)
D’autres écrivains font également usage de ce phénomène :
Ex. 1015. Assustou-se Feijó quando, num repente, toda a cidade mergulhou na escuridão.
(RUIM p.11)
Ex. 1016. a fadiga foi dando lugar ao sono e no depois, os corpos dos dois miúdos ficaram
abraçados no sonho quase comum (RUIJ p.44)
Ex. 1017. E, os velhos, que lhe tinham conhecido no antigamente, aceitavam concordar.
(SAND p. 12)
Ex. 1018. Boneca seguia então a marcha com devagar entre a multidão (SAND p. 13)
Ex. 1019. No olhar, mais velho tem receio no primeiro no depois habituação (CARB p.81)
Ex. 1020. terras, casa, luzes da cidade estão ficar no longe. (CARB p.84)
Ex. 1021. Balduíno vai no trás (OLIH p. 21)
Malgré cette exploitation abondante par les écrivains, nous constatons qu’aucun des locuteurs de
notre corpus oral n’a substantivé un seul adverbe, si ce n’est dans la locution prépositive atrás de
mim (derrière moi) qui est substituée par la forme à minha trás :
446
Luandino Vieira - LABA p.130.
208
Ex. 1022. Mas por exemplo, se à minha trás tiver a falar alguém (Pa34-15/109)
Nous pensons donc qu’il faut être prudent sur l’extension d’un tel phénomène et le considérer soit
comme la mise à profit d’un aspect pittoresque du portugais d’Angola provenant d’une partie du
continuum qui n’est pas présente dans notre corpus, soit comme la survivance littéraire d’une
tendance ancienne.
b) Substantivation des adjectifs
Non seulement ce changement de catégorie est plus rare chez les écrivains, mais encore il est lui
aussi inexistant dans notre corpus de façon nette (les rares adjectifs substantivés le sont de manière
normative).
Ex. 1023. apanhado nos flagrantes (VIEH p.118)
c) Substantivation des pronoms
Le fait est assez rare mais se produit chez les écrivains :
Ex. 1024. Esta boneca intão, lhe pertence no quem ? (GUED p. 18)
Nous donnons cet autre exemple de pronom substantivé chez Luandino Vieira qui, lui, en fait un
usage immodéré447 :
Ex. 1025. Verdade que perguntar saber quem que era o ele, a resposta é todos os
ventos. (VIEH p.94.)
Adjectivation
Là encore, nous constatons que notre corpus ne témoigne pas de cette pratique portée finalement par
les seuls écrivains. Le seul exemple que nous y ayons trouvé provient d’un texte humoristique :
Ex. 1026. Certo mesmo é que o nosso kitadi é mais fraldas do que outro (Na55-11/239)
Pronominalisation
L’adjectif possessif meu (mon) devient pronom personnel utilisé en apostrophe448, sans doute
comme réduction d’une expression du genre meu amigo (mon ami). Il remplit le même rôle que pá
(mon pote, mon gars, mec) fréquemment employé au Portugal. Seul cas de pronominalisation, son
emploi est cependant très vivant. Le voici dans une conversation entre deux policiers extraite d’un
feuilleton de la télévision angolaise :
Ex. 1027. Eh pá, ouve, eh pá pelos vistos dois indivíduos estão a espera de candongueiro, ó
meu, hem ? (Ac160-6/236)
Transitivisation des verbes
La transitivisation, qui rend transitif un verbe intransitif, s’accompagne d’une altération sémantique
dans le cas de nascer (naître), quand il prend le sens de mettre au monde. Aucun cas
d’intransitivisation n’a été trouvé.
Ex. 1028. desrespeitava a própria mãe que lhe nascera (VANC p. 21)
Ex. 1029. quem que me nasceu não me pode me nascer outra vez. (GUED p. 10)
447
On trouve les pronoms suivants chez Luandino Vieira, précédés d’un article et de toute évidence employés comme
substantifs : tudo, alguém, esse, nenhum, quem, ele, que, connosco (LABA p.132).
448
Cette particularité, d’abord argotique, est répandue également au Portugal et au Brésil.
209
Verbes pronominaux
a) Pronominalisation
Des verbes qui ne sont pas pronominaux sont parfois employés comme tels. Le rapprochement avec
un verbe de sens voisin, pronominal, peut expliquer cet écart. Voici trois exemples dont deux de
notre corpus oral :
− reagir (réagir) > reagir-se, proche de manifestar-se (se manifester)
Ex. 1030. gritamos pa ele não coiso pa a moça não se reagir, então, coiso, conseguimos a
m~ parar o Macaco. (Te89-26/196)
− comunicar (communiquer) > comunicar-se, proche de fazer-se compreeender (se faire
comprendre)
Ex. 1031. E só fala a sua língua e eu consigo me comunicar (Za31-21/82)
− desertar (déserter) > desertar-se, proche de ir-se embora (s’en aller)
Ex. 1032. Na tropa, cumpri a tropa, mas também infelizmente tive que me desertar porque
achava que era uma coisa inútil (Za31-20/81)
− desabar (tomber) > desabar-se, proche de desmoronar-se (s’écrouler)
Ex. 1033. Em época chuvosa, como agora, o bairro desaba-se em fendas. (Agostinho
Tchitata - J.A.95/04/03 p.13)
b) Dépronominalisation
Le processus contraire consiste à priver un verbe de son caractère pronominal sans vouloir en
changer le sens. Nous l’avons constaté chez nos locuteurs sur les verbes estabelecer-se (s’établir),
sentir-se (se sentir), adaptar-se (s’adapter) :
Ex. 1034. Depois do meu ~ depois de terminar o meu curso, estabeleç= num banco (Me111/17)
Ex. 1035. Como é que sentias naquela altura ? (Jo67-21/215)
Ex. 1036. Não, consegui adaptar facilmente. (Te12-28/20)
Antonomase
L’antonomase est un phénomène d’évolution lié à la culture et à l’ensemble du contexte extralinguistique. Certains noms propres deviennent en effet des noms communs pour des raisons liées à
l’écosystème.
Le nom de la monnaie angolaise, kwanza, est ainsi le nom propre d’un grand fleuve angolais. Il y a
sans doute une raison métaphorique à ce choix.
Le nom de personne devenu nom commun, et le plus représentatif de l’antonomase en Angola est le
mot baleizão, qui signifie glace ou sorbet. Baleizão était le nom d’un commerçant qui avait, en
1941449, popularisé la vente de glaces et de sorbets à Luanda. Son nom a donc été attribué au
produit par métonymie.
D’autres noms plus conjoncturels sont donnés et qui ne connaissent pas la longue vie de baleizão.
Nous donnons en exemple ramalho eanes pour désigner le vin rouge importé du Portugal pendant
que Ramalho Eanes en était président, là encore par métonymie.
Ex. 1037. E em casa dele passa ovos, dendém, carne e ontem quatro ramalho eanes (RUIJ
p. 54)
449
Détail donné par Óscar Ribas, RIBK p. 13.
210
Les chefs politiques et militaires laissent aussi leur nom à leurs partisans comme ici Daniel
Chipenda, dissident du FNLA au moment de l’indépendance :
Ex. 1038. ajudou no desalojamento dos chipendas (RUIK p. 22)
La langue populaire et argotique utilise aussi araldite, pour une personne « collante », du nom de la
marque de colle Araldite, et dans un registre plus argotique on utilise tejo, comme synonyme
d’idiot, de Tejo450, le fleuve portugais (le Tage), le rapport ici n’étant pas très évident, et braga, de
la ville portugaise de Braga pour désigné un blanc, mais aussi un ami.
ORGANISATION DES SIGNIFIÉS
Les écarts lexico-sémantiques de la langue portugaise d’Angola se créent, comme nous venons de le
voir, selon des processus linguistiques nombreux qui aboutissent à une chaîne sonore, le signifiant,
associé à un signifié, dans une association n’existant pas dans la norme portugaise, soit que le
signifiant lui-même y est inconnu, soit qu’il n’y est pas associé au même signifié. Après le
classement des signifiants selon les processus de création que nous venons de faire, nous allons,
sous ce titre « organisation des signifiés », nous intéresser aux signifiés, en observant les domaines
sémantiques dans lesquels ces écarts se produisent, et nous chercherons des liens entre ces
domaines et les spécificités historiques, géographiques et sociales de l’Angola. Nous ne ferons
cependant qu’aborder cet aspect, l’effleurer même, tout en ayant conscience qu’il s’agit d’une
question qui mériterait une étude à elle seule, étant donné l’importance culturelle du lexique, « objet
historique et anthropologique énorme et confus », selon la formule d’Alain Rey451 qui se trouve
illustrée en Angola de façon évidente.
Le travail lexicographique le plus important qui ait été publié sur la langue portugaise d’Angola est
le Dicionário dos Regionalismos Angolanos, d’Óscar Ribas. Nous nous pencherons d’abord sur ce
stock représentatif et fiable.
Nous avons nous-même recueilli un lexique de plus de 2000 entrées qui accompagne ce travail en
annexe et sur lequel nous raisonnerons de manière à chercher à recouper ce que nous aurons pu tirer
de l’ouvrage d’Óscar Ribas.
Nous nous posons esentiellement la question de savoir si les créations lexicales angolaises
correspondent à des besoins sémantiques.
Les champs lexicaux d’Óscar Ribas
Dans son Dicionário dos Regionalismos Angolanos, Óscar Ribas inclut un appendice où il regroupe
en 95 séries une partie du vocabulaire de son dictionnaire. Ces regroupements, plus ou moins précis,
rassemblent cependant significativement 1879 mots, c'est-à-dire environ la moitié de la totalité des
entrées de son dictionnaire. L’analyse sémantique proposée par Óscar Ribas sur le vocabulaire
recueilli par lui n’est donc pas complète puisqu’il n’a, somme toute, considéré qu’un mot sur deux.
Voici les titres des 95 séries initiales où on se rend compte qu’Óscar Ribas applique des critères de
précision très variables : Acampamentos ; Águas correntes e similares ; Águas lustrais ; Alimentos
rituais ; Amuletos ; Animais ferozes ; Animais sagrados ; Antílopes ; Apitos ; Armadilhas ;
Autoridades e dignitários ; Aves ; Bebidas ; Bruxedos ; Caracterizadores rituais ; Celeiros ;
Cereais e leguminosas ; Cestos e similares ; Currais ; Danças (carnavalescas e guerreiras) ;
Dançarinos rituais ; Deficientes ; Designativos de circuncisão ; Designativos Clânicos ;
Designativos depreciativos ; Designativos Matrimoniais, virgíndeos, adulterinos, de esterilidades e
dotais ; Designativos rácicos ; Designativos territoriais ; Designativos de viuvez ; Deuses ;
450
S’emploie davantage sous la forme inversé joté.
451
REYA p.5.
211
Dinheiro ; Embarcações e apetrechos ; Enfermidades ; Entes espirituais, sobrenaturais e suas
punições ; Entes fabulosos ; Escalões etários ; Esteiras ; Farinhas ; Fenómenos atmoféricos e
aquáticos ; Filhos idolatrados e outros de regime específico ; Fumadeiras e acessórios ; Golpes
ginásticos ; Grupos etnolinguísticos ; Habitações e bairros ; Iguarias e guloseimas ; Instrumental
músico ; Instrumentos divinatórios ; Incectos e aracnídeos ; Jogos infantis e outros ; Línguas ;
Médiuns ; Monstros e afins ; Noviços e agentes honoríficos ; Ocultistas, seus ustensílios e covis ;
Ofícios ; Ornatos ; Paramentos rituais e materiais afins ; peixes ; Peneiras ; Penteados e
tatuagens ; Plantas comestíveis herbáceas e tuberculosas e suas produções ; Plantas de chá ;
Plantas forraginosas e afins ; Plantas frutíferas e silvestres e seus frutos ; Plantas industriais e de
outras serventias ; Plantas medicinais e seus frutos ; Plantas oleaginosas e seus frutos ; Plantas
piperáceas e seus frutos ; Plantas rituais e seus frutos ; Poços ; Potes e bilhas ; Povos ; Pulgapenetrante ; Recintos sagrados ; Refeições ; Rendas ; Resinas ; Rituais de Puberdade e de
Núpcias ; Rituais Mágicos, seus acessórios e locais ; Roedores ; Sacas ; Sáurios ; Serpentes ;
Servos ; Sexualidade ; Siglas ; Tabaco e estupefacientes ; Tambores ; Terrenos agrícolas e
florestais ; Transgressões e penalidades ; Transportes terrestres ; Tratamentos familiares e
deferência ; Trombetas ; Vermes e miriápodes ; Vestes. 452
Dans un premier temps, nous donnons dans un tableau ci-après 93 champs qui représentent ce que
nous extrayons du travail du lexicologue angolais en restant le plus près possible du choix d’Óscar
Ribas et avec le souci de garder un regroupement par champ lexical. Cette ventilation représente
donc 93 groupes de 1 à 130 vocables. Óscar Ribas lui-même avait fait un premier regroupemenent
de Línguas (langues), Povos (peuples) et Grupos etnolinguísticos (groupes ethnolinguistiques). Il
regroupait par ailleurs les sigles que nous avons renommés « Politique », puisqu’à l’exception d’un
seul terme, une marque de bière qui a rejoint le champ « Boissons », les sigles ne désignaient que
des mouvements et partis politiques.
Dans notre tableau, nous classons les champs par nombre de vocables, du plus riche au moins riche.
452
RIBK p. 309. (Tous ces termes sont traduits dans le tableau intitulé “Tableau des séries d’Óscar Ribas avec le
nombre de vocables par série ».)
212
Mets et gourmandises
130
Terrains agricoles et
forestiers
22
Rituels magiques,
accessoires et lieux
105
Appellations dépréciatives
19
89
Appellations matrimoniales,
virginales, adultérines, et
sur la stérilité et les dotes.
18
80
Echelle d’âges
18
Appellations de
circoncision
16
Coiffures et tatouages
15
Appellations territoriales
14
Plantes oléagineuses et leurs
fruits
13
Ornements
Plantes fructifères et
sylvestres et leurs fruits
Etres spirituels et
surnaturels et leurs
châtiments
Plantes médicinales et leurs
fruits
Jeux d’enfants et autres
7
Plantes à tisane
6
Pots et cruches
6
Sacs
6
Monstres et autres
6
Transgressions et pénalités
6
Phénomènes
atmosphériques et
aquatiques
5
Eaux lustrales
5
Dieux
5
Médiums
5
13
Arts martiaux
5
Instruments de musique
13
Broderies
5
Marques rituelles
12
Tabac et stupéfiants
5
Esclaves
12
Basses-cours
4
Farines
11
Puits
4
Céréales et légumineuses
11
Puce pénétrante
4
Groupes ethnolinguistiques
11
Tamis
4
Rongeurs
10
Aliments rituels
4
Eaux courantes et autres
10
Amulettes
4
Paniers et autres
10
Animaux sacrés
4
Objets pour fumer
10
Instruments de divination
4
Novices et agents
honorifiques
10
Espaces sacrés
4
Sigles politiques
10
Campements
3
36
Tambours
10
Greniers
3
34
Plantes pipéracées et leurs
fruits
9
Vers et myriapodes
3
33
Repas
8
Nattes
3
Animaux féroces
8
Professions
3
Serpents
8
Transports terrestres
3
Trompettes
3
Sifflets
2
Danseurs rituels
2
Etres fabuleux
2
Résines
2
Appellations de veuvage
1
73
Oiseaux
68
Plantes industrielles et leur
emploi
68
Antilopes
64
Poissons
64
Boissons
50
Autorités et dignitaires
46
Danses (carnavalesques et
guerrières)
44
Occultistes, leurs ustensiles
et leurs repaires
43
Sexualité
43
Plantes herbacées et
tubéreuses et leur
production
Plantes rituelles et leurs
fruits
Apellations en lien avec la
race
Habitations et quartiers
Paramètres rituels et
matériel en rapport
Sorcelleries
38
37
37
Traitement familier et
déférence
33
Vêtements
31
Plantes à fourrage et autres
8
Déficients
29
Pièges
8
Maladies
28
Sauriens
7
Insectes et arachnides
27
7
Enfants idolâtrés et autres
régimes spécifiques
Embarcation et leur
équipement
24
Rituels de puberté et de
noces
7
Argent
22
Appellations claniques
7
Tableau 16 : Séries d’Óscar Ribas avec le nombre de vocables par série
L’observation de ce premier tableau permet de constater que c’est dans les champs liés à la
nourriture, à la nature et aux croyances que le vocabulaire s’est le plus largement créé. Nous avons
213
ensuite regroupé ces 93 séries sur des critères plus larges, de façon à rendre plus évident les 16
domaines principaux. Voici dans un tableau la répartition de ce vocabulaire :
Religion (superstitions, rites et coutumes traditionnels,
occultisme)
Faune
Flore
Alimentation (cuisine, nourriture, boissons, repas)
Société (vie sociale, loi, relations)
Personnes
Santé
Objets
Arts (musique, danse, artisanat)
Espaces (espaces de vie et de travail)
Sexe
Commerce
Nature (phénomènes et éléments naturels)
Loisirs
Politique
Produits
Total
422
263
242
199
159
108
101
100
90
86
43
22
15
12
10
7
1879
Tableau 17 : Séries d’Óscar Ribas regroupées par thèmes plus larges
L’importance dominante des termes se rapportant de près ou de loin aux questions religieuses n’est
pas surprenant puisqu’Óscar Ribas a étudié toute sa vie ce domaine. Si nous n’avons pas rencontré
dans des contextes en portugais la plupart de ces termes, nous ne pouvons pas affirmer qu’ils ne
l’ont jamais été, mais il nous semble évident qu’Óscar Ribas n’a pas eu forcément le souci dans ce
domaine tout au moins de les repérer dans un contexte en langue portugaise pour leur donner droit
de cité, l’essentiel pour lui étant le rite ou l’objet, inexistant dans la culture portugaise. Il nous est
également permis de penser que la même attitude s’est répétée pour l’alimentation, autre domaine
de prédilection de l’auteur. On peut d’ailleurs constater que dans ces domaines, son dictionnaire
donne des expressions entières en kimbundu, et qu’un bon nombre de termes sont indiqués comme
« termes kimbundu » et non comme provenant de cette langue.
Le même correctif ne nous paraît pas applicable aux autres domaines, c’est pourquoi il faut
considérer comme remarquable le nombre de termes ayant trait à la nature, si on réunit la faune, la
flore et les phénomènes naturels (520).
L’abondance du champ de la société (159 termes) traduit aussi bien le besoin de nommer les
pratiques sociales africaines que les particularités de la vie coloniale, de même que le champ des
personnes (100 termes) reflète le souci de l’apparence et du statut social.
La santé, les objets et les arts ont également une importance relative, où on peut lire la différence
entre les pratiques africaines et les pratiques européennes.
La faible importance du champ du commerce (22 termes) peut être expliquée par le fait que ce
commerce était surtout d’inspiration européenne et venait avec son vocabulaire.
Les champs lexicaux de notre lexique
La nature du travail d’Óscar Ribas, sa façon de travailler, ses centres d’intérêts dominants, sont fort
différents des nôtres, et nous avons déjà fait allusion à sa profonde connaissance de certains
214
domaines comme les croyances et l’art culinaire. Dans notre cas, nous nous sommes contenté de
collecter les vocables attestés dans un contexte écrit ou oral en langue portugaise.
De manière à comparer notre collecte de vocables à la sienne, nous avons attribué un critère de
classement sémantique à toutes les entrées de notre lexique pour lesquelles c’était possible, les mots
grammaticaux échappant à ce type de critère.
Nous n’avons pas cherché à calquer notre classement sur les séries d’Óscar Ribas, pour les raisons
que vous venons de citer, et aussi parce que notre but n’est pas d’en faire une comparaison fine,
mais plutôt de discerner les domaines les plus créatifs. Beaucoup de termes relevés par Óscar Ribas
ne sont pas présents dans notre lexique et vice versa, ce qui s’explique par le fait qu’il n’en a luimême classé que la moitié, mais aussi par la différence de point de vue, et parce que les corpus sont
différents, les époques de référence le sont aussi, les lieux, etc. Il y a fort à parier que si le
dictionnaire de Geraldo Bessa Victor avait vu le jour, il présenterait également un pan de
vocabulaire non contenu dans celui d’Óscar Ribas comme dans le nôtre453.
On observera ci-après un tableau contenant les champs lexicaux de notre lexique : 16 d’entre eux
obéissent ainsi aux mêmes critères que les 16 champs regroupés à partir du classement d’Óscar
Ribas et 14 autres sont nouveaux. Nous avons ainsi classé 2172 entrées.
453
Ce dictionnaire que Geraldo Bessa Victor prétendait avoir préparé se trouve certainement quelque part au Portugal
où il a vécu la fin de sa vie.
215
Personnes (couleur de peau, peuples, descriptif physique)
Actions*
Objets
Alimentation
Faune
Flore
Sentiments (sentiments, caractères, comportements)*
Religion (rites et coutumes religieuses, superstitions, occultisme)
Société (vie sociale, relations, loi, travail)
Espaces (espaces de vie et de travail)
Parole*
Arts
Commerce
Délinquance*
Loisirs
Corps*
Santé
Sexe
Temps*
Nature (phénomènes et éléments naturels)
Qualité*
Politique
Guerre*
Civilités*
Mots grammaticaux (pas de champs lexical particulier)
Quantité*
Produits
Sons*
Visuel*
Matière*
Olfactif*
Total
256
215
190
158
143
134
121
111
111
91
85
65
65
63
57
34
28
27
27
26
25
24
18
18
18
16
14
12
10
7
3
2172
Tableau 18 : Champs lexicaux de notre lexique
Parmi les domaines les plus créatifs, la faune et la flore, si on leur ajoute les phénomènes et
éléments naturels, rassemblent 306 entrées. Óscar Ribas en avait réuni 520 dans cette catégorie.
C’est probablement le domaine où la nécessité de dénomination a été la plus grande, étant donné la
différence flagrante des milieux naturels européen et africain, mais aussi sans doute parce que la
nature est dans l’écosystème linguistique un référent particulier :
La nature est pour l’homme une source importante de son imaginaire, en
ce sens qu’elle est le monde phénoménal ambiant où il puise des signifiants, mais
aussi où il lit des signes. La nature reflète une sémantique faite d’ordre,
d’harmonie et de rythme; l’homme s’y intègre en jouant ce rythme.454
Nos autres champs communs avec ceux d’Óscar Ribas ne contredisent pas non plus, grosso modo,
ses regroupements. La différence majeure apparaît dans le champs de la religion pour la raison que
nous avons donnée plus haut. La différence sur le champ des personnes où nous réunissons plus du
454
HOUA p.77.
216
double de termes s’explique aussi par le fait qu’Óscar Ribas ne s’est pas intéressé à ce champ en
tant que tel, mais que nous l’avons obtenu en regroupant ses champs consacrés aux esclaves, aux
infirmes, aux appellations en lien avec la race, aux groupes ethnolinguistiques, etc.
Parmi les champs qui ne figurent que dans notre tableau, le champ des actions compte le plus grand
nombre d’éléments. Le regroupement est un peu fourre-tout, on y trouve les verbes les plus divers
pour désigner des gestes tels que maguelar-se (se suspendre) et tundar (frapper), des actions telles
que kíbua (chute) et kissende (reproche) et d’autres moins « actifs » tels que banzar (penser) et uafu
(mort). La remarque que nous faisons pour cette série est que ce vocabulaire n’obéit pas à la même
nécessité que celui de la nature ou de la religion, car ils ont pour la plupart un équivalent courant en
portugais utilisé en Angola. C’est le cas de tous ceux que nous venons de citer.
Le vocabulaire des sentiments non plus n’a pas été regroupé par Óscar Ribas. Nous l’avons élargi
aux caractères et aux comportements et 121 vocables y ont trouvé leur place. Les interjections
typiques, qui expriment émotions et sentiments, y figurent, mais la très grande majorité a un
équivalent usuel en Angola dans le portugais normatif : maiado (idiot), mangonheiro (paresseux),
banga (vanité), buamado (étonné), etc.
Un besoin sémantique variable
C’est la nécessité de donner un nom à un objet, à un concept nouveau, qui produit une néologie de
la dénomination. Cette nécessité a joué pour faire entrer dans le portugais d’Angola les noms de ce
qui n’existait pas dans la réalité portugaise, mais était présent dans la réalité de l’écosystème
angolais. A ce titre les objets et faits de civilisations, tout comme les essences de la flore et les
espèces de la faune sont des domaines ouverts nécessairement à la création, par l’emprunt et par les
autres procédés.
Un deuxième degré de nécessité est sans doute l’ignorance par les locuteurs d’un terme pour
désigner la réalité, même si ce terme existe. Dans ce cas, le recours à une autre langue où ce terme
est connu est alors naturel.
Un grand nombre des unités lexicales entrées dans le portugais d’Angola y sont sans aucun doute
entrées par nécessité.
Il est cependant évident que ces créations s’imposent aussi pour d’autres raisons. Nous le constatons
sur des mots nombreux pour lesquels l’équivalent portugais est courant. Ce n’est pas à un besoin
sémantique que répondent ces innovations lexicales, mais à un autre besoin, ou à d’autres besoins,
qui participent tous du besoin de s’exprimer, lequel a vraisemblablement dans ce cas des raisons
psycho-sociologiques.
CONCLUSION DE L’ÉTUDE DES ÉCARTS LEXICOSÉMANTIQUES
L’ampleur des écarts
Sans évaluer avec précision l’écart lexico-sémantique global de la langue portugaise en Angola
avec la norme du portugais du Portugal, on peut affirmer que la réalité de cet écart global n’est pas
d’une grande ampleur, et ce malgré l’apparition plus ou moins durable dans le portugais pratiqué en
Angola d’une grande quantité d’unités lexicales inconnues ailleurs. Si on applique des critères
d’importance en fonction de la fréquence et de la généralisation, et aussi de la durée de vie, les
vocables du stock angolais, bien que nombreux, n’envahissent pas tout énoncé produit par un
locuteur ou un scripteur angolais. Nous nous contentons dans ce travail de cette appréciation
217
générale mais nous avons la conviction qu’une étude chiffrée pourrait en être faite qui le
confirmerait.
Le problème de la dictionarisation est cependant largement posé par le stock de vocabulaire
angolais de langue portugaise : il y a une partie importante de vocables qui sont déjà dictionarisés,
d’autres qui n’ont pas à l’être et doivent rester dans les glossaires, mais le travail de dictionarisation
est à faire pour une bonne partie d’entre eux dont le public a besoin pour accéder aux productions
écrites angolaises. Les textes angolais de toute époque ne pourront quoi qu’il en soit être lus et mis
à profit par un public large que par l’accès à une base rassemblant ce lexique, énorme et très divers,
qui est encore à réaliser. L’étude de ce vocabulaire donne une importance pratique à toute recherche
sur la question par sa possible utilisation concrète immédiate.
Les nécessités de l’origine des écarts
lexico-sémantiques
Si la part la plus importante des innovations s’est faite en utilisant les ressources des langues
africaines et principalement celles de kimbundu (56 %), ce rôle est loin d’être exclusif : nous avons
inventorié beaucoup d’autres origines, et notamment les mots qui sont créés à partir de la langue
portugaise elle-même (18 %). La part dynamique de la langue portugaise se révèle de manière plus
visible que pour les problèmes phonético-phonologiques.
Les domaines créatifs sont en rapport avec la réalité du pays, notamment la nature, ce qui prouve la
nécessité de ce vocabulaire, mais d’autres nécessités, à chercher dans le domaine psychosociologique, existent.
La vie et la mort des écarts lexicosémantiques
Plus du tiers des écarts lexicaux sont des occurrences uniques. En soi, la présence d’un pourcentage
élevé d’écarts qui se révèlent être des hapax signifie qu’une grande partie des innovations ne se
généralisent pas. Un grand nombre de ces innovations ne sont pas reprises même par deux
individus. On constate également que certains écrivains reproduisent ce comportement populaire et
inventent un lexique propre qu’ils ne réutilisent pas eux-mêmes dans le reste de leur œuvre le plus
souvent. Ces comportements idiosyncrasiques et stylistiques posent cette même question de
l’identification d’un besoin d’expression, que nous posions au paragraphe précédent.
Deux systèmes
Là encore, comme pour les phénomènes phonético-phonologiques, on peut voir une tension entre
deux pôles qui sont aux deux extrémités d’un continuum. On peut trouver des énoncés totalement
exempt de marques lexicales angolaises comme on peut en trouver qui en sont truffés. Certains
individus sont capables volontairement de passer d’un extrême à l’autre.
Le lexique de la langue portugaise européenne se révèle inadapté aux besoins des locuteurs
angolais, la preuve en est l’emploi régulier d’un stock de vocables typiques, même s’il est assez
restreint, mais aussi la création de nombreuses unités lexicales dont une part est mise en circulation.
C’est dans l’ensemble de ces créations que nous voyons deux systèmes dont les potentialités sont
exploitées alternativement : le système propre à la langue portugaise et des mécanismes
typiquement bantu. Quelques créations argotiques semblent cependant ne pas obéir à ce schéma. La
création d’une unité lexicale peut se faire entièrement dans la langue portugaise comme c’est le cas
de desconseguir (ne pas réussir), entièrement dans le système bantu comme c’est le cas des
218
emprunts directs comme maka (discussion), mais aussi les deux système peuvent se trouver
superposés dans une seule création comme dans kudibotar (médire, cancaner) où le verbe kimbundu
kudibota entre dans le système morpho-syntaxique de la langue portugaise en se suffixant, ou
encore dans kapequeno (tout petit) où c’est le portugais pequeno qui admet le préfixe kimbundu ka-.
Stabilisation et généralisation
Pour terminer ce chapitre sur le vocabulaire angolais de la langue portugaise, dans le but de donner
une idée de la part stable, actuellement généralisée, et capable de se fixer et d’atteindre le statut
normatif lorsque celui-ci existera, nous donnons une série de 199 vocables dont nous avons
apprécié qu’ils avaient ces deux qualités de stabilité et de généralisation. Dans cette liste, nous
estimons cependant que moins de la moitié est d’un usage courant. Quelques-uns sont en usage au
Brésil.
acabritado (ressemblant à un quarteron), adiantar (commencer), aié (interjection qui marque
l'étonnement), aiué (cri d'étonnement, de lamentation ou d'extase), ajindungar (pimenter avec du
jindungo), aka (expression d'agacement ou d'étonnement), alheio (étranger, appartenant à autrui),
antigamente (l'ancien temps), avilo (ami), azeite-dendém (huile de palme), azeite-palma (huile de
palme), baco (personne ou animal stérile), baleizão (glace), banda (pays, région, angola), banga
(crânerie), bangão (très bien habillé), banza (zone sous l'autorité d'un soba, chef-lieu de cette zone,
ville, capitale), banzar (penser), bassula (coup de lutte pour faire tomber l'adversaire, lutte
traditionnelle), bate-papo (conversation), batucar (jouer du batuque), batuque (tambour, danse,
fête), bazar (partir, fuir, s'en aller), beça (bénédiction, bonjour), berrida (poursuite, expulsion,
action de courir), bessangana (dame, jeune femme ou jeune fille), bikuata (meubles, objets de la
maison), birra (bière), bitacaia (puce pénétrante qui se loge sous la peau des pieds), bombó (manioc
fermenté séché et grillé), buala (village), bué (beaucoup), buéréré (beaucoup), bumba (travail),
bumbar (travailler), bumbo (Noir), burututu (arbre à vertu médicinale indiquée pour les maladies
hépatiques), cabaço (virginité, hymen), cabiri (chien, animal domestique, ou d'élevage), cabrito
(quarteron), cacimba (grand trou creusé pour y conserver de l'eau de pluie, puits), cacimbar
(mouiller, couvrir de brouillard), cacimbo (hiver angolais, saison sèche qui s'étend de mai à octobre
selon les années, brouillard, petite pluie, air libre, rosée, humidité, gerçure, année), cacusso (variété
de poisson, perche, d'eau douce ou de mer), cadavez (peut-être), cafeco (jeune fille vierge), cafuné
(geste typique de la main de la mère sur la tête de son enfant), calcinha (surnom ou façon
d'interpeler, pour les Européens, un Africain qui cherche à bien s'habiller, ou à vivre à
l'européenne), calema (agitation de la mer provoquant de grandes vagues près de la côte quand au
large elle paraît calme), calulu (plat typique à base de poissson séché, huile de palme, gombos et
autres légumes variés), camanguista (traficant de diamants), cambriquite (couverture de coton),
camundongo (habitant de luanda, personne née dans l'ancienne région du Ndongo, habitant du Nord
de l'angola), candonga (commerce illégal), candongar (faire du commerce illicite), candongueiro
(contrebandier, traficant), candongueiro 2 (moyen de transport collectif urbain, taxi), cangonha
(tabac à forte odeur, chanvre), cangonhar (fumer), canjica (préparation à base de céréales, sorte de
soupe de maïs, plat à base de farine de maïs et de haricot, eau de vie), caparandanda (temps
colonial, temps ancien, années 50), capim (herbes), capinar (bêcher, nettoyer le terrain des
mauvaises herbes), capinzal (terrain recouvert d'herbes), caporroto (eau de vie, boisson fermentée à
base de céréales, la fermentation se fait parfois avec des piles, entraîne parfois la mort des
consommateurs, ne se vend que clandestinement), cartar (transporter), cassule (enfant le plus jeune
dans une famille, cadet), catana (machette, coupe-coupe), catorzinha (jeune fille d'environ quatorze
ans), caxico (jeune employé), caxinde (plante médicinale utilisée en infusion), colocar (attaquer,
tenir en son pouvoir), cubata (maison), cubico (maison, habitation), cuesa (chose), cutucar (toucher
du doigt ou du coude, taquiner), dendém (palmiste, noix de palme, genre de palmier), desbunda
219
(amusement, défoulement, fête), desbundar (s'amuser, se défouler, faire la fête), dibengo (rat,
souris), esquema (pratique illicite, plan, débrouillardise), estória (histoire, fiction, Nouvelle), euê
(expression d'étonnement), farra (fête), farrar (faire la fête), fixe (bien, bon), fuba (farine), funge
(pâte de farine cuite, à base de maïs, massambala, massango, sorgho, patate douce, riz ou manioc;
porte aussi le nom de pirão), gajaja (fruit connu sous le nom de caja au brésil), gajajeira (grand
arbre tropical connu au brésil sous le nom de cajazeira), garina (fille, petite amie), haka (expression
de répulsion, surprise ou horreur), ih (interjection pour signifier l’étonnement), imbamba (objets
personnels, bagages), imbumbável (incapable de travailler), jango (construction en pisé, circulaire,
avec un mur à mi-hauteur, pour prendre des repas et se réunir), jimboa (plante comestible
ressemblant à l'épinard), jindungo (petits piments très forts (capsicum spp), sauce préparée avec
eux), jindungueiro (arbuste qui donne de petits piments très forts), jingongo (jumeaux ou jumelles),
jinguba (arachide), kalu (de luanda), kaluanda (habitant de luanda), kalunga (mer), kamanga
(diamant, trafic de diamant), kamba (ami), kambuta (petit), kanaua (bon), kandando (accolade),
kandengue (petit enfant, petit), kanuka (femme, fille, nana), kanuko (jeune homme, enfant), kaputu
(portugais, portugal), kariengue (travail sans contrat), katolotolo (grippe, chute de cheveux), kaxexe
(oiseau au plumage gris-bleu, connu aussi sous le nom de celeste, ou peito-celeste), kaxexe 2
(furtivement, dans l'expression "de caxexe" ou "em caxexe"), kazukuta (paresse, désorganisation,
irresponsabilité), kazukuteiro (paresseux, indiscipliné), kijila (régime, diète, abstinence, tabou,
interdiction, préjugé, gêne), kilumba (jeune fille, femme), kimbanda (guérisseur, devin, sorcier),
kimbo (village), kinguila (personne qui se consacre au commerce illégal de devises, commerce
illégal de devise), kissende (réprimande, reproche, refus, opposition), kitari (argent), kizaka
(préparation à base de feuille de manioc pilées, cuites et assaisonnées à l'huile de palme), kizomba
(danse, fête, plaisanterie), koche (petite quantité), kota (adulte, ancien, vieux, conseiller, chef),
kubata (case, chaumière, maison modeste), kudibotar (parler, raconter), kumbu (argent), lanchonete
(petits établissements commerciaux où sont servis des repas légers), logo-logo (tout aussitôt),
luando (natte), mais-velho (aîné, personne plus âgée à qui on doit le respect), maka (dispute,
discussion, problème), mákua (fruit du baobab), malaika (chose ou personne sans valeur), malaiko
(fou), malembe (doucement, lent), mambo (machin, discours, sujet), manga (personne importante,
type), mangonha (paresse, tromperie), mangonhar (paresser), mangonheiro (paresseux), mano
(traitement familier qui souligne l'apartenance à un même groupe), marimbondo (guêpe maçonne),
matabichar (prendre le petit déjeuner), matabicho (petit déjeuner, pourboire, récompense,
bakchich), maximbombo (autobus, autocar), mbunda (fesses), meu (s'utilise pour interpeler un
proche ou s'adresser à lui), missangas (petites perles), mona (enfant), monandengue (enfant),
muadié (ancien, type), mufete (poisson grillé entier sur la braise et mangé avec sel et jindungo),
mujimbo (rumeur, faux-bruit, nouvelle), mulemba (arbre typique), mundele (homme blanc ou clair,
ou noir qui vit à l'européenne), musseque (bidonville de luanda), muxima (coeur), muxoxar (faire un
muxoxo), muxoxo (bruit de bouche accompagné d'une mimique exprimant le mépris, que font
surtout les femmes), muzongué (plat typique à base de poisson), ndengue (enfant), ngana
(monsieur, dame, madame), ngueta (blanc), Nzambi (Dieu), pancar (manger), pano (pagne, pièces
de tissu utilisées pour s'habiller et nouées selon une technique particulière), panquê (nourriture),
pato (personne qui va à une fête sans y être invité), pirão (même sens que funge), pôr (mettre, faire,
donner, etc, entre dans la composition de nombreuse expressions), putu (le portugal, le portugais),
quede (chaussures de sport, tennis), quimbandeiro (sorcier), quitanda (petit espace commercial,
petit magasin ou étalage, marché, foire), quitandeira (marchande, commerçante ambulante), salo
(travail, lieu de travail), sanzala (habitations des ouvriers d'une exploitation agricole, village), sapesape (sorte de fruit, anone; arbre qui donne ce fruit), semba (danse, mouvement qui consiste à
toucher du ventre son ou sa partenaire, en dansant), soba (chef traditionnel), sunguilar (se divertir à
la veillée), trumunar (jouer à la balle, au football, lutter), trumuno (football), tunda (expulsion,
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dehors!), ué lé lé (utilisé dans les chansons, comme "la la la" en français), vavó (grand-mère), xima
(même sens que funge et pirão), xinga (insultes), xingamento (imprécation, insulte), xingar
(insulter, maudire), xinguilar (entrer en transe, invoquer les esprits, être médium), xipala (visage)
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